Le système urotensinergique

Pressenti dès le milieu du XIXème siècle par Claude Bernard, le concept de neurotransmission mit plusieurs décennies pour s’imposer. Après les travaux de Charles Scott Sherrington (1897) qui proposa le terme de synapse (du grec syn = ensemble et haptein = toucher, saisir) pour définir la jonction entre deux neurones, le pharmacologue autrichien Otto Loewi fût le premier à démontrer la nature chimique de la communication nerveuse. Il réalisa une expérience restée célèbre sur des cœurs isolés de Grenouille (Loewi, 1921) qui lui permit de caractériser les effets d’une substance libérée par le nerf vague qu’il appela « vagustoff ». Quelques années plus tard, Henri Dale montra qu’il s’agissait de l’acétylcholine (ACh) (Dale and Dudley, 1929). Depuis ces travaux fondateurs qui valurent à Loewi et Dale de partager le Prix Nobel de Physiologie en 1936, le nombre de neurotransmetteurs identifiés a suivi une progression exponentielle. Selon leur nature chimique, on considère les neurotransmetteurs « classiques » ou de petite taille comme le glutamate, l’acide -amino butyrique (GABA) ou la dopamine, et les neuropeptides constitués d’un faible nombre d’acides aminés (a.a.) comme la thyrotropin-releasing hormone (TRH) et la corticotropin-releasing hormone (CRH) qui en possèdent 3 et 40, respectivement. A ce jour, une centaine de neuropeptides a été caractérisée et on estime qu’il en resterait plusieurs dizaines à découvrir. Selon leur mécanisme d’action, les neuropeptides agissent comme des neurotransmetteurs, des neurohormones et/ou des neuromodulateurs. Par ailleurs, les nombreuses données accumulées durant ces deux dernières décennies ont clairement démontré que les astrocytes participent activement au contrôle de la communication cellulaire dans le système nerveux central (SNC), notamment en produisant eux-mêmes certains médiateurs chimiques.

Le système urotensinergique

Structure de l’urophyse

Les poissons téléostéens (Baudroie, Carpe, Gobie,…) possèdent dans la partie caudale de leur moelle épinière un système neurosécréteur richement vascularisé, qui assure un lien entre le SNC et la circulation périphérique. Décrit pour la première fois par Dahlgren (1914), il est constitué d’une population particulière de neurones magnocellulaires ou cellules de Dahlgren (Speidel, 1922). Initialement appelée hypophyse caudale (Favaro, 1926) en raison de ses analogies anatomiques avec la neurohypophyse des mammifères, cette structure a ensuite été baptisée urophyse (Enami, 1959). D’un point de vue histologique, l’urophyse est constituée d’une zone centrale, la médulla, et d’une zone périphérique, le cortex (Figure 1). La médulla, en étroit contact avec la face ventrale de la moelle épinière, contient les afférences des cellules de Dahlgren. Le cortex renferme quant à lui un réseau de capillaires sanguins au niveau desquels se projettent les terminaisons des cellules de Dahlgren sous forme de renflements appelés corps de Herring (Pandey, 1981). Parmi les produits de sécrétion libérés dans le réseau veineux de l’urophyse, on compte ACh (Ichikawa, 1978) et divers peptides comme la vasotocine (Goossens, 1976), l’urotensine I (UI) (Lederis et al., 1982), l’urotensine II (UII) (Pearson et al., 1980), l’urocortine (Lovejoy et Balment, 1999), la parathyroid hormone-related protein (PTHrP) (Ingleton et al., 2002) et la CRH (Lu et al., 2004). Une fois libérées, ces neurohormones gagnent le système porte-rénal puis la veine caudale qui irrigue notamment les reins et la vessie (Bern et al., 1985).

Des études immunocytochimiques ont révélé que les cellules de Dahlgren reçoivent de nombreuses afférences émanant de la partie caudale de la moelle épinière, de natures cholinergique (Ichikawa, 1978), monoaminergique (Audet et Chevalier, 1981; McKeon et al., 1988), sérotoninergique (Cohen et Kriebel, 1989) et peptidergique. Parmi ces dernières, on compte des fibres à gonadolibérine (GnRH) (Miller et Kriebel, 1986), à Met-enképhaline (Yamada et al., 1988) et à neuropeptide Y (NPY) (Oka et al., 1997). L’activité sécrétrice des cellules de Dahlgren est régulée positivement par l’ACh (Brierley et al., 2001; 2003) ou négativement par l’adrénaline, la noradrénaline et la sérotonine (Hubbard et al., 1996; 1997).

L’urotensine II et l’urotensin II-related peptide

Initialement caractérisée à partir d’urophyses du Gobie Gyllicthys mirabilis (Pearson et al, 1980), l’UII a par la suite été identifiée chez d’autres espèces comme le Poisson ventouse Catostomus commersoni (McMaster et Lederis, 1983), la Carpe Cyprinius carpio (Ichikawa et al., 1984) et le Flétan Platichthys flesus (Conlon et al., 1990). L’UII a également été purifiée à partir d’extraits de moelle épinière de Roussette Scyliorhinus canicula (Conlon et al., 1992a) et d’Esturgeon Acipenser ruthenus (McMaster et al., 1992). Bien qu’il fût longtemps admis que l’expression de l’UII se limitait aux poissons, plusieurs observations plaidaient en faveur de la présence du peptide chez d’autres espèces. En effet, l’UII de Gobie est capable de provoquer la vasodilatation d’anneaux d’aortes de Perdrix (Muramatsu et Kobayashi, 1979) et de Rat (Gibson, 1987), ou la relaxation du muscle anococcygien de Souris (Gibson et al., 1984). Quelques années plus tard, les travaux de Conlon et al. (1992b) ont démontré la présence de l’UII dans le cerveau d’un tétrapode, la Grenouille verte Rana ridibunda. Depuis, l’UII a été clonée chez plusieurs espèces de mammifères dont l’Homme (Coulouarn et al., 1998; Ames et al., 1999), la Souris (Coulouarn et al., 1999), le Rat (Coulouarn et al., 1999), le Porc (Mori et al., 1999) et le Singe (Elshourbagy et al., 2002). Plus récemment, en recherchant la forme mature de l’UII dans le cerveau de Rat, Sugo et al. (2003) ont isolé un paralogue de l’UII qu’ils ont nommé UII-related peptide (URP) (Sugo et al., 2003). Le préproURP a été cloné chez l’Homme, la Souris (Sugo et al., 2003) et le Poulet (Tostivint et al., 2006).

Les gènes de l’UII et de l’URP

Chez l’Homme, le gène codant la préproUII est localisé dans la région p36 du chromosome 1, celui du préproURP occupant la région q28 du chromosome 3 (Sugo et al., 2003). Les gènes des deux formes de somatostatine, SS1 et SS2, sont présents dans les mêmes régions chromosomiques : le gène de la SS1 est situé à proximité de celui de l’URP tandis que le gène de la SS2, aussi appelée cortistatine (CST), est localisé sur le même locus que celui de l’UII. L’hypothèse selon laquelle les deux tandems URP/SS1 et UII/SS2 dériveraient de deux gènes ancestraux, protoUII et protoSS1, eux-mêmes placés en tandem, est renforcée par des études de synténie montrant que plusieurs autres gènes, MASP2, CLCN6 et TP73 de la région 1p36 possèdent un paralogue dans la région 3q28, i.e. MASP1, CLCN2 et TP73L, respectivement (Tostivint et al., 2006) (Figure 2). De fait, les régions 1p36 et 3q28 sont considérées comme des paralogons, i.e. des régions ayant subi des duplications à grande échelle (Popovici et al., 2001).

Structures de l’UII, de l’URP et de leur précurseur

Selon les espèces, l’UII est constituée d’un nombre variable d’a.a., compris entre 11 chez l’Homme (Coulouarn et al., 1998) et 17 chez la Souris (Coulouarn et al., 1999) . Jusqu’à présent, la caractérisation de la séquence de l’URP se limite à l’Homme, la Souris, le Rat (Sugo et al., 2003) et le Poulet (Tostivint et al., 2006). Sa séquence est strictement conservée chez les mammifères et correspond à l’Ala1-UII humaine (Sugo et al., 2003). Chez le Poulet, seule la valine en position 8 est substituée par une isoleucine (Tostivint et al., 2006,).

Les formes matures de l’UII et de l’URP possèdent dans leur région C-terminale une séquence cyclique de 6 a.a. (CFWKYC) strictement conservée des poissons jusqu’aux mammifères (Douglas et al., 2004). La triade FWK, également présente dans la partie cyclique de la SS1 et de la CST (Figure 3), est indispensable à l’activité biologique. En effet, la substitution d’un des a.a. de cette triade par son énanthiomère de la série D ou par tout autre résidu, génère des analogues inactifs de l’UII (Camarda et al., 2002b; Flohr et al., 2002; Kinney et al., 2002; Labarrère et al., 2003; Guerrini et al., 2005) et de l’URP (Chatenet et al., 2004). La présence d’un coude γ-inversé, mis en évidence par résonance magnétique nucléaire (RMN) dans la structure de l’URP, serait indispensable à la liaison des peptides sur leur récepteur (Chatenet et al., 2004).

Contrairement à la région C-terminale, la portion N-terminale est très variable d’une espèce à l’autre, tant sur le nombre que sur la nature des résidus. A titre d’exemple, l’UII de Souris contient 10 a.a. en amont du cycle, contre 5 et 4 résidus chez le Rat et l’Homme, respectivement (Coulouarn et al., 1998; 1999) (Tableau 1). La proUII (Coulouarn et al., 1998) et le proURP (Sugo et al., 2003) sont des précurseurs monofonctionnels, i.e. ils possèdent une seule copie du peptide actif situé dans la région C-terminale. Comme la quasi-totalité des précurseurs neuropeptidiques, la préproUII et le préproURP sont flanqués en position N terminale d’un peptide signal d’une vingtaine de résidus. Contrairement aux séquences de l’UII et de l’URP qui sont très conservées, celles de leur précurseur sont extrêmement variables d’une espèce à l’autre (Tableau 2). En effet, la préproUII humaine ne partage que 50 et 61% d’identité avec ses homologues murin (Coulouarn et al., 1999) et porcin (Mori et al., 1999). De plus, chez la Souris et le Rat, deux espèces pourtant proches phylogénétiquement, les précurseurs présentent seulement 84% d’identité entre eux (Coulouarn et al., 1999) (Tableau 2A). De même, le préproURP humain ne partage que 40 à 55% d’identité avec les précurseurs de Rat, de Souris et de Poulet (Tableau 2B) (Tostivint et al., 2006) (d’après le logiciel ClustalW sur le site http://www2.ebi.ac.uk).

Localisations périphérique et centrale de l’UII et de l’URP

Localisation périphérique

L’UII et l’URP sont largement distribués en périphérie, particulièrement dans les systèmes cardiovasculaire, rénal et endocrine (Tableau 3). Dans le cœur, les ARNm et les peptides sont présents dans les oreillettes et les ventricules chez l’Homme (Totsune et al., 2001; Matsushita et al., 2001; Dschietzig et al., 2002; Douglas et al., 2002; Tzanidis et al., 2003; Maguire et al., 2004) et le Singe (Elshourbagy et al., 2002). L’UII est également détectée dans le cœur de Rat (Ames et al., 1999; Sugo et al., 2003) et de Souris (Elshourbagy et al., 2002).

Au niveau vasculaire, le réseau artériel présente des taux élevés d’ARNm codant l’UII, notamment dans l’aorte thoracique, les artères pulmonaires et les artérioles (Matsushita et al., 2001; Dietschzig et al., 2002; Maguire et al., 2004). En revanche, à l’exception des veines saphènes et ombilicales, le réseau veineux n’exprime pas le peptide (Matsushita et al., 2001; Dschietzig et al., 2002; Maguire et al., 2004). Dans tous ces tissus, l’UII est localisée à la fois dans les cellules endothéliales et les cellules musculaires vasculaires lisses (Douglas et al., 2002). Plusieurs études ont montré la présence de quantités significatives d’UII circulante chez l’Homme (Totsune et al., 2001; Richards et al., 2002; Ng et al., 2002; Russell et al., 2003). L’existence d’une protéase plasmatique capable de générer l’UII à partir de son précurseur (Russell et al., 2004), suggère que l’UII circulante serait le résultat d’une maturation extracellulaire. L’urotensin-converting enzyme ou UCE, qui possède une activité de type furine, n’est pas à ce jour clairement caractérisée (Russell et al., 2004). Plusieurs travaux tendent à montrer que les reins constituent un site majeur de production d’UII chez l’Homme (Coulouarn et al., 1998; Nothacker et al., 1999; Matsushita et al., 2001; Totsune et al., 2001; 2003; Sugo et al., 2003). Le peptide est particulièrement abondant dans les cellules épithéliales des glomérules, des tubes contournés et des tubes collecteurs rénaux (Shenouda et al., 2002; Maguire et al., 2004). Toutefois l’expression de l’UII dans le rein est très faible chez le Singe et la Souris (Elshourbagy et al., 2002) voire inexistante chez le Rat (Sugo et al., 2003). L’UII est exprimée dans plusieurs glandes endocrines chez l’Homme et le Rat, en particulier dans l’hypophyse, le pancréas et la glande surrénale (Coulouarn et al., 1998; Totsune et al., 2001; Sugo et al., 2003). Le préproURP est quant à lui essentiellement présent dans le testicule, ainsi que dans l’ovaire et le placenta chez l’Homme (Sugo et al., 2003). Les niveaux d’expression observés chez le Rat sont significatifs dans l’hypophyse, le pancréas et la surrénale pour l’UII, et dans le testicule pour l’URP (Sugo et al., 2003). En revanche, les ARNm codant l’UII sont indétectables dans les glandes endocrines chez le Singe et la Souris (Elshourbagy et al., 2002). La distribution de l’UII et l’URP s’étend à d’autres tissus comme la rate, le thymus, le foie, l’estomac, l’intestin grêle, le colon et le poumon (Coulouarn et al., 1998; 1999; Totsune et al., 2001; 2003; Elshourbagy et al., 2002; Sugo et al., 2003; Maguire et al., 2004). L’ensemble de ces données montre que l’UII et l’URP sont largement distribués en périphérie, mais qu’il existe une grande variabilité inter-espèces, même pour des espèces phylogénétiquement proches.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Le système urotensinergique
1.1. Structure de l’urophyse
1.2. Urotensine II et urotensin II-related peptide
1.2.1. Les gènes de l’UII et de l’URP
1.2.2. Structures de l’UII, de l’URP et de leur précurseur
1.2.3. Localisations périphérique et centrale de l’UII et de l’URP
1.2.3.1. Localisation périphérique
1.2.3.2. Localisation dans le SNC
1.3. Le récepteur UT
1.3.1. Caractérisation de l’UT
1.3.2. Localisation de l’UT
1.3.2.1. Localisation périphérique
1.3.2.2. Localisation dans le SNC
1.3.3. Voies de transduction associées à l’UT
1.3.4. Structure et pharmacologie de l’UT
1.3.4.1. Structure
1.3.4.2. Pharmacologie
1.4. Activités biologiques de l’UII
1.4.1. Effets cardiovasculaires de l’UII
1.4.1.1. Effets ex vivo et in vitro
1.4.1.2. Effets in vivo
1.4.1.3. UII et maladies vasculaires
1.4.1.4. UII et maladies du myocarde
1.4.2. Effets sur le système immunitaire
1.4.3. Effets sur le rein
1.4.4. Effets sur le système endocrine
1.4.5. Effets comportementaux
2. Les astrocytes
2.1. Rôles des astrocytes en conditions physiologiques
2.1.1. Rôles dans la neurogenèse
2.1.2. Rôles dans la mise en place et le maintien de la barrière hématoencéphalique
2.1.3. Rôles dans le contrôle du micro-environnement neuronal
2.1.4. Rôles dans le soutien métabolique des neurones
2.1.5. Rôles dans la communication cellulaire
2.2. Rôles des astrocytes en conditions pathologiques
2.2.1. Notion d’astrogliose réactionnelle
2.2.2. Rôles dans les maladies neurodégénératives
2.2.3. Rôles dans l’ischémie cérébrale
2.2.4. Astrocytes et tumeurs cérébrales d’origine gliale
3. Objectifs de l’étude
MATERIELS ET METHODES
1. Cultures d’astrocytes corticaux de Rat
2. Etudes de liaison
2.1. Protocoles
2.2. Analyse des données
3. Mesure du métabolisme des polyphosphoinositides
4. Mesure de la concentration cytosolique de calcium
5. Mesure des niveaux d’expression des gènes codant l’UII, l’URP et le récepteur UT
6. Mesure de la prolifération cellulaire
7. Immunohistochimie
8. Analyses statistiques
RESULTATS
1. Article I : Biochemical and functional characterization of high-affinity urotensin II receptor in rat cortical astrocytes
2. Article II : [Orn5]URP acts as a pure antagonist of urotensinergic receptor in rat cortical astrocytes
3. Article III : Effects of GABAA receptor activation on UT-coupled signaling pathways in rat cortical astrocytes
4. Article IV : The vasoactive peptides UII and URP regulate astrocyte activity through common and distinct mechanisms. Involvement in cell proliferation
DISCUSSION
1. Caractérisation de sites de liaison spécifiques et fonctionnels de l’UII et de l’URP sur les astrocytes
2. Caractérisation d’un antagoniste peptidique de l’UT sur les astrocytes
3. Rôle(s) éventuel(s) du système urotensinergique dans le contrôle de la prolifération cellulaire et de la tumorigenèse cérébrale
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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