Le traitement des sols a la chaux

Aujourd’hui, dans un contexte de développement durable, les enjeux économiques et environnementaux incitent, lors des travaux de terrassement, à valoriser les matériaux locaux présentant parfois des caractéristiques mécaniques inadéquates pour être employés. Dans le domaine du terrassement, ces matériaux sont à ce jour mis en dépôt et substitués par des matériaux présentant de meilleures caractéristiques mécaniques. Toutefois, cette pratique n’est plus en adéquation avec les exigences du développement durable qui imposent d’employer au maximum les matériaux situés dans l’emprise même des projets d’infrastructures de manière à atteindre l’objectif « zéro emprunt, zéro dépôt ». Le traitement des sols à la chaux est une solution potentielle pour atteindre cet objectif, puisqu’il permet de modifier le comportement mécanique et la maniabilité des sols afin de les rendre aptes au terrassement.

LE TRAITEMENT DES SOLS A LA CHAUX 

Les sols 

Les sols sont en général constitués de trois phases distinctes : une phase solide, liquide et gazeuse. Les propriétés globales du sol dépendent des propriétés de chacune de ces phases mais aussi de leurs proportions respectives. La phase solide est constituée d’une fraction minérale et de matière organique dont l’assemblage constitue le « squelette » du sol. Autour de ce squelette, les vides peuvent être remplit par de l’eau (phase liquide) ou de l’air (phase gazeuse).

La fraction minérale représente l’ensemble des produits de l’altération physique et chimique d’une roche mère. Elle est principalement constituée de silicates (95% des constituants de l’écorce terrestre), de carbonates, d’oxydes et d’hydroxydes métalliques. Les silicates les plus souvent rencontrés sont le quartz, les feldspaths et les phyllosilicates, parmi lesquels les minéraux argileux. Ces derniers sont des aluminosilicates en feuillet, plus ou moins hydratés, constitués d’une association de couches tétraédriques (T) et de couches octaédriques (O). La couche tétraédrique est formée de l’association de tétraèdres de silicium ((SiO4)4-). La couche octaédrique, quant à elle, est constituée d’octaèdres d’aluminium (Al(O,OH)6). Les deux couches sont reliées par des atomes d’oxygènes . Au niveau de la couche tétraédrique, l’association des tétraèdres forme un réseau plan hexagonal qui présente une cavité, dont le diamètre est de l’ordre de 0,26 nm (Sposito et al., 1999).

Des substitutions isomorphiques sont possibles au niveau des couches tétraédriques et octaédriques. Ainsi, dans certains cas, Al3+ peut substituer Si4+ en site tétraédrique. De même, dans la couche octaédrique, les ions Al3+ peuvent être partiellement substitués par des ions Mg2+ et/ou Fe3+ou Fe2+.

De telles substitutions créent localement des déficits de charges positives qui sont compensés par la présence de cations (K+ , Na+ , Ca2+,…), hydratés ou non, dans l’espace interfoliaire. Ces cations sont appelés « compensateurs de charges» ou encore cations échangeables.

Traitement des sols à la chaux 

Le traitement des sols à la chaux est une technique connue depuis plusieurs siècles, avec par exemple la construction de la grande muraille de Chine, localement en argile traitée à la chaux, ou encore les voies et les habitations romaines construites à l’aide de chaux. Mais c’est surtout depuis la seconde guerre mondiale que le traitement des sols à la chaux s’est développé en technique routière. L’intérêt du traitement est de valoriser les matériaux locaux en améliorant leur comportement mécanique et leur maniabilité afin de les rendre aptes au terrassement. Les interactions de la chaux avec les particules des sols peuvent être décrites par une succession de processus physico-chimiques complexes aux cinétiques variables qui modifient le comportement mécanique des sols. Généralement, on distingue deux effets lors du traitement à la chaux (Boardman et al., 2001; Little, 1995). Dans un premier temps, il y a un effet, dit à court terme ou immédiat, qui intervient dans les heures qui suivent la mise en contact entre la chaux et le sol et qui mène à la floculation/agglomération des particules. Cela se traduit par une modification de la texture du sol. Dans un deuxième temps, il y a un effet, dit à long terme, dans lequel se produisent des réactions pouzzolaniques. Ces réactions, qui ont lieu en présence d’eau, entre la chaux et des composés constitués de silicium et/ou d’aluminium, conduisent à la formation de composés pouzzolaniques qui se développent au cours du temps. La présence de ces minéraux entraîne une amélioration des propriétés mécaniques des sols. Outre les effets à court et long termes, la carbonatation de la chaux est une troisième réaction souvent rencontrée lors du traitement des sols à la chaux, qui apparaît au cours de la maturation des sols traités. Ce sont ces trois réactions que nous allons développer dans la suite de cette première partie, afin de faire un bilan sur l’état des connaissances des mécanismes physico-chimiques impliqués lors du traitement des sols argileux.

Les effets à court terme

Les effets à court terme peuvent se résumer à une modification texturale du sol, suite à un changement de l’état hydrique du sol et à un processus de floculation/agglomération des particules.

Modification de l’état hydrique du sol

Lorsque de la chaux vive (CaO) est ajoutée à un sol humide, une réaction exothermique se produit. Il s’agit de l’hydratation de la chaux vive qui conduit à la formation d’hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) (eq.1).

CaO + H2O → Ca(OH)2 + 15.5 kJ.mol-1 (eq.1)

Le caractère exothermique et la consommation d’eau nécessaire à la réaction d’hydratation entraîne une diminution de la teneur en eau du sol. Dans la pratique, on estime que l’incorporation de 1% de chaux vive dans un sol entraîne une diminution d’environ 1% de sa teneur en eau. La solubilité de l’hydroxyde de calcium hydraté (Ca(OH)2) dans l’eau pure diminue en fonction de la température. Elle est de 1.65 g.L-1 à 20°C et de 1.28 g.L-1 à 50°C (Muller, 2005). La dissolution de ce composé s’écrit de la manière suivante:

Ca(OH)2 → Ca2+ + 2 OH- (eq.2)

La réaction entraîne la libération d’ions calcium (Ca2+) et hydroxyles (OH-) en solution. Ces derniers vont entraîner une augmentation plus ou moins importante du pH du sol en fonction de la quantité de chaux ajoutée (Clare and Cruchley, 1957). A 20°C, le pH maximal que peut atteindre le sol est celui d’une solution saturée en hydroxyde de calcium hydraté, à savoir 12,64 (solubilité de 1,65 g.L-1).

Floculation – agglomération des particules du sol

D’un point de vue macroscopique, des études rapportent que l’ajout de chaux provoque rapidement une floculation des particules argileuses (Cabane, 2004; Little, 1995; Rogers and Glendinning, 2000). D’un point de vue physico-chimique, cela se traduit par une attraction de particules qui va aboutir à la formation de flocs. La plupart des minéraux argileux ont la particularité de posséder une charge de surface non nulle, qui résulte :
– d’une part, de substitutions isomorphiques au sein des couches tétraédriques et octaédriques. En fonction de la nature du minéral argileux, le nombre de substitutions et par conséquent la charge créée, sont plus ou moins importants ;
– d’autre part, de l’ionisation des groupements silanols (Si – OH) et aluminols (Al – OH), situés à la surface des particules. La charge créée par l’ionisation de ces groupements dépend du pH de la solution en contact avec les minéraux. En milieu acide, on se trouve en présence d’une charge positive, alors qu’elle est négative en milieu basique (eq. 3 et 4) :

X – OH + H+ → X – OH2+ (en milieu acide) (eq. 3)

X – OH + OH- → X – O- + H2O (en milieu basique) (eq.4)

Les charges développées par les minéraux sont compensées par l’adsorption d’ions de charges opposées (les contre-ions) afin de garder une structure globalement neutre. Ces contre-ions se localisent soit dans l’espace interfoliaire des minéraux (c’est le cas pour les minéraux de type smectite, vermiculite et micas) et/ou à la surface externe des particules. C’est notamment le cas de la kaolinite, lorsque celle-ci présente des substitutions (Bergaya, 2006).

La réaction d’échange cationique dépend de plusieurs facteurs qui sont la nature des cations adsorbés dans l’espace interfoliaire et/ou à la surface du minéral argileux, la nature des cations en solution, et leurs concentrations. De manière générale, les cations présentant une forte valence remplacent ceux présentant une faible valence. Lorsque deux cations de même valence sont en compétition, c’est celui qui présente le rayon ionique hydraté le plus important qui remplace celui qui présente le plus faible. Ceci se généralise par la série suivante, où les cations de droite remplacent ceux situés à leur gauche (Little, 1995):

Li+ < Na+ < H+ < NH4+ < Mg2+ < Ca2+ < Al3+

Cette série est valable pour des concentrations identiques et en fonction de la concentration des cations en solution, cet ordre peut être différent. En effet, les ions en forte concentration auront tendance à remplacer ceux en faible concentration. Ainsi par exemple, les ions sodium Na+ peuvent remplacer les ions calcium Ca2+, si leur concentration est plus élevée. Dans le cas du traitement des argiles, l’ajout de chaux conduit à la libération d’ions calcium et favorisera la déprotonation de la surface des minéraux argileux et la création de charges négatives. Cet apport en ions calcium peut également conduire à une réaction d’échange cationique, en fonction de la nature des cations initialement adsorbés à la surface des minéraux argileux. Toutefois, tous les minéraux argileux ne possèdent pas la même capacité à échanger leurs cations, de par leur différence de structure et de leur taux de substitution au sein des feuillets.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I – LE TRAITEMENT DES SOLS A LA CHAUX
I.1. LES SOLS
I.2. TRAITEMENT DES SOLS A LA CHAUX
I.2.1. LES EFFETS A COURT TERME
I.2.1.1. Modification de l’état hydrique du sol
I.2.1.2. Floculation – agglomération des particules du sol
I.2.2. LES EFFETS A LONG TERME
I.2.2.1. Les réactions pouzzolaniques : Généralités
I.2.2.2. Les réactions pouzzolaniques : mécanismes réactionnels
I.2.3. LA CARBONATATION
I.2.4. CONCLUSION
I.3. COMPORTEMENT DES ARGILES EN MILIEU ALCALIN
I.3.1. EFFETS DES SOLUTIONS ALCALINES SUR LES MINERAUX ARGILEUX
I.3.2. EFFETS DES SOLUTIONS ALCALINES SUR LES MINERAUX NON ARGILEUX
I.3.3. CONCLUSION
I.4. LES ALUMINATES ET SILICATES DE CALCIUM HYDRATES
I.4.1. LES SILICATES DE CALCIUM HYDRATES (CSH)
I.4.2. LES ALUMINATES DE CALCIUM HYDRATES
I.4.3. CONCLUSION
I.5. CONCLUSIONS
CHAPITRE II – MATERIAUX ET APPROCHES EXPERIMENTALES
II.1. CHOIX DES MATERIAUX
II.2. CARACTERISATION DES MATERIAUX
II.2.1. LA CHAUX
II.2.2. LES MATERIAUX ARGILEUX
II.2.2.1. Analyse chimique
II.2.2.2. Analyses minéralogiques
II.2.2.3. Analyses géotechniques et physiques
II.3. CARACTERISATIONS MECANIQUES ET SPECTROSCOPIQUES
II.3.1. APPROCHE MACROSCOPIQUE
II.3.1.2. Résistance à la compression simple
II.3.1.2.a. Préparation et traitement des matériaux
II.3.1.2.b. Détermination des conditions optimales de compacité
II.3.1.2.c. Confection des éprouvettes
II.3.1.2.d. Mesure de la résistance à la compression simple
II.3.1.3. Essai scissométrique
II.3.1.3.a. Préparation des matériaux
II.3.1.3.b. Principe de l’essai scissométrique
II.3.1.3.c. Mesure de la cohésion non drainée
II.3.1.3.d. Caractère réversible du traitement
II.3.2. ARRET D’HYDRATATION
II.3.3. APPROCHE PHYSICO-CHIMIQUE
II.3.3.1. Diffraction des rayons X
II.3.3.2. Analyses thermogravimétriques (ATG) et calorimétriques différentielles (DSC)
II.3.3.3. Spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) du solide
II.3.3.4. Microscopie électronique à balayage
CHAPITRE III – COMPORTEMENT MECANIQUE DES MATERIAUX ARGILEUX TRAITES A LA CHAUX
III.1. COMPORTEMENT MECANIQUE DE LA KAOLINITE
III.1.1. RESISTANCE A LA COMPRESSION SIMPLE
III.1.2. COHESION NON DRAINEE
III.1.2.1. Cohésion non drainée à 1 WL
III.1.2.2. Cohésion non drainée à 2 WL
III.1.2.3. Conclusion de l’étude réalisée sur les matériaux préparés à 1 et 2WL
III.1.3. SYNTHESE DE LA CARACTERISATION DE L’EFFET DE LA CHAUX SUR LE COMPORTEMENT MECANIQUE DE LA KAOLINITE POLWHITE
III.2. COMPORTEMENT MECANIQUE DE LA BENTONITE CALCIQUE
III.2.1. RESISTANCE A LA COMPRESSION SIMPLE
III.2.2. COHESION NON DRAINEE
III.2.2.1. Cohésion non drainée à 1 WL
III.2.2.2. Cohésion non drainée à 2 WL
III.2.2.3. Conclusion de l’étude réalisée sur les matériaux préparés à 1 et 2WL
III.2.3. SYNTHESE DE LA CARACTERISATION DE L’EFFET DE LA CHAUX SUR LE COMPORTEMENT MECANIQUE DE LA BENTONITE CALCIQUE IKOBOND
III.3. COMPARAISON KAOLINITE / BENTONITE
III.4. CONCLUSIONS
CHAPITRE IV – ETUDE DE L’EVOLUTION PHYSICO-CHIMIQUE DES MATERIAUX TRAITES A LA CHAUX
IV.1. CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE DE LA KAOLINITE
IV.1.1. ETUDE MINERALOGIQUE DE LA KAOLINITE TRAITEE A LA CHAUX
IV.1.1.1. Evolution minéralogique par diffraction des rayons X et par RMN de la kaolinite traitée à la chaux
IV.1.1.1.a. Caractérisation des éprouvettes (L/S = 0,3) par diffraction des rayons X
IV.1.1.1.b. Caractérisation des éprouvettes (L/S = 0,3) par RMN du solide
IV.1.1.1.c. Caractérisation des pâtes (L/S = 0.5 et 1)
IV.1.1.2. Caractérisation minéralogique de la kaolinite traitée à la chaux par analyses thermiques
IV.1.1.2.a. Analyse thermique de la kaolinite Polwhite
IV.1.1.2.b. Caractérisation des éprouvettes (L/S = 0.3)
IV.1.1.2.c. Comparaison entre les différentes conditions de traitement
IV.1.1.3. Synthèse de la caractérisation minéralogique des éprouvettes et pâtes de la kaolinite Polwhite traitée à la chaux
IV.1.2. OBSERVATIONS MICROSCOPIQUES DE LA KAOLINITE TRAITEE A LA CHAUX
IV.1.3. SYNTHESE DES RESULTATS DU TRAITEMENT A LA CHAUX DE LA KAOLINITE POLWHITE
IV.2. CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE DE LA BENTONITE
IV.2.1. ETUDE MINERALOGIQUE DE LA BENTONITE TRAITEE A LA CHAUX
IV.2.1.1. Caractérisation par diffraction des rayons X et RMN du solide
IV.2.1.1.a. Caractérisation des éprouvettes de bentonite (L/S = 0.4) par diffraction des rayons X
IV.2.1.1.b. Caractérisation des éprouvettes de bentonite (L/S = 0.4) par RMN du solide
IV.2.1.1.c. Caractérisation des pâtes (L/S = 1.6 et 3.2)
IV.2.1.2. Caractérisation par analyses thermiques (ATG/DSC)
IV.2.1.2.a. Analyse thermique de la bentonite calcique Ikobond
IV.2.1.2.b. Caractérisation des éprouvettes de bentonite (L/S = 0.4)
IV.2.1.2.c. Comparaison entre les différentes conditions de traitement
IV.2.1.3. Bilan minéralogique
IV.2.2. OBSERVATIONS MICROSCOPIQUES DE LA BENTONITE CALCIQUE TRAITEE A LA CHAUX
IV.2.3.SYNTHESE DES RESULTATS DU TRAITEMENT A LA CHAUX DE LA BENTONITE CALCIQUE IKOBOND
IV.3. ETUDE DU TRAITEMENT EN MILIEU DILUE
IV.3.1. PROTOCOLES EXPERIMENTAUX
IV.3.2. RESULTATS
IV.3.2.1. Etude du traitement de la kaolinite en milieu dilué (L/S = 10)
IV.3.2.1.a. Suivi pHmétrique des suspensions
IV.3.2.1.b. Analyses élémentaires
IV.3.2.1.c. Caractérisation minéralogique de la phase solide par diffraction des rayons X
IV.3.2.1.d. Caractérisation de la phase solide par spectroscopie RMN du solide
IV.3.2.1.e. Caractérisation minéralogique de la phase solide par analyses thermiques (ATG/DSC)
IV.3.3.1.f. Observations au microscope électronique à balayage de la kaolinite Polwhite traitée à la chaux en milieu dilué
IV.3.3.1.g. Discussion
IV.3.3.2. Etude du traitement de la bentonite en milieu dilué (L/S = 10)
IV.3.3.2.a. Suivi pHmétrique des suspensions
IV.3.3.2.b. Analyses élémentaires
IV.3.3.2.c. Caractérisation minéralogique du solide par diffraction des rayons X
IV.3.3.2.d. Caractérisation du solide par spectroscopie RMN
IV.3.3.2.e. Caractérisation minéralogique du solide par analyses thermiques
IV.3.3.1.f. Discussion
IV.3.4. CONCLUSIONS
IV.4. CONCLUSIONS
CONCLUSION GENERALE

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