Le syndrome de Bartter est une tubulopathie chronique héréditaire de transmission le plus souvent autosomique récessive. Il se définit par une alcalose métabolique hypokaliémique, une hypertrophie de l’appareil juxtaglomérulaire et une pression artérielle normale [14]. Le trouble primaire est une anomalie de réabsorption de sodium située dans l’anse de Henlé, secondaire à des anomalies au niveau des canaux transporteurs de Na+ , K + et Cl – qui va être responsable d’une perte de sel avec un hyperaldostéronisme[39]. Le diagnostic de cette pathologie est le plus souvent porté dans l’enfance ou l’adolescence devant un tableau associant à des degrés variables des signes digestifs, rénaux, neuromusculaires et morphologiques [12]. Il s’agit d’une affection qui a réellement bénéficié ces dernières années des progrès de la biologie moléculaire qui a permis d’identifier 5 gènes responsables chacun d’un type particulier de SB, différent par l’âge de révélation, la sévérité du tableau clinique et la protéine de transport impliquée, ce qui a permis de proposer une classification du SB en 5 types [38, 13 ;10] :
– le gène SLC12A1, situé sur le chromosome 15, code pour le NKCC2 ; dont l’altération est responsable du type I ;
– le gène KCNJ1, situé sur le chromosome 11, code pour le canal ROMK ; dont l’altération est responsable du type II ;
– le gène CLCNKB, situé sur le chromosome 1, code pour le cotransporteur CLCKB ; son altération entraine un syndrome de Bartter de type III ;
– le gène BSND, situé sur le chromosome 1, code pour la barttine. La mutation du gène BSND entraine le type IV ;
– le gène CASR, situé sur le chromosome 3, code pour le récepteur de calcium. Son altération conduit au syndrome de Bartter de type V.
Une classification pratique en 3 types a été proposée par Seyberth selon l’origine du dysfonctionnement :
– le SB classique et le syndrome de Gitelman : Dysfonctionnement tubulaire distal conduisant à une hypokaliémie classiquement ;
– le SB anténatal : Dysfonctionnement au niveau de l’anse de Henlé responsable d’une polyurie sévère.
– le SB anténatal : Dysfonctionnement au niveau de l’anse de Henlé et du tube contourné distal ; forme la plus sévère associée à une surdité neurosensorielle.
PATIENTS
Le diagnostic de syndrome de Batter a été retenu chez les enfants présentant :
❖ Un tableau clinique évocateur de syndrome de Bartter :
– Vomissements chroniques ;
– Un syndrome polyuropolydipsique inexpliqué ;
– Une tension artérielle normale.
❖ A la biologie :
-Une alcalose métabolique ;
-Une hypokaliémie associée à une hyperkaliurése
– Une rénine plasmatique augmentée et/ou une aldosteronemie élevée et/ou une angiotensine II élevée ;
-L’hypercalciurie dont la présence renforcerait le diagnostic.
METHODE
Tous les 4 enfants étudiés ont pu bénéficier de :
✦ examen clinique complet ;
✦ bilan biologique fait de ;
✦ ionogramme sanguin ;
✦ ionogramme urinaire ;
✦ gaz du sang avec réserves alcalines ;
✦ bilan phosphocalcique et rénal ;
✦ dosage de la magnésemie ;
✦ dosage de l’aldosteronémie et de la rénine plasmatique ;
✦ echographie rénale réalisée pour tous nos patients ;
✦ une étude génétique réalisée en Tunisie pour 1 patient.
Les enfants ont été irrégulièrement suivis et l’évolution a était précisée à chaque visite.
Observation 1
B F est un nourrisson de sexe masculin hospitalisé à l’âge de 7 mois pour exploration de troubles digestifs à type de diarrhée chronique, ayant débuté vers l’âge de 5 mois, avec dénutrition sévère. L’interrogatoire retrouvait plusieurs consultations dans différentes structures de santé sans amélioration. Il est issu d’une mère primigeste, primipare âgée de 19 ans, grossesse sans particularité. Des bilans sanguins de routine sont sans particularités. Deux échographies obstétricales, respectivement faites à 22 et à 34 semaines d’aménorrhée (SA), n’ont révélé aucune anomalie (en particulier absence d’hydramnios). L’accouchement était eutocique, à terme par voie basse non instrumentale, avec un poids de naissance à 2900g. L’alimentation a été bien conduite. Une consanguinité parentale au 1er degré a été retrouvée. Par ailleurs, il n’y avait de cas similaire dans la famille élargie. A l’admission, le poids était à -5 DS et la taille à -2 DS. L’examen objectivait une déshydratation sévère associée à une polyurie à 12ml/kg/h. En outre, on notait une hypotonie généralisée et une tête en forme triangulaire avec proéminence des bosses frontales et pariétales. Les organes génitaux externes étaient de type masculin et normal. Le bilan sanguin en urgence montrait une hyponatrémie à 111meq/l, une hypokaliémie à 2,8meq/l, une hypochlorémie à 76meq/l, une glycémie normale à 0,81g/l. Par ailleurs le bilan rénal était normal et le bilan infectieux négatif. En urgence les troubles hydro-électrolytiques ont été corrigés selon les protocoles standards. Cependant la récurrence de la déshydratation, de l’hyponatrémie et de l’hypokaliémie avait nécessité l’augmentation progressive des besoins à 200ml/kg/j pour les solutés, à 20meq/kg/j de chlorure de potassium (KCl), et 12meq/kg/j de chlorure de sodium (NaCl). Ces besoins hydro-électrolytiques, très importants, nous ont amenés à revoir le diagnostic. Ainsi les GDS demandés avaient mis en évidence une alcalose métabolique (pH à 7,655 et HCO3=41,90mmol/l).
Le diagnostic de syndrome de Bartter a été évoqué devant l’association alcalose métabolique et hypokaliémie et confirmé par le dosage de la rénine plasmatique à 5209 pg/ml (15-35 pg) et de l’angiotensine II à 1038 pg/ml (20-40 pg/ml). L’échographie abdominale était normale (absence de néphrocalcinose).
Observation 2
FD est un nourrisson de sexe féminin âgé de 4 mois, qui a été transféré du Service d’Urgence Médicale et d’Assistance (SUMA) pour état de choc et suspicion d’insuffisance surrénalienne aigue. La symptomatologie évoluait depuis la naissance marquée par des difficultés d’alimentation avec perte pondérale progressive ayant motivé une hospitalisation de 10 jours dans une structure de la place vers l’âge de 2 mois et demi. Des troubles ioniques à type d’hypokaliémie et d’hyponatrémie avaient été rapportés. L’absence d’amélioration du tableau clinique mais surtout la survenue de complications à type de convulsions motiva le transfert vers le SUMA pour une 2ème hospitalisation pendant une semaine. La persistance de la déshydratation avec troubles ioniques majeurs motiva son transfert dans notre structure. Elle est issue d’une mère primigeste, primipare de 23 ans dont la grossesse était sans particularité; les échographies obstétricales étaient normales, en particulier pas de notion d’hydramnios. L’accouchement était à terme (41 SA) par voie basse non instrumentale. Le poids de naissance était à 2780g avec une bonne adaptation extrautérine. Les parents étaient consanguins au 1er degré. Il n’y avait pas de notion d’antécédents familiaux particuliers, ni de cas similaire dans la famille élargie.
A l’admission, le poids était à 3,1Kg (- 4DS), la taille à 56cm (-3DS). Elle présentait une déshydratation sévère supérieure à 10% avec état de choc, une polyurie franche avec une diurèse de 17,47 ml/kg/h. Les organes génitaux externes étaient de type féminin, normaux. Nous n’avons pas noté de dysmorphie cranio-faciale. Les ionogrammes sanguin et urinaire mettaient en évidence une hyponatrémie sévère à 104 meq/ l et une natriurèse normale à 189 meq/24H, une hypokaliémie à 1,89 meq/l et une Kaliurèse à 16 meq/24H ; une hypochlorémie à 39meq/l et une Chlorurie normale à 199meq/24H, une calcémie et une calciurie normales. Le bilan rénal était normal. Le bilan infectieux était négatif.
Les gaz du sang mettaient en évidence une alcalose métabolique (pH=7,601 ; HCO3=54,9 mmol/l). Après plusieurs échecs du traitement symptomatique à base de réhydratation et de supplémentation en sodium et potassium, avec des besoins hydriques de base atteignant 250 ml/kg/j, le diagnostic de SB a pu être évoqué avec le recul devant l’alcalose métabolique hypokaliémique et confirmé par le dosage de la rénine plasmatique qui était très élevée à 3085,0 mUI/l (2,8-39,9 mUI/l), et de l’aldostéronémie qui était aussi élevée à 1968 pg/ml (42-202pg/ml). L’échographie abdominale était normale (Absence de néphrocalcinose). Elle a été mise sous Indométacine à la dose de 2,5mg/kg/j, chlorure de potassium à 7 meq/kg/j et en chlorure de sodium à 6 meq/kg/j.
L’évolution immédiate a été favorable avec correction de la déshydratation, normalisation de la diurèse, de l’ionogramme et un gain pondéral. L’enfant est perdu de vue depuis sa sortie d’hôpital. En ce moment il avait 4 mois et 20 jours.
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I. PATIENTS
II. METHODES
Observation 1
Observation 2
Observation 3
Observation 4
Discussion
I. ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
1. Incidence
2. Age
3. Sexe
4. Consanguinité parentale
5. Etude clinique
6. Signes fonctionnels
7. Examen clinique
8. Etude biologique
9. Formes cliniques
10. Traitement
CONCLUSION ET RECOMMENDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE