Le traitement des périodiques en bibliothèque municipale

Le traitement des périodiques en bibliothèque municipale

Quelques repères historiques concernant la presse écrite papier en France

Selon Patrick Eveno, historien des médias, la presse écrite est apparue pour la première fois dans le premier tiers du 17e siècle en Europe, de manière concomitante avec l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. Les premiers journaux étaient ce que l’on pourrait appeler des canards, des feuillets : ils sont occasionnels. Le premier journal autorisé par le pouvoir fut La Gazette de Théophraste Renaudot qui obtint le privilège de l’éditer par Richelieu. C’était un hebdomadaire, composé de quatre pages de petit format et tirant jusqu’à 4000-5000 exemplaires. La gazette a alors le monopole de l’information nationale et internationale jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, même si des publications dissidentes sont imprimées et importées clandestinement durant cette période. De plus, vont également être publiées à partir du 18e siècle les travaux des sociétés savantes de l’époque. La presse était alors destinée aux lettrés (aristocratie, savants, bourgeois argentés).

La Révolution Française va donner toute sa puissance à la presse écrite. Cette dernière venant incarner les principes de liberté si chers aux révolutionnaires. Il y a alors une explosion du nombre de titres (plus de 500 naîtront en trois ans) et la presse d’opinion y est majoritaire. Mais à partir de l’été 1792 et l’instauration de la Terreur, le pouvoir viendra limiter cette liberté de la presse. Limitation qui sera plus ou moins forte en fonction des régimes qui suivront. Le 19e siècle est considéré comme l’âge d’or de la presse écrite : c’est le seul média existant. Avec l’instauration de la monarchie constitutionnelle au début du 19e siècle, le principe du débat est acté, débat en politique et de l’opinion publique. Les lois demeurent contraignantes pour la presse politique mais elle peut s’exprimer. Il faudra attendre la IIIe République pour retrouver la très grande liberté de la presse conquise au moment de la Révolution avec la loi du 29 juillet 1881. De plus, le 19e siècle voit la création d’une presse à destination des classes moyennes. Et compte tenu de l’augmentation de la demande (la population est de plus en plus alphabétisée), c’est également le moment où la presse va s’industrialiser. Ainsi, entre 1870 et 1914, il y aura de 126 à 299 quotidiens, tirant de 1 à 9,5 millions d’exemplaires par jour pour une population de moins de 40 millions d’habitants. Les quatre journaux principaux étaient alors Le Petit Parisien, Le Journal, Le Petit Journal et Le Matin. Au moment de la Première Guerre Mondiale, la presse écrite française est une industrie culturelle majeure et la première au niveau mondiale (par rapport au nombre de lecteurs, à la vitalité des entreprises, et aux innovations éditoriales comme la création de nouveaux formats et de nouvelles maquettes).

Le 20e siècle va marquer une autre étape dans l’histoire de la presse écrite. Les deux guerres mondiales verront le retour de la censure et la presse aura même un rôle primordial dans la propagande militaire, ce qui pourra dans une certaine mesure entacher la confiance de ses lecteurs. De même, la période d’entre guerre est marquée par une situation économique trouble avec l’inflation, la crise économique de 1930 et surtout des coûts de production trop importants. La presse écrite reste toutefois largement diffusée, même si elle voit apparaître de nouveaux supports de circulation de l’information (comme la radio, la télévision) ou de nouveaux loisirs (comme le sport, le cinéma). Cette concurrence sera un temps contrôlée car la presse va garder, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le monopole des recettes publicitaires et des annonces. Du point de vue éditorial, les quotidiens d’opinion vont commencer à décroître (à ce jour, il ne reste que L’Humanité et La Croix) tandis que la presse quotidienne régionale monte en puissance et connait la constitution de grands groupes à partir des années 1960. De même, au cours des Trente Glorieuses vont apparaître la presse magazine (avec l’invention des News Magazines comme L’Express ou Le Nouvel Observateur) et la presse spécialisée thématique comme la presse féminine (avec par exemple Elle ou bien Marie-Claire), la presse pour les jeunes (Salut les Copains), pour les hommes (Lui), pour les cadres (L’expansion), des automobilistes (L’Auto-Journal), les magazines de programme télé (Télé 7 Jours). Ainsi, apparaît une presse loisirs qui s’adressera à différents publics en fonction de ses centres d’intérêt.

La presse écrite papier : de son édition à sa diffusion

La presse écrite papier est une industrie culturelle faisant appel à tout un circuit comprenant des métiers et des corps professionnels différents. Il y a tout d’abord les éditeurs, c’est-à-dire ceux qui produisent l’écrit à publier : « un éditeur de presse est une entreprise qui publie des journaux (quotidiens ou périodiques) ou d’autres publications périodiques »5. Les éditeurs sont nombreux mais bien souvent ce sont de grands groupes puissants qui dominent le secteur, en véritable holding financière (leurs chiffres d’affaires peuvent se chiffrer en millions). La plupart ont diversifié leurs publications (des quotidiens régionaux ou nationaux, des magazines)6 et ceux sont souvent les mêmes qui éditent les livres. Ils emploient les journalistes et assurent le marketing, la promotion des titres et la communication. Les éditeurs restent propriétaires de leurs titres jusqu’à leur vente aux lecteurs. La diffusion de la presse est encadrée par le Conseil Supérieur des Messageries de Presse (CSMP), institution créée par la loi du 2 avril 1947, complétée par la loi du 20 juillet 2011. Cette dernière est garante du pluralisme de la presse d’information politique et générale via le respect du principe d’impartialité de sa distribution. Il est à noter que la liberté de la presse et de sa distribution sont des principes inscrits dans la Constitution depuis octobre 1984.

La diffusion de la presse prend quatre formes :

l’abonnement postal, le portage à domicile (pour la presse locale notamment), la vente à l’exemplaire et la distribution gratuite. Il existe deux circuits travaillant pour le compte des éditeurs: celui de la presse nationale et celui de la régionale (organisation datant de la loi du 2 avril 1947). Le circuit de la presse nationale repose sur un système à trois niveaux : il y a tout d’abord les sociétés coopératives d’éditeurs de presse ou commerciales (comme Presstalis, filiale du groupe Lagardère) de messagerie de presse qui réalisent pour le compte de l’éditeur des missions de logistique. Puis, il y a les dépositaires-grossistes qui assurent la distribution des titres de presse aux diffuseurs de presse dans leur secteur géographique (ils bénéficient d’une exclusivité territoriale). Au 1er Aout 2014, il y avait 120 dépôts de presse dont 43 indépendants, les autres faisant partie de grands regroupements de société. Ils étaient 2840 dépositaires en 1987 (source CSMPresse)7. En effet, pour rationaliser et optimiser leurs coûts, les dépositaires se sont regroupés. Enfin, nous retrouvons les diffuseurs : les enseignes de presse (type Maisons de la Presse, Relay), le réseau traditionnel de diffusion (comme les librairies, les tabacs-presse), les enseignes non presse (les enseignes culturelles, les super ou hypermarchés), ou bien d’autres points de vente comme les campings. Le nombre de diffuseurs a également baissé passant de 29 077 en 2006 à 25 866 en 2014.

La presse écrite diffusée via les canaux numériques

L’édition électronique concerne les périodiques scientifiques (sujet que nous n’aborderons pas ici puisqu’ils concernent plus les bibliothèques universitaires) et les périodiques à destination du grand public. Selon Pierre Carbone12, le développement de l’édition électronique a commencé à partir de 1995 pour connaitre un essor constant et une construction permanente. Tous les titres de presse ont à présent leur équivalent sur la toile, les plus récents étant la presse magazine grand public et la jeunesse. Certains titres de presse sont même natifs numériques (les Pure Player) comme Médiapart ou Rue89.

La presse d’information générale en version numérique propose sur ses sites l’actualité du moment, avec un embargo13 plus ou moins variable. Ces sites internet sont de plus en plus autonomes par rapport à l’édition papier du fait de leur plus grande réactivité (avec une mise à jour permanente de l’information) et ils sont souvent à des prix équivalents. Ainsi cette réactivité en fait des médias spécifiques, d’autant plus qu’ils proposent souvent des services et des contenus multimédias (comme l’accès à des blogs, des forums, des vidéos ou des photos inédites) qui viennent enrichir la formule papier. Il existe plusieurs modèles économiques : le tout gratuit, le tout payant, le premium (mixant articles gratuits et payants). La vente se fait à l’exemplaire, à l’abonnement, à la formule bouquet14 (avec accès aux archives). Les journaux peuvent choisir de déléguer la vente de leurs titres à des sociétés ou à des agrégateurs15. Comme nous le verrons dans la seconde partie, les bouquets et le recours à des agrégateurs sont les voies habituelles pour les bibliothèques publiques pour accéder à la presse en ligne.

Concernant les particuliers, les éditions numériques se font via des kiosques numériques qui proposent d’accéder gratuitement à des sommaires ou bien à des commentaires courts sur l’actualité. L’internaute peut également procéder à des achats en ligne pour feuilleter entièrement la revue (comme par exemple Le Magazine Littéraire qui donne accès à sa version numérique aux abonnés papier sur simple identification). Les lecteurs peuvent accéder aux articles sur différents supports : leur ordinateur, leur smartphone ou bien encore leur tablette. Dans un article de FranceCulture.fr, la journaliste Isabelle Lassale16 pointe une forte croissance de la diffusion de la presse en ligne, en fonction des titres et de leur périodicité (Le Monde.fr est d’ailleurs le site qui rencontre le plus de succès : les abonnés à la formule numérique représentent 13% de la diffusion de ce quotidien, soit plus de 10 000 nouveaux abonnés par an). Selon elle, la version en ligne de la presse écrite est vraiment devenue un axe stratégique pour les journaux afin de gagner un nouveau lectorat ou de le reconquérir. Elle cite les travaux de l’OJD concernant la presse numérique dont il certifie la diffusion depuis 2011 : cette dernière est en forte croissance (pour certains éditeurs, cela monte à deux chiffres), avec en moyenne pour 2013 une croissance entre 2 et 3 % de diffusion.

Une crise économique

La presse a deux sources de financement : les recettes liées à la vente des exemplaires et les recettes issues de la vente d’encarts publicitaires et de petites annonces. La presse écrite papier est donc vendue deux fois et ce double niveau de financement permet de proposer des prix accessibles au grand public bien inférieurs au coût réel de la production. Dans les années 1950, le financement publicitaire/petites annonces représentait jusqu’à 80% des recettes de la presse selon P. Eveno. Il est à noter que quelques journaux n’ont pas recours à la publicité : Le Canard Enchainé, Charlie Hebdo et Que Choisir. Le déclin de la presse écrite a commencé bien avant l’arrivée d’Internet, dès les années 1970. Mais cette nouvelle technologie est venue donner le coup de grâce. En effet, depuis l’arrivée de nouveaux supports médiatiques, la presse écrite souffre d’une sérieuse concurrence avec la radio dans un premier temps, puis la télévision. Elles séduisent particulièrement les couches populaires de par leur gratuité et leur facilité d’accès à l’information (il n’est pas nécessaire de recourir à la lecture). Ces médias ont donc récupéré des parts de marché publicitaires au détriment de la presse écrite.

De même, l’apparition de la presse écrite gratuite est venue fragiliser un peu plus ce système en entrainant la fin des petites annonces payantes, et provoquant ainsi des pertes financières conséquentes : le recours aux petites annonces payantes pour financer la presse écrite a ainsi baissé de 76% entre 1990 et 2000.17 Avec l’arrivée d’Internet dans les années 1990, les groupes d’éditeur de presse ont perçu cette nouvelle technologie comme étant un moyen intéressant de capter de nouveaux abonnés et de relancer à moindre coût le dynamisme de la presse écrite. Toutefois, l’enchantement n’a été que de courte durée car l’arrivée de ce nouveau média a eu des répercussions extraordinaires sur les recettes publicitaires et les petites annonces. En effet, les annonceurs se sont tournés vers Internet, entrainant à nouveau une perte de revenus pour les médias. Le journaliste Romain Rénier18 cite les travaux du sociologue des médias Jean-Pierre Charon. Pour ce dernier la presse écrite vit la fin d’un modèle économique

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Table des matières

Introduction
Première partie : La presse grand public aujourd’hui : un monde en crise
I. La presse : un média en plein évolution A. La presse écrite papier
1. Quelques repères historiques concernant la presse papier en France
2. La presse écrite papier : de son édition à sa diffusion
3. Essai de panorama des presses écrites papier actuelles
B. La presse écrite diffusée via les canaux numériques
II. La presse : un monde en profonde mutation
A. Une crise économique
B. Des pratiques culturelles en mutation Deuxième partie : la presse en bibliothèque municipale : la place des périodiques
I. La définition du terme périodique
A. Définition terminologique
B. Les périodiques présents en bibliothèque municipale
1. La version papier
2. La version numérique
II. Le traitement des périodiques en bibliothèque municipale : de l’acquisition à la conservation
A. Les acquisitions des périodiques
1. Le choix des périodiques : le rôle de la politique documentaire à travers l’exemple de la presse people
2. Les outils d’aide aux choix
3. La démarche d’acquisition des périodiques en version papier et en ligne B. Le traitement des périodiques
1. Le traitement physique et intellectuel des périodiques
2. Le traitement documentaire : les exemples de la bibliothèque municipale de Lyon et de la médiathèque du Val d’Europe
C. La conservation des périodiques
III. De l’importance des actions de valorisation et de l’aménagement : les périodiques porteurs d’une dynamique de la bibliothèque « 3e lieu »
A. Le concept de bibliothèque « 3e lieu »
B. Des actions de valorisation support de lien social : les exemples de la bibliothèque Saint Nicolas à Angers et de la bibliothèque de Toulouse
1. Exemple de la bibliothèque Saint Nicolas : « Votre actu du mois ! »
2. La bibliothèque de Toulouse : des lecteurs co-constructeurs du pôle actualité
C. L’aménagement des espaces périodiques : une question importante
1. L’aménagement : créateur d’atmosphère et d’équilibre : exemple de la bibliothèque Moulins Communauté
2. L’aménagement : un choix stratégique
3. Et la presse numérique : exemple de la bibliothèque des Champs Libres à Rennes
Conclusion
Bibliographie –Webographie
Annexes
Table des matières

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