En ce troisième millénaire, la question du développement est la seule qui vaille être posée à propos du Sénégal. Elle doit être intéressée par des chercheurs et de ceux qui sont engagés dans des opérations destinées à promouvoir le devenir des sénégalais dans tel ou tel domaine. Dans notre domaine, les recherches portant sur la réalité linguistique du Sénégal ont abouti à une description d’un espace où cohabitent essentiellement les langues sénégalaises surtout le wolof à statut différent et le français. Ce dernier étant à la fois langue officielle, par conséquent langue de l’ instruction scolaire, de prestige, de culture et de promotion sociale et intellectuelle a toujours occupé une place de choix dans le territoire national au point qu’il est devenu une langue privilégiée de communication écrite (littérature, ouvrage, affiche, document administratif, presse orale et écrite etc.).
La presse écrite sénégalaise qui n’échappe pas à cette règle est le moteur de l’information et de la communication de la vie quotidienne des sénégalais. L’utilisation du français pour décrire les réalités sénégalaises dans nos multiples journaux s’augmentent de jour en jour doit être un objet d’étude pour tous les jeunes chercheurs en particulier les étudiants et les spécialistes des sciences du langage. Ainsi, une étude linguistique sur la presse écrite sénégalaise, marquée par une certaine particularité sur l’utilisation et l’appropriation du français, vient à son heure. C’est ce que nous rappelle les propos de Patrick CHARAUDEAU (1997) sur l’utilisation du français : «la langue est d’ abord usage, usage social et usage individuel. Par conséquence, il n’existe pas une norme mais des normes » . Autrement dit, dans le souci de se faire comprendre, les écrivains et les journalistes utilisent le français d’une façon libre sans se soucier du respect de certaines normes afin que leur production soit au service de l’identité culturelle sénégalaise.
APPROCHE THEORIQUE
Contexte et justification
Aujourd’hui le paysage médiatique sénégalais est riche et diversifié. Il est marqué par une floraison mais aussi une forte concentration des maisons de presse à Dakar comme la Radiotélévision Sénégalaise (RTS), le Groupe Walfadjiri, le Sud communication et le Groupe futur média (GFM) etc. Ainsi, la démocratie a marqué un tournant décisif dans l’histoire de la presse sénégalaise. Elle a permis un développement sans précédent de cette dernière. Le Sénégal est aujourd’hui l’un des pays d’Afrique qui renferme le plus grand nombre de journaux d’opinion. Cette situation prouve qu’il ne peut y avoir de développement de la presse en Afrique en général et au Sénégal en particulier sans l’existence de la liberté de la presse. Cette libération des moyens de communication et d’information depuis les régimes précédents a contribué à la prolifération des organes de presse qui cherchent à atteindre le maximum de personnes avec le maximum de messages. Dans cette concurrence pour s’accaparer l’intention de la masse, on peut considérer ces organes comme des industries de transformation traitant les informations par toute une gamme d’opération. C’est dans un soucis d’opérer et de traiter une sélection de messages collectés à un temps réduit, pour une satisfaction de ces auditeurs ou lecteurs que nos journalistes utilisent un langage adapté et accessible à une majorité de la population. C’est en ce sens que le journaliste sénégalais est confronté particulièrement à un usage standard du français et du régionalisme. En effet, nos journalistes se servent de la langue française comme un outil de communication qu’il convient d’adapter aux réalités culturelles et linguistiques des destinataires sénégalaises.
En ce qui concerne notre support d’étude à savoir la presse écrite, elle maintient toujours sa fonction avec la pléthore de journaux. Malgré tout, les jeunes sénégalais s’adonnent moins à la lecture car nous constatons que l’activité de lecture est aujourd’hui comme une épreuve pénible pour la plus part des sénégalais. Cette presse sénégalaise écrite utilise le français pour décrire toute l’actualité politique, sociale et culturelle du pays depuis l’indépendance. Ainsi, un journaliste sénégalais pour le faire s’approprie le français, et d’en faire une langue sénégalaise disponible dans toutes les situations de communication, sans exception. C’est dans ce contexte que nous avons un espace sociolinguistique sénégalais où il y a la majorité de la population qui s’exprime en wolof ou dans d’autres langues locales. A côté de ces langues utilisées fréquemment dans la communication orale nous avons le français, langue étrangère qui est la seule utilisée à l’écrit particulièrement dans les quotidiens sénégalais et qui présente des marques de « sénégalité ». L’usage diversifié du français dans toutes les réalités socioculturelles du pays oblige nos journalistes d’adapter leur propre style d’appropriation de cette langue au niveau sémantique, syntaxique et morphologie. C’est ce qui nous rappelle les propos de J.P.MAKOUTO MBOUTOU (1973) qui pense qu’il ne faut pas que « les négroAfricains subissent simplement une langue totalement étranger (…) qu’ils ne soient plus simple et mauvais consommateurs de la langue française mais qu’ils la recréent pour la rendre accessible à leur mode de vie et à leur manière de penser». On peut dire c’est le problème politique et culturel de la cohabitation du français et les langues nationales (le wolof en particulier) qui est à l’origine du problème linguistique au Sénégal sur les normes standards du français dans les textes journalistiques sénégalais. Ainsi, le comportement linguiste de ces usagers en particulier les journalistes qui utilisent le français comme champ d’investigation et d’application de la grammaire et de la linguistique dans leurs récits nous amènent à réfléchir sur ce sujet.
Pourquoi notre étude s’intéresse-t-elle au le secteur de la presse écrite? Notre motivation du choix de ce secteur n’est point un hasard car cela s’explique par le simple fait que nous trouvons encore des éléments les plus intéressants pour une étude scientifique. La raison principale est que la presse est considérée comme instrument de vulgarisation, de la promotion et d’instruction des cultures mais aussi des langues. Elle est en contact permanente avec les réalités culturelles, politiques, économiques mais aussi linguistiques du pays. A travers cette presse écrite sénégalaise, nous pouvons décrire certaines particularités dans l’usage du français au Sénégal. Ces motivations s’inscrivent en droite ligne dans des questions portant sur le niveau de l’utilisation, de l’amélioration des productions et aussi de l’enrichissement de la langue française dans nos journaux. Le français étant toujours une langue de l’ouverture internationale pour le Sénégal, a toujours suscité une question fondamentale à résoudre sur son usage et ses différentes variations au sein de l’espace francophone. L’interrogation sur le devenir du français, au niveau de la francophonie, en Afrique et particulièrement au Sénégal est l’une des raisons qui nous ont poussées à réfléchir sur les pratiques linguistiques du français par les sénégalais précisément par les journalistes de la presse écrite. Aussi, à côté du français » standard » de France, on voit se développer dans chaque communauté francophone des particularités linguistiques qui font apparaître d’autres visages du français. Au Sénégal ce changement de perspectives très important et fréquent dans la presse sénégalaise, doit être pris en compte pour une évaluation par rapport aux normes et modèles linguistiques.
Problématique
Position du problème et questions de recherche
La spécificité linguistique du Sénégal se lit à travers l’histoire politique et culturelle du pays. La question qu’elle soulève plus précisément au niveau de la presse écrite est cruciale. Elle doit être abordée au niveau des problèmes que pose le rapport de l’usage du français avec nos réalités culturelles et linguistiques. Le contact du français avec les langues nationales depuis plusieurs décennies a eu des conséquences notoires d’une part au niveau de la particularité du français parlé au Sénégal et d’autre part au niveau de l’alternance et du mélange des langues chez certains écrivains et particulièrement chez les journalistes de la presse écrite.
LE MULTILINGUISME AU SENEGAL
Le multilinguisme était identique à celui du plurilinguisme mais, depuis qu’il a été différencié, il désigne aujourd’hui la présence de plusieurs langues sur le même territoire. Le Sénégal est un pays multilingue qui compte une vingtaine de langues locales cohabitant avec le français, langue officielle. Cette langue introduite au Sénégal avec la colonisation depuis 1659 est la seule à être utilisée dans la gestion administrative, dans les médias et surtout dans l’enseignement à tous les niveaux alors que les langues nationales se limitent à la communication de masse quotidienne. Ainsi, ce multilinguisme peut être lié à la diversité ethnique et culturelle du pays mais aussi par la nature de la langue officielle qui est une langue étrangère et non locale.
La situation linguistique
Le Sénégal est un pays où la diversité ethnique correspond presque à la multiplicité des langues car les noms de certaines langues portent presque les noms des groupes ethniques auxquels ils appartiennent. C’est surtout cette diversité ethnique qui donne à notre pays un répertoire linguistique très riche. À cela s’ajoute que la situation linguistique du pays est de plus en plus complexe avec la communication orale qui se déroule essentiellement dans les langues nationales surtout le wolof, tandis que la communication écrite se passe surtout en langue officielle, le français. C’est en ce sens que les acteurs de la presse profitent de cette richesse pour introduire des mots et des expressions tirés des langues nationales selon des situations et les lieux où ils se trouvent pour bien recueillir l’information nationale.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIER PARTIE: APPROCHES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES
CHAPITRE1: APPROCHE THEORIQUE
CHAPITRE 2 : APPROCHE METHODOLOGIQUE
DEUXIEME PARTIE :LA SITUATION SOCIOLINGUISTIQUE DU SENEGAL
CHAPITRE 1: LE MULTILINGUISME AU SENEGAL
CHAPITRE 2: CONTACT DU FRANÇAIS ET LES LANGUES NATIONALES
TROISIEME PARTIE:ETUDES DES PARTICULARITES ET CREATIONS LINGUISTIQUES DU FRANÇAIS DANS LA PRESSE ECRITE SENEGALAISE
CHAPITRE 1 : DESCRIPTION ET ANALYSE DE LA NEOLOGIE OU DU NEOLOGISME
CHAPITRE 2 : LES AUTRES TYPES DE PARTICULARITES
CHAPITRE 3 : ETUDE SYNTAXIQUE DE L’ECRITURE JOURNALISTIQUE
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE