Le « Tambanivohitra » malgache : une négociation identitaire entre soi et la société

L‟entendement humain ne peut se chômer de sa faculté agitée et agitant, sans cesse en train de demander et de se demander, de construire et de déconstruire, et, en même temps, d‟inhiber et de créer. Cette fonctionnalité inachevée dépend de l‟environnement social dans lequel le sujet s‟insère, c‟est ce que Gurvitch (1966) considère comme fonction corrélative entre savoir et cadre social. Le travail intellectuel ne peut s‟arrêter mais prend juste des formes diverses et des rythmes variables. Ici, dans la cours de la sociologie, le mécanisme est différent du rouage commun. Georges Lapassade et René Louro (1971) définit la sociologie comme une science qui est née de la révolution. « Elle prend pour objet les transformations sociales, les mouvements, les crises, la lutte des classes dans une société que le mode de production actuel fait entrer dans un état critique » (p.9). Ceci implique une attention particulière, sinon fondamentale, accordée aux faits sociaux qui semblent atypiques, et à même de répercuter sur la manière usuelle dont marche la société. A l‟image de l‟homme qui honore ses dates marquantes (naissance, circoncision, mariage, etc.) et reléguant les autres jours à un degré de pertinence secondaire, la sociologie se consacre aux évènements majeurs de la société pour s‟intéresser à ses révolutions, ses maladies, ses accouplements culturels, sa reproduction voire à son déclin. Seulement, une lecture plus contemporaine soutient que ce sont surtout les choses dites anodines, signifiées et interprétées, qui font que la société est ce qu‟elle est. Ainsi naît alors une prise de conscience de la pertinence des « activités quotidiennes socialement organisées » . La pensée courante de l‟homme construit et se construit dans cette quotidienneté routinière. Dans cette situation d‟intersubjectivité, chacun se réfère aux autres et, par-là, ils se réfèrent mutuellement, s‟interprètent les comportements et s‟accommodent à ces sens, médiatement ou immédiatement.

La société fonctionne généralement par routine monotone dont la nature réelle des choses parait comme oubliée. Consensuellement, nous nous contentons de lire les étiquettes collées sur elles. Cette « naïveté » tient d‟une attitude naturelle qui tend à prendre les choses comme allant de soi, consciemment et/ou instinctivement. L‟intellection sociologique vise alors à étudier cette société réelle, à plein temps et non uniquement dans la vivacité de ses contenus.

Quelques notes théoriques exploratoires

La construction sociale

La notion de « construction sociale » connait actuellement une inflation des usages dans les sciences sociales sans que l‟on parvienne à saisir concrètement ce qu‟elle indique. Avec les usages, le sens va également dans la direction d‟une hypertrophie multidimensionnelle et transdisciplinaire.

Sociologiquement, s‟intéresser à la construction sociale revient à reconnaitre que la société et ses contenus (comme ses attributs) émanent d‟une invention, sinon découverte, du moins d‟une morphologisation socialement entreprise. De la sorte, on se rend compte que ce qui a toujours semblé naturel peut ne pas l‟être finalement. D‟ailleurs, Ian Hacking (2001) souligne que l‟analyse aurait de ce fait pour but de montrer qu‟un phénomène ou une façon de voir généralement perçu comme inévitable, découlant naturellement de la nature des choses, aurait pu être différent dans un autre contexte social. Cela signifie que l‟institution ou le phénomène considéré est socialement situé. Cela signifie également que la contingence prend le pas sur la croyance en la nécessité : il l‟est, semble être obligé de l‟être, mais peut surtout ne pas l‟être.

Effectivement, cette conception a permis de remettre en cause tous les éléments et institutions sociaux perçus comme intangibles, et dont les forces et contraintes structurantes paraissaient indépassables, voire transcendantes. Bon nombres d‟auteurs ont essayé de développer cette pensée selon leur aise et selon leur lignée théorique (ou méthodologique). Nous citerons en particulier le français Marc Loriol (2012)  qui a contribué avec une très large part à la compréhension de cette théorie, si ça en est une, avec une perspective plus contemporaine et panoramique. Pierre Bourdieu, pour sa part, est le représentant d‟un constructivisme structuraliste soutenant l‟existence d‟une genèse sociale des structures structurant la société. Ces réflexions sont importantes à notre égard.

La construction du social de Marc Loriol

La généralisation de la notion de « construction social » conjuguée avec des spéculations passionnées sur le thème, dont l‟effet est hasardeux et brumeux, incite Marc Loriol à l‟utiliser et à l‟analyser dans ses travaux. L‟ouvrage issu de son habilitation à diriger des recherches s‟est de ce fait porté sur La Construction du social. Souffrance, travail et catégorisation des usagers dans l’action publique (2012).Dans une volonté de mêler les échelles de réflexion micro, méso, macro, il veut déboucher sur une analyse processuelle et historique du social.

Son analyse sur le contenu social de la fatigue lui a permis de soutenir que la dimension biologique importe peu sur les interactions et représentations sociales. « La question n‟est pas de savoir si la ‟mauvaise fatigue” existe comme entité propre […] mais de comprendre […] comment cette distinction est posée, quel sens elle prend et quelle conséquence elle semble avoir sur l‟expérience sociale et la prise en charge de la fatigue » (p.13). Ce que l‟on connait, ce que l‟on ressent et la valeur accordée à ces sensations, bref la reconnaissance qu‟on a de la fatigue n‟est pas un donné en soi. C‟est un acquis qui découle de la situation sociale dans laquelle une lutte acharnée entre différentes définitions fait surgir une croyance (définition qui a réussi à se faire légitimer) dans un contexte de rapport de force inégalitaire. Ce travail de reconnaissance est entrepris par des « entrepreneurs de cause ».

Aux yeux de Loriol, la notion de construction « permet de montrer comment les représentations sociales, les rhétoriques professionnelles, les ‟images” du travail, se concrétisent ou non ; de mettre au jour les stratégies des différents acteurs, les négociations et les compromis, les conditions organisationnelles qui permettent de faire exister, au moins partiellement, ces représentations ». Effectivement, les actions individuelles sont sous-tendues par des représentations sociales, lesquelles positionnent les individus dans une certaine catégorie leur apposant une étiquette particulière en fonction des conceptions qui leur sont assimilées. Mais les individus étiquetés ne demeurent cependant pas indifférents et inertes par rapport à cette catégorisation. Ils peuvent « chercher à lever le stigmate, à produire un travail sur euxmêmes afin de tenter de gérer dans le sens qui leur convient mieux les impressions qu‟ils produisent ». Marc Loriol a mis au exergue plusieurs stratégies de reconstruction, de mise en forme, de l‟usager des services publics et en propose une application concrète à partir de son enquête sur les infirmières et de celle qu‟il a effectuée auprès de la police. Les agents en contact avec du public cherchent à façonner les usagers. Ils forgent, donnent, maintiennent un sens à leur activité professionnelle en cherchant à les positionner au sein des différentes catégories à leur disposition. D‟où la définition de « bons » et « mauvais » usagers, et l‟étiquetage interagit par la suite.

Le constructivisme structuraliste de Pierre Bourdieu

Les traditions sociologiques léguées aux intellectuels contemporains revêtent toutes une posture extrémiste et radicale invitant à voir dans le fonctionnement de la société soit le poids déterminant et contraignant de la société sur ses membres, soit la liberté d‟action et de réflexion de ces derniers pour aboutir à constituer la première. Pour rompre avec ce dualisme entre objectivisme et subjectivisme, « les nouvelles sociologies » selon Corcuff en 199224 appelées constructivisme dominent désormais dans l‟arène de la sociologie. A sa manière, Bourdieu a marié les acquis des pères fondateurs tels qu‟Emile Durkheim, Max Weber ou encore Karl Marx, et a tenté d‟expliquer le social par les deux notions d‟habitus et de champ, l‟objectif étant de passer outre la détermination sociale et l‟action individuelle. Le constructivisme structuraliste s‟apparente alors à une jonction entre le subjectif et l‟objectif.

« Par constructivisme, je veux dire qu’il y a une genèse sociale d’une part des schèmes de perception, de pensée et d’action qui sont constitutifs de ce que j’appelle habitus, et d’autre part des structures sociales, et en particulier de ce que j’appelle des champs » . Il désigne ainsi un double mouvement d‟intériorisation et d‟extériorisation. L‟organisation sociale, comme structure objective, fondent les représentations subjectives. Par la suite, ces représentations façonnent le social sous certaines conditions. Ce cycle interactif entre le social et le cognitif est particulièrement visible, selon Bourdieu, avec ce qu‟il appelle « les effets de théorie». Il faut que certaines conditions sociales extérieures aux représentations et aux discours mêmes soient remplies dans les têtes et dans les institutions pour que ceux-ci aient une certaine efficacité sur la réalité. C‟était le cas de la théorie marxiste qui a réussi à se catalyser par différentes institutions pour ne citer que le système éducatif et politique, et a permis certains changements dans la réalité.

L‟intériorisation de l‟extérieur se conceptualise « habitus ». Celui-ci désigne un « système de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs des pratiques et des représentations »(Bourdieu, 1980) , un « système de schèmes acquis fonctionnant à l’état pratique comme catégories de perception et d’appréciation ou comme principes de classement en même temps que comme principes organisateurs de l’action » (Bourdieu, 1987), des « systèmes durables et transposables de schèmes de perception, d’appréciation et d’action qui résultent de l’institution du social dans les corps (ou dans les individus biologiques) » (Bourdieu, 1992) . Ce qu‟il faut retenir, c‟est que les structures objectives (les conditions objectives d‟existence et la trajectoire sociale)sont imprimées dans l‟individu pour lui servir de dispositif d‟action, lui déposant une inclinaison à percevoir, sentir, faire et penser d’une certaine manière. De ce fait, l‟attachement à une classe sociale d‟appartenance est structuré préalablement dès cette instance d‟acquisition des normes structurelles.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Partie I – REFLEXION LIMINAIRE ET CADRAGE METHODOLOGIQUE
Chap. I – Quelques notes théoriques exploratoires
Chap. II – Cadrage méthodologique
Partie II – REALITES OBJECTIVES ET ESSAI D’INTERPRETATION
Chap. III- Analyse de données archivistiques
Chap. IV – Traitement de corpus discursifs actuels
Chap. V – Traitement d’images mobiles
Partie III – ANALYSE ET PROSPECTION SOCIOLOGIQUES
Chap. VI – Théorisation des réalités
Chap. VII – Délimitation finale du champ de travail et approfondissement
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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