Le syndrome CANVAS est une maladie qui a été décrite pour la première fois en 2011. Il s’agit d’un syndrome neurologique qui inclut trois principales atteintes : Ataxie Cérébelleuse, Neuropathie et Aréflexie Vestibulaire. Il s’agit d’une pathologie génétique à transmission autosomique récessive. Le nom de cette pathologie est un acronyme traduit de l’anglais : Cerebellar Ataxia, Neuropathy, Vestibular Areflexia Syndrome.
Historiquement, en 2011 le diagnostic de cette pathologie était uniquement phénotypique. Pour poser le diagnostic du syndrome CANVAS, il fallait que le patient présente la triade ataxie cérébelleuse, neuropathie, et aréflexie vestibulaire. (1) En 2019, le diagnostic moléculaire de CANVAS a été décrit pour la première fois par Cortese et al. Il consiste en la mise en évidence d’une expansion biallélique de type (AAGGG)exp dans l’intron 2 du gène RFC1 (Replication Factor C subunit 1). (2) Les trois éléments de la triade ne sont néanmoins pas les seules atteintes observées, on peut également retrouver des symptômes tels qu’une toux chronique, un dysfonctionnement du système nerveux autonome ou encore un syndrome de Gougerot-Sjögren. Les objectifs de cette étude sont multiples : 1) tout d’abord la description de la stratégie de diagnostic moléculaire du syndrome CANVAS ; 2) la description de la cohorte de 236 patients (dont 7 familles) étudiés au laboratoire de génétique moléculaire de La Timone ; 3) l’obtention du rendement diagnostique ; et 4) la réalisation d’une corrélation phénotype/génotype.
Contexte
Le syndrome CANVAS est une pathologie lentement progressive, principalement composé de trois atteintes : l’ataxie cérébelleuse, la neuropathie sensitive et l’aréflexie vestibulaire.
Ataxie cérébelleuse
L’ataxie cérébelleuse est une pathologie neurodégénérative du cervelet qui se traduit par des troubles de la coordination des mouvements volontaires, des troubles de l’équilibre et une atteinte oculaire. Il s’agit d’un dysfonctionnement du système nerveux central. Cela peut se traduire par une dysmétrie (perte de contrôle de l’amplitude des mouvements volontaires), une dysarthrie (perte de contrôle de la parole et de son amplitude), un nystagmus (perte de contrôle des mouvements des yeux) et des tremblements peuvent apparaître. (3) L’examen diagnostique permettant de l’identifier est une IRM cérébrale sur laquelle on observerait une atrophie cérébelleuse.
Neuropathie
La neuropathie retrouvée dans le cadre d’un syndrome de CANVAS est une neuronopathie sensitive. Il s’agit d’une dégénérescence des neurones sensitifs entrainant des sensations de picotement, brûlure, et engourdissement. L’examen diagnostique permettant de l’identifier est un électroneuromyogramme (ENMG).
Aréflexie vestibulaire
L’aréflexie vestibulaire est bilatérale dans le cadre du syndrome de CANVAS. Elle témoigne d’un réflexe vestibulo-oculaire anormal et peut se traduire par des vertiges, des nausées et des vomissements. L’examen diagnostique permettant de l’identifier est un bilan audio-vestibulaire.
Matériels et méthodes
Orientation diagnostique
Avant de réaliser un examen de diagnostic moléculaire, certains signes cliniques orientent le médecin prescripteur vers une suspicion de CANVAS. Le laboratoire de génétique moléculaire de La Timone leur fournit une fiche de renseignements cliniques qui facilite l’orientation diagnostique et permet de recueillir les informations utiles au biologiste. (Figure 2) Ce formulaire de renseignements cliniques comprend l’identité du patient et du prescripteur, le mode de découverte de la pathologie (lequel des éléments de la triade a été retrouvé en premier), les signes cliniques du patient, et les examens complémentaires réalisés. La neuropathie est explorée grâce à un électroneuromyogramme (ENMG), l’atrophie cérébelleuse s’observe sur une IRM cérébrale et l’aréflexie vestibulaire à l’aide d’un bilan audio-vestibulaire.
Un nouveau motif d’expansion « pathologique » de type (ACAGG)exp a été décrit en juin 2020 uniquement dans certaines populations d’Asie-Pacifique. C’est pour cette raison que l’origine géographique du patient est demandée dans le formulaire. Ce motif entraine la pathologie à l’état homozygote. On note comme signes cliniques associés : fasciculations et taux de créatine kinase sérique élevé.
Corrélation phénotype/génotype
Concernant les phénotypes observés chez les patients positifs, on retrouve les proportions suivantes.
92% des patients présentent une neuropathie, soit 57 sur 62 patients.
53% présentent une ataxie cérébelleuse, soit 33 patients sur 62.
32% présentent une aréflexie vestibulaire, soit 20 patients sur 62.
23% des patients positifs présentent la triade complète : ataxie cérébelleuse, neuropathie et aréflexie vestibulaire, soit 14 patients sur 62.
Comme décrit dans de nombreuses publications, la toux sèche chronique est un symptôme largement retrouvé chez les patients atteint du syndrome CANVAS. Et en effet, dans la cohorte étudiée ici, 53% des patients présentent une toux chronique.
Un autre symptôme souvent retrouvé chez les patients atteints du syndrome CANVAS est le syndrome de Gougerot-Sjögren, qui est ici retrouvé chez 10% des patients, soit 6 patients sur les 62 positifs. (Figure 13) Ce syndrome est expliqué plus en détail dans la partie d) Syndrome de Gougerot-Sjögren.
Les proportions suivantes sont également retrouvées dans la cohorte :
34% des patients présentent une neuropathie seule, soit 21 patients sur 62.
26% des patients présentent une neuropathie associée à une ataxie cérébelleuse, soit 16 patients sur 62.
10% des patients présentent une neuropathie associée à une aréflexie vestibulaire, soit 6 patients sur 62.
5% des patients présentent une ataxie cérébelleuse seule, soit 3 patients sur 62.
2% des patients ne présentent aucun de ces symptômes, soit 2 patients sur 62. Aucun patient ne présente d’aréflexie vestibulaire seule. Aucun patient ne présente d’ataxie cérébelleuse associée à une aréflexie vestibulaire.
Atteinte ophtalmique
Elle se caractérise par une diminution des sécrétions de lacrymales, responsable d’une sensation de corps étranger et de sable intraoculaire, de brûlures ophtalmiques, d’une gêne à la lumière ou à la fixation prolongée d’écran d’ordinateur. Les conjonctives sont parfois rouges et enflammées et cette hyposécrétion lacrymale peut être source de complications ophtalmologiques : blépharite, beaucoup plus rarement ulcérations de la cornée. Cette kérato-conjonctivite sèche peut être mise en évidence par un examen ophtalmologique simple, le test de Schirmer qui consiste à insérer dans le cul de sac conjonctival une bandelette de papier filtre graduée, et on considère qu’il existe une hyposécrétion lacrymale si moins de 5 mm de la bandelette a été humecté par les larmes au bout de 5 minutes. D’autres examens utilisant des colorants peuvent être réalisés par un ophtalmologiste pour mettre en évidence des signes de souffrance de la cornée.
Atteinte buccale
La diminution de la sécrétion salivaire se manifeste par une sensation de bouche sèche, pâteuse, gênant parfois l’élocution et la déglutition des aliments secs. Cette bouche sèche est parfois douloureuse responsable de brûlures buccales ou linguales. Dans les formes sévères, les muqueuses jugales et linguales sont ternes avec un aspect vernissé, et la langue est lisse. Tout ceci peut favoriser la survenue de caries précoces et d’infections buccales notamment à candida. La mesure du débit salivaire qui consiste à mesurer dans un verre gradué la quantité de salive que peut émettre le patient en 15 minutes est un moyen simple de quantifier cette hyposécrétion salivaire. On considère qu’elle est pathologique en deçà de 1,5 ml à 15 minutes.
Atteinte respiratoire
L’atteinte de l’appareil respiratoire se caractérise le plus souvent par une trachéobronchite sèche responsable d’une toux chronique, parfois d’une gêne respiratoire ou d’infections bronchopulmonaires récidivantes. L’atteinte du tissu pulmonaire est beaucoup plus rare survenant chez moins de 10% des patients. Très rarement, elle peut évoluer vers la fibrose pulmonaire.
Atteinte neurologique
Une atteinte des nerfs périphériques peut survenir chez environ 20% des patients se traduisant le plus souvent par une neuropathie sensitive avec des sensations de fourmillements ou de brûlures au niveau des membres. L’atteinte motrice responsable d’un déficit moteur est beaucoup plus rare. Celle du système nerveux central est très exceptionnelle touchant moins de 5% des patients pouvant réaliser des tableaux cliniques proche de la sclérose en plaques.
|
Table des matières
I – Introduction
II – Contexte
1. Ataxie cérébelleuse
2. Neuropathie
3. Aréflexie vestibulaire
III – Matériels et méthodes
1. Orientation diagnostique
2. Diagnostic moléculaire
3. Patients
IV – Résultats
1. Statistiques
a) Rendement diagnostique
b) Corrélation phénotype/génotype
c) Identification de la porte d’entrée
d) Syndrome de Gougerot-Sjögren
i / Atteinte ophtalmique
ii / Atteinte buccale
iii / Atteinte respiratoire
iv / Atteinte neurologique
2. Description des familles
a) Famille A
i / Présentation
ii / Short-Range PCR
iii / Repeated-Primed PCR
iv / Conclusion
b) Famille B
i / Présentation
ii / Short-Range PCR
iii / Repeated-Primed PCR
iv / Conclusion
c) Famille C
i / Présentation
ii / Short-Range PCR
iii / Repeated-Primed PCR
iv / Conclusion
d) Famille D
i / Présentation
ii / Short-Range PCR
iii / Repeated-Primed PCR
iv / Conclusion
e) Famille E
i / Présentation
ii / Short-Range PCR
iii / Repeated-Primed PCR
iv / Conclusion
f) Famille F
i / Présentation
ii / Short-Range PCR
iii / Repeated-Primed PCR
iv / Conclusion
g) Famille G
i / Présentation
ii / Short-Range PCR
iii / Repeated-Primed PCR
iv / Conclusion
3. Prise en charge
a) Prise en charge de l’ataxie cérébelleuse
b) Prise en charge de la neuropathie
c) Prise en charge de l’aréflexie vestibulaire
d) Prise en charge du syndrome sec et de la toux chronique
e) Prise en charge psychologique
V – Conclusion