Le syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS)
Définition et épidémiologie : Le SAHOS est caractérisé par la survenue répétée de collapsus des voies aériennes supérieures (VAS) au cours du sommeil (11). Cette diminution de calibre se fait au niveau du pharynx et peut être complète (apnée) ou partielle (hypopnée) (12). L’apnée obstructive est définie comme un arrêt du débit aérien naso-buccal pendant au moins dix secondes avec persistance d’efforts ventilatoires pendant l’apnée. Il en résulte une fragmentation du sommeil et une modification des échanges gazeux (désaturations, hypercapnie) qui sont responsables du retentissement diurne et des conséquences cardiovasculaires, métaboliques et neurocognitives associées. L’American Academy of Sleep Medicine (13) définit le SAHOS par la présence des critères A ou B et du critère C :
– A. Somnolence diurne excessive non expliquée par d’autres facteurs ;
– B. Deux au moins des critères suivants non expliqués par d’autres facteurs :
• Ronflements sévères et quotidiens,
• Sensations d’étouffement ou de suffocation pendant le sommeil,
• Sommeil non réparateur,
• Fatigue diurne,
• Difficultés de concentration,
• Nycturie (plus d’une miction par nuit) ;
– C. Critère polysomnographique ou polygraphique : apnées + hypopnées ≥ 5 par heure de sommeil (index d’apnées hypopnées [IAH] ≥ 5).
L’International Classification of Sleep-Disorders (ICSD) a, dans sa troisième édition de 2014, redéfinit les critères diagnostiques du SAHOS (14). Le diagnostic nécessite :
– des symptômes (somnolence diurne, fatigue, insomnie, ronflement, troubles respiratoires nocturnes subjectifs ou apnée observée) ;
– ou des troubles médicaux ou psychiatriques associés (HTA, coronaropathie, fibrillation auriculaire, insuffisance cardiaque congestive, AVC, diabète, dysfonctionnement cognitif ou trouble de l’humeur) ;
– associés à cinq évènements respiratoires obstructifs ou plus (apnées obstructives et mixtes, hypopnées ou éveils respiratoires liés à l’effort) par heure de sommeil pendant la polysomnographie.
Par ailleurs, une fréquence d’événements respiratoires obstructifs de 15/h satisfait aux critères, même en l’absence de symptômes ou de troubles associés. Une hypopnée répond à un des critères suivants :
– Diminution d’au moins 50% du débit ventilatoire ;
– Ou diminution inférieure à 50% du débit ventilatoire associée à une désaturation transcutanée d’au moins 3% et/ou à un micro-éveil ;
– Et durant au moins dix secondes.
Selon un accord professionnel, il est recommandé de réunir les apnées et les hypopnées (physiopathologie identique) sous la forme de l’IAH (15). L’augmentation de l’effort inspiratoire, sans entraîner systématiquement une hypopnée, suffit pour perturber le sommeil, même si le débit inspiratoire reste acceptable. On parle alors de micro-éveils liés à des efforts respiratoires (RERA, Respiratory effort-related arousal). Ils correspondent à au moins 10 secondes de limitation discrète du débit inspiratoire avec augmentation progressive de l’effort inspiratoire, suivi d’un micro-éveil avec chute de la résistance des VAS et reprise d’un débit normal. Ils sont basés sur la mesure continue de la pression œsophagienne (13). En l’absence de recueil, ils peuvent être détectés par la présence d’un plateau inspiratoire sur le signal de pression nasale suivi d’un microéveil sur l’électroencéphalogramme (EEG) (16, 17). Selon un accord professionnel, il est recommandé d’intégrer les épisodes d’efforts respiratoires responsables de micro-éveils dans le calcul de l’IAH (15). L’étude de référence concernant la prévalence du SAHOS est la Wilconsin Sleep Cohort Study de 1993 par Young et al. (18). La prévalence du SAHOS était alors estimée à 2% chez la femme et 4% chez l’homme (âge moyen 30-60 ans) et augmentait avec l’âge (18, 19). Des études plus récentes ont montré que la prévalence du SAHOS dans les pays industrialisés était plus élevée qu’auparavant (10% chez la femme, 20% chez l’homme) (20, 21). En France, la prévalence du SAHOS est estimée entre 4,9% (22) et 7,5% (23). Il est probable que la prévalence du SAHOS ait évolué de façon concomitante au vieillissement de la population ainsi qu’à l’obésité croissante dans les pays industrialisés (12, 24).
Sévérité du SAHOS : La sévérité du SAHOS prend en compte deux composantes : l’IAH et l’importance de la somnolence diurne après exclusion d’une autre cause de somnolence. L’IAH correspond au nombre d’apnées et d’hypopnées par heure de sommeil, et est classé en trois catégories :
– Léger : entre 5 et 15 évènements par heure ;
– Modéré : entre 15 et 30 évènements par heure ;
– Sévère : plus de 30 évènements par heure.
La somnolence diurne est également classée en trois catégories :
– Légère : somnolence indésirable ou épisodes de sommeil involontaire ayant peu de répercussion sur la vie socio-professionnelle et apparaissant pendant des activités nécessitant peu d’attention
– Modérée : somnolence indésirable ou épisodes de sommeil involontaire ayant une répercussion modérée sur la vie socio-professionnelle et apparaissant pendant des activités nécessitant plus d’attention (par exemple en réunion, etc.) ;
– Sévère : somnolence indésirable ou épisodes de sommeil involontaire perturbant de façon importante la vie socio-professionnelle et apparaissant lors d’activités de la vie quotidienne (par exemple lors de la conduite).
La somnolence diurne est appréciée par l’échelle d’Epworth qui permet d’obtenir le score d’Epworth (Epworth Scale Score, ESS) (Cf. annexe 1) (25). Cependant, la corrélation entre sévérité du SAHOS et du score d’Epworth est faible (26). Il s’agit d’un outil qui permet au médecin de connaître la perception qu’a le patient de sa somnolence. On différencie la somnolence dont le traitement est le sommeil, de la fatigue dont le traitement est le repos.
Facteurs favorisants le SAHOS
L’obésité, les anomalies anatomiques oropharyngée ou craniofaciale, le sexe masculin et le tabac sont les facteurs de risques principaux du SAHOS (12, 24, 27, 31). La prévalence du SAHOS chez le patient obèse augmente avec l’élévation de l’indice de masse corporelle (IMC) (32, 33). Dans une population de patients attendant une chirurgie bariatrique, la prévalence était estimée à plus de 70% (34). L’âge est également un facteur favorisant (35). D’après Whitte et al. (36), le sexe masculin serait un facteur de risque de SAHOS en lien avec une répartition différente de la graisse dite centrale chez l’homme. Il existe de nombreux facteurs diminuant l’activité des muscles dilatateurs des VAS comme l’alcool, les benzodiazépines, et les anesthésiants (24, 31). Il existe une relation bien établie entre la sévérité du SAHOS et la position du corps pendant le sommeil (37). En effet, le décubitus dorsal est associé à une augmentation du collapsus des VAS (38) et donc augmente la fréquence et la durée du SAHOS (39). La prévalence de SAHOS positionnel est estimée à un tiers chez les patients de la population présentant un SAHOS sévère (40).
Dépistage : polysomnographie et polygraphie ventilatoire
La Société canadienne de thoracologie (68) a défini trois grades de priorité pour la réalisation d’un enregistrement du sommeil, reprises par la Société Française de Pneumologie en 2010 (15) :
– Priorité 1 : suspicion de SAHOS et somnolence diurne majeure (Score d’Epworth supérieur ou égal à 15) et un travail à haut risque personnel ou pour autrui ou avec comorbidité (insuffisance coronarienne, HTA, AVC, insuffisance respiratoire, grossesse) ;
– Priorité 2 : suspicion de SAHOS et somnolence diurne sévère ;
– Priorité 3 : suspicion de SAHOS sans comorbidité ni somnolence diurne excessive ni profession à risque.
Les délais d’enregistrement du sommeil recommandés sont (niveau de preuve D) (68):
– Priorité 1 : entre deux à quatre semaines ;
– Priorité 2 : dans un délai de deux mois ;
– Priorité 3 : dans un délai de six mois.
L’American Academy of Sleep Medicine (AASM) a classé, en 1994, les systèmes d’enregistrement du sommeil en quatre types. Ceux-ci ont été repris par la Société de Pneumologie de la Langue Française en 2010 (15) :
– Type 1 : polysomnographie au laboratoire surveillée par du personnel formé avec au moins sept signaux : éléctroencéphalograme (EEG), électro-oculogramme (EOG), électromyographie (EMG) mentonnier, débits aériens naso-buccaux, efforts respiratoires, électrocardiogramme (ECG), oxymétrie, plus ou moins EMG membres inférieurs/position du corps/ronflement ;
– Type 2 : polysomnographie en condition non surveillée avec au moins sept signaux ;
– Type 3 : polygraphie ventilatoire avec au moins quatre signaux : débits aériens naso-buccaux, signal de mouvements respiratoires, oxymétrie et fréquence cardiaque ou ECG ;
– Type 4 : un ou deux signaux respiratoires, le plus souvent oxymétrie et/ou débits aériens.
Les systèmes de type 1 et 2 sont utilisés pour réaliser des polysomnographies et les systèmes d’enregistrement de type 3 et 4 pour mener des polygraphies ventilatoires. La polysomnographie de type 1, réalisée en laboratoire spécialisé, est l’examen de référence pour le diagnostic du SAHOS. Il s’agit d’un examen coûteux et chronophage. Les performances diagnostiques de la polygraphie ventilatoire (type 3) ont été comparées à la polysomnographie de type 1. Les résultats de ces études montrent qu’un résultat positif d’une polygraphie ventilatoire chez un patient avec présomption clinique suffit à confirmer le diagnostic de SAHOS avec une bonne spécificité (69-72). D’après les recommandations pour la pratique clinique du SAHOS de l’adulte de la Société de Pneumologie de la Langue Française de 2010 (15) : « Une polygraphie ventilatoire est recommandée en première intention en cas de présomption clinique de SAHOS et en l’absence d’argument pour une autre pathologie du sommeil (grade B) […]. En cas de résultat discordant entre la symptomatologie et l’IAH, il est recommandé de réaliser une polysomnographie (grade B) ».
Physiopathologie du SAHOS chez les patients AVC
Tout comme la physiopathologie du SAHOS en population générale, le mécanisme exact par lequel le SAHOS entraîne un AVC n’est pas clairement compris. D’après Nair et al. (109), plusieurs mécanismes sont envisagés. En effet, durant les épisodes d’apnée se développent une hypoxémie, une activation sympathique entraînant une augmentation soudaine de la tension artérielle, et la libération de substances vasoactives (endothéline, 110). Il en résulte un état d’inflammation systémique, une dysfonction endothéliale, une activation des plaquettes, des troubles de l’hémostase (fibrinogène élevé, 111) et donc une hyperviscosité sanguine. Tous ces processus sont à la base de l’athérogénèse (9, 112).A tous ces mécanismes viennent s’ajouter le syndrome métabolique, l’obésité, l’inactivité physique, l’HTA (113), les arythmies cardiaques (114, 115), les embolies paradoxales par un foramen ovale perméable (116, 117), l’augmentation de la pression intracrânienne (118) et le faible débit sanguin cérébral (119-121). De nombreuses études ont montré que les ronflements étaient associés à la survenue d’AVC (53).
Effet de la PPC
Le seul traitement reconnu comme efficace pour traiter le SAHOS chez les patients AVC est la PPC, avec une réduction de 80% du nombre d’évènements respiratoires p< 0.001 (141). L’application d’une PPC chez les patients souffrant de SAHOS pourrait ouvrir une opportunité pour augmenter le potentiel de récupération neurologique après un AVC (112). Les bénéfices de la PPC ne sont pas encore très bien démontrés, notamment à cause de la faible compliance dans l’utilisation de la PPC chez les patients en postAVC à domicile : 46,7% à 8 semaines (142) et 15% à 5 ans (126). Cependant,l’étude prospective menée par Wessendorf et al. (141), visant à évaluer l’efficacité et l’acceptation du traitement par PPC chez 105 patients AVC atteints de SAHOS, a montré que 70% des patients continuaient la PPC à domicile. Parmi les facteurs de non-compliance à la PPC chez les patients AVC, on trouve:
– L’inconfort lié au masque (141, 143) ;
– Un AVC sévère/une moins bonne autonomie initiale, mesurée par l’index de Barthel (p=0,021) (136, 141) ;
– La présence d’une aphasie (p=0,012) (141) ;
– Difficultés d’utilisation de la PPC par le patient et son entourage : liées à la paralysie faciale, à l’hémiparésie, la majoration de l’inconfort nocturne liée à l’utilisation du masque, l’absence d’amélioration du fonctionnement diurne et de changements neurologiques visibles (143) ;
– L’âge avancé (41) ;
– La négligence spatiale unilatérale, la dépression, les troubles cognitifs (54, 142, 144).
Cependant, dans un essai contrôlé randomisé [PPC introduite dans les 3 à 6 jours après l’AVC + rééducation neurologique classique (n=71), vs rééducation neurologique seule (n=69)], Parra et al. n’ont constaté aucun impact significatif du traitement par PPC sur la mortalité toutes causes confondues après deux ans de suivi (HR, 0,62 ; p=0,586). Le pourcentage de patients présentant une amélioration neurologique à un mois après l’AVC était significativement plus élevé dans le groupe utilisant la PPC concernant l’échelle de Rankin (90,9% contre 56,3% ; p<0,01) et la Canadian Neurgological Scale (88,2 % contre 72,7% ; p<0.05). De même, le délai moyen avant l’apparition d’événements cardiovasculaires était plus long dans le groupe utilisant la PPC (14,9 contre 7,9 mois ; p=0,044), bien que la survie sans événement cardiovasculaire après 24 mois était similaire dans les deux groupes. Le taux de mortalité cardiovasculaire était de 0 % dans le groupe utilisant la PPC et de 4,3 % dans le groupe témoin (p=0,161) (145). Dans un autre essai contrôlé randomisé (PPC associée à la rééducation neurologique versus rééducation neurologique seule), Ryan et al. ont montré que le traitement du SAHOS par PPC était associé à une amélioration significative des récupérations fonctionnelles (amélioration significative du score Canadian Neurological Scale total et de ses composantes cognitives et motrices chez le groupe PPC par rapport au groupe témoin), motrices, de l’humeur, mais pas à la récupération neurocognitive (146). Ainsi, l’utilisation précoce de la PPC semble accélérer la récupération neurologique et retarder l’apparition d’événements cardiovasculaires. Des résultats similaires sont retrouvés dans plusieurs études (41, 53, 54). Devant la forte prévalence du SAHOS chez les patients survivants à la phase aiguë d’un AVC, traiter ceux ayant un SAHOS avec une PPC, permettrait d’obtenir la compliance d’un plus grand nombre (53, 147).
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1. GENERALITES
1.1.1. Accidents vasculaires cérébraux (AVC)
1.1.1.1. Définition et épidémiologie
1.1.1.2. Facteurs de risque d’AVC
1.1.2. SAS dans la population générale
1.1.2.1. Le syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS)
1.1.2.2. Le syndrome d’apnées centrales du sommeil (SACS)
1.1.2.3. Physiopathologie du SAS en population générale
1.1.2.4. Facteurs favorisants le SAHOS
1.1.2.5. Retentissement du SAHOS
1.1.2.6. Dépistage : polysomnographie et polygraphie ventilatoire
1.1.2.7. Traitements du SAHOS
1.1.3. SAHOS chez les victimes d’AVC
1.1.3.1. Epidémiologie
1.1.3.2. Physiopathologie du SAHOS chez les patients AVC
1.1.3.3. SAHOS : cause ou conséquence de l’AVC ?
1.1.3.4. Dépistage SAHOS chez les patients post-AVC
1.1.3.5. Effet du SAHOS sur la récupération neurologique
1.1.3.6. Traitement du SAHOS : effets sur l’AVC
1.2. OBJECTIFS
2. MATERIEL ET METHODES
2.1. Caractéristiques de la population
2.2. Données de la polygraphie ventilatoire et des rapports d’observance
2.3. Réalisation d’un questionnaire
2.4. Analyses statistiques
3. RESULTATS
3.1. Caractéristiques de la population
3.2. Données de la polygraphie ventilatoire
3.3. Données du rapport d’observance à un mois
3.4. Données des rapports d’observance à distance
3.5. Données du questionnaire
4. DISCUSSION
5. CONCLUSION
6. BIBLIOGRAPHIE
7. ANNEXES
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