LE TOAKA GASY DANS LES RITUELS BETSILEO

Délimitation administrative et géographique

               Comme il s’agit de bien déterminer les frontières de ce qui sera l’objet de notre étude, le monde Betsileo se trouve alors dans la partie sud des hauts plateaux de Madagascar. Administrativement il se situe dans les deux régions MATSIATRA et MANIA de la province autonome de Fianarantsoa et couvre 9 sur 23 sous préfectures composant ladite province. Il s’agit des sous-préfectures de FIANARANTSOA I et II – AMBALAVAO – IKALAMAVONY – AMBOHIMAHASOA – AMBOSITRA – AMBATOFINANDRAHANA – MANANDRIANA – FANDRIANA. ( cf. carte ) Géographiquement, Au sud, le Betsileo est délimité par le massif de l’Andringitra et le pays Bara. Au nord par l’Imerina ou plus exactement le Vakinankaratra. Le méridien d’Ambatofinandrahana le limite à l’Ouest et la lisière de la forêt Tanala à l’Est. Deux grands fleuves y prennent naissance, Le Mania et le Matsiatra. Tous deux se jettent dans le canal de Mozambique. Le Matsiatra appelé en aval le Mangoky. Ce fleuve le plus long de Madagascar a également pour affluents le Mananatanana et le Zomandao ; deux fleuves se trouvant dans la région Betsileo. Le Mania sous le nom de Tsiribihina, source de toutes ces eaux qui humidifient la région d’où la venue du nom Arindrano ( amis des eaux ). D’une division ancienne, il semblait que le pays était subdivisé en 4 grands territoires ; MANANDRIANA, ISANDRA, LALANGINA et ARINDRANO. Le MANANDRIANA avait pour capitale Ambohimahazo. Il s’étendait depuis l’Ivato à l’Est et Fiadanana au Sud -Est jusqu’à la région de Tsinjavina, anciennement Ivatolava à l’ouest ; d’Ámbatofangehana au Nord jusqu’au Matsiatra et au Fanindrona son affluent. L’ISANDRA, partant du Matsiatra se terminait au Sud, un peu avant la vallée du Lamosina. Limite imprécise à l’Ouest, limites presque en ligne droite du nord au sud depuis le massif d’Andranogaga jusqu’au rocher de Langela. Le LALANGINA, s’allonge sur toute la partie orientale de la contrée depuis le Fanindrona jusqu’aux environs de Sahave. On y distingue Le Mandranozenina, au Sud du Mandranofotsy, avec Ilalazana comme capitale; L’Ifaliarivo, prolongement de la partie correspondante en Isandra avec Vinaninoro comme centre; Le Lalanginaivo ou le Lalangina central avec, pour les villes principales, Ialananindrano et Ankaramalaza. Enfin L’ARINDRANO s’étend sur toute la partie méridionale du Betsileo. On y a aussi distingué depuis longtemps plusieurs régions : Le Vohibato qui comprend la vallée de Mandranofotsy dans sa partie supérieure jusqu’à son entrée dans la plaine de Fianarantsoa ; Le Tsienimparihy sur les deux rives de la grande rivière de Mananantanana ; L’Ialananindrano sud et l’Homatrazo. Telles furent les répartitions et les appellations les plus connues aux anciens temps. Ces délimitations semblaient ne pas tenir compte de l’au-delà de la Mania ou le nord de cette rivière. La sous-préfecture de Fandriana actuelle à été classée à cette époque comme faisant partie de la région de VAKINANKARATRA. Cependant des chercheurs récents l’ont bien qualifiée de Betsileo Nord et la division administrative actuelle au moment ou nous écrivons ( Mars 2004 ) l’intègre même dans la province autonome de Fianarantsoa que dans celle d’Antananarivo. Ici la dénomination de plateaux peut paraître assez ironique pour désigner le plus admirable chaos de montagnes et de rochers que l’on puisse observer et imaginer. Des bosses et des trous, des montées et des descentes, des ondulations sans nombres et sans fin, ressemblant à une immense mer avec des vagues monstrueuses subitement figées, voilà dans son ensemble le pays Betsileo. Quand on veut donner un aperçu exact de la configuration de la contrée, l’imagination la plus inventive se sent en déroute. Des croupes plus ou moins allongées, que continuent des mamelons décroissants, finissant eux-mêmes dans l’étalement plus ou moins vaste de la plaine sur le bord des rivières. Entre ces croupes ou subdivisions de croupes, des creux formant vallon, ravine ou fossé suivant l’importance, à l’intersection de deux croupes une source qui alimente les hameaux et les rizières. C’est grâce à ces sources que le Betsileo peut accrocher au flanc des montagnes et assez haut ces magnifiques rizières à trente, quarante et cinquante échelons. C’est au pied de ces systèmes montagneux importants que se développent les grandes vallées et plaines. Ruisseaux des pentes, torrents des ravins, rivières des vallées ont surtout pour fonctions d’alimenter les rizières qui après avoir rangé ; parfois très haut sur les flancs des montagnes, leurs pittoresques gradins, s’étalent en finissant dans les plaines. En sommes, une prodigieuse bousculade de roches dans les sommets, des grands plateaux arides et déserts ici et là, des croupes sans nombres couvertes d’herbe sèche, et toute la vie, toute la végétation, toute la richesse dans les plaines ou dans les bas fonds. En fait, le monde Betsileo est aussi une région de grandes variations d’altitude qui varie de 100 à 2000 m. les parties les plus basses : les vallées du Matsiatra et du Mananantanana, les environs de Fianarantsoa, de Soalala et d’Ambalavao, restent comprises entre 500 et 100 m. La majeure partie du pays dépasse 1500m.

Variétés et lieux de provenance

              Concernant le << Toaka gasy >> dans les régions Betsileo, selon l’enquête, nous avons pu distinguer cinq catégories suivant les matières premières utilisées :
– Le << Toaka gasy >> issu de la distillation du miel ou ( Toaka tantely ) ;
– Le << Toaka gasy >> issu de la distillation des fruits (par exemple : mangue) ;
– Le << Toaka gasy >> issu de la distillation de la canne à sucre ou << Toaka fary >> est le plus apprécié par les fabricants et les consommateurs.
L’illustre << Ambodivoara >> de Fandriana est de cette catégorie; le << Toaka dabotany >> d’ Ambalavao, est fait également avec le << fary >> mais il est moins apprécié que l’ << Ambodivoara >>
– Le << Toaka gasy >> issu de la distillation des racines ( racine d’ambatry, de manioc et de patate ), Le << Toaka ambatry >> au nord Betsileo est de cette catégorie.
– Le << Toaka siramamy >> issu de la distillation du sucre, préalablement fermenté avec des ferments ordinaires ( laro ) ;
Les interviewés ont bien souligné que seuls le << Toaka tantely >> et le << Toaka fary >> peuvent être utilisés dans les cérémonies rituelles.

Les trois stades de l’ivresse

                 On s’est inspiré de J. Odermatt pour cette notion de trois stades de l’ivresse. Il ne s’agit pas d’états nettement tranchés, mais comportant des transitions qui différent d’un sujet à l’autre et varient chez un même sujet suivant ses conditions momentanées.
1er stade : pré-ivresse : Détente, relaxation, gaieté et consentement sans raison déterminée, relâchement du contrôle de soi, baisse du sens critique et logique, besoin de parler et de fraterniser, accentuation des gestes et de la parole, dispersion de l’attention et défaut de concentration, surestimation de soi et sous-estimation des obstacles, impatience de voir ses désirs réalisés.
2e stade : ivresse légère à moyenne : Perte de sens critique et logique, ainsi que du jugement, difficulté de concentrer son attention ou de suivre un raisonnement, défaillances dans la coordination des organes des sens et des réactions musculaires, imprécision des mouvements, prédominance progressive des impulsions instinctives suivies immédiatement d’actes inconsidérés, brusques changements d’humeur, allongement des temps de réaction.
3e stade : ivresse grave : Paralysie progressive des fonctions conscientes, allongement des temps de réflexe, illusions visuelles ou auditives, somnolence irrésistible mettant fin aux libations.

Les quatre groupes d’alcoolisme chronique

1er groupe : l’alcoolisme névrotique : Il s’agit de buveur souffrant de conflits intérieurs, de difficultés caractérielles, d’anxiété, de frustration, etc…. ? et qui cherche dans l’alcool, la détente, l’allégement et l’oubli. Leur dépendance à l’alcool, qui représente pour eux une sorte de tranquillisant, est d’ordre psychologique. Ils boivent souvent seuls et en cachette. Parmi eux, on rencontre des faibles de volonté, des déséquilibrés, des introvertis, des psychopathes, en un mot, une humanité souffrante. Par leur excès de boisson, ces buveurs nuisent leur famille, leur travail et leur situation sociale et économique. Ainsi, aux troubles primitifs s’ajoutent les complications créées par l’abus d’alcool.
2eme groupe : l’alcoolisme non compliqué : Ce sont des sujets sains au départ et qu’une alcoolisation habituelle et continue rend alcooliques. Ces alcooliques ont commencé et continuent à boire par goût, par imitation, par entraînement, pour être mieux acceptés par les autres, parce que l’euphorie de l’alcool leur convient, parce que le milieu dans lequel ils vivent ou leurs occupations fournissent de fréquentes occasions de boire.
3eme groupe : l’alcoolomanie avec perte de contrôle : C’est un état de besoin impérieux et progressif. La maladie est d’une extrême gravité, parce qu’il y a incapacité totale de contrôler ses consommations d’alcool, une fois que l’alcoolomane de ce groupe a commencé à boire. S’il peut s’abstenir pendant  quelques temps, il perd tout contrôle dès qu’il prend la moindre consommation. Il continue alors ses excès d’alcool jusqu’à ce que des facteurs internes ou externes y mettent fin.
4eme groupe : l’alcoolomanie avec incapacité de s’abstenir de boire : A l’encontre des alcoolomanes du 3eme groupe, ils sont capables, d’adapter plus ou moins leur consommation d’alcool aux circonstances, à éviter l’état d’ivresse manifeste. Mais ils ne peuvent plus se passer totalement d’alcool, même pendant 24 heures ; car ils souffrent de signes de sevrage : fort tremblement, des mains surtout, transpiration, diarrhées, insomnie, irritabilité, tension nerveuse, angoisse, etc. De nouvelles absorptions d’alcool font disparaître immédiatement ces malaises.

Le rôle des rituels

               Il paraît que la seule définition ne semble pas suffisante pour mieux appréhender la signification des rituels. Il faut la compléter par les objectifs visés. Qu’est ce que l’on entend vraiment avec ces pratiques quasi-inimaginable ? Cette question nous amène alors aux rôles des rituels. Selon l’approche psychosociologique, il importe de dégager les fonctions, les significations en se referant à la fois au climat groupal lors du déroulement du rite et au vécu propre des acteurs, donc à l’ensemble des situations, sentiments, représentations dont il assure à la fois l’expression et la régulation. Au-delà des buts explicites ; protection divine, fécondité, intronisation, etc.….l’auteur a assigné aussi aux rituels trois fonctions majeurs :
– Fonction de maîtrise du mouvant et de réassurance contre l’angoisse : Les pratiques rituelles libèrent l’inquiétude humaine devant les péripéties de la vie. Elles canalisent aussi les émotions puissantes telles que la haine, la peur, le chagrin et l’espérance dans de nombreux rites archaïques. Beaucoup d’entre elles servent aussi à maîtriser symboliquement l’espace et le temps afin de réduire leurs contraintes et leur fluidité. Cela est manifeste par exemple dans des cas de la sacralisation d’un lieu et la consécration des périodes ou des étapes de la vie ( rites saisonniers ).
– Fonction de médiatisation avec le divin ou avec certaines formes et valeurs occultes ou idéales : Il s’agit d’une conciliation avec des puissances qui nous échappent : divinité, esprits bénéfiques ou maléfiques, idéaux aléatoires. Reconnaissant ses limites face aux aléas de la vie, l’homme recourt toujours à des opérations symboliques : gestes, signes, objets figuratifs auxquels il prête une certaine efficacité. Tel est le sens par exemple des prières. La référence à un certain sacré subsiste aussi dans les rituels laïcs ou séculiers sous forme de << valeurs idéales. Cela est manifeste surtout au niveau des discours politiques.
– Fonction de communication et de régulation, par attestation et le renforcement du lien social : Chaque société ou chaque communauté partageant le sentiment d’identité collective éprouve toujours le besoin d’entretenir et de raffermir les croyances et les sentiments qui fondent son unité. Cependant cela ne peut pas être obtenu qu’au moyen de réunions, de rassemblement où les individus réaffirment en commun leurs communes valeurs. C’est les cas donc de toutes les fêtes religieuses ou laïques diverses. Généralement, on peut d’une manière synthétique déduire de toutes ces fonctions que le rituel, malgré la forme irrationnelle et certain attachement aux forces occultes, ne vise que l’épanouissement effectif de l’être ; un être qui ne vit pas seulement dans le monde sensible mais aussi dans le monde du spirituel ; un être pas seulement individuel mais aussi social.

Les rites comme actes d’institution

                 Cette théorie revient à Bourdieu. Il a repris le problème de fonction sociale du rite à partir d’une réflexion sur ce que Van Gennep a nommé rites de passage. Selon lui, cette expression risque d’occulter un effet essentiel du rite qui est << de séparer ceux qui l’ont subi non de ceux qui ne l’ont pas encore subi, mais de ceux ne le subiront jamais parce qu’il ne les concerne pas >>. A ce propos il vaudrait mieux parler de rites de consécration ou d’institution. Le rituel constitue donc un acte de magie sociale, qui peut soit créer la différence ex nihilo en conférant des << titres sociaux >>, soit exploiter des différences préexistantes de sexe, d’âge ou d’ethnie. Cette investiture confère une identité au concerné et induit indubitablement au non investi le sentiment de nullité. Cependant nouveau statut impose nouveau rôle. << Celui qui est institué se sent sommé d’être conforme à sa définition….>> sauf accident dans le cas des mal intentionnés. Une autre fonction du rituel d’institution est de décourager la tentation de transgression ou de démission. D’où la raison de diverses épreuves et menaces pour faire imaginer à l’impétrant les enjeux de son futur statut. Cependant, les actes de la magie sociale ne peuvent pas réussir que s’ils sont garantis par la croyance collective, la croyance de tous est la condition de l’efficacité du rituel.

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Table des matières

Introduction
Première partie : Présentation générale de la région Betsileo 
I – Délimitation administrative géographique 
II – Les conditions climatiques 
III – L’habitat 
III.1 – Les caractéristiques
III.2 – Les maisons
Deuxième partie: Le << Toaka Gasy >> et son environnement 
I – Définition 
II – Mode de fabrication
III – Variétés et lieux de provenance 
IV – Effets de la consommation
IV.1 Les trois stades de l’ivresse
IV.2 L’alcoolisme
IV.2.1 Définition
IV.2.2 Classification
IV.3 Les effets sociaux
Troisième partie : Le << Toaka gasy >> dans les rituels Betsileo 
Approche théorique
I – La définition 
II – Le rôle du rituel 
III- La classification du rituel 
IV – Quelques théories du rite 
IV.1- Le rite et efficacité symbolique
IV.2 – Les rites comme actes d’institution
IV.3 – Rites, mimésis et violence
Approche analytique
I – Le rituel du << LAGNONANA >> 
I.1 – La préparation
I.2 – Le rite du << FANAMBA FAHASIVY >>
I.3 – Le rite du << SAOTRA >>
II- Le rituel du << TONO AKOHO >> 
III Le rituel du << FORAZAZA >>
III.1 – La préparation
III.2 – Le rite du << FANAMBA FAHASIVY >>
III.3 – L’opération proprement dite
IV – Le << TANDRA VADY >> 
IV.1 – Le rituel d’ << ALA-FADY >>
IV.2 – Le rituel du << TANDRA VADY >> ou << FEHE-PONEGNA >>
V – Le rituel du << VAKIRA >> 
V.1 – Les objets utilisés
V.2 – Le rituel proprement dit
VI – Le rituel du << FAHAFATESANA >> 
VII – Le rituel du << FAMADIHANA >> 
VII.1 Les préparatifs
VII.2 La veille
VII.3 Le jour de l’exhumation
VII.4 La cérémonie au tombeau
VIII – Le << Toaka gasy >> élément principal des rituels 
IX – Les vertus mystiques du << Toaka gasy >> 
IX.1 – Le Toaka gasy : symbole de vie
IX .2- Le Toaka gasy : symbole de puissance
IX.3 Le Toaka gasy : symbole de respect
X – Le << Toaka Gasy >> : élément de réjouissance 
Conclusion
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE

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