Le stress et l’épuisement professionnel

Le stress et l’épuisement professionnel

L’aide sociale : historique et contexte institutionnel

En Suisse, et jusque tard dans le XXème siècle, l’aide aux personnes se trouvant dans le besoin incombait traditionnellement aux communes. Afin de combattre la pauvreté, ces dernières, sous l’aval de leurs cantons respectifs, introduisent l’école obligatoire, agencent les formes d’aide selon les situations d’indigences (ouverture d’asiles et d’institutions) et mettent en place des mesures répressives avec, par exemple, la création d’établissements de travaux forcés ou encore l’exclusion du droit de vote pour les plus démunis. L’évolution de la charité et de l’assistance aux pauvres vers l’aide sociale, telle qu’on la connait aujourd’hui, se profile autour des années 1900. En effet, avec l’industrialisation, c’est à présent des quartiers ouvriers qu’émane l’urgence sociale. De même, le système, devenu rationaliste, se dirige vers une laïcisation de l’aide apportée aux indigents et l’assistance devient le domaine des médecins, des juristes et, plus tard, celui des travailleurs sociaux et, plus particulièrement de l’AS13 qui, selon la définition du Dictionnaire suisse de politique sociale : « exerce au nom de la collectivité, un service public de solidarité à l’égard des personnes, des groupes sociaux, concernés par un processus de désocialisation, de disqualification, voire d’exclusion. Il se situe sur une passerelle : intermédiaire entre les individus et les lois, médiateur entre la population et les institutions. »14

Je pense important, lorsque l’on parle d’aide sociale, de souligner l’existence du principe de subsidiarité. En effet, les services sociaux sont le dernier « filet » restant une fois toutes les autres possibilités (assurance chômage, assurance invalidité, rentes, etc.) sont épuisées. En effet, les prestations d’aide sociale constituent le seuil le plus bas du système Suisse en matière de protection sociale et ne sont octroyées qu’en dernier recours. En ce sens, l’AS fait face, chaque jour, à des situations de précarité extrêmes où les personnes viennent à lui démunis de toutes ressources. Le professionnel qui se doit de sauvegarder ou de rétablir l’autonomie du demandeur d’aide oeuvre, pour ce faire, à la construction d’une relation de confiance et, au travers de l’empathie, adapte son intervention à chaque cas rencontré.

« L’indétermination constitue le facteur dominant et ce, depuis l’origine.

Ce sont, en effet, les notions d’apostolat, de qualités de coeur, d’amour des êtres, de vocation, de don de soi et de service à autrui qui furent fondatrices de la profession. Le processus de formation était alors conçu autour de la personnalité qu’il fallait façonner. C’est bien plus une culture professionnelle qui était transmise que des connaissances techniques quelconques. Cette technicité va émerger au début des années 50 avec le développement du « Case-work » théorie psycho-sociale qui propose tout un savoir-faire avec des règles bien précises. Mais cette méthodologie d’inspiration psychanalytique fait dépendre le résultat de l’intervention du seul art clinicien du professionnel. »15 Développée en premier lieu aux Etats-Unis, la notion d’aide sociale individualisée ou « case-work » est une forme d’aide qui permet de travailler au cas par cas dans le but d’assurer la mise en place de programmes d’aide individuelle ainsi que d’encourager l’autonomisation de la personne. Toutefois, alors que l’aide psychosociale individualisée aurait dû engendrer une pratique encourageant l’objectivité de l’AS, elle renforce, au contraire, l’indétermination des acteurs de la profession16 en accentuant le rôle de la relation intersubjective et fait naître, de ce fait, une forme de dichotomie entre la façon qu’ont collaborateurs et supérieurs hiérarchiques d’aborder la question de la relation d’aide. Ainsi, les valeurs inhérentes au métier d’AS se révèlent en inadéquation avec le sentiment d’appartenance institutionnelle intimement lié aux professions nécessitant une fonction d’encadrement.

Ainsi, et tel que décrit par Aline Fino-Dhers, le service social est, au fil du temps, passé d’un système créé par des initiatives privées à un système financé et contrôlé par l’Etat. De ce fait, sont nées des valeurs telles que l’efficacité, la rationalité, de même que le respect de nouvelles normes administratives et financières. Enfin de 1980 à aujourd’hui on assiste à une réorganisation des services publics, une division ainsi qu’à une hiérarchisation des métiers du social avec l’intégration de divers niveaux de formation, à de nouveaux modèles et outils de travail ainsi qu’à une spécialisation des services sociaux selon la population, la problématique ou les prestations. Par ailleurs, le mandat de prestations confié aux différents services sociaux valaisans est orienté et contrôlé, depuis le 1er janvier 1994, par le Service de l’Action Sociale (SAS) qui, de par sa mission, s’assure de la bonne application des lois édictées par le canton ainsi que de définir des objectifs clairs de même que des priorités d’action.17 L’AS qui, aux prémices de la profession, jouissait d’une certaine forme de liberté se retrouve donc contraint de diriger sa pratique selon les prescriptions de l’Etat et ce même si ces dernières vont à l’encontre de ses valeurs.

Ainsi, il m’est bien souvent arrivé de voir des collègues adopter une certaine posture ou diriger leurs actions d’une certaine manière, non pas parce qu’ils pensaient que c’était la meilleure chose à faire, mais simplement parce que le protocole désignait ceci comme étant « juste ». Bien qu’il bénéficie tout de même d’une potentielle marge de manoeuvre dans la mesure où il se doit d’argumenter et de défendre ses opinions auprès de la hiérarchie, la décision finale concernant l’orientation de l’action revient désormais à cette dernière et non plus au praticien de la relation d’aide seul. En ce sens, l’AS doit parfois se résoudre à emprunter une direction différente de ce qu’il aurait souhaité et doit donc « contrôler ses émotions pour atteindre les buts de l’organisation »18, ce qui peut être associé à la pratique d’un travail émotionnellement exigeant. Couplé à une faible latitude décisionnelle ainsi qu’à un soutien social moindre et, plus particulièrement lorsqu’il s’agit du soutien d’estime, ce dernier engendre le risque que ses praticiens développent une détresse psychologique ou des symptômes dépressifs davantage élevé.

Le soutien d’estime et le sentiment de reconnaissance

L’identité, contrairement à la personnalité, étant en perpétuelle mouvance, nécessite de se trouver continuellement confirmée. Ainsi, l’identité ne résulte jamais de l’individu lui-même mais dépend de façon importante du regard d’autrui. En effet, cette dernière se construit, en premier lieu, dans le cadre de la sphère privée (socialisation primaire) avec la recherche de l’amour de ses proches et se poursuit dans le cadre des sphères sociale et professionnelle (socialisation secondaire) autour de la reconnaissance témoignée par autrui. En somme, la quête identitaire et donc, par extension, la construction de la santé mentale, passe par la fonction qu’occupe le travailleur mais, également, par la façon dont il est considéré dans le cadre de ses fonctions, ce qui englobe, notamment, le degré de reconnaissance dont il bénéficie dans le cadre de son activité.45 Lorsque l’on parle de soutien d’estime, nous faisons référence à la reconnaissance témoignée, d’une part par les collègues et, d’autre part, et celle sur laquelle nous nous pencherons plus précisément, par les supérieurs hiérarchiques à l’égard des compétences de l’individu ainsi que du travail qu’il fournit. Cette forme de reconnaissance se révèle extrêmement importante pour l’équilibre psychologique de ce dernier dans la mesure où elle contribue à le rassurer ainsi qu’à accroître sa confiance en lui et, d’autant plus, lorsque les exigences de travail se trouvent au-delà de ses ressources et capacités, tel que nous pouvons l’observer dans le cadre de travaux émotionnellement exigeants.46

Comme mentionné précédemment, la conquête de l’identité passe, en grande partie, par l’accomplissement de soi au sein de la sphère professionnelle avec une recherche de reconnaissance par l’individu. En effet, les approches psychodynamiques mettent en avant le fait que, puisqu’il fournit travail et compétences à l’organisation qui l’emploie, l’individu attend une compensation de la part de cette dernière. Compensation qui se traduit par la rétribution symbolique qu’est le témoignage de la reconnaissance indispensable à la construction identitaire ainsi qu’à la santé mentale du travailleur. A contrario, un manque de reconnaissance favorise indéniablement une forme de souffrance psychique dans la mesure où, dans un tel cas, le travailleur n’entrevoit pas de reconnaissance de son identité singulière et ne peut, de ce fait, s’épanouir pleinement au travers de ses caractéristiques individuelles, vecteur essentiel du plaisir au travail.47 Ainsi, toujours selon l’enquête statistique québécoise sur les conditions de travail et comme nous pouvons le constater dans le tableau des résultats reportés ci-dessous, tout comme un faible degré de latitude décisionnelle, un degré de soutien d’estime moindre influence fortement la « prévalence d’une détresse psychologique ou de symptôme dépressifs. »48

Dans le cas des AS, qui aux prémices de la profession dirigeait leurs interventions de manière plus personnelle et autonome, s’adaptant ainsi de façon différente à chaque cas, la complexification des procédures ainsi que la politisation des prescriptions ont eu pour effet d’induire des cadres d’action contradictoires, car en opposition avec les valeurs premières de l’aide sociale individualisée, au sein desquels les professionnels peinent à évoluer dans la mesure où ils éprouvent le sentiment de devoir s’atteler à des missions peu claires, dénuées de soutien hiérarchique et de reconnaissance institutionnelle. En effet, et tel que j’en ai souvent été témoin, les AS éprouvent un certain sentiment d’inconfort à l’égard de certaines situations dans la mesure où ils sont parfois contraints de mener une intervention selon les directives imposées alors qu’elle aurait nécessité la mise en place d’actions totalement différentes afin de parvenir aux objectifs fixés en accord avec le demandeur d’aide, ce qui s’apparente, selon certains d’entre eux, à un déni pur et simple de leurs compétences. Cependant, c’est seuls, sans aucun soutien de leurs supérieurs, qu’ils doivent, face à leurs bénéficiaires, assumer et justifier des décisions qui n’émanent pas d’eux-mêmes. Pour Bertrand Ravon, professeur de sociologie à l’Université de Lyon, il s’agit là d’une « épreuve de professionnalité » dans laquelle le travailleur peut aller jusqu’à « l’épuisement professionnel, de même qu’à la perte du sens de son métier. »49

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Table des matières

1 Résumé
2 Mots-clés
3 Motivations
4 Introduction
5 Cadre théorique
5.1 Choix des concepts
5.2 L’aide sociale : historique et contexte institutionnel
5.3 Le travail émotionnellement exigeant
5.4 La latitude décisionnelle au travail
5.5 Le soutien d’estime et le sentiment de reconnaissance
5.6 Identité et santé mentale
5.7 La Souffrance au travail
5.8 Le stress et l’épuisement professionnel
5.9 Modèle transactionnel du stress et mécanismes de défenses / « coping »
5.10 Synthèse
6 Question de recherche et hypothèses
7 Objectifs
8 Méthodologie
8.1 Choix de la méthode de récolte de données
8.2 Choix du terrain et population cible
8.3 Ethique et confidentialité
8.4 Limites de recherche
9 Analyse
9.1 Introduction à l’analyse
9.2 Facteur 1 : travail émotionnellement exigeant
9.3 Facteur 2 : latitude décisionnelle/autonomie faible
9.4 Facteur 3 : manque de soutien d’estime/reconnaissance
9.5 Facteur 4 : identité négative
9.6 Facteur 5 : dynamique de santé mentale négative
9.7 Facteur 6 : transactions inadaptées
9.8 Synthèse
10 Vérification des hypothèses
11 Réponse à la question de recherche
12 Evaluation des
13 Perspectives d’avenir et pistes d’action
14 Positionnements
14.1 Positionnement professionnel
14.2 Positionnement personnel
15 Conclusion
16 Bibliographie
16.1 Livres
16.2 Livres électroniques
16.3 Articles et revues
16.4 Cyberographie
16.4.1 Documents
16.4.2 Images
16.5 Etudes et rapports
16.6 Travaux de Bachelor et thèses
16.7 Notes de cours HES-SO
17 Annexes
17.1 Album de photolangage
17.2 Cyberographie : album de photolangage
17.3 Déclaration de confidentialité

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