Le système valaisan

Le système valaisan

En vue de l’approche pratique qui se centrera exclusivement sur le mode de fonctionnement valaisan, il est nécessaire d’expliquer ce système cantonal afin de le comprendre et de connaître la procédure dans son ensemble, en distinguant ici encore les deux autorités civiles, soit le tribunal civil et l’APEA. Le Tribunal civil de première instance, ou de district, est constitué de un ou plusieurs juges et juges assesseurs (art. 10 al. 3 LOJ), nommés par le Tribunal cantonal (art. 10 al. 4 LOJ) et est régi par le Code civil suisse (CC) et le Code de procédure civile (CPC). Ses fonctions ont déjà été expliquées précédemment, et le fait de s’intéresser spécifiquement au canton du Valais ne change pas ses champs d’application et ses compétences. En cas de recours, les aptitudes requises reviennent au Tribunal cantonal (art. 7 al. 1 LOJ) qui tranche sur une décision. Enfin, une autorité de surveillance, admise pour contrôler si les décisions et les procédures sont correctement appliquées, est confiée au Conseil d’Etat (art. 24 al. 2 LOJ). Le Tribunal de protection, soit l’APEA, est une instance administrative, interdisciplinaire et spécialisée (art. 13, 14 LACCS). Sous les termes d’interdisciplinaire et de spécialisée, il est entendu que les membres (un président, deux membres et deux suppléants (art. 14 LACCS) qui composent cette instance sont de différents domaines professionnels (droit, psychologie, pédagogie, médecine, etc.) (art. 14 al. 3 LACCS) avec des connaissances spécifiques et qui travaillent conjointement afin de lier leurs savoirs et d’apporter un suivi complet (Hitz Quenon, Paulus et Luchetta Myit, 2014). Les compétences et champs d’application exposés au point précédent restent ici encore en vigueur.

L’APEA est également guidée par le CC et le CPC. Des recours peuvent être intentés contre ses décisions auprès de l’instance de recours. Par ailleurs, l’instance de surveillance contrôle les décisions prises par l’autorité de protection. Ici aussi, c’est le Tribunal cantonal qui gère les recours (art. 114 al. 1 LACCS) et le Conseil d’Etat se charge de la surveillance (art. 16 LACCS). Même si ces deux autorités civiles prennent les décisions finales et doivent se tenir en première ligne pour procéder à l’audition de l’enfant, il se peut, dans diverses situations, qu’elles ne possèdent pas toutes les compétences. Comme il le sera démontré dans l’enquête de terrain, il arrive encore régulièrement que ces autorités délèguent l’audition aux offices compétentes, soit l’Office de protection de l’enfant (OPE), le CDTEA, etc., en leur demandant de procéder à une enquête sociale ou à une évaluation psychologique afin de proposer les mesures de protection et les décisions finales à appliquer. Enfin, l’OPE est également mandatée lorsque des mesures sont ordonnées et doivent être appliquées. Il est également à notifier que la dernière modification de la Loi en faveur de la jeunesse (LJE), où des rectifications importantes sur l’échange d’informations ont été apportées (art.58), a été acceptée par le Parlement valaisan le 13 juin 2014. Cet article facilite la transmission des informations entre les différents professionnels qui gravitent autour de l’enfant, lorsque l’intérêt et la protection de l’enfant le demandent. L’article 58 stipule également que le secret de fonction peut être délié entre ces différents partenaires sans devoir désormais faire une requête auprès du Conseil d’Etat (Freysinger, 2014). Ainsi, les différents acteurs présentés dans la figure 1 peuvent travailler plus conjointement et allier leurs savoirs plus aisément et efficacement.

Les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants En 2010, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté un programme de Lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants. En effet, malgré de nombreux principes énoncés autant au niveau national, européen, qu’international, le Conseil de l’Europe, après avoir interrogé des enfants, s’est aperçu que la justice n’est pas toujours adaptée à ces derniers. Ainsi, en adoptant ce programme, le Conseil de l’Europe a pour objectif de garantir une justice « amie » des enfants, où un accès au système de justice et un traitement judiciaire seraient respectueux et responsables. Le Conseil de l’Europe attend alors d’une justice adaptée qu’elle « traite avec dignité, respect, attention et équité » (Conseil de l’Europe, 2010, p. 8) les enfants. « Elle est accessible, compréhensible et fiable. Elle écoute les enfants, prend dûment en compte leurs points de vue et veille à ce que les intérêts de ceux qui ne peuvent les exprimer eux-mêmes (enfants particulièrement vulnérables) soient également protégés. Elle règle son pas sur celui des enfants; elle n’est ni expéditive ni trop longue, mais raisonnablement rapide » (Conseil de l’Europe, 2010, p. 8).

Le Conseil de l’Europe demande également que l’audition de l’enfant à protéger, notamment dans les situations précitées, soit respectée, que leur parole soit prise en considération, et ce en fonction de leur âge, de leurs besoins et compétences, et de leur capacité de discernement. Leur écoute ne devrait jamais perdre de vue l’objectif de l’intérêt supérieur de l’enfant et devrait être menée par des professionnels formés à cet effet. L’enfant, dans une justice lui étant adaptée, devrait aussi pouvoir compter sur une approche holistique où des professionnels de différents horizons échangent, travaillent ensemble et veulent garantir son intérêt supérieur. Enfin, les politiques et les Etats parties devraient s’engager à promouvoir encore plus cette justice adaptée, à contrôler et surveiller plus rigoureusement si des mécanismes sont mis en oeuvre au niveau interne et à les évaluer régulièrement. Ainsi : « La justice devrait être l’amie des enfants. Elle ne devrait pas marcher devant eux, car peut-être ne suivraient-ils pas. Elle ne devrait pas marcher derrière eux, afin qu’ils ne portent pas la responsabilité d’ouvrir la voie. Elle devrait simplement marcher à leurs côtés et être leur amie » (Conseil de l’Europe, 2010, p. 10).

Les bases et objectifs de l’audition

Pour ce point, il est premièrement fondamental de distinguer la place de l’audition entre droit et obligation. Dans le droit civil, l’audition pour l’enfant constitue un droit et non pas une obligation, notamment au sens du paragraphe 46 des Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée à l’enfant (2010). De plus, si l’audition est bien un droit pour l’enfant, refuser de s’exprimer l’est tout autant et constitue un juste motif pour ne pas être auditionné, notamment au sens de l’article 298 CPC. L’article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant suit la même logique puisqu’elle offre cette possibilité à l’enfant mais ne la lui impose en aucun cas : « L’enfant doit dès lors clairement être informé qu’il a le droit de s’exprimer, mais aussi de refuser de le faire » (Raemy, 2015, p.44). Par ailleurs, si l’enfant a la possibilité de refuser de s’exprimer, le juge n’a, par contre, pas la faculté de renoncer à l’auditionner si ce dernier le demande. Elle est donc une obligation pour l’autorité compétente, pour autant qu’aucun juste motif ne s’y oppose. L’enfant capable de discernement qui demande à se faire entendre ne peut effectivement pas se voir décliner cette requête. Dans le cas d’un enfant incapable de discernement (encore faut-il savoir qu’il n’est pas capable de discernement s’il n’a pas été entendu), il pourra faire valoir ce droit grâce à l’aide de ses parents ou de ses représentants. De ce fait, le refus d’auditionner l’enfant dans ces conditions constitue une « violation de l’exercice des droits strictement personnels de l’enfant par le juge » (Rumo-Jungo, 2003, p. 118 ; Rumo-Jungo et Carron, 2001, p. 3 ; Suter, 2002, p. 27). Toutefois, Jaccottet Tissot, citée par Silva (2011), pense qu’un certain laxisme s’est implanté dans les procédures d’audition et que le droit de l’enfant n’est pas pleinement et scrupuleusement respecté. De plus, Reiser, citée par Silva (2011), partage un avis négatif quant à l’application de ce droit dans les pratiques genevoises.

Ce bilan mitigé permet dès lors de s’interroger sur les pratiques de ces deux cantons mais également de se questionner sur l’état des lieux des autres régions et de générer des pistes de réflexions par rapport à ce qui se fait réellement. Enfin, Cottier, citée par Weber Khan et al., (2011, p. 8) s’interroge également dans ce sens et « insiste clairement sur la nécessité de disposer de bases légales appliquées de façon systématique, et estime que la société doit changer en profondeur pour permettre une évolution des mentalités face à l’enfant, perçu comme acteur de son développement et disposant de droits ». Zermatten (2015) emprunte cette même lignée réflexive puisque c’est bien dans la façon de penser l’enfant que les mentalités doivent évoluer. Egalement, un enfant victime de négligence, de maltraitance, d’abus ou enrôlé dans une procédure de divorce doit être entendu sans la présence des adultes ou des parties, des représentants ou des curateurs. Comme l’indique le Comité des ministres du Conseil de l’Europe dans ses Lignes directrices (2010, § 9), l’audition de l’enfant devrait se faire en huit-clos. Pour Diez Grieser, citée par Weber Khan et al., (2011), parler seul à seul avec l’enfant serait même un objectif lors de l’entretien. Ceci permettrait à l’enfant de s’exprimer librement sur les questions posées lors de l’entrevue sans être influencé dans ses réponses par la présence d’autrui à ses côtés. Au vu des articles 314a CC et 298 CPC, l’audition sera ensuite retranscrite sous forme de procès-verbal, où seules les informations relatives et nécessaires à une décision seront consignées. Les parents, représentants et curateurs peuvent y avoir accès, mais ne connaitront pas les motivations des dires et des décisions de l’enfant.

Il s’agit alors ici de trouver un équilibre entre le respect de ce qu’a confié l’enfant à son interlocuteur et les informations à révéler aux parents dans la rédaction du rapport (Pradervand-Kernen, 2015). Par ailleurs, les enfants doivent être entendus de « manière appropriée », notamment en fonction de leur âge, de leur développement et d’autres spécificités. De plus, l’auditeur devra créer un climat de confiance, afin que l’enfant se sente à l’aise et en sécurité et puisse ainsi livrer ses avis et besoins de manière libre. Enfin, même si cette notion reste très subjective et repose à nouveau sur l’appréciation du juge, elle reste un objectif fondamental de l’audition de l’enfant (Cruchon, 2013). Pour finir, et ceci est assurément son but premier, l’audition de l’enfant aura comme objectif de l’intégrer dans toutes les procédures qui le concernent et ainsi servir le principe de son intérêt supérieur. L’audition aura dès lors pour but de définir et de connaître cet intérêt supérieur dans son cas précis, en considérant les opinions de l’enfant (Silva, 2011). En effet, comment le juge peut-il définir ce qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant s’il ne l’a pas entendu et questionné sur ce propos ? Et comment le juge peut-il « prétendre qu’une audition ne serait pas dans son intérêt, s’il ne prend pas le temps de discuter avec l’enfant et de découvrir ainsi ce qui est véritablement dans son intérêt » (Silva, 2011, p. 9) ?

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. PROBLEMATIQUE
PARTIE 1 : DÉFINITIONS ET BASES LÉGALES
1. LES INSTANCES CIVILES SUISSES
1.1 En général
1.2 Le système valaisan
2. LES MESURES DE PROTECTION ET LA PLACE DE L’AUDITION DE L’ENFANT
2.1 Les mesures de protection en droit civil
2.2 La place de l’audition de l’enfant dans les mesures de protection en droit civil
3. LES TEXTES DE LOIS SE REFERANT A L’AUDITION DE L’ENFANT
3.1 La Convention internationale des droits de l’enfant
3.2 Les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants
PARTIE 2 : COMPRENDRE L’AUDITION DE L’ENFANT DANS LES PROCÉDURES CIVILES
1. LES FONDEMENTS ET PRINCIPES DE L’AUDITION DE L’ENFANT
1.1 Les deux principes de l’audition de l’enfant
1.2 Les bases et objectifs de l’audition
1.3 Les « justes motifs » pour ne pas entendre l’enfant
1.4 La personne en charge de l’audition et sa formation
2. L’AUDITION DE L’ENFANT MIS DANS SON CONTEXTE
2.1 Les « règles d’or » de l’audition
2.2 Le modèle de base de l’audition
2.3 Le poids donné à la parole de l’enfant
3. FAIRE VALOIR SON DROIT D’ETRE ENTENDU ET DE S’EXPRIMER
3.1 L’information de ses droits
3.2 Faire respecter son droit et les voies de recours
PARTIE 3 : LES ASPECTS PSYCHOLOGIQUES DE L’AUDITION DE L’ENFANT
1. LE DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT ET DE SES COMPETENCES EN LIEN AVEC L’AUDITION
2. ELEMENTS DIVERS A PRENDRE EN COMPTE LORS D’UNE AUDITION
2.1 La suggestibilité
2.2 Les compétences langagières
2.3 Le développement socio-affectif
2.4 Les questions et les différents biais lors d’un entretien
3. L’IMPORTANCE D’ENTENDRE L’ENFANT AU TRAVERS DE LA PSYCHOLOGIE
4. CONCLUSION AUX PARTIES THEORIQUES
PARTIE 4 : ANALYSE DE PRATIQUES VALAISANNES
1. METHODOLOGIE
2. CADRE ETHIQUE
3. ANALYSE DES ENTRETIENS
4. CONSTATS ET RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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