LE TEMPS COMME PHENOMENE DU DASEIN CHEZ MARTIN HEIDEGGER

MOTIVATIONS A L’ENDROIT DU SUJET DE RECHERCHE

                Pourquoi avons-nous choisi comme sujet « Le temps comme phénomène chez Martin Heidegger » ? Durant notre travail de recherche pour l’obtention du diplôme de Maîtrise, nous avions travaillé sur « Les fondements du gouvernement Civil selon John Locke ». Nous avions choisi ce philosophe anglais du XVIIème siècle pour ses capacités à penser la politique en partant du concret. C’est ce qui avait notamment conforté, dans l’histoire de la philosophie, sa réputation d’empiriste. Mais si maintenant nous envisageons, dans notre future thèse, de traiter d’un sujet comme celui du temps chez Martin Heidegger, nous pensons ne pas devoir rencontrer, malgré tout, de trop grandes difficultés en ayant choisi de travailler sur ce philosophe allemand. Car la phénoménologie nous a spécialement intéressé, en tant qu’elle représente une des pensées majeures de la philosophie du XXème siècle, et aussi parce que, comme l’a bien défini un de ses commentateurs : « Moins que l’unité d’une doctrine, c’est le recours à une même démarche qui rassemble les penseurs qui s’en réclament. Les phénoménologues entendent, en effet, traiter les problèmes philosophiques par la description des grands types d’expériences humaines. L’idée majeure de la phénoménologie est la suivante : chacune de nos expériences a une forme spécifique qui lui est prescrite par la chose à laquelle elle a affaire, si bien qu’en analysant la structure d’une telle expérience je pourrais accéder à un discours susceptible de répondre aux interrogations sur cette chose. » Nous avons voulu également élargir notre compréhension de la philosophie en abordant la philosophie contemporaine, en particulier la phénoménologie. Et Heidegger compte parmi les philosophes qui ont exercé une très grande influence sur la pensée contemporaine. Enfin, il nous a paru important, en ce sens, d’entamer une réflexion sur le temps, parce que ce questionnement sur la temporalité et sur la nature des relations que l’homme entretient avec le temps nous a toujours préoccupé, dés le début de nos études de philosophie. Cette soif de comprendre ce qu’est véritablement le temps pour l’homme s’était encore accentuée lorsque nous avions travaillé sur la pensée politique de Locke, car ce penseur nous a livré une conception du temps en relation avec l’homme en faisant intervenir une pensée théologique. Heidegger, dans son livre Etre et Temps, a, en revanche, entamé un questionnement orienté à partir de la phénoménologie. Sachant que c’est ce qu’est le temps en phénoménologie qui nous intéresse, nous avons donc voulu en savoir un peu plus sur ce que dit l’auteur à propos du « retour à la chose même » du temps. Comme nous vivons actuellement dans un monde caractérisé par de grandes avancées de la science et de la technologie, chacun de nous a l’impression que le temps passe vite, trop vite parfois. Non seulement l’homme a eu, à toutes les époques, conscience que le temps « passe », mais il lui apparaît même de plus en plus, aujourd’hui, que ce dernier s’enfuit et le « fuit ». L’homme ne trouve plus le temps de faire quoi que ce soit, voire ne trouve même plus peut-être le temps de se réaliser. Nous rappellerons seulement, à ce sujet, qu’une importante continuation de la pensée heideggérienne s’est aussi penchée sur « le mythe de la technique »27 et de ses dangers. Il y a donc un intérêt proprement philosophique, et qui reste encore d’actualité, que de se mettre à étudier le temps comme phénomène pour le Dasein selon Heidegger, ce à l’heure de la modernité technologique. Notre auteur a l’ambition d’appréhender philosophiquement les dimensions originales du temps et la temporalité du Dasein. Et dans un pays comme Madagascar, qui doit constamment faire face aux enjeux de la modernité à travers une mondialisation qu’elle affronte de plein fouet, la relation au temps est, disent souvent ceux qui viennent le visiter, assez particulière. Elle a la réputation (dont il faut peut-être encore s’assurer si elle est vérifiée ou non, et dans quelle mesure) d’être traditionnellement « autre » que celle qui a cours habituellement dans les pays développés. La question donc pourrait se poser ainsi : que peut apporter à l’éducation du citoyen malgache la réflexion sur le temps telle qu’elle est menée chez Heidegger? Pourra-t-elle amener celui-ci à envisager un autre rapport au temps et à la temporalité, ou du moins l’amener à prendre conscience du poids de cette temporalité pour son existence ?

SPECIFICATION EN PROFONDEUR

                  La spécification en profondeur est un des angles qui aide à bien approfondir la problématique d’un travail de recherche, mais elle ne traite pas directement la problématique. Concernant cette spécification, nous avons choisi de faire une recherche d’abord descriptive, pour faire connaître le fond de la pensée de Heidegger, tout en abordant les principales notions qui caractérisent la temporalité chez l’auteur. Dans son Avant-propos, Heidegger dit que Être et Temps est « une élaboration concrète de la question du sens de l’être »36, du sens de être donc et non plus de l’étant. L’objectif de l’auteur est d’interpréter le temps comme horizon possible de toute compréhension de l’être en général. Mais cet objectif reste aussi défini de manière provisoire, parce que Heidegger se réfère seulement à la première partie de Etre et temps dont ne seront publiées en 1927 que deux sections sur trois. Nous pouvons vérifier cela dans la présentation de l’Articulation du traité au § 8.37 Seule la première partie a, en effet, pour objectif l’interprétation de l’être à partir du temps comme l’indique bien son titre : « L’interprétation du Dasein axée sur la temporalité et l’explication du temps comme horizon transcendantal de la question de l’être. »38. La deuxième partie devait traiter, elle, des « Traités fondamentaux d’une désobstruction phénoménologique de l’histoire de l’ontologie se guidant sur la problématique de la temporalité. » L’auteur n’a pas pu atteindre, en 1927, le but préliminaire d’une telle désobtruction envisagée, qui aurait dû constituer la première moitié de l’œuvre complète, parce qu’il n’a pas livré à la publication la troisième partie de cette première partie, intitulée « Temps et être ». Pourtant, c’est bien cette dernière qui traite de « l’explication du temps comme horizon transcendantal de la question de l’être », dans les deux premières sections, « L’analyse fondamentale préparatoire du Dasein » et « Dasein et temporalité ». La lecture attentive de l’Avant-propos de Etre et Temps nous donne alors une indication sur la manière dont il faut entendre le titre du livre de 1927. Si le but visé consiste à montrer que le temps est l’horizon qui rend possible toute compréhension de l’être, que celle-ci soit philosophique ou pré-philosophique, nous nous posons nous-même les questions ci-après :
• Est-ce possible de donner au « et » qui unit être et temps le sens d’une opposition, comme c’est le cas pour l’énoncé traditionnel « être et devenir », ou « être et non-être », par exemple ?
• A quoi sert donc le « et » dans le titre de l’ouvrage Etre et Temps ?, de la même manière qu’il faut s’interroger sur le sens du même « et » dans « Temps et être ».
L’auteur a bien précisé que le « et » dans Etre et temps est une mise en relation intime de l’être et du temps. « Ainsi, par rapport à la question fondamentale, tout recommence à neuf. Si nous voulons la questionner effectivement, alors nous devons être au clair sur ce dont il convient au fond de s’enquérir, et comment. La formule abrégée de la question est : être et temps. La question s’applique au « et », à la liaison qui unit les deux. Si cette liaison n’est pas extérieure, refaite et renouée après coup, mais elle même originelle, alors elle jaillit co-originairement de l’essence de l’être et de l’essence du temps. L’être et le temps se cherchent l’un l’autre et se mêlent l’un à l’autre. Le « et » est le titre d’une coappartenance originelle de l’être et du temps à partir de leur fonds essentiel. » 40 C’est pourquoi il semble illusoire de vouloir d’approfondir la conception heideggérienne du temps en nous référant uniquement et exclusivement à Etre et Temps dans sa version autorisée par Heidegger à la publication. Car, dans ce livre, l’auteur ne réussit qu’à nous montrer que le temps est l’horizon de toute compréhension de l’être. Dans Temps et être, au contraire, Heidegger a tenté de nous montrer qu’il s’agit de faire apparaître en retour que l’être est compris à partir du temps. « Tenant tout cela pour acquis il va falloir montrer que ce à partir de quoi en somme le Dasein entend implicitement quelque chose de tel que être et l’explicite est le temps. Celui-ci doit être mis au jour et spécialement conçu comme horizon de toute entente de l’être et de toute explicitation de l’être. Pour arriver à le voir il faut donner une explication originale du temps comme horizon de l’entente de l’être et le faire à partir de la temporellité comme être du Dasein qui entend l’être.41 » Ce qui signifie rien moins que de rendre visible l’être lui-même en son caractère « temporel » ou « temporal », puisqu’il s’agit par là d’indiquer le rapport positif qu’entretiennent tous les modes de l’être avec le temps, ce qui est aussi le cas de l’étant dit intemporel ou supratemporel qu’est le Dasein. A tous les modes de l’être est donc reconnue une temporalité (Temporalität) que l’on peut, dès à présent, caractériser d’ « horizontale », au sens où ils sont compris dans l’horizon du temps, alors qu’au Dasein, qui comprend l’être, est assignée une temporellité1 (Zeitlichkeit) qu’il ne faut certes pas comprendre comme une pure intratemporalité, mais qui se distingue néanmoins de la Temporalité de l’être dans son caractère ekstatique . « La temporellité est l’ « hors-de-soi de » original en et pour soi-même. C’est pourquoi nous nommons les phénomènes ainsi caractérisés de l’avenir, de l’être-été et du présent, les ekstases de la temporellité. Elle n’est pas un étant de longue date qui se met seulement à sortir hors de soi, au contraire son essence est la temporation dans l’unité des ekstases. »42 Heidegger essaie alors de nous signifier, et comme il a l’habitude de le faire, par une distinction terminologique, la différence du rapport qu’entretient avec le temps le Dasein, d’une part, et l’étant qui n’est pas de l’ordre du Dasein, d’autre part. Mais il se trouve aussi que cette différence n’est, en fait, nullement une opposition irréductible : ekstase et horizon sont des termes inséparables, et c’est justement à partir de leur corrélation indéniable qu’il s’agit de comprendre le rapport de l’être et du temps.

Le tournant d’Ereignis

              Dès le début de cette troisième section, à savoir Temps et Etre, Heidegger posait clairement cette question : « Qu’est ce qui donne occasion de nommer ensemble Temps et Etre ? En quelle mesure ? Cela demande : en raison de quoi, en raison de quelle modalité et d’où parle dans l’être quelque chose de tel que le temps ? » D’abord, l’auteur veut nous rappeler que l’être n’est pas une chose ; par suite ce n’est rien de temporel – et cependant, en tant qu’être en présence, il est déterminé par le temps. Et le temps également n’est pas une chose, et par suite, ce n’est rien d’étant – mais dans la manière dont il passe et se passe, il demeure constant, sans être lui-même quelque chose de temporel, comme un vulgaire étant qui est dans le temps. Ensuite, Heidegger veut nous faire comprendre que la troisième section de la première partie : Temps et Etre, qui a pour thème « L’explication du temps comme horizon transcendantal de la question de l’être », doit montrer comment l’ « historialité » de l’être lui-même se fonde sur la temporalité du Dasein. Pourtant, cela ne veut nullement dire que l’être soit un produit de l’homme. C’est uniquement en tant qu’être-jeté que le Dasein peut projeter l’être comme tel. Ce « projet de l’être » n’est pas le fait de la spontanéité d’un sujet transcendantal, mais advient au contraire de la facticité du Dasein, qui n’est même pas lui-même un « sujet », étant donné qu’il n’est pas à l’origine de sa propre transcendance, puisqu’il se trouve au contraire jeté en elle. Enfin il nous semble que Heidegger veut nous parler de l’importance cruciale de l’Ereignis, lorsqu’il s’agit d’aborder la question traitée dans Temps et Etre. Ce mot allemand « das Ereignis » est traduit par le mot français « événement » dans les dictionnaires de langue .En revanche, voici ce qu’en dit Heidegger : « Ce que nomme cette parole, nous ne pouvons maintenant le penser qu’à partir de ce qui s’annonce dans le circonspect regard sur l’être et sur le temps comme rassemblement de la destination et comme porrection – en quoi temps et être sont à leur place. Les deux, l’être aussi bien que le temps, nous les avons nommés des Questions. Le « et », entre les deux, laissait leur relation l’un à l’autre dans l’indéterminé. Maintenant se montre : ce qui laisse appartenir et convenir l’une à l’autre les deux questions, ce qui non seulement apporte les deux questions à leur propriété, mais encore les sauvegarde dans leur co-appartenance et les y maintient, le tenant des deux questions, c’est l’Ereignis. » Ainsi, selon Heidegger, le mot « Ereignis », tel qu’on le comprend maintenant dans la conversation courante, est une forme de l’allemand moderne. Il ne signifie donc plus ici un événement, une chose qui arrive. Dans l’« Ereignis », l’être n’est considéré non plus comme le fondement de l’étant, mais comme le déploiement de l’éclaircie à partir d’un retrait et d’une occultation abyssales. Car l’homme n’est plus le fondement jeté de cette éclaircie, mais se tient en elle et lui est redevable de son propre être. « Dasein sera alors écrit Da-sein, 49pour marquer cette nouvelle graphie que le « là » de l’être ne peut plus être compris comme l’être que déploie le Dasein de fait par autoprojection et comme auto-adresse, mais comme l’adresse (Anspruch) de l’être lui-même à l’homme à laquelle celui-ci correspond (entspricht) par la pensée. »

Les instruments de recherche et leur utilisation

                    Concernant les premiers instruments de la recherche, nous avons directement tâché de consulter les ouvrages de Martin Heidegger, plus particulièrement, les ouvrages qui ont été réédités ou traduits récemment, parce que ce sont ceux qui permettent d’avoir accès aux derniers développements de la recherche heideggérienne. Nous avons privilégié, pour la plupart des ouvrages de Martin Heidegger, les textes de ceux qui ont été édités par les éditions Gallimard, collection « Bibliothèque de la Philosophie », collection qui a été fondée par Jean Paul Sartre et Maurice MerleauPonty. Pour tout le travail de recherche documentaire, nous nous sommes affilié aux diverses bibliothèques existant dans notre pays : à la Bibliothèque Universitaire Tsiebo Calvin puis à celle de l’Aumônerie universitaire d’Amalangy pour ce qui est de Tuléar, à celle des Jésuites de Tsaramasoandro, à celle de l’Institut Catholique de Madagascar, à celle du Cercle Germano-malgache, à celle de l’Université d’Antananarivo et enfin à celle du Centre Culturel Albert Camus, pour ce qui est d’Antananarivo. Concernant la lecture elle-même, nous avouons que notre plus grand problème a été de nous adapter au vocabulaire heideggérien. Notre auteur est allemand et a surtout écrit en allemand, même s’il connaissait le français et supervisait soigneusement les traductions en français de ses textes. C’est pourquoi nous nous sommes inscrits au Cercle Germano-Malgache pour nous initier à la langue allemande et à la culture germanique. Mais, même en allemand, la particularité de son vocabulaire est une difficulté qui a été très souvent soulignée par les spécialistes de Heidegger eux-mêmes.54 Les différents traducteurs en français ont bien essayé d’adapter les néologismes de l’auteur, mais il est vrai qu’ils ont produit eux-mêmes également des néologismes pour rendre le plus précisément possible la complexité des notions. Il a donc fallu déjà presque déchiffrer les ouvrages majeurs de Martin Heidegger et heureusement que la lecture des différents commentateurs nous y a aidé. Mais aussi nous tenté souvent de lire l’auteur de L’Etre et Le Temps 55 en essayant de le comprendre directement à travers son texte traduit. Nous pensons que c’est cette méthode qui nous permettra de mieux mettre entre parenthèses tout ce que nous avons connu de lui personnellement au préalable.

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Table des matières

INTRODUCTION
I – PRESENTATION DU SUJET
1-1- ELEMENTS DE LA PROBLEMATIQUE
1-2- MOTIVATIONS A L’ENDROIT DU SUJET DE RECHERCHE
1-3- SPECIFICATIONS VERTICALES
1-4- SPECIFICATIONS EN PROFONDEUR
II – QUESTIONS SPECIFIQUES DE RECHERCHES
2-1- L’inachèvement d’Être et Temps
2-2- Le tournant de l’Ereignis
III – PRESENTATION ET JUSTIFICATION DE LA METHODE RETENUE
3- 1- LA STRATEGIE DE VERIFICATION
3-1-1- Les instruments de recherche
3-1-2-La fiabilité des instruments
3-1-3-Présentation de la grille d’analyse
3-2- DEFINITIONS DES PRINCIPAUX CONCEPTS CLES
IV – BIBLIOGRAPHIE EN PARTIE COMMENTEE
V – PLAN PROVISOIRE DE LA FUTURE THESE
CONCLUSION

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