Le système d’alerte anticollision
Contexte
Dans la dernière décennie, le nombre de victimes d’accidents de la route en Europe a diminué considérablement avec des baisses atteignant plus de 40% (European Commission, 2013). Mais malgré ces chiffres encourageants, les accidents de la circulation restent l’un des principaux facteurs contribuant à la mortalité et ils ont été la première cause de décès chez les jeunes âgés de 5 à 29 ans en 2008 en Europe (World Health Organization, 2011). Ces données indiquent qu’il s’agit d’un problème non résolu ayant un grand impact humain et socio-économique. L’adoption de nouvelles stratégies est nécessaire afin d’atteindre l’objectif fixé par la Commission Européenne de réduire de moitié le nombre de victimes d’accidents de la route en 2020 (European Commission, 2010). Mais cet objectif n’est pas exclusivement européen. En effet, les Nations Unies ont déclaré la période 2011- 2020 comme la Décennie de l’Action pour la Sécurité Routière (United Nations, 2010). Dans ce contexte, de nouvelles mesures ont été proposées pour essayer d’améliorer l’éducation et la formation des utilisateurs, renforcer l’application des règles de sécurité routière, améliorer les infrastructures ainsi que les services d’urgence et la protection des utilisateurs plus vulnérables (European Commission, 2010; World Health Organization, 2004). Des progrès en matière de sécurité routière sont également espérés par le développement de véhicules « intelligents » et plus sûrs (European Commission, 2010; World Health Organization, 2004). Les systèmes de transport intelligent (ITS pour les sigles en anglais Intelligent Transport Systems) sont conçus avec l’objectif d’améliorer la sécurité, l’efficacité, la mobilité et la productivité dans le domaine du transport (Bayly, Fildes, Regan, & Young, 2007). Différents concepts et catégories ont été adoptés pour définir et classifier les nombreux systèmes de transport intelligents qui sont apparus dans les dernières années (Bayly et al., 2007; Wege & Victor, 2010). Les systèmes d’information à bord du véhicule (IVIS pour In-Vehicle Information Systems) et les systèmes avancés d’assistance au conducteur (ADAS) sont deux catégories utilisées fréquemment pour classifier les nouveaux systèmes qui ont émergé dans le domaine du transport. Les premiers ont souvent été associés à des tâches non directement liées à la conduite (musique, téléphone, etc.), mais ils comprennent aussi des tâches liées à des fonctions de navigation (par exemple, GPS) et de planification (par exemple, les systèmes d’information sur le trafic, la météo ou les infrastructures). La fonction principale des ADAS est d’assister le conducteur dans les tâches liées au contrôle du véhicule et la réalisation de manœuvres (par exemple, contrôle latéral et longitudinal du véhicule, assistance au stationnement, etc.) (Östlund et al., 2005; Pauzié & Amditis, 2011). Une taxonomie plus étendue des ADAS peut être faite en fonction du type d’intervention que ces systèmes offrent au conducteur. Ainsi, nous pouvons parler des systèmes d’information au conducteur, des systèmes d’avertissement des dangers potentiels et des systèmes d’intervention qui peuvent prendre le contrôle du véhicule si nécessaire (voir par exemple, Gietelink, Ploeg, De Schutter, & Verhaegen, 2009; Huth, Bueno, Fort, & Brusque, 2014) .
En général, les estimations fournies dans différents rapports concernant les effets des ADAS montrent un bilan très positif en termes de sécurité routière en soulignant la réduction du nombre de victimes sur les routes (McKeever, 1998; OECD, 2003). Bien que le but initial des ADAS soit l’amélioration de la sécurité, l’introduction de ces systèmes et l’interaction avec les conducteurs peut constituer une importante transformation des pratiques habituelles dans l’activité de conduite. Par conséquent, suite à l’apparition de ces systèmes sur le marché, une grande partie de la recherche a été concentrée dans le domaine des facteurs humains afin d’analyser l’impact, à la fois positif mais aussi potentiellement négatif, de ces systèmes sur le comportement des conducteurs. Au cours de cette thèse nous nous sommes plus spécifiquement intéressés au système anticollision.
Définition, pourcentage et causes des collisions par l’arrière
Les FCWS ont été développés pour avertir les conducteurs des collisions potentielles avec un véhicule à l’avant. Ces collisions rentrent dans la catégorie des collisions « par l’arrière », définies par la Commission européenne (2006) comme une « collision entre deux véhicules circulant dans la même direction sur la même route. Le premier véhicule a un point de collision par l’arrière, l’autre véhicule a un point de collision frontale » (p. 10).
Ces accidents représentent l’un des types très fréquents de collision dans certaines parties du monde, comme aux États-Unis, en Russie ou au Japon, expliquant approximativement 30% des accidents (Ikari, Kaito, Nakajima, Yamazaki, & Ono, 2009; NHTSA, 2009; UNECE, 2007, 2011; Watanabe & Ito, 2007). En Europe, le taux de prévalence de ces accidents est réduit d’environ 13% (Van Kampen, 2003), mais il existe une très grande variabilité entre les différents pays européens, par exemple, ces accidents représentent 11% des collisions en France et 18% en Espagne (UNECE, 2007). En plus d’un taux non négligeable de mortalité et de blessures, ces accidents représentent un coût économique important pour la société et perturbent gravement la circulation.
Les collisions par l’arrière peuvent être causées par des facteurs environnementaux, des facteurs liés au véhicule et/ou des facteurs humains. La plupart de ces collisions se produisent pendant la journée (entre 9h30 et 15h30), dans de bonnes conditions météorologiques, sur des lignes droites et lorsque la surface de la chaussée est sèche et avec des vitesses modérées généralement inferieures à 60 km/h. Par conséquent, les conditions environnementales ne représentent pas un pourcentage très élevé d’implication dans ces accidents : 11 à 15% des collisions par l’arrière en fonctions des différentes études (Dingus et al., 2006; Knipling, Wang, & Yin, 1993; Vogel & Bester, 2005). Les problèmes techniques du véhicule, comme une faille des freins, expliquent environ 10% de ces collisions (Knipling et al., 1993; Vogel & Bester, 2005). C’est le facteur humain qui est la principale cause des collisions par l’arrière, expliquant de 75% à 93% des cas selon les études (Dingus et al., 2006; Knipling et al., 1993; Vogel & Bester, 2005). Parmi les facteurs humains, l’inattention du conducteur a été identifiée comme étant le premier facteur contributif, impliqué dans environ deux tiers de ces accidents (Dingus et al., 2006; Knipling et al., 1993). Les jeunes jusqu’à 24 ans représentent la catégorie la plus impliquée dans ce type de collision (Dingus et al., 2006; Knipling et al., 1993; Singh, 2003). Concernant le genre, les hommes pourraient être légèrement plus impliqués dans ce type d’accidents (Dingus et al., 2006; Knipling et al., 1993; Singh, 2003).
Définition et types de systèmes anticollision
Etant donné l’importance du facteur humain dans les collisions par l’arrière, l’utilisation des systèmes anticollisions peut se présenter comme une contre-mesure pour prévenir ce type de collisions. Les systèmes d’alerte anticollision (FCWS) sont basés sur des capteurs qui surveillent en continu certains paramètres tels que la distance, la vitesse relative et la position latérale entre le véhicule précédent et le véhicule équipé. Lorsqu’un certain seuil est atteint, le système fournit un signal avertisseur pour prévenir le conducteur de la présence d’un risque potentiel de collision. Dans la conception des systèmes, il est préconisé que le signal avertisseur prenne fin lorsque la condition de déclenchement n’est plus remplie ou lorsque le conducteur a initié une réponse appropriée (e.g., freinage) (SAE J2400, 2003). En plus d’avertir les conducteurs de la présence d’une possible collision au moyen du déclenchement d’une alerte (FCWS), certains systèmes anticollision peuvent également prendre une part active (Forward Collision Avoidance System, FCAS) dans le processus d’évitement ou d’atténuation de la collision principalement par la modulation de l’application partielle ou complète des freins. De plus, une traction sur la ceinture de sécurité peut à la fois avertir d’une collision potentielle et assurer plus de sécurité en cas de collision. Ces différents types de systèmes actifs pourraient prévenir ou réduire la gravité de la collision si le conducteur ne réagit pas à temps ou s’il ne réagit pas du tout, par exemple, en cas de distraction ou de somnolence. Ainsi, un système actif pourrait être d’un grand bénéfice dans la prévention de collisions, car il a été démontré que la plupart des conducteurs n’appliquent pas assez de force sur la pédale de frein pour éviter la collision (Breuer, Faulhaber, Frank, & Gleissner, 2007) et qu’un pourcentage élevé des conducteurs ne relâchent pas la pédale d’accélérateur ou même ne réagissent pas du tout (Najm, Stearns, Howarth, Koopmann, & Hitz, 2006) dans ce type de collisions. Cependant, ces systèmes actifs pourraient comporter également un risque plus grand pour les autres usagers de la route en cas de faux positifs ou fausses alarmes, c’est-à-dire, quand le système réagit lorsqu’il n’y a pas de danger (Grover et al., 2008).
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Table des matières
1. Introduction Générale
2. Cadre Théorique
2.1. Le système d’alerte anticollision
2.1.1. Contexte
2.1.2. Définition, pourcentage et causes des collisions par l’arrière
2.1.3. Définition et types de systèmes anticollision
2.1.4. Modalités du signal avertisseur
2.1.5. Fonctionnement du système anticollision : Algorithmes
2.1.6. Systèmes réels sur le marché
2.1.7. Bénéfices du système
2.1.8. Facteurs influençant l’efficacité des systèmes
2.1.8.1. Fiabilité du système
2.1.8.2. Impact de l’état attentionnel des conducteurs
2.1.9. Adaptation comportementale au système
2.2. Modèles cognitifs et processus attentionnels en conduite automobile
2.2.1. Théories cognitives sur le traitement de l’information
2.2.1.1. L’attention comme un filtre sélectif
2.2.1.2. L’attention comme un réservoir de ressources
2.2.2. Modèles attentionnels
2.2.2.1. Le rôle du signal avertisseur
2.2.3. Modèles cognitifs de la conduite
2.2.4. Quelles sont les conséquences de la distraction au volant ?
2.2.4.1. Effets de la distraction au niveau comportemental
2.2.4.2. Effets de la distraction au niveau du traitement de l’information
3. Méthodologie
3.1. Électroencéphalographie et Potentiels Évoqués
3.1.1. Présentation générale de la méthode
3.1.1.1. Définition
3.1.1.2. Montage des électrodes
3.1.1.3. Traitement du signal
3.1.1.4. Avantages et limites
3.1.2. Composantes des PE analysées
3.1.2.1. La Variation Contingente Négative (VCN)
3.1.2.2. La N1 visuelle
3.1.2.3. La N2
3.1.2.4. La P3
3.1.3. Choix expérimentaux
3.2. Les simulateurs de conduite
3.2.1. Généralités
3.2.2. Le simulateur de conduite simplifié
3.2.2.1. Description
3.2.2.2. Avantages et limites
3.2.2.3. Scenarios
3.2.3. Le simulateur de conduite plus réaliste
3.2.3.1. Description
3.2.3.2. Avantages et limites
3.2.3.3. Scénarios
4. Partie Expérimentale
4.1. Expérience 1 : Une étude électrophysiologique de l’impact d’un système d’alerte anticollision dans une tâche de conduite simulée
4.1.1. Objectif et justification
4.1.2. Méthode
4.1.2.1. Population
4.1.2.2. Protocole
4.1.3. Discussion des principaux résultats
4.2. Article 1
4.3. Expérience 2: Efficacité d’un système d’alerte anticollision en simple et double tâche d’un point de vue électrophysiologique
4.3.1. Objectif et justification
4.3.2. Méthode
4.3.2.1. Population
4.3.2.2. Protocole
4.3.3. Discussion des principaux résultats
4.4. Article 2
4.5. Expérience 3 : Adaptation comportementale et efficacité d’un système d’alerte anticollision en fonction de la tâche secondaire cognitive
4.5.1. Objectif et justification
4.5.2. Méthode
4.5.2.1. Population
4.5.2.2. Protocole
4.5.3. Discussion des principaux résultats
4.6. Article 3
5. Discussion Générale
5.1. L’impact du signal avertisseur sur le traitement de l’information
5.2. L’impact de la fiabilité du système
5.3. Impact de l’état attentionnel du conducteur
5.4. Adaptation comportementale au système
6. Conclusion et Perspectives
Références
Annexes