Le tétanos est une toxi-infection d’inoculation, non contagieuse, non immunisante due à un bacille gram positif, ubiquitaire, tellurique, anaérobie strict, le Clostridium tetani encore appelé Bacille de Nicolaier, sécrétant une exotoxine protéique neurotrope. Maladie grave car potentiellement mortelle, le tétanos constitue, de par sa fréquence, un véritable problème de santé publique dans les pays en voie de développement, mais est cependant évitable grâce à une vaccination efficace et sans contre-indication (16). Les estimations de l’OMS font état de 1.000.000 de cas dans le monde avec 500.000 décès. Dans les pays en voie de développement, tous les âges sont concernés, notamment les nouveau-nés : le tétanos néonatal tue 4,5 enfants pour 1000 naissances vivantes dans les continents asiatique et africain. Du fait de la vaccination rendue obligatoire en France pour les enfants en âge scolaire en 1940, la maladie y est rare (100 à 300 cas par an ces dernières années). Il a été déclaré seulement 12 cas pour les 30 premières semaines de 1995, essentiellement en zone rurale chez des sujets âgés et particulièrement chez des femmes non vaccinées (8). Le tétanos à porte d’entrée tégumentaire revêt un intérêt particulier du fait de sa grande fréquence dans nos contrées (29), qui relève de plusieurs facteurs :
– l’activité agricole pratiquée dans nos pays avec des moyens assez rudimentaires sans port systématique de gants de travail ou de chaussures adaptés ;
– la marche pieds nus ;
– l’ignorance de la maladie qui retarde la consultation au niveau des structures sanitaires ;
– l’absence ou la faiblesse de diffusion de l’information adaptée à la prévention de la maladie et par conséquent la non immunisation tétanique d’une grande partie de nos populations.
Cependant, devant le renforcement du PEV (Programme Elargi de Vaccination), les nombreuses campagnes de sensibilisation entreprises, la formation d’un personnel médical et paramédical qualifié et la mise en place d’un plus grand nombre de structures sanitaires (hôpital , district , poste de santé , case de santé ) durant ces dernières années , il nous paraît opportun de faire un état des lieux sur cette porte d’entrée. C’est ainsi que nous avons mené cette étude rétrospective à la clinique des Maladies Infectieuses du CHN de FANN durant la période allant du 1er Janvier 2000 au 31 Décembre 2008.
Historique
– Les premières descriptions cliniques du Tétanos furent réalisées depuis la plus haute antiquité par Hippocrate et Aretee vers 400 avant J.C, le mot « tétanos » signifiant rigidité en grec.
– En 1854, la présence d’une plaie fut désignée comme cause première de cette affection par Sir James Young Simpson
– En 1884, Carlo et Rattone établissent la nature infectieuse de la maladie.
– En 1885, l’agent responsable du Tétanos est identifié par Arthur Nicolaier, qui lui donnera son nom par la suite. (20).
– En 1889, Shibasaburo Kitasato parvient à cultiver et à purifier le germe.
– En 1890, la découverte de la toxine que sécrète le germe par Knud Faber suivies par celle de d’Albert Frankel et Emil Von Behring permettent de lancer dès 1897 une production de sérum de manière intensive (à base de l’anatoxine tétanique)
– Le vaccin contre le Tétanos fut inventé par Pierre Descombes en 1924, ce dernier l’appliqua sur l’animal domestique avec la collaboration de Gaston Ramon. Celui-ci, avec l’aide de Christian Zoeller, mettra au point le vaccin destiné à l’homme en 1926.
– La constitution chimique de la toxine est connue depuis 1948.
– En 1959, le site spécifique de la toxine au niveau du système nerveux est identifié.
Epidémiologie
Morbidité
Avec plus d’un Million (1.000.000) de cas par an recensés dans le monde, le tétanos reste une affection fréquemment rencontrée. Les zones où la maladie semble sévir le plus sont essentiellement l’Afrique, l’Asie et le sous continent indien :
– En Afrique sub-saharienne, la morbidité du tétanos varie selon les pays de 10 à 50 pour 100.000 habitants par an.
– A Dakar, elle est de 32,5 pour 100.000 habitants ;
– En Amérique du sud, au Brésil par exemple, la morbidité est de 4,65 pour 100.000 habitants (18) ;
– En Asie, notamment en Inde, le taux de morbidité est proche de celui de l’Afrique : 10 à 50 pour 100.000 habitants par an (25) ;
– Dans les pays développés :
o L’Italie est caractérisée pour une incidence annuelle de 2,5 à 13,3 fois supérieure à la moyenne rapportée aux Etats-Unis avec seulement 0,2/100.000 habitants ;
o En France, elle est de 1,06/100.000 par an.
Mortalité
Le nombre annuel de décès occasionné par le tétanos est estimé par l’OMS à environ 500.000 par an (8), ce qui en fait une maladie redoutable et redoutée. Le taux de mortalité montre l’importance de l’endémie et varie en fonction des différents pays concernés :
– 4,7 % en Indonésie (1967-1985)
– 2,8% en Inde (1972 – 1986)
– 3,8% au Niger (1972-1986)
– 0,2% en Egypte
Nous notons ainsi une inégalité de la situation épidémiologique d’une région à une autre : 99 % des cas sont recensés dans les pays du tiers-monde à économie rurale, situées dans la ceinture intertropicale. (3) Nous remarquons ainsi que la mortalité est plus élevée chez les individus n’ayant pas été vaccinés et chez les sujets âgés dont le système immunitaire est affaibli.
Facteurs favorisants
La profession
Clostridium Tetani étant une bactérie ubiquitaire largement répandue dans les sols en particulier humides et calcaires, les agriculteurs et les individus s’adonnant aux travaux manuels encourent un plus grand risque de contracter la maladie.
La saison
En Afrique et en Asie, la grande majorité des cas de tétanos est recensée pendant la saison sèche alors qu’en hivernage le nombre de cas régresse considérablement. Cette prédominance estivale est liée entre autre à l’activité agricole.
Le sous-développement
– La marche pieds nus chez les sujets démunis occasionne des lésions traumatiques au niveau des pieds (lieu où se loge le germe) ;
– Les accouchements et les avortements pratiqués en dehors des structures sanitaires dans des conditions d’hygiène douteuses, précaires et parfois septiques ;
– Le non accès à l’éducation, l’information et aux structures de santé en cas de blessure tétanique ;
– Le manque de vaccination.
La Répartition
Selon l’âge
Dans les pays en voie de développement, le jeune âge des sujets atteints est frappant : 50% des tétaniques ont moins de 40ans et 70% ont moins de 20 ans. En revanche, dans les pays industrialisés, notamment en Europe et aux USA, plus des 3 /4 des tétaniques dépassent la cinquantaine, le Tétanos étant ainsi l’apanage des sujets âgés. Par exemple, en France plus de 90% des sujets atteints en 1996 avaient plus de 60 ans (17).
Selon le sexe
La différence est peu importante, néanmoins nous remarquons une légère prédominance féminine liée à certaines pratiques traditionnelles (tatouage, percée d’oreilles).
Selon le niveau socio-économique
De façon indéniable, il est établi que le tétanos touche essentiellement les couches sociales défavorisées résidant dans les pays pauvres.
Selon la porte d’entrée
Les plaies traumatiques ou accidentelles
Elles occupent la première place et sont de deux sortes :
– Les plaies récentes : Ce sont les plus fréquentes (70%). Il s’agit de petites plaies négligées ou soignées à l’indigénat au moyen d’emplâtres d’origine tellurique ou végétale et dont la fréquence s’explique par la marche pieds nus : piqûre par clou, échardes, épines de fleur, hématomes sous unguéaux, ongles incarnés, morsures et griffures d’animaux, etc…
– Les plaies chroniques : constituées principalement par les gangrènes d’origine artérielle, les ulcères variqueux et les cancers.
Les pratiques traditionnelles
Ces portes d’entrée sont en très nette régression dans les admissions pour tétanos. Elles sont dominées par la circoncision, l’excision, les percées d’oreilles et les tatouages réalisées dans des conditions d’asepsie précaires. En dehors du tétanos post circoncision qui peut aussi renter dans le cadre des tétanos à porte d’entrée chirurgicale, les autres portes d’entrée sont devenues exceptionnelles.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. Historique
2. Epidémiologie
2.1. Morbidité
2.2. Mortalité
2.3. Facteurs favorisants
2.4. La Répartition
2.4.1. Selon l’âge
2.4.2. Selon le sexe
2.4.3. Selon le niveau socio-économique
2.4.4. Selon la porte d’entrée
3. Rappels bactériologiques
3.1. L’agent pathogène
3.2. La classification
3.3. L’habitat
3.4. Caractères bactériologiques
4. Histologie et grandes fonctions de la peau
4.1. Histologie
4.2. Grandes fonctions de la peau
5. Physiopathologie
6. Clinique
6.1. Type de description
6.1.1. La phase d’incubation
6.1.2. Le début ou la phase d’invasion
6.1.3. La phase d’état
6.2. Formes cliniques
6.2.1. Formes symptomatiques
6.2.2. Formes localisées
6.2.3. Formes selon le terrain
6.3. Evolution – Pronostic
6.3.1. Evolution
6.3.2. Pronostic
7. Diagnostic
7.1. Diagnostic positif
7.2. Diagnostic différentiel
7.3. Diagnostic étiologique
8. Traitement
8.1. Traitement curatif
8.1.1. Buts
8.1.2. Moyens
8.1.3. Indications
8.2. Traitement préventif
8.2.1. La prévention individuelle
8.2.2. Prévention collective
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. Cadre d’étude
2. Malades et Méthodes
3. Limites et contraintes de l’étude
RESULTATS
1. Etude descriptive
1.1. Aspects épidémiologiques
1.1.1. Répartition des cas selon les années
1.1.2. Répartition des cas selon les caractères épidémiologiques
1.2. Aspects cliniques
1.2.1. Répartition des cas selon le délai d’hospitalisation
1.2.2. Répartition des cas selon la période d’incubation
1.2.3. Répartition des cas selon la période d’invasion
1.2.4. Répartition des cas selon la symptomatologie clinique du tétanos
1.2.5. Répartition des cas selon la forme clinique
1.3. Aspects pronostics
1.3.1. Répartition des cas selon le stade de gravité
1.3.2. Répartition des cas selon le score de gravité
1.4. Aspects évolutifs
1.4.1. Répartition des cas selon la durée d’hospitalisation
1.4.2. Répartition des cas selon la survenue de complications
1.4.3. Répartition des cas selon les séquelles
1.4.4. Répartition des cas selon l’évolution clinique globale
2. Etude analytique : Facteurs associés au tétanos à porte d’entrée tégumentaire
2.1. Les facteurs épidémiologiques
2.1.1. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et âge
2.1.2. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et sexe
2.1.3. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et existence de tares
2.1.4. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et niveau d’étude
2.1.5. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et statut matrimonial
2.2. Les facteurs cliniques
2.2.1. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et durée d’incubation
2.2.2. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et durée de la phase d’invasion
2.2.3. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et trismus
2.2.4. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et dysphagie
2.2.5. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et généralisation du tétanos
2.2.6. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et paroxysmes
2.2.7. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et paroxysmes toniques
2.2.8. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et paroxysmes tonico-cloniques
3. Aspects pronostiques
3.1. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et stade clinique de Mollaret en valeur absolue
3.2. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et score de Dakar en valeur absolue
4. Aspects évolutifs
4.1. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et survenue de complications
4.2. Tétanos à porte d’entrée tégumentaire et évolution clinique
DISCUSSION
1. Epidémiologie
1.1. Répartition des cas selon la fréquence
1.2. Répartition des cas selon le sexe
1.3. Répartition des cas selon l’âge
1.4. Répartition des cas selon le statut vaccinal
1.5. Répartition des cas selon le niveau d’instruction
2. Aspects cliniques
2.1. Répartition des cas selon les durées d’incubation et d’invasion
2.2. Répartition des cas selon le délai d’hospitalisation
2.3. Répartition des cas selon la durée d’hospitalisation
3. Facteurs pronostiques
3.1. Répartition des cas selon le stade
3.2. Répartition selon le score
4. Facteurs évolutifs
CONCLUSION