LE SYTEME PREPOSITIONNEL EN FRANÇAIS CLASSIQUE
Les études théoriques de syntaxe sont diverses et variées mais souvent passionnantes et flexibles. Passionnantes parce que les analyses se veulent scientifiques voire fiables pour demeurer plus solides sur le terrain mouvant des critiques intellectuelles. Flexibles en raison des remarques et critiques aussi constructives qu’acerbes venant des linguistes les plus avertis. Ainsi, une description scientifique garantit les études théoriques de la syntaxe.
Toute analyse naît de l’empirisme a-t-on coutume d’avancer dans un cadre scientifique. Par conséquent la pratique motive et couronne toutes les réflexions fondées sur ces expériences et théories. En effet, toute analyse syntaxique dans un cadre purement scientifique suppose une conception de langue basée sur des théories et des expériences fiables ; une manière d’envisager le processus de la communication qui n’est que la pratique de cette langue. Ainsi, le syntacticien a l’obligation de définir clairement les contours autour desquels gravitent les principes de fonctionnement de la partie du discours sur laquelle portent ses recherches. Pour découvrir les secrets de fonctionnement de la langue française composée de plusieurs classes, nous allons nous évertuer à plancher sur l’un des éléments du discours en essayant d’abord de fouler son terrain définitionnel puis voir ses approches syntaxiques. Cette étude porte sur la préposition, élément du discours qui peut s’employer en solo ou se conjuguer avec d’autres morphèmes pour constituer des combinaisons complexes. Par conséquent, lorsque la préposition est en structure simple, nous la nommons préposition et en structure complexe, locution prépositive.
Approche structurelle et définitionnelle
Formation des prépositions
Nous pouvons avancer que le domaine de la préposition est très vaste. En effet, beaucoup de grammairiens et de théoriciens ont procédé aux études relatives à la préposition en ce qui concerne sa charge sémantique et ses caractéristiques relationnelles. Toutefois par rapport à sa formation nous avons remarqué des écrits sobres. Or dans sa formation comme tout autre morphème il y a des phénomènes mis en jeux. L’appartenance des prépositions à la classe des mots de forme invariable nous informe de l’existence de classes variables. Les critères d’invariabilité et de variabilité morphologiques sont des résultats d’un processus. Dans ce processus, la lexicalisation joue un rôle crucial dans les premières étapes de la formation des prépositions. La forme lexicale d’origine d’une préposition pourrait continuer à exister malgré les disparitions en tant qu’élément indépendant. Cela n’est possible que par le phénomène de la grammaticalisation qui la sous-tend. Par grammaticalisation nous entendons le passage d’un mot autonome au rôle d’élément grammatical.
La préposition appartient à une classe ouverte. Cette classe est de nature hétérogène eu égard aux différences qui caractérisent ses composantes. La préposition comme la locution prépositive proviennent de sources diverses et de ce fait, tous ces mots lexicaux et / ou grammaticaux doivent s’intégrer soit à la classe des prépositions soit à la classe des locutions prépositives. Le vocable locution mérite d’être défini en prenant les termes de Jules Marouzeau : « la locution est une union de plusieurs mots constituants une sorte d’unité lexicologique ». Provenant d’horizons différents, nous constatons une formation des prépositions issues :
-De mots latins :
ab ante ˃ avant
apud-hoque ˃ apud hoc, avec
ad pressum ˃ après
casa ˃ chez
in˃ dans
per-ad ˃ par
sine˃ sans
sup˃ sur
sub˃ sous
-D’une combinaison de mots français :
Préposition+ nom ( parmi)
Verbe et adverbe (voi là)
Nom et adjectif (mal gré)
-D’une dérivation impropre : cette formation se réalise grâce à la mise en œuvre d’un procédé grammatical tel que la dérivation impropre qui s’effectue sur deux sources: adjectivale et verbale. Grevisse, nous rappelle dans le Bon Usage la définition de la dérivation impropre qui est un procédé grammatical qui consisterait à faire passer des mots d’une catégorie grammaticale dans une autre sans rien changer de la figure de ceux-ci.
Source adjectivale (sauf, plein, proche,) ; source verbale (moyennant, attendu, vu)
-D’une combinaison de mots :
Nom + préposition (grâce à, faute de)
Préposition + nom + préposition ( à cause de, de peur de, par suite de)
Adverbe + préposition (loin de, plus de)
Ces différences de formes constituent l’une des raisons qui a contribué à la variété des prépositions dans la langue française. Cela nous servira dans la partie nommée typologie inscrite dans l’analyse de notre travail de recherche.
Ainsi, l’hétérogénéité de la classe des prépositions surtout simple repose sur la diversité générique même des mots lexicaux. La catégorie est formée d’éléments de sources différentes qui acquièrent au fur et à mesure des caractéristiques distinctes suivant le phénomène de grammaticalisation. Cette « diversité des sources d’origine» nous a été rappelé par Mélis .Nous pouvons considérer la préposition comme un morphème grammatical. C’est la raison pour laquelle s’invite le processus de grammaticalisation. Lorsqu’un élément lexical donné subit une transformation pour devenir un terme grammatical, là nous pouvons dire que cet élément est le résultat du processus de la grammaticalisation. Celui-ci traduit le rôle grammatical que joue soit la préposition simple ou la locution au sein de la phrase. Ainsi quelle que soit sa forme, simple ou composée, la préposition est longtemps définie comme un mot qui sert à exprimer des rapports grammaticaux même si cette définition présenterait des limites. Elle concourt à redessiner les contours de la nature des rapports entre les termes qu’elle relie. Cela contribue à marquer les fondements sur lesquels reposent les relations syntaxiques.
Aperçu sur l’aspect morphologique des prépositions
Cette étude porte sur la préposition, élément du discours qui peut s’employer en solo ou se conjuguer avec d’autres morphèmes pour constituer des combinaisons complexes in praesentia. En d’autres termes, elle peut être dans une structure dans laquelle sa forme est apparente quelle que soit l’expression : soit séparée (pour que ; afin de ; grâce à ; à cause de ; en face de), soit soudées (parmi ; malgré). Toutefois, la préposition se présente aussi dans des combinaisons in absentia que nous retrouvons refermées dans d’autres parties du discours tels que :
Les pronoms personnels, compléments d’objets indirects atones (me ˂ à+ moi ; te˂ à+ toi ; se˂ à+ soi ; lui ˂ à + il ou elle, etc.) .
Les pronoms relatifs (auquel ˂ à + lequel ; auxquels ˂ à + lesquels, etc.) .
Les articles définis contractés (au ˂ à+ le ; aux˂ à+ les ; du˂ de+ le ; des˂ de +les) : nous remarquons que ce sont les prépositions à et de uniquement qui assurent cette alliance grammaticale qui débouche sur des classes grammaticales telles que les pronoms, les articles.
Dans la morphologie de ces pronoms, la préposition ne figure pas dans la structure donc absente mais son rôle dans cette classe grammaticale est d’une importance capitale. On s’accorde à reconnaître que la fonction première du pronom est anaphorique. Elle permet d’éviter la répétition d’un mot déjà présent dans l’énoncé. En d’autres termes, l’éloquence qui est l’une des caractéristiques du français évite la redondance tant que possible. Celle-ci est écartée grâce à l’emploi du pronom quand le mot devient récurrent. Dans ce contexte, la préposition, renfermée dans la structure pronominale, est un élément précieux dans l’emploi du pronom personnel. Ainsi, dans l’exemple qui suit, ce fait grammatical et même stylistique s’aperçoit :
Papa appelle sa fille. Il lui parle.
Dans cette illustration, le pronom personnel joue un rôle important car écartant toute récurrence nominale. Le locuteur, dans cette situation de communication emploie de manière spontanée le pronom lui pour éviter de dire :
Papa appelle sa fille. Il parle à sa fille. (à elle)
Ici nous notons la contraction de la préposition à avec le pronom elle pour exprimer un complément d’objet indirect. Pour mieux étayer nos propos, nous allons prendre un exemple tiré de nos corpus :
Mme de Clèves y venait souvent et, pour être affligée, elle n’en paraissait pas moins belle à M.Nemours. Il lui faisait voir combien il prenait d’intérêt à son affliction et il lui en parlait avec un air si doux et si soumis qu’il la persuadait […] .
(Madame de La Fayette, La princesse de Clèves, tome premier, p.65)
Dans cette illustration ci-dessus, la fonction anaphorique du pronom est clairement définie à travers le double emploi de lui qui évite l’emploi répétitif de Mme de Clèves dans l’énoncé et qui fait appel à un complément d’objet indirect grâce à la préposition inclue dans la forme pronominale synthétique qui vient de la fusion entre la préposition à et Mme de Clèves remplaçable par elle.
Cette construction est possible avec d’autres éléments tels que les déterminants comme les articles.
[….], qu’il est bien moins content du don que de la manière dont il lui a été fait.
(La Bruyère, Les Caractères, De la cour, p.169) .
[….]
Les poussent au penchant où leur cœur est enclin,
Et leur osent du crime aplanir le chemin,
Détestables flatteurs, présent le plus funeste
Que puisse faire aux rois la colère céleste !
[….]
(Racine, Phèdre, Acte IV, Scène VI, v.1323-24-25-26, pp.101-102) .
Dans ces exemples tirés dans Phèdre et dans Les Caractères, nous avons la présence de deux déterminants appelés articles contractés. En effet, du et aux proviennent respectivement de l’alliance entre les prépositions de et à et les articles définis le et les qui actualisent les substantifs tels que don, crime et rois notés dans ces exemples ci-dessus. Ainsi, ces prépositions sont amalgamées à ces déterminants qui débouchent sur la solidarité de type syntagmatique de la combinaison entre préposition et article. Cela atteste l’ouverture de la classe morphologique des prépositions avec d’autres unités syntaxiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE LE SYTEME PREPOSITIONNEL EN FRANÇAIS CLASSIQUE
CHAPITRE PREMIER : Approche structurelle et définitionnelle
1.1. Formation des prépositions
1.2. Aperçu sur l’aspect morphologique des prépositions
1.3. Valeurs expressives des prépositions
1.4. Origine et historique des prépositions
1.5. Valeurs syntaxiques
CHAPITRE II : La typologie des prépositions en français classique
2.1. La typologie des formes simples
2.2. Cas particuliers
2.3. La typologie des formes composées
DEUXIEME PARTIE Les différentes constructions des prépositions avec les autres éléments de l’énoncé
CHAPITRE PREMIER: La nature du complément et du terme complété
1.1. La nature du complément ou régime
1.2. La nature de l’élément complété ou recteur
CHAPITRE II : les différentes fonctions syntaxiques de la préposition
2.1. Avec le verbe
2.2. Avec d’autres termes autres que verbes
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE