Diverses considérations sur la notion de dangerosité
La dangerosité peut être définie comme étant un état, situation ou action, dans lesquels une personne ou un groupe de personnes font courir à autrui, ou aux biens, un risque important de violence, de dommage, ou de destruction. Sa prise en compte dans la sanction par le juge apparaît davantage comme une manière d’imposer à ceux qui ont commis une infraction d’une certaine gravité, une conduite irréprochable. Elle est la probabilité que présente un individu de commettre une infraction, soit contre les biens, soit contre les personnes. C’est un phénomène psycho-social caractérisé par des indices révélateurs de la grande probabilité de commettre une infraction contre les personnes ou les biens7. La dangerosité peut être présumée à partir de la nature particulière de l’acte commis (torture, actes de barbarie comme le terrorisme, le crime contre l’humanité), du mode opératoire (présence d’une arme, intrusion par effraction extérieure dans un domicile, empoisonnement). La notion de dangerosité a d’abord été historiquement théorisée par les criminologues positivistes. Ainsi, Lombroso (L’homme criminel) et Ferri (Sociologie criminelle) ont proposé des classifications des délinquants organisés autour du critère de la dangerosité. Les délinquants d’occasion sont plus facilement accessibles au traitement pénal que les délinquants d’habitude, si bien que la nuisibilité de ces derniers à l’égard du corps social appelle une réponse plus énergique. La dangerosité se mesure par la capacité du délinquant à récidiver, et peut être détectée, tant au regard de facteurs exogènes, que de facteurs endogènes. Pour les criminels nés et les criminels d’habitude, seules la mise à mort et la relégation garantissent une protection efficace de la société La défense sociale reprendra, après 1945, la notion de dangerosité, sous le vocable notamment de redoutabilité, mais en débarrassant les théories positivistes de leurs aspects les plus inhumains et les plus controversés. Dès les lois Bérenger de 1885 et 1891, le droit pénal s’inspirera de ces acquis de la criminologie pour diversifier les incriminations et les sanctions pénales, en fonction du profil du délinquant. Le droit pénal ne se fonde plus seulement sur le trouble objectif, causé à l’ordre social, mais aussi de façon plus subjective, sur la personnalité du délinquant et le niveau de dangerosité qu’il représente pour le corps social. Pour les délinquants dangereux, les peines principales et complémentaires visent la protection de la société. S’agissant des peines principales, la peine d’emprisonnement ferme, assortie d’une mesure de sûreté, constitue la réponse la plus sévère adressée aux délinquants dangereux. Durant cette période, toute mesure de traitement de faveur à leur égard, comme par exemple la libération conditionnelle, est exclue.
La sévérité de la peine applicable au récidiviste majeur
L’aggravation13 des peines encourues par un délinquant majeur d’au moins dix huit ans, en vertu de la récidive se cumule avec les aggravations spéciales pour d’autres raisons, ainsi qu’avec toute disposition complémentaire, telle que par exemple la fermeture d’un établissement prévue pour les cas spéciaux de récidive. Elle ne se cumule pas avec l’aggravation des peines principales prévues pour des cas spéciaux de récidive. Dans ce cas, l’aggravation spéciale prévaut. Cette aggravation, faut-il le préciser, diffère selon qu’il s’agit d’une récidive de crime après, crime ou de contravention après contravention. Le facteur commun réside dans le fait que l’infraction postérieure doit être commise, après que la condamnation antérieure est devenue définitive. Cependant, il n’y a pas d’aggravation en cas de récidive de crime à délit, ni même de crime après crime, si le premier a été puni d’une peine maximum de cinq ans, peine qui n’aurait pu résulter que de l’admission d’une circonstance ou d’une excuse atténuante. Il n’y a pas d’aggravation en cas de crime ou de délit politique et vice versa. Dans l’hypothèse d’une contravention, le délai entre la condamnation précédente devenue définitive et l’infraction qui la suit ne doit pas excéder un an. Les deux infractions doivent en outre avoir été commises dans le ressort du même tribunal. En cas de délit, le délai maximum est de cinq ans, sans aucune limite territoriale, et même les délits commis à l’étranger peuvent être pris en considération14. Lorsqu’il s’agit de crime, aucune limite, ni de temps, ni territoriale n’est fixée. Quoi qu’il en soit, l’aggravation ne s’applique qu’au maximum de la peine et dans chacun des trois cas, elle consiste dans un simple doublement de la peine .Pour le cas spécifique de la répression de la récidive en matière contraventionnelle, outre le doublement du maximum de la peine prévue par la loi, la juridiction compétente peut, s’agissant des contraventions des trois premières classes, prononcer une peine d’emprisonnement, dont le minimum ne peut être inférieur à cinq jours et le maximum supérieur à dix jours16. Cette aggravation de la sanction ne concerne pas les peines dites perpétuelles.
La prison comme milieu de guérison
La réhabilitation du récidiviste par la prison est basée sur l’idée générale que la cause principale du comportement délinquant se trouve dans la personne qui a commis l’infraction, et qu’un des moyens de diminuer les comportements délinquants est de transformer ou de guérir cette personne. Plusieurs hypothèses et théories ont justifié l’entreprise de correction des délinquants dans le système pénal. En simplifiant, on peut les résumer en trois grandes orientations. En premier lieu, on doit rappeler qu’au XIXe siècle, lors de la création des prisons et des maisons de correction, l’entreprise de correction avait une forte connotation morale, et la transformation du délinquant passait par la reconnaissance de la faute, grâce à l’isolement, la réflexion, la lecture de la Bible, etc. Plus tard, la criminologie d’inspiration positiviste niera le libre arbitre et postulera que le délinquant est déterminé par des causes biologiques, psychologiques ou sociologiques et est quelqu’un de différent des non délinquants. Cependant, on peut aussi concevoir que ceux qui enfreignent la loi ne sont pas différents de ceux qui la respectent, généralement, mais qu’ils ont soit appris des normes et des valeurs différentes de celles de la majorité ou qu’ils n’ont pas encore ou pas adéquatement appris certaines façons de faire, certaines normes, certaines valeurs dominantes. L’entreprise de correction est alors surtout une démarche d’information, d’éducation, de socialisation. Le régime progressif irlandais qui consiste en des faveurs diverses et successives, destinées à stimuler les efforts du détenu afin de l’amener à recouvrer sa liberté est l’un des moyens de guérison de la récidive29. On peut espérer empêcher la récidive des condamnés, en transformant leur personnalité intime durant l’exécution de leur peine 30. En effet, le récidiviste aux prises avec les vicissitudes de la vie carcérale, face à la déliquescence de sa vie sociale et familiale, seul entre quatre murs, peut se résoudre à ne plus jamais commettre un crime. La prison, dans une telle perspective, peut permettre au détenu de s’améliorer et de maximiser sa capacité de changer. Il peut arriver aussi que la prison réalise un interlude ou une pause, ou un interrègne dans sa carrière, pendant lequel il peut faire un bilan et prendre conscience de la voie où il est engagé et décider de faire quelque chose contre cela. Certains délinquants sexuels sont grandement aidés dans leur approche du futur, par le fait de savoir qu’ils ont été punis31. Dans cette perspective, on doit offrir à chaque sujet de l’univers carcéral la chance d’un nouveau départ. On doit multiplier des expériences soigneusement conduites et les évaluées par rapport aux types de délinquants32. La peine, pour parler comme Sutherland, exprime une hostilité envers non seulement un crime, mais aussi envers un criminel et dont la nature est de faire souffrir, doit être utilisée à l’amendement du criminel33. Ainsi, l’enfermement conduit le détenu récidiviste à mettre à profit la pause qui lui est imposée pour considérer de façon positive le chemin où il s’est embarqué et songer à mener une vie paisible,une fois sa peine exécutée, car il est un homme en attente de liberté appelé à réintégrer la société, après avoir purgé sa peine, après avoir payé sa dette34. Certes, cette peine ressentie à travers le corps et l’esprit peut l’amener à se conformer aux règles, à régulariser sa vie sociale, mais le travail, perçu comme cette activité de l’homme, appliquée à la production, à la création et productrice de valeurs constitue aussi un moyen non négligeable de lutte contre la récidive.
L’internement pour alcoolisme, toxicomanie et infirmité mentale
En France, les données immédiates de l’expérience, jointes aux statistiques, permettent de constater l’influence de l’alcoolisme sur la criminalité et plus généralement sur les comportements antisociaux. Pour juguler ce fléau, le législateur français, qui se heurte en cette matière à de puissants intérêts économiques, s’est borné pendant longtemps, à des interventions partielles, tendant à la réglementation des débits de boissons, à la vente des spiritueux, ou à l’incrimination de l’ivresse publique. Un pas important a été néanmoins franchi dans la voie de la prévention, avec la promulgation de la Loi du 15 avril 1954 dont les dispositions, qui concernent le « traitement des alcooliques dangereux pour autrui », ont été ensuite incorporées par décret du 11 mai 1955 au Code de la santé publique (art.355-1 ets.). Ces textes établissent en effet une véritable mesure de sûreté applicable ante delictum, sur la seule constatation de l’état dangereux de l’intéressé et sans qu’il soit nécessaire qu’une infraction ait été commise49. L’article 355-2 du Code de la santé publique ordonne que « tout alcoolique présumé dangereux pour autrui doit être signalé à l’autorité sanitaire par les autorités judiciaires ou administratives compétentes, dans les deux cas suivants : lorsque, à l’occasion de poursuites judiciaires, il résultera de l’instruction ou des débats des présomptions graves, précises et concordantes, permettant de considérer la personne poursuivie comme atteinte d’intoxication alcoolique ; sur le certificat d’un médecin des dispensaires, des organismes d’hygiène sociale, des hôpitaux, des établissements psychiatriques ». Ce même texte prévoit que « l’autorité sanitaire peut également se saisir d’offre, à la suite du rapport d’une assistante sociale, lorsque celle-ci se sera rendue compte du danger qu’un alcoolique fait courir à autrui 50». L’infirmité dont il fait état ici englobe les handicaps, comme la folie partielle, l’hystérie, le somnambulisme, la surdi-mutité. L’ivresse, elle, peut provenir de l’usage exagéré de l’alcool ou de stupéfiants, substance hallucinogène par excellence. La toxicomanie est l’ivresse née de l’usage des stupéfiants et autres substances psychotropes. Toutes ces ivresses peuvent conduire les citoyens à commettre des infractions de nature à ébranler l’ordre public À Madagascar, sur le plan de la lutte contre l’alcoolisme, la législation malgache présente de grosses lacunes. Rien n’est prévu à l’égard des alcooliques dangereux ; on n’a pas par exemple, pensé à des mesures de désintoxications obligatoires. L’article 2 de la loi 61-053 du décembre 1961 ne prévoit qu’une mesure applicable aux individus trouvés ivres dans des lieux publics (l’ivrogne est simplement conduit, à ses frais ou poste, ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenu, jusqu’à ce qu’il ait retrouve sa raison)51.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : PRIMAUTÉ DE LA REPRESSION SUR LE TRAITEMENT DE LA RÉCIDIVE
CHAPITRE I : LA PEINE COMME SANCTION IDÉALE CONTRE LA RÉCIDIVE
SECTION I : L’OPTION DE LA PEINE DESTINÉE AU DÉLINQUANT RÉCIDIVISTE
§I : La prise en compte de la dangerosité dans le traitement de la récidive
A- Diverses considérations sur la notion de dangerosité
B – Les critères et les outils d’évaluation de la dangerosité
§ II- La sanction en cas de récidive avérée
A- Le casier judiciaire : un instrument d’individualisation de la sanction dans la répression de la récidive
B – Le traitement de la récidive des personnes physiques
1- Les conditions de la récidive pénale
2- Le tarif proprement dit de la peine en cas de récidive
a- La sévérité de la peine applicable au récidiviste majeur
b- L’adoucissement de la peine pour le mineur récidiviste
C- Le traitement de la récidive des personnes morales
1- La question de la responsabilité pénale des personnes morales
2- La répression de la récidive des personnes morales
SECTION II – L’EMPRISONNEMENT EST INELUCTABLE POUR LA NEUTRALISATION DE LA RÉCIDIVE
§I- Les attributions de la prison
A- La prison comme lieu de punition
B- La prison comme lieu de domination
C- La prison comme milieu de guérison
§ II – Le travail carcéral : un moyen de ré socialisation du délinquant récidiviste
A- Les travaux proposés aux délinquants dans le cadre de leur réadaptation sociale
B –Le régime juridique applicable au détenu travailleur
CHAPITRE II : LES MESURES DE SÛRETÉ : MESURES SECONDAIRES DANS LE TRAITEMENT DE LA RÉCIDIVE
SECTION I- LES MESURES DE SÛRETÉ PRIVATIVES DE LIBERTÉ
§ I- Les conditions des mesures privatives de liberté
A- La relégation
B- : L’internement dans une maison de santé
1- : L’internement pour cause de démence
2 – : L’internement pour alcoolisme, toxicomanie et infirmité mentale
C- : Les mesures de surveillance
§II- : Les effets des mesures de sûreté privatives de liberté
A- : La réadaptation sociale du délinquant
B- La protection de la société
SECTION II- : LES MESURES DE SÛRETÉ NON PRIVATIVES DE LIBERTÉ
§ I – Les conditions des mesures de sureté non privatives de liberté
A- : Les conditions nécessaires à l’application des mesures d’interdiction de profession, de la confiscation des biens
B- : Les conditions nécessaires à l’application de la mesure de l’engagement préventif
§ II- Les effets des mesures de sûreté non privatives de liberté
A- : Effets de mesures d’interdiction de l’exercice de profession et de confiscation des biens
B- : Effets de l’engagement préventif
DEUXIÈME PARTIE : LES NOUVELLES VARIÉTÉS DE TRAITEMENT DE LA RÉCIDIVE
CHAPITRE I : FAIBLESSES DU SYSTÈME CARCÉRAL
SECTION I- LA RÉCIDIVE : UN SÉRIEUX PROBLÈME, POURTANT SOUS ESTIMÉ PAR LE SYSTÈME RÉPRESSIF
§ I- Les problèmes d’ordre technique
A- La récidive : un concept délicat pour une justice sévère mais aveugle
B- La poursuite par voie de flagrant délit : un obstacle à la connaissance du passé pénal du récidiviste
C- L’épineux problème de l’exécution des décisions de justice
§- II Les problèmes attachés au traitement pénal des condamnés
A- Le problème de traitement
B- Les problèmes des recherches évaluatives
SECTION II : LA DÉFAILLANCE DE LA PRISON DANS LA LUTTE CONTRE LA RÉCIDIVE
§ I – Des conditions d’incarcération peu propices à l’amélioration de l’homme
A – Des conditions matérielles dégradantes
B- Des conditions humaines dégradantes
§ II- Les autres facteurs de stimulation de la récidive en milieu carcéral
A- L’influence des détenus endurcis sur les délinquants primaires
B- Une insuffisante évaluation de la dangerosité des détenus
C – Une absence de préparation de la sortie des détenus après l’exécution de leurs peines
CHAPITRE II – AUTRES OPTIONS PLAUSIBLES
SECTION I : PRÉPARATION À LA RÉINSERTION SOCIALE DES DÉTENUS
§I- La préparation à la sortie des détenus
A-Application des mesures d’aménagement de la peine
B- La promotion du travail pénitentiaire
§II : La mise en œuvre des activités dites de réinsertion, en collaboration avec d’autres intervenants externes
A- La mise en place du partenariat interne
B- La mise en place d’un partenariat externe
SECTION II. -CONDITIONS D’UNE MEILLEURE EFFICACITÉ DU TRAITEMENT
§I-Importance des données de bases théoriques et importance de la participation sociale
A- Nécessité de prise en compte des données à bases théoriques
B- Promotion de la participation sociale dans le traitement de la récidive
§II- Propositions de solutions
A- Nécessité de la participation du condamné à son traitement
B. -Efficacité morale et sociale
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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