Le secteur du tourisme a connu depuis deux décennies un processus d’éclaircissement conceptuel et de consolidation des instruments d’investigation et d’action. Le tourisme est pluriel. Il est traversé par des segmentations en fonction du critère d’activité et des domaines de destination couverts par les services. Il se situe à la rencontre de problématiques économiques, sociales, environnementales, matérielles et naturelles, humaines, financières, technologiques, informationnelles (Reddy et al., 2012; Deery et al., 2012). Des travaux antérieurs se sont attachés à présenter l’impact significatif du tourisme sur l’économie, la société, la qualité de la vie et le bien-être au niveau local, microrégional ou régional. Il devient pour certaines régions touristiques un des moteurs du progrès de la société. Un aspect singulier du tourisme est qu’il joue un rôle majeur par sa contribution à la réintégration de l’individu dans la nature et le milieu social. La littérature de spécialité, d’un côté, et les réalités pratiques, de l’autre côté, montrent l’apparition et le développement du concept de tourisme durable (Buckley, 2012; Simao et Partidario, 2012). La distinction entre stabilité et développement durable du tourisme permet l’examen des solutions réelles et l’identification des problèmes potentiels qui affectent la prospérité d’une région (Najdeska et Rakicevik, 2012). La préservation et la durabilité des composantes des écosystèmes représentent une condition importante du développement socio-économique. L’irréversibilité des problématiques environnementales, les effets cumulatifs et non-linéaires exercés par l’emploi des ressources sur l’environnement entraînent des problèmes majeurs. La compréhension des phénomènes de transformation de la société en profondeur suppose la mise à disposition d’une approche conceptuelle renouvelée. Les concepts d’intelligence et la résilience territoriale (Bertacchini, 2004; Girardot, 2005; 2007) nous semblent particulièrement adaptés à cet objet. Le concept d’intelligence territoriale pose le principe d’un développement régional en retenant une logique ascendante (bottum up) plus que descendante (top down). Il s’agit de fédérer les énergies locales, de créer des occasions de coopération entre des acteurs qui poursuivent chacun des objectifs spécifiques. La dynamique territoriale dépendra de la capacité des acteurs à travailler ensemble et à contribuer ainsi au développement régional.
Il a fallu se doter d’une boîte à outils à même de mesurer cette capacité. Cette boîte à outils est très éloignée de l’appareillage statistique qui décrit un territoire à partir d’indicateurs issues de la statistique descriptive. Les indicateurs interactionnistes nous ont semblé mieux à même de révéler le potentiel d’interactions entre acteurs du territoire. Au dela de la question qui produit quoi, l’indicateur interactionniste s’intéresse à la question qui produit quoi AVEC QUI. C’est l’interaction qui est importante car elle porte en germe des potentialités de collaboration, de développement. Qui travaille avec qui, qui ne travaille pas avec qui, comment s’opère la relation public privée, quel est la place des collectivités territoriales, la relation acteurs touristique autres acteurs? Les réponses à toutes ces questions sont précieuses pour évaluer le potentiel de développement touristique d’une région et son impact sur le développement territorial. Ce diagnostic permet aussi de révéler les acteurs majeurs sur lesquels doit s’appuyer une stratégie de développement territorial ascendante. Dans ce travail, nous présentons une boîte à outils qui permet d’offrir au décideur public un diagnostic interactionniste des acteurs, des variables en jeu et leur interaction.
Le tourisme dans le contexte économique et social actuel
Les premières définitions du tourisme remontent au milieu du XIXe siècle. Le tourisme y est décrit comme un phénomène des temps modernes qui, par les activités réalisées, répond à la fois aux exigences des personnes qui effectuent un déplacement et aux agents économiques et sociaux qui sont liés à ce déplacement (Kozak et Martin, 2012). L’évolution du tourisme s’est manifestée assez lentement. Depuis les années ’60-’70 on a pu observer une accélération du rythme de l’évolution touristique et on a identifié les principales dimensions de l’impact que le tourisme produit au niveau économique et social .
Son développement ultérieur a été perçu comme étant un développement global, intergénérationnel et intersectoriel (Seetanah, 2011; Simao et Partidario, 2012).
La globalisation du tourisme s’est traduite par une évolution sans précédent de celui-ci, avec de significatives implications économiques, sociales et organisationnelles; aussi le tourisme est-il devenu l’une des plus importantes industries des dernières décennies. Le tourisme représente un moyen de diversification des structures économiques et une modalité de valoriser les ressources (Novelli et al., 2012, Baidal et al., 2013). Il génère des revenus substantiels pour les régions réceptrices, il crée des opportunités pour une meilleure occupation de la force de travail, il stimule les investissements et constitue une composante cruciale des relations externes (Pomeanu et Teodosiu, 2012; Kim et al., 2012; Mccabe et al., 2012). Par conséquent, la complexité du secteur touristique est conférée par la spécificité technique et sociale, tout comme par le rôle acquis par le tourisme pour assurer le développement économique.
Défini en 1942 par Hunziker et Kraft comme “l’ensemble des relations et des phénomènes qui résultent du déplacement et du séjour des personnes en dehors de leur domicile, à condition que leur séjour et leur déplacement ne soient pas justifiés par un établissement permanent et une certaine activité lucrative”, le tourisme est souvent considéré comme une force motrice dans le processus de croissance économique des pays et des régions en développement ayant un potentiel touristique important. En même temps, le tourisme est un phénomène qui s’est imposé à l’époque contemporaine (Ballantyne et al., 2009; Beeton, 2006; Plummer et Fennell, 2009). Son développement constitue un trait saillant du XXe et du XXIe siècle, et les tendances illustrent la poursuite de cette évolution.
Le tourisme est dépendant, dans une très large mesure, du degré d’attractivité des ressources utilisables dans ce secteur, en vue d’effectuer les activités touristiques et d’exécuter des services dans ce domaine (Benea et Petroman, 2006; Pomeanu et Teodosiu, 2012). De cette manière on distingue:
➤ les ressources naturelles: elles sont représentées par les paysages, la configuration variée du relief, les conditions climatiques avantageuses, la valeur thérapeutique et l’abondance des facteurs naturels.
➤ les ressources culturelles: elles sont représentées par le patrimoine urbain et rural, les arts, les valeurs archéologiques, les traditions, les valeurs scientifiques, l’artisanat, les arts traditionnels, les coutumes et les mœurs;
➤ les ressources sociales: comprennent les promoteurs touristiques potentiels, les particularités socio-démographiques, les aptitudes, le capital, l’expérience, les intérêts de la communauté locale.
Une définition du tourisme, communément acceptée au niveau international, suppose la prise en compte de la grande diversité des formes de manifestation des flux touristiques, mais également des effets économiques, sociaux, culturels et environnementaux générés par la circulation touristique (Albu, 2007; Jugănaru, 2007; Plummer et Fennell, 2009). Les concepts qui font référence au tourisme comprennent le temps et l’espace en tant que termes de référence, mais également la motivation (qui peut générer un flux touristique distinct et hétérogène du point de vue des caractéristiques personnelles des touristes). Ainsi, les formes de tourisme pratiquées aux niveaux national et international sont multiples et variées, leur regroupement étant réalisés selon plusieurs critères. Conformément aux définitions données par l’Organisation Mondiale du Tourisme, les principales formes de tourisme pratiquées à présent, selon un pays donné, sont les suivantes:
➤ Tourisme interne: comprend les activités des résidents d’un pays qui voyagent seulement à l’intérieur de ce pays, mais en dehors de leur résidence habituelle;
➤ Tourisme réceptif: comprend les activités des non-résidents qui voyagent dans un pays donné, autre que celui dans lequel ils ont leur résidence habituelle;
➤ Tourisme émetteur: comprend les activités des résidents d’un pays donné, qui voyagent et passent leurs séjours dans un autre pays que celui dans lequel ils ont leur résidence habituelle. La combinaison de ces trois formes génère une typologie de plus (Minciu, 2005):
➤ Tourisme intérieur: regroupe le tourisme interne et le tourisme réceptif;
➤ Tourisme national: constitué du tourisme interne et émetteur;
➤ Tourisme international: composé du tourisme réceptif et émetteur.
L’impact du tourisme de masse sur les facteurs environnementaux
Le tourisme de masse a comme conséquence la détérioration des ressources naturelles qui est un indicateur du niveau, du manque ou du succès des programmes de management. RouxFouillet et al. (2011) ont montré dans leur étude que des formes de tourisme telles que l’alpinisme ou le tourisme spéléologique, qui sont, dans une certaine mesure, acceptées en tant que formes du tourisme dans les aires protégées, représentent des activités qui exploitent beaucoup les formations de roches. Après la pratique de ces sports on peut constater, dans certains cas, une détérioration des formations géologiques. Par conséquent, l’alpinisme a comme effet négatif principal la détérioration des roches, ce qui a une incidence sur la vulnérabilité de la faune et de la flore spécifique à ces régions et qui porte atteinte à leur capacité à se régénérer. En Roumanie, cette détérioration des formations géologiques peut être observée sur les sites d’alpinisme du Parc National Bucegi ou du Parc National Piatra Craiului, qui représentent des régions très populaires pour la pratique de l’alpinisme en Roumanie (Erdeli et Dinca, 2011; http://www.mdrt.ro/turism/studii—strategii). Le comportement inadéquat des touristes se traduit également au niveau des formations géologiques par des inscriptions et graffitis (Geneletti et Dawa, 2009). Il en est ainsi, par exemple, lorsque les touristes indiquent, sur certains murs rocheux, la période pendant laquelle ils y sont arrivés. Cela peut être observé dans la plupart des régions montagneuses.
L’impact du tourisme sur les ressources en eau
Charara et al. (2011) considèrent que la capacité des ressources en eau à servir les intérêts liés aux activités de loisir varie en général, en fonction du nombre de personnes qui utilisent une certaine aire à un certain moment; un trop grand nombre de personnes peut constituer un risque important sur la qualité de l’eau. Par conséquent, les activités de loisir qui se déroulent dans les aires protégées peuvent avoir un effet différent sur les aires respectives. D’un côté, la présence de touriste nécessite de l’eau destinée à la consommation des touristes (hygiène, préparation de la nourriture); de l’autre côté, le tourisme peut avoir des conséquences en terme de pollution des différentes sources d’eau, tout comme la perturbation de l’habitat pour différentes espèces de flore et faune.
La pollution de l’eau constitue une préoccupation majeure (Teodosiu et al., 2009; Teodosiu et Bârjoveanu, 2011), car beaucoup d’activités touristiques ne peuvent pas se dérouler si les ressources d’eau manquent, surtout s’il s’agit de l’état d’hygiène et de la qualité des services touristiques offerts. Le tourisme balnéaire peut entraîner la modification du taux de développement de certaines plantes aquatiques. Les matières en suspension peuvent constituer le plus souvent un facteur visible pour les visiteurs (Barr, 2007; Zhang et al., 2007). L’action de traverser les eaux, l’érosion ou la modification de l’emploi des terrains peuvent mener à l’augmentation du volume de matière en suspension, ce qui réduit la clarté de l’eau et la satisfaction des visiteurs. Charara et al. (2011), en conformité avec les recherches menées, concluent que la consommation d’eau calculée pour chaque touriste est assez élevée en ce qui concerne les structures d’hébergement et celles d’alimentation publique. Par conséquent, mises à part les eaux qui proviennent des localités rurales, on enregistre un volume plus grand des eaux évacuées. La pollution des eaux est produite également par l’intermédiaire du tourisme qui n’est pas organisé, par le campement dans les lieux situés au bord de l’eau, des lacs ou dans le périmètre des nappes phréatiques à caractère minéral, où les touristes, par la quantité de déchets produits, peuvent contribuer à la diminution de la qualité des eaux de surface ou souterraines (Zhong et al., 2011).
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 État actuel des recherches dans le domaine du tourisme durable et du développement régional
1.1. Le tourisme dans le contexte économique et social actuel
1.2 Avantages et désavantages spécifiques à la pratique du tourisme du point de vue de l’efficacité socio-économique et de la protection de l’environnement
1.3 Le concept du développement durable
1.4 Aspects concernant le développement durable dans le domaine du tourisme
1.5 La place et le rôle du tourisme durable pour assurer le développement régional
1.5.1 Le développement régional-concept et caractéristiques
1.5.2 La contribution du tourisme au développement régional – ingérences et influences
1.6 L’Approche théorique et méthodologique des concepts de l’intelligence et de la résilience territoriale dans le développement durable de tourisme
Chapitre 2 Méthodologie de la recherche
2.1 Définir le but et la stratégie expérimentale
2.2 Le socle méthodologique
2.3 Analyse de l’impact environnemental
2.3.1 Analyse de l’impact environnemental par la méthode MERI
2.4 Analyse Structurelle
2.4.1 L’instrument logiciel MicMac
2.5 L’Analyse Réseau
2.5.1 L’instrument logiciel NetDraw
2.6 Le spécifique et la source des données
2.6.1 Caractérisation de la région étudiée – département de Suceava (Roumanie)
Chapitre 3 L’application des méthodes d’évaluation de la contribution du tourisme durable sur le développement régional au niveau du département de Suceava
3.1 Principes généraux
3.2 Présentation statistique et analytique de développement du tourisme dans le département de Suceava
3.2.1 Aspects généraux concernant l’impact socio – économique et culturel du tourisme sur la microrégion de Suceava
3.2.2 Infrastructure touristique de la microrégion Suceava
3.3 L’évaluation de l’impact environnemental au niveau de département de Suceava- la mise en œuvre de MERI
3.3.1 Evaluation de potentiel socio-économique des components de l’analyse MERI
3.3.2 Principes de travail
3.4 La structure du département de Suceava comme contrainte du développement et son effet émergent – la mise en ouvre de l’Analyse structurelle
3.5 Conclusions partielles
Chapitre 4 Le tourisme durable: un système ouvert en évolution au sein du département de Suceava
4.1 Du plan d’action à la stratégie
4.2 Le Tourisme durable- vecteur de développement régional
4.3 Méthode d’Analyse réseau
4.4 L’intégration des instruments de l’intelligence et de la résilience territoriale dans les pratiques du tourisme durable afin d’améliorer le développement régional
4.5 Scénario de développement régional
4.6 Les principes d’élaboration et de mise en œuvre de la stratégie ascendante de développement touristique et régionale durable
4.7 Conclusions partielles
Conclusion générale
Bibliographie
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