Le syndrome de POEMS

Neuropathie

     La neuropathie est sensitivo-motrice et symétrique. Elle débute par des paresthésies puis survient un déficit sensitivo-moteur avec une prédominance de l’atteinte motrice proximodistale pouvant conduire à une incapacité à monter les escaliers, à se lever d’une chaise, à un steppage à la marche, mais aussi à une ataxie des 4 membres, le tout conduisant à une perte complète d’autonomie (13, 14, 17). Un petit nombre de patients (10 à 15%) ont des douleurs neuropathiques. Les réflexes ostéo-tendineux sont abolis aux membres inférieurs de tous les patients, dans la première série française, et seuls certains patients n’ont plus de réflexes aux membres supérieurs (15). L’analyse de l’électroneuromyographie (ENMG) retrouve des anomalies de la conduction nerveuse touchant principalement les membres inférieurs au niveau du segment intermédiaire plutôt que du segment distal (18,19) L’analyse anatomopathologique de patients autopsiés retrouve souvent une infiltration cellulaire principalement de lymphocytes T au niveau des racines spinales et des troncs nerveux. On retrouve, dans les biopsies neuro-musculaires périphériques, une diminution en densité des fibres myélinisées de gros et petits calibres. Les fibres non myélinisées restent dans la limite de la normale. Aussi, l’hyperalgésie retrouvée dans le syndrome de POEMS serait liée à une réduction du nombre de fibres myélinisées plutôt que des fibres non myélinisées (20). La lésion nerveuse est classiquement mixte avec de la démyélinisation segmentaire et de la dégénérescence axonale. Dans quelques cas, il peut y avoir un processus démyélinisant seul ou une dégénérescence axonale seule (21). Les lamelles de myéline non compactées (Figure 1) détectées au microscope électronique sont caractéristiques du syndrome de POEMS. Cet aspect typique est retrouvé dans 50% des cas (21). Cependant, les lamelles de myéline non compactées peuvent également être observées dans le cadre de la mutation P0 (22) et de la délétion PMP22 (23). Elles sont associées à une diminution du nombre de filaments intra-axonaux (24). Elles disparaissent rapidement après la mise en route du traitement (25). Il n’y a pas de pénétration de macrophages dans les cellules de Schwann comme on peut l’observer dans la PIDC. Aucun dépôt amyloïde n’a jamais été observé, contrairement à l’amylose AL (26). Il s’y associe un épaississement des membranes basales des capillaires et un important œdème endoneural (27). Bien que l’anatomopathologie ait été bien décrite, dans la grande majorité des cas des neuropathies associées à une GM, il n’est pas nécessaire de réaliser une biopsie nerveuse (1A).

Gammapathie monoclonale

    Le syndrome de POEMS peut être associé à d’autres pathologies hématologiques tels que le myélome multiple ou le plasmocytome. Lorsqu’il n’est pas associé à ces deux pathologies hématologiques, le syndrome de POEMS est alors dit en lien avec le groupe nouvellement défini des Monoclonal Gammapathy of Clinical Significance (MGCS) (28). Cette nouvelle terminologie souligne la notion de maladies liées à de petits clones où c’est le caractère toxique de l’immunoglobuline monoclonale et non la masse tumorale qui est responsable des symptômes cliniques (29,30). Tous les patients atteints du syndrome ont par définition une GM. Le composant monoclonal est souvent en faible quantité ou, plus rarement, constitué seulement d’une chaîne légère. La chaîne légère est quasiment toujours d’isotype lambda (14,15). La chaîne lourde est d’isotype IgA ou IgG, avec une fréquence équivalente pour les deux. Soixantequinze à 85% des patients ont une GM détectée par l’immunofixation (13, 14), avec un taux en général peu élevé : taux médian de 10 g/L (31). Certains patients ont une électrophorèse des protéines normales ou un profil de gammapathie polyclonale. En l’absence de composant monoclonal détecté à l’immunofixaton sérique, celui-ci peut être détecté par le dosage des chaines légères libres (32), ou l’immunofixation des urines. La GM peut être associée à un plasmocytome solitaire, un plasmocytome multiple, un myélome multiple ou bien être une MGCS, en l’absence de lésion osseuse. Le myélome multiple se défini par une protéine monoclonale supérieure à 30 g/L, plus de 10% de plasmocytes anormaux dans la moelle osseuse et des manifestations systémiques osseuses et atteintes d’organes. Quelques patients ont plus de 20% de plasmocytes sans lésion osseuse ostéolytique ni anémie (14). Lorsqu’il n’y a pas de prolifération plasmocytaire dans la moelle osseuse (myélogramme ou biopsie ostéo-médullaire) et qu’il existe une lésion osseuse, la biopsie de cette lésion permet d’affirmer le diagnostic de prolifération plasmocytaire monoclonale. Une plasmocytose >10%, définissant le plasmocytome, ne s’observe que dans 14 à 20% des cas (14,15). Le plasmocytome multiple est défini par deux foyers plasmocytaires localisés ou plus en l’absence de prolifération plasmocytaire dans la moelle osseuse. L’histologie des biopsies ostéo-médullaires retrouve un aspect d’hypercellularité ou des cellules dites réactives ou un aspect normal. L’étude histologique de biopsie ostéo-médullaire de 87 patients atteints du syndrome de POEMS a identifié un pattern caractéristique de la pathologie : la présence de plasmocytes entourant des agrégats lymphoïdes et d’hyperplasie mégacaryocytaire.(33) Le bilan diagnostique initial comprend une électrophorèse des protéines sériques ainsi qu’une immunofixation, un dosage pondéral des immunoglobulines, un dosage de l’hémoglobine et des plaquettes, un bilan urinaire incluant une protéinurie, une électrophorèse et une immunofixation, un dosage du Vascular endothelial growth factor elevation (VEGF) sanguin, une biopsie ostéomédullaire et un myélogramme (17) (Annexe 4). Les lésions osseuses sont sclérotiques (Figure 2), mixtes associant une ostéolyse centrale à une ostéosclérose périphérique, ou lytiques pures. Les lésions osseuses sclérotiques sont retrouvées chez plus de 96% des patients (14). Dans 50% des cas, il s’agit d’un plasmocytome (34). Il a aussi été décrit des lésions à type de prolifération osseuse localisée préférentiellement au niveau des processus articulaires du rachis dorso-lombaire (35). Une étude de 24 patients comparant la radiographie du squelette au PET scanner, montre que la radiographie du squelette est la méthode la moins sensible pour détecter les lésions (lésions absentes dans 36% des cas). Le PET-scanner met en évidence un hypermétabolisme dans les lésions osseuses supérieures à 1 cm et aucune activité dans les lésions de moins d’1 cm. Le scanner est encore plus sensible que le PET scan (36). Au PET scan, les localisations les plus fréquentes des lésions osseuses sont, par ordre décroissant : le pelvis, le rachis dorsal, les côtes, le rachis lombaire (37). Bien que moins fréquentes, des lésions peuvent se localiser au niveau de la scapula, de la clavicule, du sternum et plus rarement en région proximale des membres ou au niveau du rachis cervical. Les lésions ostéolytiques ont un métabolisme plus important avec une valeur de fixation normalisée (SUVmax) plus élevée que les lésions ostéosclérotiques (37). D’autres études ont montré que le scanner était plus sensible pour détecter les petites lésions que la scintigraphie osseuse (38) et que la radiographie standard (39). De plus, en radiographie standard, en plus de ne pas détecter une atteinte osseuse, le risque est de confondre une anomalie avec d’autres lésions de de type kystes osseux, fibromes non ossifiants, lésions bénignes ou dysplasies fibreuses (40). L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) montre des lésions en hyposignal sur les séquences T1 avec un aspect hétérogène en séquence T2 (41). Il n’y a pas de recommandation sur la méthode d’imagerie à utiliser en pratique courante. Dispenzieri recommande, dans le bilan initial, le PET scanner ou un scanner corps entier (17) (annexe 4).

Critères diagnostiques

     Les critères utilisés pour poser le diagnostic de syndrome de POEMS sont ceux proposés par Dispenzieri de la Mayo Clinic. La première version de ces critères a été proposée en 2003 avec la publication de la description de leur série de patients (14). Ils évoluent en fonction de l’avancée des séries publiées et des avancées dans la compréhension du mécanisme physiopathologique. On différencie les critères majeurs, obligatoires ou non obligatoires, et les critères mineurs. La polyneuropathie et la GM sont devenus critères majeurs obligatoires en 2011 pour poser le diagnostic de syndrome de POEMS (54). Les critères majeurs non obligatoires se sont enrichis en 2007 avec la présence de lésions osseuses ostéosclérotiques, la maladie de Castleman (antérieurement critères mineurs) et l’élévation du VEGF. Les critères mineurs n’ont pas évolué depuis 2007 et comprennent l’organomégalie, les épanchements, l’endocrinopathie, les anomalies cutanées, l’œdème papillaire, et la thrombocytose. D’autres signes peuvent être associés, mais ne font pas partie des critères majeurs ni mineurs. Ce sont l’hippocratisme digital, la perte de poids, l’hyperhydrose, l’hypertension artérielle pulmonaire, le syndrome restrictif pulmonaire, les accidents thrombotiques, la diarrhée, la diminution du taux de vitamine B12. Pour poser le diagnostic de syndrome de POEMS, il faut présenter obligatoirement la polyneuropathie et la GM, et avoir un critère majeur et un critère mineur, selon la dernière mise à jour des critères en 2015 (57) (Annexe 3).

Facteurs prédictifs de l’amélioration post traitement

    L’analyse en   sous-groupe de l’évolution du mRs, illustrée par les figures 12 et 13, montre, à 6 mois post-traitement, une amélioration plus nette chez les patients ayant plus de 7 critères de POEMS (53,85% versus 20% pour les autres), chez les patients traités par AGCS (71,43% vs 33,33% pour la radiothérapie, et 0% pour la chimiothérapie), chez les patients ayant reçu antérieurement des immunoglobulines intraveineuses (85,71% vs 40% pour les patients ayant reçu des corticoïdes et 28,57% pour les patients n’ayant reçu aucun traitement) et chez ceux ayant une présentation endocrinienne peu bruyante (44% vs 20% pour les patients avec≥2 atteintes). Cette différence se maintient à 1 an pour les patients traités par AGCS (81,82% vs 45,45% pour le groupe radiothérapie, et 25% pour le groupe chimiothérapie seule). Cependant de nouveaux facteurs semblent être associés à une amélioration à 1 an tels que l’âge<65 ans (58,33% versus 11,11% pour l’âge>65 ans), et l’absence de perte de poids (66,67% versus 29,41% pour les patients ayant perdu du poids). Concernant l’étiologie des gammapathies, les patients ayant une MGCS semblent avoir une moindre amélioration par rapport aux patients présentant les autres pathologies tumorales.

Facteurs prédictifs d’amélioration

      L’amélioration clinique semble moindre dans notre série de patient chez les patients présentant un risque surajouté de neuropathie périphérique. En effet, notre travail met en évidence une moindre amélioration chez les patients de plus de 65 ans aux alentours de 10% à 6 mois, 1 an et 2 ans. En population générale, 7% des personnes âgées entre 65 ans et 74 ans ont une neuropathie périphérique sensitivo-motrice (95). Pour 72% de ces patients l’étiologie de la NP n’est pas retrouvée (96). Les vitesses de conduction motrice et sensitive diminuent de 10 m/s chez les sujets de plus de 60 ans. Il s’y associe une diminution d’amplitude (97). La densité des nerfs myélinisés et non myélinisés diminue en raison d’une dégénérescence axonale et une augmentation du collagène endoneural (98). Il faut souligner que ce groupe de patients « âgés » n’a pas été traité par AGCS car non indiqué chez ces patients fragiles ayant moins de ressources fonctionnelles et souvent poly-pathologiques (insuffisance cardiaque…). La perte de poids de plus de 3 kg semble responsable d’une moins bonne amélioration à 1 an (29,41% d’amélioration versus 66,67% chez les patients n’ayant pas perdu de poids). Les complications liées à la perte de poids rapide ont été essentiellement décrites chez les personnes ayant eu une chirurgie bariatrique, chez qui un tiers des patients développeraient une neuropathie périphérique (99). Cette neuropathie peut être une polyneuropathie, une mononeuropathie, une atteinte radiculo-plexique (100). La perte de poids serait un facteur surajouté responsable de neuropathie chez les patients du syndrome de POEMS. Les patients ayant moins de 2 atteintes endocriniennes semblent avoir une amélioration plus nette à 6 mois et 1 an. Parmi ces patients ayant plusieurs atteintes endocriniennes, 60 % avaient soit un diabète soit des troubles thyroïdiens. De même, ces deux pathologies sont pourvoyeuses de neuropathie périphérique, et donc peut-être d’une fragilité nerveuse plus importante. Il est difficile de déterminer la prévalence de la neuropathie périphérique due au diabète car la définition change en fonction des études. Elle varie entre 10% et 29% (89). Elle serait responsable dans 80% des cas d’une neuropathie longueur dépendante. Il s’agit le plus souvent d’une neuropathie sensitive. L’hypothyroïdie est une autre cause endocrinienne connue de neuropathie périphérique. Elle serait responsable de dégénérescence axonale et démyélinisante (101). Les 40% de patients n’ayant ni diabète ni troubles thyroïdiens avaient une dysfonction érectile dans 100% des cas associée soit à une atteinte gonadique soit à une gynécomastie. Nous avons pris le parti comme Dispenzieri (14) de classer les dysfonctions érectiles dans l’affection endocrinienne. Cependant, La dysfonction érectile peut être d’origine multiple. En dehors des causes endocriniennes (diabète, hypogonadisme, hyperprolactinémie), elle peut être secondaire à la neuropathie, à une atteinte vasculaire, iatrogène, à l’insuffisance d’organe (poumon, foie, cardiaque), ou encore à une cause locale compressive (102). Concernant le traitement de la neuropathie dans le syndrome de POEMS, la majorité des auteurs considère les traitements immunomodulateurs comme inefficaces. Effectivement, aucune efficacité n’avait été retrouvée chez les patients POEMS traités par IgIV (14). Cependant, les études ne se sont pas intéressées au devenir des patients ayant reçu un traitement par IgIV avant le traitement par AGCS. Notre travail montre que le fait d’avoir reçu des IgIV permettrait une amélioration plus rapide avec 85,71% d’amélioration à 6 mois versus 40% pour ceux ayant reçu des corticoïdes et 28,57% pour ceux n’ayant reçu aucun de ces deux traitements immunomodulateurs. Quatre-vingt-six pourcents des patients ayant reçu des IgIV, 60% de ceux ayant reçu des corticoïdes et 26,08% de ceux n’ayant reçu aucun de ces deux traitements immunomodulateurs ont été traités par AGCS. Cette amélioration peut être due à une plus grosse proportion de patients traités par AGCS dans le groupe IgIV. Cependant, la différence entre les groupes IgIV et corticoïdes soulève la question d’un effet potentialisateur des IgIV sur les effets du traitement anticancéreux. Le profil évolutif des patients en fonction de leur score moteur montre que les patients avec une atteinte motrice sévère (score<4) ont une meilleure amélioration que les patients avec une atteinte modérée (score entre 4 et 8) à 6 mois, 1 an et 2 ans. On pourrait expliquer ce constat par un processus principalement axonal dans le groupe de patients ayant un score entre 4 et 8 ce qui entraine une moins bonne récupération. En effet, 1/10 (10%) des patients du groupe score moteur <4 avait une atteinte purement axonale versus 4/11 (36,36%) pour les patients du groupe score entre 4 et 8. Concernant l’atteinte démyélinisante, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes (3/11 (27%) pour un score entre 4 et 8 versus 3/10 (30%) pour un score<4.

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Table des matières

Introduction
Historique
Le syndrome de POEMS : Symptomatologie
Critères diagnostiques
Physiopathologie
Facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF)
Stratégies thérapeutiques
Diagnostic différentiel : la PIDC
Objectifs
Méthodes
Critère d’évaluation principal
Evaluation de la neuropathie
Evaluation de la gammapathie
Evaluation de l’organomégalie
Evaluation de l‘endocrinopathie
Evaluation de l’atteinte cutanée
Evaluation de l’épanchement
Evaluation de la perte de poids
Evaluation du VEGF
Evaluation du traitement
Analyses statistiques
Résultats
Caractéristiques des patients
Caractéristique de la neuropathie
Fréquence des autres critères du syndrome
Critère d’évaluation principal : Evolution du score de Rankin modifié
Le VEGF
Facteurs prédictifs de l’amélioration post traitement
Discussion
Caractéristiques de la neuropathie
Amélioration fonctionnelle
Facteurs prédictifs d’amélioration
Pistes thérapeutiques
Conclusion
Bibliographie
Liste des abbréviations
Annexes
SERMENT D’HIPPOCRATE

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