Le tourisme culturel
Le tourisme culturel, par définition, est une visite de personnes se déplaçant en dehors de leur environnement quotidien, motivées totalement ou partiellement par la culture. Elles y recherchent donc un intérêt historique, artistique, humain ou encore scientifique (Silberberg, 1995, p.361). Bien que cette définition date d’une vingtaine d’année, le tourisme culturel est toujours défini de cette manière simple et efficace. Le marché de ce tourisme est considérable et bénéficie économiquement principalement aux musées, sites patrimoniaux, événements culturels, et festivals. Silberberg, dans son étude sur les opportunités du tourisme culturel, dresse le profil du touriste type: il annonce une personne qui gagne bien sa vie, qui a une bonne éducation (niveau d’étude supérieur) et qui est majoritairement une femme. Le touriste culturel type est d’un âge avancé, aime faire des séjours d’une durée supérieure à la moyenne, préfère l’hôtellerie à la parahôtellerie, et pour finir aime bien faire quelques achats durant ses vacances (1995, p.363). Une fois de plus, le tourisme étant un secteur dynamique qui évolue en permanence, se questionner sur l’exactitude de ces données publiées il y a vingt ans est normal. Maïthé Levasseur, journaliste pour le Réseau de Veille en Tourisme du Canada, nous confirme l’exactitude de ces informations dans son article « La reprise économique et le touriste culturel » (2011). En se basant sur la conférence de Beverly Anderson, vice-présidente à American Express Business Insights ayant présenté les caractéristiques des voyageurs culturels lors d’un séminaire, elle annonce que le touriste culturel âgé est celui qui consomme le plus de culture. Il apprécie élargir son séjour afin de voyager à son rythme et prendre son temps : ce sont donc des séjours moins nombreux, mais plus longs qu’il effectue. Il dépense aussi plus que les autres catégories de voyageurs (Levasseur, 2011). Son séjour peut être motivé par un but culturel, mais souvent la consommation de culture n’est pas le but premier du voyage : seuls 15% des touristes culturels sont uniquement motivés par cela. Ensuite, 50% des touristes qui se rendent occasionnellement dans des lieux culturels en apprécient l’offre qui peut être un plus à leur voyage, mais n’est pas leur motivation centrale. Il reste 20% de « consommateurs accidentels », qui n’avaient pas planifié de visites culturelles mais qui par un concours de circonstances se retrouvent par exemple dans un musée. Pour finir, 15% des visiteurs ne consommeront jamais de culture, quelles que soient les circonstances. Les acteurs touristiques doivent donc convaincre en quelque sorte 85% des visiteurs d’une destination à consommer de la culture. Silberberg propose de créer des packages qui mélangent des activités non-culturelles et culturelles : une fois le package acheté, ça ne « coûte rien » de consommer le produit associé. Les acteurs touristiques doivent également mettre en avant leur patrimoine culturel. Le chercheur Lee a étudié la réutilisation des sites patrimoniaux en prenant comme cas d’étude la réhabilitation d’une vieille gare taïwanaise en restaurant (2015). Il constate que ce procédé est très bénéfique aussi pour les locaux : c’est au final leur identité qui est valorisée, mise au centre et qui attire des touristes. C’est particulièrement gratifiant, les locaux ressentent un sentiment de fierté, sont donc plus accueillants envers les visiteurs, et ces derniers le ressentent de manière positive.
Le tourisme culturel doit cependant faire face à un important challenge : il ne peut plus se limiter à n’offrir que des offres traditionnelles, en communiquant unilatéralement, et en proposant des services non-personnalisés et rigides. Il doit évoluer et ne plus proposer des services touristiques, mais de réelles expériences mémorables aux consommateurs. Le tourisme d’expérience entre alors en scène.
Le tourisme d’expérience
Comme défini précédemment, le tourisme d’expérience est une forme de tourisme émergente proposant des activités touristiques personnelles, mettant le consommateur au centre de sa propre aventure et le liant fortement avec son environnement. Le visiteur est donc actif, impliqué et ressent des émotions qui transformeront la simple activité touristique en une réelle expérience mémorable et personnelle. Michèle Laliberté, auteur pour le Réseau de Veille en Tourisme du Canada, reprend d’une manière simple et imagée les mots de Pine et Gilmore, premiers chercheurs à mettre sur le devant de la scène les expériences dans l’économie :
[…] le concept d’expérience consiste en la théâtralisation du service ou du produit, où le personnel se transforme en acteur, les clients sont les invités et le site devient la scène. L’hôtelier, le voyagiste […] troque son rôle de fournisseur de service pour celui de directeur artistique. (Laliberté, 2005) .
L’expérience touristique mémorable (ETM)
Les caractéristiques de l’expérience touristique lui permettent de se distinguer du bien et du service traditionnel : en effet, l’expérience est unique, personnelle et mémorable (Bosangit, Sally & McCabe, 2015, p.1). La mémoire humaine a beaucoup été étudiée dans le cadre du tourisme expérientiel : une expérience touristique mémorable est désignée comme telle si son souvenir est profondément ancré dans la mémoire du voyageur. Si Bosangit & al. différencient la mémoire explicite (= qui se rapporte aux connaissances sur le monde qui nous entoure, liée à l’apprentissage) de la mémoire épisodique (= souvenirs liés au vécu, la personne va se souvenir de l’événement et du contexte) (2015, pp.4), Tung et Ritchie vont encore plus loin en présentant la mémoire autobiographique, sous-catégorie de la mémoire épisodique, encore plus précise et personnelle: c’est « dans cette mémoire » que se regroupent les expériences de vie personnelles et significatives. Les souvenirs stockés se réfèrent vraiment au « soi » du voyageur dans le passé. Cette mémoire contient des informations sur des périodes de sa vie, des événements généraux, des émotions et des événements spécifiques qu’il se rappelle avec des détails très précis. L’objectif d’une ETM est donc de s’inscrire dans cette mémoire autobiographique (2011, p. 1375) (Kim, 2014, p.36).
Si le but de l’expérience touristique est de s’inscrire dans la mémoire du consommateur, quels en sont les facteurs d’influence ? Qu’est-ce qui va faire que le touriste se souviendra d’une expérience plutôt que d’une autre? Dans la littérature scientifique, deux points de vue principaux sont décrits : le premier est rapporté par Kim, en 2014, et est fortement lié aux attributs de la destination (p.41). Le second est décrit par Räikkönen et Honkanen en 2013, et est plus particulièrement lié aux services fournis par l’organisateur du voyage, soit le touropérateur. Kim, dans son étude, a pour objectif de ressortir les diverses caractéristiques d’une destination importantes à la création d’un contexte favorable aux expériences touristiques mémorables. Il conclut son travail avec une liste de 10 caractéristiques que la destination doit gérer au mieux afin de faciliter les ETMs:
1. La culture locale : diverses possibilités d’apprendre sur la culture locale, ou de la vivre avec les habitants.
2. La variété de l’offre : sports, activités récréatives, événements culturels. Avec plusieurs types de divertissements on peut attirer plusieurs clientèles différentes.
3. L’hospitalité : accueil par les locaux et par les professionnels du tourisme, disposition à aider les voyageurs et à partager leur savoir sur leur lieu de vie.
4. Les infrastructures : qualité et design des bâtiments, signalisation, office du tourisme disponible et/ou présent dans la destination.
5. La durabilité et l’environnement : trafic, propreté des lieux, odeur, sécurité, etc .
6. L’accessibilité : routes, proche de grandes villes, transports.
7. La qualité du service : professionnalisme et amabilité du staff des structures touristiques.
8. La physiographie et climat : zones préservées, paysages. Les destinations jouissant d’un avantage naturel doivent en faire leur USP (unique selling proposition), et ne pas seulement constater qu’ils ont de la chance.
9. L’attachement affectif au lieu : lien fort entre la destination et le visiteur provoqué par la culture du lieu ou des facteurs familiaux. Grand intérêt, envie de s’engager pour la destination.
10. Les superstructures : bâtiments intéressants et d’une architecture unique, traditions culinaires typiques, la destination doit jouer avec cette popularité.
Ces facteurs sont très importants à gérer pour une destination car c’est grâce à eux qu’un contexte favorable aux ETMs peut être mis en place (Kim, 2014, p.41). Räikkönen et Honkanen ont étudié de près les facteurs influençant le succès des vacances des touristes, et donc la création d’ETMs, lorsqu’elles sont organisées par un tour-opérateur. Les facteurs en tête sont :
1. Services du TO dans la destination : réception, transferts, guide (tour-leader, guide conférencier, guide permanent, guide local), informations sur place.
2. Hébergement : staff, propreté, situation, correspondance avec la description.
3. Services fournis par le TO avant le départ : réservation, qualité du contact avec la personne de référence.
4. Facteur environnemental : propreté et qualité de l’environnement, gestion des déchets.
5. Services de l’aéroport et vols : check-in, check-out, nourriture.
Ces cinq facteurs vont influencer l’expérience vécue par le client du tour-opérateur. Cependant, il faut être conscient que l’expérience touristique est composée de nombreux éléments qui sont externes au package et aux services sur place. Le tour-opérateur n’aura donc jamais une maîtrise complète du succès des vacances de son client. Les services touristiques sont très difficiles à standardiser (Räikkönen & Honkanen, 2013, p.112). De plus, comme le soulignent également Tung et Ritchie dans leur recherche (2011, p. 1374), l’expérience vécue par le touriste dépend énormément de son engagement. Si le visiteur décide qu’il ne participera pas à l’activité, qu’il ne s’impliquera pas, le tour-opérateur peut avoir organisé l’activité le mieux du monde, le client ne vivra pas d’expérience. Encore une fois, cela met en évidence le fait que le TO ne peut pas maîtriser le 100% de son package. Les deux chercheurs mettent aussi en avant l’importance de la surprise et de la spontanéité en tant que partie intégrante de l’ETM : ils encouragent donc les acteurs touristiques à surprendre leurs clients et ainsi créer une émotion chez eux.
Les émotions ressenties lors d’une expérience sont aussi un facteur d’influence très fort : les destinations riches en « potentiel expérientiel » ont plus de chances d’évoquer des émotions chez le consommateur. Ainsi, plus la personne ressent des émotions agréables, plus il est probable que l’expérience touristique vécue se transforme en « expérience touristique mémorable », car ce ne sont pas toutes les expériences vécues qui s’inscrivent au creux de la mémoire autobiographique, et deviennent mémorables. Pour la destination, il est très positif de faire vivre des émotions à un client, car elles influencent sur la prise de décision, la satisfaction, la loyauté du voyageur, et sur le fait qu’il va recommander la destination ou l’activité à ses connaissances (Bosangit & al., 2015, p.3).
Ces mêmes chercheurs se sont penchés sur le passage de l’expérience à l’expérience mémorable. Résultat : il faut ajouter à l’expérience des émotions et un processus de réflexion post-expérientiel, qui se rapproche souvent du storytelling (2015, p.1). Weiler et Walker, eux aussi, connectent les émotions et la réflexion à l’expérience mémorable, mais vont jusqu’à les lier. En effet, pour eux, insérer des sujets de réflexion ou des activités qui demandent de la réflexion peut engendrer un engagement émotionnel. La réflexion est donc un processus très important pour l’intégration des sensations, perceptions, sentiments, ou souvenirs (2014, p.92).
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Table des matières
Introduction
1. Revue littéraire
1.1 Le tourisme culturel
1.2 Le tourisme d’expérience
1.3 L’expérience touristique mémorable (ETM)
1.4 Le rôle du storytelling
1.5 Le rôle du tour-opérateur
1.6 Le tourisme expérientiel et les nouvelles technologies
2. Analyse de l’entreprise Géo-Découverte
2.1 Analyse SWOT
2.1.1 Les forces
2.1.2 Les faiblesses
2.1.3 Les opportunités
2.1.4 Les menaces
2.2 Les tendances et les stratégies de l’entreprise
2.3 Conclusion de la SWOT et de l’analyse
3. Introduction à l’objet du benchmark 1 – L’Aragon
3.1 Présentation de la communauté autonome d’Aragon
3.2 Pourquoi l’Aragon ?
3.3 Le tourisme en Aragon
3.3.1 Le tourisme domestique
3.3.2 Le tourisme international
3.4 La clientèle cible du benchmark
3.5 Les projections et attentes du mandant
4. Benchmark 1
4.1 Recherche de packages expérientiels
4.2 Critères du benchmark
4.2.1 La mise en valeur de la culture locale
4.2.2 Caractère expérientiel du forfait
4.2.3 Le prix
4.2.4 Degré d’aboutissement du package
4.2.5 Degré d’activité du touriste
4.2.6 Exclusivité et singularité du forfait
4.3 Tableau de benchmark
4.4 Les 8 bonnes pratiques des meilleurs forfaits
4.5 Conclusion
5. Introduction à l’objet du benchmark 2 – Les Pouilles
5.1 Présentation de la région des Pouilles
5.2 Pourquoi les Pouilles ?
5.3 Le tourisme dans les Pouilles
5.3.1 Le tourisme domestique
5.3.2 Le tourisme international
5.4 La clientèle cible du benchmark
5.5 Description de « Merveilles d’Apulie », package du mandant à redynamiser
Conclusion