LE TDAH ET SES MANIFESTATIONS CHEZ L’ADULTE
Le TDAH se définit comme un trouble neurodéveloppemental (Barkley, 1998 ; Valanton, 2014). Les caractéristiques cliniques du TDAH chez l’adulte s’observent par la persistance et une gêne fonctionnelle liée à des symptômes d’impulsivité, des symptômes d’agitation ou d’hyperactivité et à un déficit attentionnel. De façon générale, les auteurs s’entendent pour dire que les symptômes des adultes atteints du TDAH sont similaires à ceux identifiés chez les enfants (Adler, 2004; Barkley, 1998 ; Barkley et Murphy, 1998 ; Wender, 2000 ; Weiss et Murray, 2003). Adler et Shaw (2011) précisent toutefois que les manifestations du TDAH chez les adultes peuvent se transformer en fonction de l’évolution de la maturité, de l’augmentation des responsabilités. Baud (2008) mentionne que le diagnostic du TDAH peut toutefois être difficile à poser à l’âge adulte en raison : 1) des particularités dans sa présentation symptomatologique, 2) de son association avec des troubles psychiatriques et, 3) des conduites adaptatives et des stratégies de coping (d’ajustement) adoptées par l’individu atteint dans le cadre de sa vie quotidienne (Baud 2008). D’ailleurs, certains auteurs (Barkley 2008, Brown 2009a, Vincent, 2005) notent que les adultes avec des symptômes légers et moyens peuvent passer inaperçu, et ce, aussi longtemps que les demandes de l’environnement (familial, social et professionnel) demeurent peu exigeantes. Dans ce qui suit, on présente les manifestations des symptômes du TDAH tels que discutées dans la littérature.
Manifestations de l’hyperactivité
L’hyperactivité dans le cadre du TDAH chez l’adulte se manifeste par une agitation motrice qui s’observe par un besoin d’être en mouvement continuellement (Wender, 2000). Les adultes atteints de TDAH avec hyperactivité effectuent un effort considérable pour contrôler, apaiser cette hyperactivité. L’hyperactivité chez l’adulte peut aussi être intériorisée. Elle se manifeste par une agitation mentale, c’est-à-dire un rythme accéléré des pensées qui rend souvent les communications difficiles. Vincent (2005) traduit ce phénomène par une bougeotte interne. En fait, ce genre d’hyperactivité augmente les difficultés de concentration et bien souvent, porte les individus atteints à bouger ou faire du coq à l’âne.
Certains auteurs mentionnent que lorsque l’hyperactivité persiste à l’âge adulte, elle prend alors une forme différente de celle observée chez les enfants (Biederman, Mick et Faraone, 2000 ; Wender, 2000). L’hyperactivité motrice semble plus modérée, moins intensive (Vincent, Delâge et Lafleur, 2007 ; Weiss, M.D. et Weiss, J.R. 2004). Elle est vécue surtout comme un inconfort en situation d’inactivité ou d’attente (Vincent et al. 2007). En fait, pour ces adultes, l’immobilité engendre une tension (Vincent, 2005) et, ceux-ci ressentent une forte envie de se lever et de marcher (Wender, 2000). Wender (2000) déclare que les adultes ayant un TDAH vivent un inconfort lorsqu’ils sont dans l’obligation de rester assis et d’être inactifs.
Pour leur part, Adler et Shaw (2011) rapportent que les adultes atteints d’un TDAH peuvent éprouver un sentiment d’agitation interne, nervosité, se manifestant par un grand désir d’accomplissement. Cette ambition mène parfois à une tendance compulsive au surmenage ou vers un choix de profession demandant des déplacements et un niveau élevé d’énergie. Par ailleurs, le besoin de bouger, d’être actif se manifeste généralement chez les adultes atteints d’un TDAH, par un choix d’emploi très actif ou par le fait de mener plus d’un emploi de front. Weiss et Weiss (2004) remarquent une variante des symptômes de l’hyperactivité chez l’adulte. En fait, elles identifient le style « bourreau au travail » comme une manifestation de l’hyperactivité chez l’adulte. D’un même avis, Biederman et al (2000) ajoutent que ces adultes peuvent se surcharger de travail et devenir épuisés. I l est intéressant de noter les propos de Bouvard et al. (2002) disant que certains des adultes s’accommodent de l’hyperactivité sans que leur fonctionnement en soit significativement altéré.
Manifestations de l’impulsivité
On retrouve dans le TDAH, une impulsivité produite par un déficit de l’inhibition comportementale (Barkley, 1997a ; 1998) produisant des difficultés dans l’autorégulation et l’autocontrôle (Barkley, 1997, 1998 ; Desjardins, 2001 ; Massé, Verreault et Verret, 2011). Par conséquent, les adultes atteintes d’un TDAH présentent des difficultés à ajuster leurs comportements, leurs actions, efficacement vers l’atteinte d’un but ou objectif et montrent des difficultés à s’adapter aux changements (Massé et al. 2011). Les difficultés dans l’autocontrôle s’expriment par une incapacité à s’arrêter et réfléchir avant de passer à l’acte (Barkley, 1997a ; 1998; Robin, 1998 ; Wender, 2000). Tout comme chez l’enfant, l’impulsivité peut se manifester par une faible tolérance à la frustration (Hectman, 2011). Cette impulsivité se particularise par un besoin irrésistible d’accomplir un acte verbal ou moteur. Parfois, cette difficulté à maîtriser ce besoin impérieux d’agir chez l’adulte, peut se manifester par des prises de décisions rapides comme par exemple de quitter leur emploi ou de mettre fin à une relation importante (Hectman, 2011) ou encore par une mauvaise gestion financière, ou le fait de vivre des excès de colère ((Hectman, 2011; Wender, 2000; Weiss et Weiss, 2004). L’impulsivité peut se manifester par des infractions du code de la route : excès de vitesse ; passer sur la lumière rouge (Hectman, 2011). Ces adultes rencontrent des difficultés à prévoir les conséquences des passages à l’acte. L’impulsivité chez l’adulte peut nuire autant dans la vie public (travail) que dans la vie privée (Vincent, 2005) .
Manifestations du déficit attentionnel
Certains auteurs font part de l’importance de comprendre les concepts qui entourent l’attention, pour bien saisir ces enjeux dans le TDAH (Caron, 2002 ; Drouin et Huppé, 2005 ; Gagné, 1999 ; Jensen, 2001). L’attention se subdivise en plusieurs composantes : la vigilance, l’attention dirigée ou sélective, l’attention divisée ou partagée et l’attention soutenue (Drouin et Huppé, 2005). L’attention soutenue est la capacité de maintenir l’attention en continuité pour mener à terme une tâche (Drouin et Huppé, 2005). La fonction exécutive dite le « focus » (Brown 2009) est impliquée dans ce processus intentionnel. En effet, l’attention sélective ou dirigée demande une capacité à sélectionner une source d’information désirée en ignorant les autres sources de distractions (Drouin et Huppé, 2005). Ce processus implique la capacité d’ignorer les interférences internes (exemple : les processus mentaux non pertinents avec la tâche en cours) et les interférences externes (exemple : les bruits dans l’environnement), donc de mettre le focus sur la tâche à accomplir. L’attention divisée est la capacité de traiter plusieurs sources d’information en même temps ou déplacer son attention entre différentes activités (Drouin et Huppé, 2005) comme en alternant l’intensité de chacune d’elles sans en négliger l’une au détriment de l’autre comme par exemple écouter une conférence et en même temps prendre des notes sans perdre le fil de ce qui se dit au moment de la prise de note.
En fait, l’inattention se manifeste de plusieurs façons dans la vie des individus atteints du TDAH (MEQ et MSSS, 2003 ; Massé et al. 2013). Dans le cadre du déficit de l’attention, l’attention sélective, l’attention partagée et l’attention soutenue et par conséquent la concentration sont fragilisées (Barkley, 1997a ; 1997b). La fragilité des composantes de l’attention, donc l’inattention, se manifeste par le fait d’être facilement distrait et ne pas terminer les choses commencées, être désorganisé et perdre ses choses et faire des oublis (Hecthtman, 2011). L’inattention semble être le reflet du déficit des fonctions exécutives qui sont nécessaires pour les compétences à prioriser, à organiser et à planifier (Barkley, 1997a ; 1997b ; Hecthtman, 2011). Ces compétences sont plus importantes à l’âge adulte que chez les enfants en raison des demandes croissantes et des attentes de la société envers les adultes (Hecthtman, 2011). En effet, Hechtman (2011) mentionne que l’inattention peut se manifester par des difficultés à soutenir son attention lors des longues réunions ou lecture ou de long rapport ou lorsqu’il faut remplir des formulaires. Wender (2000) précise que lorsque la forme de l’inattention est plus sévère, les adultes ayant un TDAH peuvent même avoir des difficultés à lire. Quant à ces adultes, certains rapportent avoir une mauvaise compréhension de la lecture ou encore de la difficulté à suivre des longues conversations (Vincent, 2005). Hechtman (2011) ajoute que la procrastination et le manque de motivation sont susceptibles d’être un handicap important chez les adultes atteints de TDAH. Ce déficit a des impacts négatifs sur les trajectoires scolaires, professionnelles et le fonctionnement social des individus atteints de ce trouble (Purper-Ouakil et Franc, 2011 ; Vatanlon, 2014).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I
LA PROBLÉMATIQUE À L’ÉTUDE
1.1 L’AMPLEUR DU TDAH
1.1.1 L’ampleur chez les enfants d’âge préscolaire
1.1.2 L’ampleur chez les enfants d’âge primaire
1.1.3 L’ampleur chez les adolescents
1.1.4 L’ampleur chez les adultes et les personnes âgées
1.2 L’ÉTIOLOGIE DU TDAH
1.3 L’ÉVOLUTION ET LES CRITÈRES DU TDAH CHEZ LES ADULTES : DU DSM-II AU DSM-V
1.4 LE TDAH ET SES MANIFESTATIONS CHEZ L’ADULTE
1.4.1 Manifestations de l’hyperactivité
1.4.2 Manifestations de l’impulsivité
1.4.3 Manifestations du déficit attentionnel
1.4.4 Manifestations du défaut de mémoire
1.4.5 Manifestations du manque d’organisation
1.5 LES COMORBIDITÉS ASSOCIÉES AU TDAH CHEZ L’ADULTE
1.6 LES COÛTS DU TDAH POUR L’INDIVIDU ET LA SOCIÉTÉ
1.7 LA PERTINENCE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE II
LA RECENSION DES ÉCRITS
2.1 LE FONCTIONNEMENT SOCIAL ET SES DÉTERMINANTS
2.2 LE FONCTIONNEMENT SOCIAL DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS ATTEINTS DE TDAH
2.3 LE FONCTIONNEMENT SOCIAL CHEZ LES ADULTES AYANT UN TDAH
2.3.1 Le fonctionnement conjugal, familial, et social des adultes ayant un TDAH
2.3.2 Le fonctionnement scolaire des adultes ayant un TDAH
2.3.3 Le fonctionnement socioprofessionnel des adultes ayant un TDAH
2.4 LES STRATÉGIES COMPENSATOIRES UTILISÉES PAR LES ADULTES AVEC UN TDAH
2.5 LES LIMITES DES ÉTUDES CONSULTÉES ET PROPOSITION DE RECHERCHE
CHAPITRE III
LE CADRE CONCEPTUEL
3.1 LE MODÈLE BIOÉCOLOGIQUE DE BRONFENBRENNER
3.1.1 Les origines du modèle de Bronfenbrenner
3.1.2 Les fondements du modèle bioécologique
3.2 LE MODÈLE TRANSACTIONNEL DU STRESS ET DU COPING DE LAZARUS ET FOLKMAN
3.3 LA PROPOSITION D’UN MODÈLE CONCEPTUEL EXPLORATOIRE
CHAPITRE IV
LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
4.1 LE TYPE D’ÉTUDE
4.2 LES OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
4.3 LA POPULATION À L’ÉTUDE
4.4 L’ÉCHANTILLON ET LA MÉTHODE D’ÉCHANTILLONNAGE
4.4.1 L’échantillon
4.4.2 Les stratégies de recrutement de l’échantillonnage
4.5 LA COLLECTE DES DONNÉES
4.5.1 Les outils quantitatifs
4.5.2 L’outil qualitatif
4.5.3 Le déroulement de la collecte des données
4.6 L’ANALYSE DES DONNÉES
4.6.1 L’analyse quantitative
4.6.2 L’analyse qualitative
4.7 LES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES
CHAPITRE V
LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
5.1 LES CARACTÉRISTIQUES DES RÉPONDANTS DE L’ÉTUDE
5.1.1 Les résultats des données démographiques
5.1.2 Les résultats des données du test de l’autoévaluation du dépistage du TDAH (ASRSv1.1)
5.1.3 Perception des participants à l’égard de l’impact des manifestations du TDAH dans leur fonctionnement
5.2 LA DÉCOUVERTE DU TDAH CHEZ LES PARTICIPANTS
5.2.1 La divulgation du TDAH et ses effets
5.3 LA PERCEPTION DES PARTICIPANTS QUANT AUX MANIFESTATIONS DU TDAH
5.3.1 La conception de l’impulsivité selon les participants
5.3.2 La conception de l’hyperactivité selon les participants
5.3.3 La conception de l’inattention selon les participants
5.3.4 La conception de du manque de mémoire selon les participants
5.3.5 La conception du manque d’organisation selon les participants
5.4 LES RÉPERCUSSIONS ASSOCIÉES AUX MANIFESTATIONS DU TDAH
5.4.1 Les répercussions liées à l’Impulsivité
5.4.2 Les répercussions liées à l’hyperactivité
5.4.3 Les répercussions liées à l’inattention
5.4.4 Les répercussions liées au manque de mémoire
5.4.5 Les répercussions liées au manque d’organisation
5.4.6 Les répercussions liées à la procrastination
5.5 LE FONCTIONNEMENT SOCIAL DES ADULTES AYANT UN TDAH
5.5.1 Le fonctionnement conjugal des personnes ayant un TDAH
5.5.2 Le fonctionnement familial des personnes ayant un TDAH
5.5.3 Le fonctionnement social des personnes ayant un TDAH
5.5.4 Le fonctionnement scolaire des personnes ayant le TDAH
5.5.5 Le fonctionnement professionnel des personnes ayant un TDAH
5.6 LES STRATÉGIES UTILISÉES PAR LES PERSONNES POUR PALLIER AUX MANIFESTATIONS DU TDAH
5.6.1 Le soutien médical et pharmacologique
5.6.2 Le soutien psychosocial et psychologique
5.6.3 La variété d’outils utilisés
5.6.4 Les autres stratégies
5.7 SYNTHÈSE DU FONCTIONNEMENT SOCIAL
CHAPITRE VI
DISCUSSION
6.1 LES RÉPERCUSSIONS DU TDAH AU PLAN DU FONCTIONNEMENT
6.1.1 La procrastination
6.1.2 Le manque de mémoire
6.1.3 Le manque d’organisation
6.2 LES FACTEURS FACILITANTS, LES OBSTACLES ET LES DÉFIS ASSOCIÉS AU TDAH
6.2.1 La conscience de soi
6.2.2 Le soutien social
6.2.3 La prise de médication
6.3 LES STRATÉGIES D’ADAPTATION
6.3.1 Les stratégies de coping utilisées
6.3.2 Les conditions d’utilisation des stratégies
6.3.3 La précarité des stratégies utilisées
6.4 LES FORCES, LES LIMITES ET LES BIAIS DE L’ÉTUDE
6.4.1 Les forces de l’étude
6.4.2 Les limites et les biais de l’étude
6.5 LES RECOMMANDATIONS POUR LE TRAVAIL SOCIAL
CONCLUSION
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