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Education : une faible scolarisation
Beforona est loin de parvenir à l’objectif du DSRP (Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté) d’assurer l’éducation fondamentale de neuf ans. La majorité de ses « fokontany » sont encore au stade de recherche des enseignants pour que les élèves puissent avoir au moins le niveau CEPE27. Seul le chef lieu de la commune bénéficie du personnel enseignant nécessaire. Sahanonoka, comme tous les villages enclavés, possède un établissement scolaire mais l’éducation des 65 élèves inscrits28 et répartis dans trois classes différentes est assurée par un seul enseignant. Il en est de même pour Ambodinonoka, toujours dans le même « fokontany », et Ambodilaingo. On remarque dans le tableau suivant que plus un village est enclavé, plus il manque de personnel enseignant. Ceci implique une faible scolarisation des élèves. Concernant Sahanonoka, seulement 68,76 élèves sur 100 scolarisables sont envoyés à l’école en 200229.
Le PCD30 de la commune évoque ainsi l’éducation comme deuxième objectif. Le principal problème évoqué est la mauvaise qualité de l’enseignement et la commune prévoit de recruter de nouveaux enseignants pour son amélioration, afin d’augmenter le taux de scolarisation à 98 % dans 4 ans, d’atteindre un taux de réussite de 100 % et de faciliter l’accès de tous les enfants à l’éducation31.
Le secteur éducation dans la commune de Beforona enregistre donc aussi bien un manque matériel qu’une insuffisance de personnel enseignant. Cette situation remet en cause la qualité de l’enseignement.
Bref, l’aperçu du milieu humain de Beforona témoigne des caractéristiques d’une région pauvre : la qualité d’enseignement médiocre, les infrastructures sanitaires insuffisantes voire inexistantes, le taux de dépendance économique élevé…Qu’en est-ils des activités économiques et agricoles?
Activité, système de culture et revenu des ménages
Beforona est une commune à vocation agricole. Les activités du ménage concernent en grande partie l’agriculture et surtout la culture de riz. L’importance que les Betsimisaraka accordent à ces activités se manifeste par le temps qu’ils y consacrent et la participation de l’ensemble de la famille, même les enfants de moins de 15 ans.
Les enfants se livrent très tôt aux travaux de champs
Les ménages à Beforona ont une taille moyenne de 12 personnes32 et les enfants âgés de 10 ans33 commencent à effectuer des travaux de champs, en plus des travaux domestiques quotidiens (recherche de bois de chauffage, de la canne à sucre pour le café,…). S’il n’y a pas de classe le jeudi, jour de marché, les petits garçons transportent jusqu’à 10 à 13 kilos de banane à Beforona pour les vendre aux collecteurs. En réalité, le nombre de travailleurs recensés devrait réduire le nombre de personnes à charge alors que pour le cas de Sahanonoka, même si les enfants travaillent pour gagner de l’argent, le taux de dépendance économique34 reste assez élevé. Ce travail des enfants est la conséquence du manque de moyen financier des ménages pour l’éducation de leurs enfants ainsi que de l’insuffisance d’infrastructure et de personnel enseignant qui démotivent les parents d’élèves. En plus, l’impossibilité de payer des salariés pour les travaux de champs contraint les paysans à faire travailler les enfants sinon ils n’arrivent pas à produire leur nourriture de base.
Le riz : la nourriture de base
Au niveau de l’activité des ménages, la principale tâche qui occupe les habitants de Beforona est l’agriculture. Déjà un mois et demi après la récolte du riz pluvial (i.e. pendant les mois de mai et juin), les paysans possédant une rizière irriguée se livrent au semis du « vary ririnina »35. Ce dernier se récolte au mois de décembre ou de janvier puis vient le semis du « vary taona »36. En général, celui qui pratique du « vary ririnina » ne sème pas le « vary taona » compte tenu de cette contrainte de temps et de la non disponibilité de la main d’œuvre, ou encore de l’insuffisance de moyens financiers pour la payer. Il faut cependant noter que peu de ménages possèdent une rizière irriguée. Pour les pratiquants de « tavy », le plus dur travail est le sarclage à « Antavy »37. Ils investissent jusqu’à un à deux mois selon la superficie de « tavy » pour se débarrasser des mauvaises herbes.
A part le riz, les paysans de Beforona cultivent aussi du gingembre, du manioc ou du maïs.
Les différentes cultures et autres activités qui permettent d’assurer la période de soudure
Les deux principaux champs de cultures rencontrés dans la région betsimisaraka sont le « tavy » et le « tanimboly »38. A ces deux champs correspond une variété de cultures dont les plus fréquentes sont le gingembre, le manioc, la banane, le café et la canne à sucre. Afin d’avoir un aperçu de l’organisation des activités agricoles des pratiquants de « tavy », pour les cultures autres que le riz, le calendrier agricole est présenté dans le tableau 4 (Cf. pages 16 et 17). Ce calendrier nous révèle que l’agriculture occupe la majeure partie du temps des paysans de Beforona.
· Le gingembre
Nous pouvons lire à travers le tableau T.4-1 que la culture du gingembre précède de deux mois les premiers travaux sur le « tavy », et que la période de semis de la parcelle correspondante coïncide avec ces mêmes travaux rizicoles, c’est-à-dire aux alentours des mois de septembre et octobre. En général, les cultures les plus pratiquées dans la région sont le riz et le gingembre. En effet, ce dernier fait la réputation de la région. Sa production annuelle remonte à 2,6 tonnes par ha39 dont la totalité est destinée à la vente.
A part ces deux cultures, le manioc ne saurait être négligé au point de remplacer le riz dans une grande proportion pendant la période de soudure.
· Le manioc
La période de préparation de la parcelle de manioc se superpose à celle du gingembre. Pour les travaux d’entretien, le ménage dispose d’une période de six mois. Il peut donc organiser les autres activités culturales qui doivent s’effectuer au cours de cette période.
· La banane
La banane occupe aussi une place relativement importante au sein du « tanimboly ». Les activités de culture correspondantes débutent pendant les mois de juin et juillet. L’entretien du champ de banane se fait ainsi en octobre ou en novembre selon la disponibilité des ménages par rapport aux travaux de semis à « Antavy » et l’entretien du caféier qui se font en parallèle.
· Le café et la canne à sucre : deux autres composantes du « tanimboly »
Le café qui, autrefois, constituait la principale culture de rente pour la région, n’occupe plus que 110 ha de surface actuellement40. Avec la canne à sucre, il est cultivé à des fins de consommation. Certains paysans ayant un « tanimboly » relativement étendu, cultivent de la canne à sucre pour produire du « toaka gasy »41. C’est le cas par exemple des paysans de Sahanonoka. Le revenu de la vente de ce rhum gasy42 leur permet de satisfaire les besoins fondamentaux. En revanche, cette activité n’est pas vraiment significative car son commerce est interdit par la loi malgache et les paysans y consacrent peu de temps. Pour produire 30 litres, par exemple, il faut 10 jours de préparation et de distillation43. Les producteurs de « toaka gasy » de Sahanonoka affirment qu’ils font de ce produit une source de revenu, avec lequel ils pourront assurer leur subsistance car pour n’importe quelle quantité transportée pendant le jour de marché on trouve toujours un preneur. Un litre de « toaka gasy » coûte Ar 700 et le minimum de production s’élève à 30 litres.
Bref, la période pendant laquelle les agriculteurs sont entièrement retenus aux travaux de champs est celle du sarclage de riz à « Antavy », c’est-à-dire du mois de février au mois de d’Avril. En effet, outre le fait que le sarclage constitue un dur travail, les paysans doivent assurer, dans cette même période, les travaux d’entretien au niveau de la parcelle de gingembre, des champs de café et de manioc. Le tableau 5 récapitule l’investissement en travail pour les quatre premiers champs d’activité dont le « tavy ». Ce dernier tient la première place avec une part de 40 à 45 %. Deux autres activités non agricoles sont représentées dans ce tableau. Il s’agit de la commercialisation et de la cérémonie qui occupent respectivement 10 % du temps de travaux des ménages.
Pour les paysans qui ne possèdent pas un « tanimboly » assez étendu pour les cultures de rentes, ils se livrent aux travaux salariés.
L’environnement vient toujours au secours des paysans
La première activité para agricole des pratiquants de « tavy » consiste à transporter du bois (le palissandre en général). La vitesse de transaction de cette activité est la plus rapide d’où son intérêt durant la période de soudure. Les paysans qui n’ont pas suffisamment de surface de « tavy » se livrent beaucoup plus à cette activité qui leur permet de gagner de l’argent. Le problème pour ce transport de bois réside dans le fait que la forêt commence à reculer et que les transporteurs ne trouvent plus de palissandre à moins d’un jour de marche depuis Beforona. Les transporteurs mettent donc à peu près cinq jours pour chercher le bois, le travailler et le ramener jusqu’au marché. Dans ce cas, ils ne pourront presque plus se consacrer aux travaux de culture ; par contre, ils gagnent à peu près Ar 6000 à Ar 10 000 par pièce de palissandre selon son poids et sa qualité44. Ceci nous amène à parler du revenu des ménages.
Les travaux salariés et les sources de revenu
En général, les pratiquants de « tavy » dans la commune de Beforona n’ont pas d’activité source de revenu régulier. Pendant la période de semis, ils habitent à « Antavy », un site relativement loin du village. Ceux qui ne possèdent pas un grand terrain de « tavy » ou ceux cultivant une rizière irriguée près du village y restent. Quelques uns travaillent pour les propriétaires de grand « tavy » qui n’arrivent pas à l’assurer. Dans la société betsimisaraka, ce sont les riches qui ont cette possibilité de payer des travailleurs. Le salaire est de l’ordre de Ar 1000 par jour plus un repas.
Les personnes de la classe moyenne et les pauvres gagnent leur vie en vendant une partie de leurs productions ou des « ro »45 cueillis à « Antavy » lors de la période de sarclage (lentille, brède, etc.). Pendant cette période, les courgettes et ananas abondent aussi à la petite épicerie du village où la part de production non consommée est vendue. Ainsi, ces gens ne seront pas obligés de transporter ces restes de produit jusqu’à Beforona. Ils évitent le risque de les ramener au village ou de les vendre à un prix modeste.
Le gingembre est généralement destiné à la vente dont les principaux preneurs sont les collecteurs, les ONG46, la coopérative Koloharena47 et les opérateurs économiques comme le Biosave48. Le « tanimboly » tient donc un rôle non négligeable à Beforona car il permet de réaliser des cultures de rente et cultures commerciales, sources de revenu. Sans accorder une certaine importance au « tanimboly », les paysans auront du mal à satisfaire leur besoin fondamental.
A part le revenu salarié et celui généré par la vente de produits, les habitants de Beforona ont pu bénéficier, depuis le mois de décembre 2004, de l’aide de l’association « Zanaky ny Ala »49 et plus tard de celle de l’ADRA50.
Ces deux entités travaillent dans la commune depuis 2002 sous le système VCT53, financé par le PAM54, pour des constructions de barrage hydro-agricole dans plusieurs villages comme Ambodilaingo, Sahavia, Sahanonoka, Aharana, etc. Ces activités ont réduit le mouvement de transport de palissandre.
Après avoir fait le tour du domaine socio-économique des pratiquants de « tavy », analysons leur mode de vie.
Us et coutumes
L’étude des us et coutumes pourrait expliquer certains comportements des paysans. Respectent-ils toujours les recommandations des ancêtres (les jours interdits, les sacrifices à faire de bétail) compte tenu de leur situation de pauvreté ?
Les ancêtres des Betsimisaraka ont recommandé l’abattage de zébu pour certains évènements et pratiques socio-culturelles dont le « Jinjanaomby », le « laorano », le « Zaza folo », le « Havanonana » et le « Hidin-trano ».
Le « Jinjanaomby »
Il s’agit d’abattre un bœuf sur un lieu où l’on veut faire le « tavy ». Ceci ne concerne pas tous les champs de « tavy » mais uniquement les parcelles déjà définies par un esprit. En effet, c’est un terrain sur lequel un mort a été enterré. Il est influencé par cet esprit. Le terme « jinjanaomby » désigne à la fois le terroir et le fait d’y réaliser un sacrifice.
Le « laorano »
Une maladie grave et incurable nécessite l’aide des ancêtres et du « Zanahary »55. Pour bénéficier de ces aide et guérison, la famille de la victime doit faire un sacrifice de zébu.
Le « zaza folo »
Au dixième enfant né, les Betsimisaraka feront un remerciement car avoir dix enfants signifie une bénédiction. Les parents du nouveau né abattront un bœuf à cette occasion.
Le « havanonana »
Du mot « vanona »qui signifie efficace. Cette fois ci, ce sont les petits-enfants qui doivent de la viande de bœuf à leurs grands-parents car la lignée issue de ceux-ci est efficace.
Le « hidin-trano »
Après avoir bâti un palais, appelé « tranobe » par les Betsimisaraka, l’on doit aussi faire un sacrifice de zébu.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I- LA RÉGION D’ÉTUDE : DESCRIPTION ET ANALYSE DE SA PAUVRETÉ
Chapitre I – Monographie et mode de vie des pratiquants de « tavy »
1) Localisation
a) La commune rurale de Beforona
b) Le « fokontany » de Sahanonoka
2) Population et démographie
3) Santé et mortalité
a) Des centres de santé difficilement accessibles pour beaucoup de « fokontany »
b) Des accouchements non assisté
c) Des maladies épidémiques
4) Education : une faible scolarisation
5) Activité, système de culture et revenu des ménages
a) Les enfants se livrent très tôt aux travaux de champs
b) Le riz : la nourriture de base
c) Les différentes cultures et autres activités qui permettent d’assurer la période de soudure
d) L’environnement vient toujours au secours des paysans
e) Les travaux salariés et les sources de revenu
6) Us et coutumes
a) Le « Jinjanaomby »
b) Le « laorano »
c) Le « zaza folo »
d) Le « havanonana »
e) Le « hidin-trano »
f) Les « fady »
g) La grande fête des Betsimisaraka
7) Accès aux terres
Chapitre II – Pauvreté et pratique culturale
I- Les théories relatives à la pauvreté
A- Le sous-développement persiste indépendamment des pays du Sud..
1) Le sous-développement est le résultat de la relation Nord-Sud
2) Le sous-développement une étape vers le développement
B- Le sous-développement est incontournable
1) Les effets du climat sur l’économie
2) La nature des sols
II- Les paysans riches et les paysans pauvres
A- Le vécu de la pauvreté
1) La pauvreté à Beforona
2) La pauvreté dans les autres « fokontany »
B- La pratique du « tavy » : indicateur pour mesurer l’ampleur de la pauvreté
PARTIE II- LE TAVY, MOYEN DE SURVIE DES PAYSANS
Chapitre I – Agriculture itinérante sur brûlis
I- Les raisons de la pratique du »tavy »
1) Les effets bénéfiques du « tavy » sur le système sol-végétation
a) Supprimer la végétation indésirable dans le champ
b) Modifier la texture du sol
c) Améliorer la fertilité du sol
d) Réduire l’acidité du sol
e) Accroître la disponibilité des nutriments contenus dans le sol
f) Stériliser le sol et réduire les populations microbiennes
2) La valeur du « tavy »pour les Betsimisaraka
a) Le « tavy », une tradition
b) Le « tavy », une religion
II- Les explications des effets du « tavy »
A- Revue des explications relatives aux conséquences néfastes du « tavy » sur le système sol-environnement
1) Les espèces en voie de disparition
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