Le style du récit poétique
De la possibilité d’une synthèse
En effet, la question d’une possible réconciliation des termes se pose. Des tentatives en ce sens s’élaborent parallèlement à la rhétorique dualiste qui oppose récit (le plus souvent envisagé comme essence du romanesque) et poésie. C’est d’ailleurs « à l’époque même où s’est développée l’antinomie entre le poétique et le narratif qu’ont fleuri les genres de synthèse comme le poème en prose, le roman en vers et le roman poétique.84 » En outre, on constate que l’idée d’une « réconciliation » est présente dans le propos même de certains auteurs, révélateur alors d’une volonté de fusion. Comme nous l’avions spécifié en introduction, c’est précisément le cas des auteures Marguerite Duras et Anne Hébert, qui soutiennent respectivement que « les romans vrais sont des poèmes85 » et que « [l]a prose86 [n’]est [qu’]une autre forme poétique87 ». Les assertions des auteures permettent-elles d’envisager, de réaliser une synthèse ?
Frontières génériques et volonté de synthèse
Certes, de telles affirmations peuvent sembler, de prime abord, résoudre le conflit entre les domaines poétique et narratif. Un examen plus attentif permet toutefois d’en éprouver les failles. Ainsi, le qualificatif « vrais » utilisé par Duras pose problème : qu’est-ce donc qu’un roman vrai ? L’auteure ne fait pas ici référence au genre romanesque dans sa globalité, mais à une fraction de la production romanesque dont certains critères subjectifs fonderaient le caractère « authentique ». Dès lors, cette « fusion », fondée sur l’appréciation, s’avère impuissante à opérer une synthèse effective des termes. La synthèse se révèle également impossible par les propos d’Anne Hébert : le récit y est subordonné à la poésie, dans un « glissement des catégories génériques où [la poésie] prend en charge [le récit] parce qu’il est luimême d’essence poétique, de sorte que […] tout peut être tenu pour poésie88 ». En un mot, le récit « est [simplement] apparu comme poésie, ce qui est exclusivement une affaire de point de vue.»Aucune synthèse n’est par conséquent accomplie par ces propos, la tentative reposant, dans les deux cas, sur des préférences, des idées subjectives de ce qui constitue (ou devrait constituer) le narratif et le poétique. Dominique Combe appelle « réduction » cette association par des auteurs ou des critiques d’un genre à un autre, qui, loin d’autoriser leur fusion, paraît attester au contraire de leur antinomie fondamentale (« tant il est vrai que l’on ne réconcilie que ce que l’on a divisé90 »).
Il demeure que ces déclarations d’auteures sur leur pratique d’écriture ou sur la littérature en général ne doivent pas être négligées pour autant : elles sont en effet symptomatiques d’une volonté esthétique particulière, qui, à défaut de réunir les termes du système rhétorique, met en évidence l’intérêt d’interroger la relation entre récit et poésie dans des textes narratifs.
Tadié et le récit poétique
Reste, pour envisager l’abolition des frontières du système rhétorique, la solution d’un genre synthétique, tel que le modèle du récit poétique de Jean-Yves Tadié. Cette tentative se heurte néanmoins elle aussi à l’observation de Dominique Combe, qui voit dans tout essai de réconciliation la reconnaissance du caractère distinct de la poésie et du récit.
La démarche entière de Combe dans Poésie et récit vise à mettre en lumière le poids de la rhétorique et la manière dont, à chaque époque, tel groupe ou tel individu cherchant à l’abolir n’aboutit toujours qu’à une modification du sens des termes, qu’à une réorganisation du système des genres. Se reforme donc toujours une rhétorique, qui, depuis Mallarmé, est fortement teintée de l’exclusion du récit en poésie.
Pourtant, quelques contradictions de la rhétorique soulevées par Dominique Combe semblent pouvoir nous aider à nous détacher de l’opposition binaire entre récit et poésie. S’appuyant sur les propos de Mikhaïl Bakhtine, le chercheur montre que le système d’opposition repose sur une terminologie abusive : « le récit n’est pas une forme historique de la littérature [qui ferait de lui un genre littéraire], mais […] un universel linguistique91 », « une catégorie transversale qui peut caractériser aussi bien la prose (littéraire ou non) que la poésie92 ». En ce sens, « [o]pposer poésie et récit, c’est faire du « sous-code » de la poésie une composante93 » du code de la langue, alors que ce code relève plutôt de catégories transversales telles que le récit ou le dialogue, par exemple. De là les « confusions […] dans le discours critique94 ». En un mot, d’un point de vue linguistique, récit et poésie ne peuvent être donnés pour contradictoires, puisqu’ils ne se situent pas au même niveau. C’est somme toute parce que le récit est assimilé par synecdoque au roman95 et que le lyrisme est considéré comme la caractéristique première de la poésie que la dichotomie peut fonctionner. Dès lors, bien que l’on accorde à Combe qu’un modèle synthétique comme celui du récit poétique ne réconciliera pas les termes du système rhétorique, la perspective linguistique rend du moins envisageable un modèle comme celui décrit dans l’essai de Jean-Yves Tadié.
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Table des matières
RÉSUMÉ
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
Du système des genres et de l’hybridité générique
Kamouraska et L’Amant, romans poétiques ?
Le Récit poétique de Jean-Yves Tadié
État de la question
Objectif de recherche et méthodologie
PREMIÈRE PARTIE : KAMOURASKA ET L’AMANT AU PRISME DU RÉCIT POÉTIQUE DE JEAN-YVES TADIÉ
1. Poésie, prose, récit : système rhétorique et possibilité de synthèse des genres
1.1. Évolution des termes : un survol
2. De la possibilité d’une synthèse
2.1. Frontières génériques et volonté de synthèse
2.2. Tadié et le récit poétique
2.3. Kamouraska et L’Amant au prisme du Récit poétique de Jean-Yves Tadié
SECONDE PARTIE : POUR UNE ÉTUDE DU STYLE DANS KAMOURASKA ET DANS L’AMANT
3. Le style du récit poétique selon Jean-Yves Tadié
3.1. La densité sonore
3.2. La « puissance imageante »
4. Le style du Récit poétique au banc d’essai
4.1. Le parallélisme dans Kamouraska
4.2. Le parallélisme dans L’Amant
5. La stylistique : quelques avenues pour une analyse du style
5.1. Étude du traitement de la langue dans Kamouraska
5.2. Étude du traitement de la langue dans L’Amant
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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