En traumatologie maxillo-faciale, environ 40% des fractures de la face impliquent l’orbite (1). Parmi celles-ci, environ 25% sont des fractures isolées de l’orbite, principalement du plancher orbitaire. De mécanismes multiples, elles peuvent à terme impacter la qualité de vie du patient par l’apparition d’une diplopie invalidante dans les activités de la vie quotidienne ainsi que d’une énophtalmie responsable de séquelles esthétiques. Lorsqu’il n’y a pas de retentissement fonctionnel ou esthétique, le traitement est fonctionnel, à savoir l’interdiction de se moucher pendant un mois, plus ou moins associée à une prise en charge orthoptique. S’il existe une diplopie ou une énophtalmie, un traitement chirurgical est nécessaire. Le plancher orbitaire peut être reconstruit par différentes voies d’abord et différentes techniques sans réel consensus. Le délai de prise en charge est également différent selon les équipes.
Anatomie du plancher de l’orbite
L’orbite : généralités
Séparées l’une de l’autre par les fosses nasales et l’ethmoïde, les deux cavités orbitaires, situées entre le massif facial et la base du crâne contiennent et protègent l’appareil de la vision .
De forme pyramidale quadrangulaire à base antérieure, l’orbite a un volume inextensible d’environ 26 millilitres (ml) chez la femme et 28 chez l’homme. Son grand axe est oblique en avant et en dehors permettant ainsi la vision latérale (2) contrairement à l’axe visuel qui est strictement antéro-postérieur . La distance entre les deux orbites, également appelée espace inter-canthal est d’environ 27 à 33 millimètres (mm) chez l’adulte.
L’orbite est constituée d’un ensemble de 7 os (frontal, sphénoïdal, éthmoïdal, lacrymal, zygomatique, palatin et maxillaire) juxtaposés entre eux, formant quatre parois qui convergent toutes vers l’apex centré par le canal optique .
L’os sphénoïdal est l’élément principal de convergence où passent tous les éléments vasculo-nerveux destinés à l’orbite :
– Le trou optique, situé à la base de la petite aile du sphénoïde, représente la partie antérieure du canal optique et permet le passage du pédicule optique (nerf optique et artère ophtalmique).
– La fissure orbitaire supérieure située entre les deux ailes du sphénoïde, se trouve dans la partie supéro-externe de l’orbite. Elle est divisée en deux par l’anneau de Zinn, zone de convergence des muscles oculomoteurs. Ceux-ci forment entre eux un cône musculo-aponévrotique autour du globe, délimitant une portion intra-conique et extra-conique. Cette fissure laisse le passage à de nombreux éléments nobles à savoir : le nerf nasal, oculomoteur commun, trochléaire, frontal, lacrymal ainsi que les sinus veineux de drainage de l’orbite.
La cavité orbitaire est également tapissée sur toutes ses parois par une membrane fibreuse fine et résistante, appelée périorbite, qui forme un véritable sac pour le contenu orbitaire. Celle-ci est facilement décollable sauf au niveau des orifices postérieurs où elle se prolonge avec la dure-mère du nerf optique et du sinus caverneux. Au niveau de la fissure infra-orbitaire, elle se dédouble pour fermer cette fissure par le muscle de Muller. En avant, elle se continue avec le périoste des os formant le bord orbitaire.
Le globe oculaire est contenu dans la cavité orbitaire. Il a un volume d’environ 7 ml (4) pour 8 grammes. Il existe une protrusion du globe d’environ 18 à 20 mm par rapport aux parois osseuses (5). La graisse orbitaire est l’un des éléments principaux de l’orbite puisqu’elle correspond à environ un tiers du volume orbitaire. Elle est présente dans tous les espaces libérés par le globe et l’ensemble musculo-vasculo-nerveux. Elle est divisée en deux parties : intra et extra-conique. Ses rôles principaux sont de protéger le contenu orbitaire, de soutenir le globe et de permettre les mouvements des différentes structures intraorbitaires entre elles .
Anatomie osseuse du plancher orbitaire
La paroi inférieure de l’orbite, également appelée plancher orbitaire est très fine. Elle sépare l’orbite du sinus maxillaire. Elle est constituée de l’os zygomatique en avant et en dehors, du maxillaire supérieur en avant et en dedans ainsi que du processus orbitaire de l’os palatin en arrière. A partir du rebord orbitaire inférieur, le plancher plonge vers le bas tout en conservant la même position céphalo-caudale sur environ 15 mm. Puis, après la fissure orbitaire inférieure, il se courbe vers la fissure orbitaire supérieure. Il est important de prendre en compte cette subtilité anatomique lors la reconstruction des planchers orbitaires.
Rapports anatomiques du plancher orbitaire
Le plancher de l’orbite est parcouru par une gouttière appelée fissure orbitaire inférieure située à environ un centimètre en arrière de la margelle infra-orbitaire (2). Par cette fissure passe le paquet vasculo-nerveux infra-orbitaire composé principalement par :
– Nerf infra-orbitaire : issu de la branche maxillaire du nerf trijumeau (V2), il traverse la gouttière orbitaire inférieure puis sort par le foramen infraorbitaire. Il est chargé de l’innervation sensitive de la paupière inférieure, de l’aile du nez et de la lèvre supérieure. 5 à 10 mm après son émergence du foramen, naît le nerf alvéolaire supérieur responsable de l’innervation du bloc incisivo-canin maxillaire.
– Artère infra-orbitaire : elle provient de la troisième portion de l’artère maxillaire (système carotidien externe) et vascularise la partie infra-orbitaire du visage en s’anastomosant dans sa partie terminale avec l’artère faciale au niveau du sillon naso-génien.
Le plancher orbitaire présente également un rapport étroit avec le muscle droit inférieur . Ce muscle oculomoteur naît au niveau de l’apex orbitaire et se termine sur la partie antéro-inférieure de la sclère. Il permet l’abaissement associé à une légère adduction et rotation interne du globe oculaire. Il est innervé par le nerf oculomoteur. Sa gaine fusionne avec celle du muscle petit oblique en un hamac suspenseur appelé le ligament de Lockwood (2). Ce ligament permet une suspension du globe et un soutien lors des mouvements antéro-postérieurs.
Epidémiologie
Les fractures orbitaires représentent environ 40% des fractures de la face (1). Il s’agit de fractures isolées du plancher orbitaire dans 25% des cas. Les fractures du plancher peuvent être isolées ou associées à d’autres fractures du massif facial, principalement à des fractures de l’os zygomatique. Lors de traumatismes plus violents, elles s’associent à des fractures complexes de type disjonction orbito-naso-ethmoïdale, ou fractures de Le Fort. Les hommes sont souvent plus touchés que les femmes avec un sex-ratio d’environ deux pour un (6,7). Les fractures sont plus fréquentes chez l’adulte jeune avec un âge moyen situé entre 21 et 35 ans (8). Les principales étiologies sont les accidents de la route, les rixes, les chutes et les accidents de sport, particulièrement de combat ou avec balle. Chez les enfants, les principales causes sont les accidents de sport et de jeu.
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Table des matières
INTRODUCTION
RAPPELS
I. Anatomie du plancher de l’orbite
1. L’orbite : généralités
2. Anatomie osseuse du plancher orbitaire
3. Rapports anatomiques du plancher orbitaire
II. Epidémiologie
III. Types de fractures et mécanismes
1. Fracture en « Blow-out »
2. Fracture en trappe « trap-door »
IV. Examen clinique
V. Examens complémentaires
1. Imagerie
2. Test de Hess-Lancaster
VI. Traitement fonctionnel
VII. Traitement chirurgical
1. Voies d’abord
2. Technique chirurgicale
3. Reconstruction du plancher
VIII. Complications
1. Peropératoires
2. Post-opératoire immédiate
3. Post-opératoires à court, moyen ou long terme
MATERIELS ET METHODES
I. Modalités de l’étude
II. Critères d’inclusion
III. Critères d’exclusion
IV. Objectifs de l’étude
V. Variables étudiées
VI. Analyses statistiques
RESULTATS
I. Données initiales
II. Données épidémiologiques
III. Indication de reprise chirurgicale
1. Selon le matériel de réfection du plancher utilisé
2. Selon le type initial de fracture
3. Selon le délai entre le traumatisme et la chirurgie
4. Selon la voie d’abord réalisée
IV. Analyse descriptive
1. Lorsque la réfection du plancher orbitaire est différée par rapport au traitement chirurgical d’autres fractures du massif facial
2. De la durée d’hospitalisation
3. Des complications post-opératoires immédiates
4. De la survenue d’un ectropion cicatriciel post-opératoire
5. Des reprises chirurgicales
DISCUSSION
I. Propriétés de l’étude
II. Données démographiques
III. L’importance du délai de prise en charge
1. Fractures du plancher orbitaire avec incarcération
2. Fractures du plancher orbitaire non incarcérées
IV. Réaliser la voie d’abord idéale
V. Techniques de réfection du plancher : le choix du matériel optimal
1. Greffe autologue
2. Plaque PDS
3. Grille titane
4. Polyéthylène poreux
5. Implant sur mesure
6. Reconstruction du plancher sans implant
7. Logigramme du choix du matériel
VI. Réfection du plancher différée dans les fractures associées
VII. La chirurgie du plancher orbitaire sous anesthésie locorégionale
VIII. Possibilité d’une chirurgie du plancher orbitaire en ambulatoire
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES