Des faits comme le changement climatique et l’épuisement de ressources incitent certains acteurs à remettre en cause le mode de fonctionnement des sociétés actuelles, que ce soit au niveau des comportements quotidiens des populations ou des systèmes économiques et financiers qui lient les hommes entre eux et mondialisent le phénomène. Les éléments relevés sont eux-mêmes de niveau planétaire, notamment le changement climatique, étant une conséquence des pollutions atmosphériques. Nous avons choisi de partir de ces problèmes actuels et de les aborder dans le cadre de la mondialisation, afin de les expliquer. Nous reprenons le développement durable comme solution adoptée actuellement par les sociétés occidentales pour apporter des modifications aux systèmes qui conduisent aux problèmes soulevés. C’est au niveau des territoires locaux que nous proposons l’étude de la Ressource territoriale , considérée ici comme essentielle à l’intégration du développement durable à cette échelle. Dans ce contexte, des concepts géographiques sont mobilisés, ainsi que les notions de développement durable et de Ressource territoriale qui seront explicitées. L’analyse réalisée se base sur une méthodologie mobilisant des outils atypiques pour ce type de recherche et s’appuie sur deux terrains d’étude en Bigorre.
UNE PROBLÉMATIQUE DANS UN CONTEXTE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE
Le géographe, pour la compréhension de ses sujets d’étude, autant que le gestionnaire territorial dans son travail, doivent réfléchir aujourd’hui à l’échelle mondiale, les actions d’un territoire pouvant avoir des conséquences sur l’ensemble de la planète. Les sociétés sont soumises à des problèmes globaux, notamment pour leur développement économique qui nécessite des ressources présentes sur un autre territoire, ou par leurs impacts en termes de pollutions qui peuvent se transférer d’un lieu à un autre. L’épuisement des ressources naturelles et les conséquences des processus productifs sur l’environnement en sont une illustration. D’un côté, certaines matières premières se font rares, de l’autre, les impacts sur les milieux naturels s’accentuent. L’eau, l’air, les sols et les sous-sols, sont à la fois exploités sans ménagement et absorbent de plus en plus de produits polluants ou de gaz à effet de serre. Le fort développement des pays émergents renforce ces effets négatifs au niveau planétaire et neutralise les premiers efforts des pays développés. Chaque responsable dans le monde a ainsi un rôle à jouer pour une gestion raisonnée de son territoire. L’équilibre reste cependant difficile à trouver, les acteurs territoriaux étant confrontés à de multiples enjeux sociaux, économiques et environnementaux. La priorité des uns par rapport aux autres se fait souvent au détriment de l’environnement. Ses défenseurs avancent pourtant de plus en plus d’arguments pour rééquilibrer les débats et motivent un développement plus respectueux des hommes et de la nature. En France, ces éléments s’intègrent peu à peu à la réglementation (de l’usage des sols ou des produits phytosanitaires par exemple) et aux pratiques (par des changements comportementaux ou le développement de technologies permettant de diminuer les impacts), notamment dans le cadre du développement durable. Cependant, la mise en œuvre de ces mesures reste difficile et leur efficacité à évaluer. C’est au niveau des territoires locaux, et notamment infra-départementaux, que nous voulons étudier ces pratiques actuelles. Il nous semble en effet intéressant de voir, à une échelle d’organisation proche des acteurs, c’est-à-dire au niveau des territoires de vie, comment le développement durable est mis en œuvre.
S’interroger sur le développement durable local implique, de notre point de vue, d’étudier deux problèmes principaux : l’épuisement des ressources et le changement climatique. En effet, les territoires locaux sont aussi concernés par ces problématiques qui paraissent globales. Cependant, c’est bien au niveau local que les actes d’extractions et d’utilisation des ressources ont lieu et d’où partent les émissions de Gaz à Effet de Serre et autres pollutions. Les territoires locaux subissent aussi les conséquences négatives pour leur environnement, peu importe le lieu d’origine des contaminations : les effets du changement climatique se ressentent au niveau régional ou encore la pollution des eaux d’un fleuve peut avoir des effets sur son estuaire. Quelle que soit leur échelle, les territoires ont ainsi des conséquences les uns sur les autres. Les causes sont peut-être à chercher dans la façon de concevoir le territoire et ses richesses. Le territoire est en effet utilisé aujourd’hui comme un produit de consommation courante : il est vendu, transformé, recyclé, abandonné, réutilisé au gré des besoins de certains acteurs. Il est utilisé comme un espace aux ressources et qualités inépuisables. De cette façon, il est aussi le reflet de la société de consommation décrite actuellement, où la mode et la technique (obsolescence programmée, matériaux de moindre qualité) favorisent le remplacement au détriment de la durabilité des produits fabriqués. L’originalité des présentes recherches est dans l’approche adoptée. Nous ne trouvons pas encore d’études où le territoire est abordé comme un produit de consommation de masse. Si le territoire est considéré comme un produit, des ressources sont nécessaires à son développement. Cette notion de ressource pour le territoire nous a conduit à celle de Ressource territoriale en tant « qu’une caractéristique construite d’un territoire spécifique et ce dans une optique de développement » (Gumuchian, et al., 2007). Nous développons ici une approche qui place la Ressource territoriale au centre de l’analyse. Notre hypothèse principale est en effet que, en tant que mobilisateur des richesses locales, elle représente un facteur clé dans le développement durable local.
LA RESSOURCE TERRITORIALE, UNE HYPOTHÈSE DE RÉPONSE…
Nous interrogeons une société pour voir comment elle considère et utilise son environnement direct afin d’assurer son avenir. Notre approche utilise la notion de Ressource territoriale en tant qu’élément d’une production de la société à partir des ressources locales, qu’elles soient naturelles, humaines ou culturelles. Nous avançons l’hypothèse qu’elle se forme à la confluence originale de deux considérations, celle du territoire comme un produit et celle du territoire comme un patrimoine. Nous testons ces hypothèses sur des espaces ruraux à l’échelle administrative d’un groupement de communes. Nous étudions ainsi des territoires organisés, leurs acteurs utilisateurs et gestionnaires, leur vision et leurs pratiques. Nous considérons que les sociétés étudiées fonctionnent principalement avec leur environnement proche c’est-à-dire leur espace de vie, les ressources en contact direct comme les éléments naturels (air, eau, paysage), même si à un second niveau de relations, les territoires s’inscrivent dans un contexte national et mondialisé.
Ainsi, dans un contexte local et de développement durable, considérant la raréfaction des ressources et le changement climatique, la Ressource territoriale est-elle un outil indispensable à l’avenir de sa société de rattachement ? Nous pouvons penser que c’est le cas : la Ressource territoriale est un outil de développement durable local car, par son biais, les acteurs connaissent leurs ressources et peuvent ainsi les gérer durablement et selon des procédés respectueux du climat. Cependant, notre hypothèse pour ce travail de recherche est que la Ressource territoriale ne représente pas un outil de développement durable local. Nous voyons deux raisons à cela. D’une part, la Ressource territoriale peut conduire à l’épuisement des ressources locales, même si les acteurs locaux ont une bonne connaissance des stocks et des composantes de celles-ci. Ainsi, nous pensons a priori que les intérêts de court terme, notamment économiques, restent prioritaires face à la préservation des ressources et la lutte contre le changement climatique qui se positionnent à plus long terme. D’autre part, la Ressource territoriale peut également mener à la dépendance économique vis-à-vis d’une seule ressource, ce qui représente un risque dans la durée pour la société, notamment si elle vient à disparaître. Aussi, la Ressource territoriale se constitue à partir de savoir-faire et de procédés ancestraux. Pour parvenir à des pratiques durables, telles que l’utilisation de ressources renouvelables, de procédés non-polluants ou réduisant les conséquences négatives au niveau social ou environnemental, la Ressource territoriale demande une évolution culturelle et technique sur le long terme. Le pas de temps nécessaire à ces changements ne semble pas compatible avec celui des acteurs gestionnaires du territoire local.
… QUI CONDUIT À DES QUESTIONS SUR L’ORGANISATION LOCALE DES ACTEURS
Cette problématique nous a conduit à différentes interrogations qui, dans un premier temps, sont utilisées comme guide dans une approche générale du sujet, en analysant le lien entre développement durable et société. Dans un second temps, les questions nous permettent de traiter plus spécifiquement des relations entre ressources, Ressource territoriale et développement durable. Elles guident également le travail de recherche sur les terrains d’études afin de constater ou non si nous rencontrons les mêmes effets, causes et conséquences. Ces questions portent notamment sur la viabilité du système actuel et sur les raisons de sa remise en cause : en quoi ce modèle n’est-il pas viable ? En quoi la consommation excessive des ressources du territoire est-elle négative ? Les sociétés développées ont-elles besoin de toutes ces ressources pour fonctionner? Nous assistons à la mise en cause de la durabilité du système qui n’est pas viable: que pourra-t-on faire quand les ressources seront épuisées ? D’autres interrogations visent la prise en compte de ce problème par les sociétés : les acteurs, quel que soit leur niveau d’intervention, ont-ils conscience de cette surexploitation des ressources ? Nous pouvons nous interroger sur la perception et le ressenti que les différents acteurs attachent au territoire. On peut se demander quel est le degré d’attachement de différents acteurs à leur territoire puisqu’ils l’utilisent à outrance, le privent de ses ressources ou le polluent. Leur niveau de responsabilité face à ces différents maux peut être aussi mesuré. On peut également se demander quelle est la perception de cette surconsommation par les sociétés : les acteurs en ont-ils conscience ?, se sentent-ils capables d’agir autrement ? en ressentent-ils le besoin ou l’envie ? En matière de perception, nous pouvons aussi voir si le territoire est considéré ou non comme un patrimoine, en tant que valeur à préserver et à transmettre. Les acteurs sont-ils prêts à faire évoluer leurs pratiques ? Le développement durable implique des changements importants pour tout un chacun. Les différents acteurs, notamment les responsables de la gestion du territoire, sont-ils prêts à faire les évolutions nécessaires ? En ce qui concerne la population, les enquêtes nationales en France montrent pour l’instant que sur le principe, la plupart des gens est en accord avec un développement durable mais lorsqu’il implique des modifications de comportement, beaucoup moins de personnes sont prêtes à les réaliser vraiment. Les acteurs des terrains étudiés suivent-ils la même tendance ?
LES CONCEPTS GÉOGRAPHIQUES POUR PARLER DE MONDIALISATION
L’ESPACE, UN CONTENANT
La notion d’espace est au cœur de l’analyse géographique. La géographie physique s’intéresse à un espace particulier, la surface de la terre. Elle ne s’attache pas principalement aux activités humaines, contrairement à la géographie sociale qui aborde une autre dimension de cet espace terrestre, l’écoumène, c’est-à-dire l’espace anthropisé (habité ou exploité par l’homme). Plus particulièrement en sciences humaines, la géographie sociale étudie les rapports entre sociétés et espaces. Elle décrit et explique les aspects de la vie sociétale qui notamment se déroulent sur un territoire. D’après le dictionnaire de Lévy et Lussault(2003), il n’y a pas de réel essai de définition en géographie du mot avant les années 1960-70. Du XVIIème jusqu’au milieu de XXème siècle, nous assistons ainsi à une approche philosophique de l’espace, avec le positionnel absolu de Platon à Newton (géographie classique), le positionnel relatif de Descartes (Analyse spatiale), le relationnel absolu de Berkeley (géographie culturelle), et le relationnel relatif de Leibniz (géographie, science sociale de l’espace). Cette approche est appuyée au XXème siècle par des réflexions en physique. Par la suite, cinq courants ont émergé : le paradigme de la production de l’espace, l’analyse spatiale, le systémisme, l’espace vécu et les représentations, et l’analyse des territoires et des territorialités : « chacune de ces démarches a contribué à renouveler la géographie » (ibid.), en apportant notamment des éléments de disciplines voisines telles que l’économie ou la sociologie, ou plus lointaine comme la psychologie. Ainsi, la définition de cette notion est assez récente. Le dictionnaire de Baud et Bourgeat (2008) indique que c’est dans les années 1970 80 que pour préciser le terme d’espace, les géographes ont proposé la création de l’expression « espace géographique » pour désigner « toute étendue physique concrète, mesurable et localisable par un système de coordonnées géographiques». Cette expression était peu employée avant la fin des années 1960, mis à part J. Gottmann puis J. Labasse, ou par des auteurs anglophones, selon le dictionnaire critique de Brunet et Ferras (2009) : « on connaissait des régions, non l’espace ou espaces ». En 1972, la création de la revue « L’espace géographique » relevait du militantisme d’après les auteurs. Le terme commence à être utilisé, par Henri Lefebvre notamment (en 1974 « la production de l’espace»), mais le mot fit l’objet de lourdes suspicions et de débats assez vains, «au motif que Marx n’en avait pas parlé et qu’en parler faisait craindre qu’on oubliât les hommes et les rapports de production au profit d’une sorte de catégorie abstraite qui aurait connu ses propres lois » (ibid.). Un faux problème d’après les auteurs puisque l’espace n’est et ne peut être que social, ou ses lois ont des logiques sociales. Pour Kant, « l’espace ne se définit que du point de vue des personnes et des groupes, lesquels s’y situent » (Brunet, et al., 2009). Il n’y a pas d’espace naturel mais des ensembles d’éléments physiques de l’espace géographique : « Certes, l’absence des hommes n’empêchait pas la Terre et l’Univers d’être, mais ils n’existaient pas comme un espace. Le terme socio-spatial est donc inutile. » (ibid.). Aujourd’hui, différentes définitions de l’espace sont proposées par les géographes.
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Table des matières
Introduction générale
Partie I – Un développement remis en cause face aux problèmes d’épuisement des ressources et du changement climatique
Chapitre introductif
Chapitre 1 – Un changement climatique avéré
Chapitre 2 – L’épuisement des ressources
Conclusion Partie I
Partie II – Le développement durable, une réponse : la Ressource territoriale son élément clé au niveau local
Chapitre 3 – Le développement durable, une notion toujours débattue
Chapitre 4 – Entre acteurs et outils, la pratique du développement durable
Chapitre 5 – La Ressource territoriale, du concept à la pratique
Conclusion Partie II
Partie III – La Ressource territoriale, facteur structurant ou outil du développement durable local ?
Chapitre 6 – La Ressource territoriale, une pratique durable ?
Chapitre 7 – La Ressource territoriale, facteur de globalité ou d’adaptabilité ?
Chapitre 8 – La Ressource territoriale, un outil de développement ?
Conclusion Partie III
Conclusion générale
Les annexes
Bibliographie
Tables des matières
Tables des illustrations
Signification des sigles
Résumé