Comme le juriste français Roger Grégoire le dit : « Notre conception de la fonction publique reflète notre conception de l’Etat » . La fonction publique Malagasy est placée sous le régime du système de carrière , copiée du modèle français, tout comme la structure même de l’Administration publique ; un fait qui n’est que la conséquence de la domination coloniale . Le système de carrière est un modèle de la fonction publique dite « fermée », selon un auteur la fonction publique est « une chose à part à l’intérieur de la nation, qui demande des spécifications particulières et un personnel qui y consacre toute son activité professionnelle, moyennant quoi son passage dans l’Administration sera organisé selon un régime d’avancement et de promotion, que l’on appelle carrière » . La fonction publique représente à première vue, un personnel, puis la conception au sens matériel qui la conçoit comme étant un ensemble de missions d’intérêt général ; le point de vue organique qui la voit comme l’ensemble des personnels utilisés par l’Administration publique, et enfin sur le plan formel elle désigne les règles et pratiques qui régissent la carrière des personnes. L’administration dispose de plusieurs moyens pour réaliser sa mission d’intérêt général, et la fonction publique en constitue le moyen humain. La fonction publique désigne « Une structure et un ensemble de règles juridiques destinés à assurer le fonctionnement des services publics et à régir les rapports entre les collectivités publiques et leur personnel. » D’après cette définition, il n’est plus qu’évident que la fonction publique est rattachée à la réalisation même du service public. Contrairement à ce qui se passe dans les pays développés où le secteur public est souvent une alternative aux échecs d’entrée dans le secteur privé, en Afrique, intégrer la fonction publique est l’objectif primordial en raison même des privilèges qu’elle accorde. Avec la crise des finances publiques, la gestion publique a été fortement critiquée, l’importance des déficits budgétaires a donné naissance aux idées selon lequel, l’Etat devrait moins intervenir dans la vie économique.
Le modèle de carrière dans la fonction publique Malgache
La fonction publique ne concerne pas que les fonctionnaires, mais tous les personnels qui travaillent au sein de l’Administration en excluant les personnels politiques c’est à dire les gouvernants. Par contre le système de carrière ne concerne que les fonctionnaires titulaires, c’est-à-dire les agents qui sont régis par le statut et appelé à faire carrière au niveau de l’Administration. « Un modèle d’organisation de la fonction publique est une référence que l’on utilise pour structurer la fonction publique et permettre l’activité des agents. » En effet, le système de carrière accorde une importance particulière à la mission de l’Administration, il est surtout justifié par l’intérêt général que revête cette mission. En effet, ce modèle est surtout caractérisé par sa rigidité, c’est-à-dire que dans le système de carrière, l’agent statutaire est appelé à faire carrière au sein de l’Administration, en principe, cela implique pour le fonctionnaire de « consacrer sa vie professionnelle à l’Administration » . Le système de carrière accorde des avantages particuliers pour les fonctionnaires par contre sa rigidité affecte son efficacité, en effet compte tenu du souci d’ordre économique, la gestion publique a été fortement critiquée. L’idée initiale était celle de « moins d’Etat », pour parvenir à celle de « mieux d’Etat » .
Une description du système de carrière
Etant un modèle d’organisation de la fonction publique typiquement français, Madagascar a adopté le système de carrière comme modèle après la décolonisation. Il est indispensable de rappeler le fondement même du système de carrière.
L’origine du système de carrière
Selon l’idée française, la gestion d’un service public ne peut être assimilée à la gestion d’une entreprise privée. La conception française accorde au service public un statut privilégié, cette situation découle même de l’idée que les Français se font de l’Etat, l’entité détenteur de la « puissance publique », par conséquent jamais on ne pourrait établir une égalité entre l’Administration publique et les citoyens . L’intérêt à ce qu’un service public fonctionne de manière continue et exempt de toute interférence a amené l’idée selon laquelle l’Administration ne peut être considérée, ou du moins recevoir le même traitement qu’un simple particulier, d’où la naissance de l’exorbitance du droit commun . Le service public est si sacro-saint pour le droit français qu’il lui accorde des principes auquel on ne peut déroger tels que la primauté du service public sur les intérêts privés, la continuité du service public et enfin la nécessité de son « adaptation constante » aux évolutions. C’est le principe même de la mutabilité du service public. Si l’on se réfère à l’histoire de la fonction publique française, cette dernière a connu des évolutions au fil du temps. Ce dont on est certain c’est que la fonction publique française est apparue durant l’époque royale française. C’est du règne de Louis IX qu’il faut dater la naissance de la fonction publique, ainsi le roi a créé un corps de serviteur chargé de noter, classer et entretenir les archives royales. Plus tard, Philippe LE BEL montre un réel souci déontologique en édictant le premier code de la fonction publique, progressivement des « bureaux » vont se créer, des bureaux chargés d’assister le souverain, à l’intérieur desquels vont se dérouler des véritables carrières . C’est durant l’époque de Napoléon Bonaparte que la fonction publique française s’est érigée en une hiérarchie régie par le principe du loyalisme, du conformisme, de l’obéissance, et de la discipline, placée sous le pouvoir autoritaire et très centralisé de l’Etat. L’Administration Napoléonienne était marquée par une forte hiérarchisation qui se traduisait par une différence entre les emplois, les fonctions, les rémunérations, tous les fonctionnaires de l’époque étaient nommés discrétionnairement sans même garantie de carrière. Au cours du XIXème siècle, la structure a évolué, tout en restant fidèle à ses principes, sous l’influence des idées politiques et de la conjoncture sociale notamment le parlementarisme, la décentralisation, multiplication des libertés publiques. La condition des fonctionnaires a évolué, les nominations n’étaient plus aussi discrétionnaires sauf pour certains hauts emplois, les avancements ont été organisés au sein même de la hiérarchie et les rémunérations en dépendaient ; les garanties disciplinaires sont apparues, ainsi les sanctions disciplinaires ont été placées sous un contrôle de plus en plus serré de la juridiction .
Ces évènements n’ont pas pour autant atteint le principe initial, le caractère privilégié accordé au service public n’a jamais permis de placer sa réalisation sur les mêmes pieds d’égalité que les activités du secteur privé. Le fonctionnaire est par conséquent soumis à un statut auquel il ne peut discuter, il est soumis à des règles et des obligations qui dépassent celles du simple salarié non fonctionnaire . A noter que tous les agents publics de l’Etat ne sont pas automatiquement des fonctionnaires. Le régime juridique de la fonction publique de carrière attribue une situation de droit public aux personnels de l’Administration, ce qui va permettre l’application de règles exorbitantes destinées à faire primer cet intérêt du service.
Le rattachement au service public
Selon Léon Duguit, le service public se définit comme «toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale, et qu’elle est d’une telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par les gouvernants»De la définition donnée par Léon DUGUIT du service public, la fonction publique peut être entendue comme étant le synonyme d’emplois du secteur public ou emplois du service public . La jurisprudence française accorde la qualité d’agent public à celui qui « participe directement à l’exécution d’un service public » notamment dans son arrêt TC, 25 novembre 1963, DAME VEUVE MAZERAND . Ainsi, en droit français, la nature de la mission suffit pour qualifier un agent de public ou privé . L’agent qui assure la réalisation d’un service public, vu l’importance accordée à ce dernier ne peut être soumis à des règles de droit commun du travail, d’où l’existence d’un statut comme la loi n°2003-011 du 3 Septembre 2003 portant statut général des fonctionnaires pour Madagascar. L’agent public soumis au statut est celui à qui l’on donne la qualité de fonctionnaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie I – Le modèle de carrière dans la fonction publique malgache
Chapitre 1- Une description du système de carrière
Section 1 – L’origine du système de carrière
Section 2 – Le critère du système de carrière : la permanence
Chapitre 2- Les réformes projetées au sein de la fonction publique
Section 1 – La valorisation des ressources humaines de l’Etat
Section 2 – La dépolitisation des hauts emplois de l’Etat
Section 3 – Moderniser la gestion des ressources humaines de l’Etat
Section 4 – Le renforcement du contrôle des agents
Partie II- Les enjeux du système de carrière dans la fonction publique malgache
Chapitre 1- L’état des lieux avec le système de carrière à Madagascar
Section 1 – La dénaturation du système de carrière
Section 2 – L’inadéquation entre poste et compétence
Section 3 – La mauvaise gestion de l’effectif des personnels au service de l’Eta
Chapitre 2- Vers un abandon du système de carrière
Section 1 – Des réformes tendant à l’adoption du système de l’emploi
Section 2 – La promotion du système de mérite
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE