Le soutien social dans la transition dans sa fonction instrumentale
Introduction
« Et la notion de transition qu’en penses-tu ? ». Voici la première question qui a lancé notre choix de thème de mémoire professionnel. Une question assez vague mais qui étrangement semblait familière car nous sentions que, nous-mêmes, nous étions en pleine transition. Après tout, en tant qu’étudiant en formation, de nombreuses choses semblaient nouvelles et l’univers dans lequel nous avons été projetés en début de stage semblait, bien des fois, très peu familier et même effrayant. Selon Zittoun et Perret-Clermont (2001) : « la notion de transition inclut deux idées : d’un côté, que la personne vit une forme de « rupture » avec une forme de vie antérieure ; de l’autre, que la personne est nécessairement « en changement » pour s’adapter à de nouvelles conditions » (p 1). Si l’être humain doit faire face à de nombreuses transitions au cours de sa vie, pour les élèves, le passage de l’école obligatoire au post-obligatoire est une transition charnière pour leur avenir professionnel qui peut s’avérer être une expérience difficile et se doit, de ce fait, d’être accompagnée au mieux. En effet, il faut bien avoir en tête qu’en un court laps de temps, ces jeunes élèves doivent faire face, entre autres, à d’importants changements dans leur environnement scolaire que ce soit au gymnase, en école professionnelle ou autres filières de raccordement et le tout en parallèle à de nombreux changements personnels durant l’adolescence. Si de plus en plus de mesures sont mises en place pour l’accompagnement des élèves du secondaire 1 dans leur choix d’avenir, qu’en est-il une fois ce choix fait ? Que se passe-t-il une fois que les élèves passent de l’autre côté ? Quelles sont les mesures mises en place ou qui peuvent être mises en place par une école professionnelle et à quel point sont-elles visibles ou connues des élèves ? En tant qu’enseignants du post-obligatoire, ce travail semblait être l’occasion parfaite de mieux comprendre les enjeux de cette transition une fois que les élèves « passent de notre côté » et cela à travers les diverses mesures mises en place, pour être capable d’aider les élèves à mieux vivre cette étape essentielle de leur vie. Pour ce qui est du terrain de recherche, le choix du contexte de l’école professionnelle s’est naturellement imposé étant donné que l’un d’entre nous y enseigne déjà la culture générale. Etant tous deux issus de formations gymnasiales, se concentrer sur une école professionnelle était l’occasion d’approfondir nos connaissances de son système complexe. En effet, l’école professionnelle présente la particularité d’être une transition à double dimension. D’abord, les jeunes se retrouvent avec leurs pairs dans un cadre scolaire différent de l’école obligatoire. Ensuite, ils fréquentent le monde professionnel et des adultes au niveau de leur place d’apprentissage tout en continuant de fréquenter l’école, un ou deux jours par semaine.
La transition, quels peuvent être les enjeux ?
En Suisse, la fin de la scolarité obligatoire ouvre plusieurs voies parmi lesquelles les élèves doivent faire un choix qui peut s’avérer difficile, afin de préparer un projet d’avenir et de construire un parcours de qualifications. Ils doivent répondre, entre autres, aux attentes du marché de l’emploi. De ce fait, le passage de l’école obligatoire à une formation postobligatoire est une transition très importante que nos élèves sont amenés à vivre et que nous avons nous-mêmes vécue. D’où l’intérêt qu’il suscite auprès de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique.Comme toute transition, le passage du secondaire I au secondaire II se doit d’être fait dans les meilleures conditions possibles à cause des nombreux bouleversements et changements qui en découlent. Mais cette transition est d’autant plus charnière qu’elle a normalement lieu durant l’adolescence, période durant laquelle le jeune construit son identité. Selon Zittoun et Perret-Clermont (2001), la transition est l’occasion d’«une redéfinition de soi et d’un repositionnement dans l’espace social » qui requiert l’acquisition de nouvelles compétences cognitives mais également de nouvelles compétences sociales liées au langage et aux nouvelles normes auxquelles les jeunes doivent faire face. Et cela, d’autant plus en apprentissage où les jeunes doivent faire face au monde du travail tout en continuant leur scolarité un ou deux jours par semaine en école professionnelle pour la formation duale. Comme mentionné auparavant, cette transition est sensible parce qu’elle a lieu pendant une période de grande vulnérabilité comportant plusieurs risques qui, selon Häfeli (2007), peuvent « peser sur l’évolution personnelle et professionnelle des jeunes ». A ce sujet, il cite plusieurs risques identifiés dans plusieurs enquêtes qui peuvent limiter la réussite, à savoir principalement, les « capacités cognitives faibles », le « manque d’habilité manuelle », la « faible estime de soi », la « motivation insuffisante », la « mauvaise santé psychique », la « mauvaise santé physique », l’ « addiction notable (tabac, alcool, stupéfiants, etc) », la « mauvaise relation affective avec les parents ». Parmi ces risques, certains sonnent particulièrement familiers à une oreille d’enseignant, étant donné qu’ils sont très souvent vécus en classe : « motivation insuffisante », « capacités cognitives faibles » ou encore une « faible estime de soi » (Häfeli, 2007). Ces risques peuvent avoir un impact négatif sur la transition d’où la mise en place, ces dernières années, de nombreux dispositifs pour aider à la transition.
Les offres de formation transitoires dans le canton de Vaud
Pour aider l’entrée dans les voies du secondaire II, les autorités compétentes ont mis en place,ces dernières années, de nombreuses solutions de transition pour pallier aux difficultés des jeunes à y accéder directement (Behrens, 2007). Dans le canton de Vaud, ces filières de transition sont au nombre de quatre : l’OPTI1, le Semo2, le COFOP3 et les préapprentissages. Ces dispositifs seraient en place pour jouer le rôle de « tampon systématique » (Behrens, 2007) ou encore de « salles d’attente » (Meyer, 2006) selon la conjoncture ou encore pour combler des lacunes scolaires. Cependant, ce qui semble plus inquiétant est le fait que même, quand les places d’apprentissages augmentent, le nombre d’élèves dans des structures de transition ne diminue pas pour autant. (Behrens, 2007). Mais, ces structures ne sont pas uniquement fréquentées par des élèves qui n’ont pas réussi à trouver une place d’apprentissage, et donc une place à l’école professionnelle. En effet, un élève en rupture d’apprentissage peut également y retourner pour une remise à niveau lors de semestre de motivation, s’il n’arrive pas à retrouver une place d’apprentissage dans les délais impartis.Bien que datant de plus de six ans maintenant, l’enquête « choix 2010 » a révélé qu’un élève sur cinq, ayant terminé sa scolarité obligatoire, continue sa formation en filière de transition, dont 68,1% à l’OPTI, 15,7% en préapprentissage et 13,2% en Semestre de motivation (Statistique Vaud, 2011). Ainsi, le pourcentage élevé de jeunes ayant recours à des mesures de transition semble révélateur de la difficulté même de cette transition. Il est important de noter que les chiffres donnés correspondent à la situation avant l’entrée à l’école professionnelle. Toutefois, il serait réducteur de penser qu’une fois l’admission en première année prononcée, les élèves n’ont pas besoin de soutien dans leur transition et cela même s’ils sont passés par ces filières d’aide. Dès lors, la nature de ce soutien nous interpelle et que nous tâcherons de déterminer dans ce travail.
« Transition-Nahstelle », un projet de la CDIP pour la transition
Exemple de l’intérêt croissant pour le passage de l’école obligatoire au secondaire II, « Transition-Nahstelle » est un projet qui a été lancé par la CDIP entre 2006 et 2010 en collaboration avec les organisations du monde du travail et la Confédération. Ce projet avait pour base des lignes directrices validées lors de l’assemblée annuelle de la CDIP pour garantir que tous les partenaires de formation agissent « de concert dans ce domaine » (CDIP, 2006). Ainsi, l’un des principaux objectifs avait pour but d’augmenter le pourcentage de diplômés du secondaire II à 95% d’ici 2015 (CDIP, 2006), de veiller à une meilleure transition entre l’école obligatoire et le post-obligatoire, pendant et après la phase de transition et ceci dans le secondaire I comme dans le secondaire II (CDIP, 2006) , mais aussi en formant les enseignants à « répondre aux exigences spécifiques de la formation » ( CDIP,2006) en veillant à ce que, dans leur formation initiale ou continue, ces enseignants acquièrent les compétences nécessaires pour aider les jeunes en transition.A l’aboutissement du projet, une liste de recommandations a été émise par la CDIP,soulignant, entre autres, l’importance de la collaboration de l’école avec les parents pour le partage des responsabilités lors du passage du secondaire I au secondaire II, mais également l’importance de la collaboration entre l’école obligatoire et le post-obligatoire (CDIP, 2011)
Quel rôle l’école peut-elle jouer dans la transition ?
En tant qu’enseignants, il nous semble évident que l’école joue un rôle important dans la transition des élèves, tout comme les parents, l’entourage et l’environnement. Mais quelle est la nature de ce rôle et quelles en sont les limites ?Selon Philibert et Wiel (2002), l’école a pour fonction d’enseigner, de former mais aussi d’accompagner et c’est cette dernière fonction qui nous intéresse dans le cadre de la transition de par sa complexité, surtout pour de nouveaux enseignants qui se retrouvent dans une posture moins familière que celle où ils enseignent. Ce qui, peut-être, rend cette fonction plus difficile que les autres c’est que la fonction d’accompagnement est « ‘une structure vide’, où la visée, les décisions, le rythme seront ceux de l’adolescent » (Philibert et Wiel, 2002, p. 76) et bien qu’il y ait une structure de départ, c’est au fur et à mesure du projet d’accompagnement que se dessine plus clairement la destination : « dans la pratique d’accompagnement, chacun sait d’où il part, mais il ne sait pas où il va. » (Philibert et Wiel, 2002, p. 76). Mais en quoi peut consister l’accompagnement des élèves à l’école ? Toujours selon Philibert et Wiel(2002), accompagner un adolescent, c’est d’abord être à son écoute, lui permettre de clarifier la situation dans laquelle il se trouve en l’aidant à prendre de la distance, l’aider à percevoir tous les « possibles » en lui offrant des informations suffisantes mais aussi lui permettre de prendre ses propres décisions et de faire ses choix librement. Ce qu’il est important de noter, c’est que le travail d’accompagnement demande de la « distance et de l’extériorité » (p. 97), chose que les parents ne peuvent faire, d’où l’importance du rôle de l’école dans l’accompagnement.
Le soutien affectif et le soutien instrumental
S’il est clair que les jeunes en transition ont besoin d’être accompagnés dans leur nouvel environnement, les formes de soutien qui peuvent être apportées sont variées. Ainsi, on peut noter le soutien affectif qui, selon Bourdon et al (2012) prend principalement la forme d’encouragements obtenus « sans avoir été demandés » (p. 107) ou encore de conseils venant de personnes ayant « une expertise reconnue » (p. 108). Mais si le soutien affectif est plus du ressort de l’entourage proche (famille, amis), le soutien instrumental est une forme de soutien que les établissements scolaires peuvent prodiguer. En effet, le soutien instrumental est « une forme d’aide à l’accomplissement de certaines tâches concrètes, comme le soutien aux démarches administratives qui est offert par le personnel scolaire » (p. 112). Dans son étude sur le soutien, Bourdon et al (2012), note également ce qu’il appelle « l’envers du soutien » qui s’apparente à des insatisfactions, voire des déceptions « d’attente de soutien non comblées » (p. 117). Selon lui, les jeunes sont principalement déçus par l’aide professionnelle donnée dans les établissements scolaires (conseillers d’orientation et enseignants) et particulièrement au niveau de leur ouverture et de leur disponibilité. Ainsi, dans le cadre de notre travail, en l’occurrence, l’école professionnelle, nous nous concentrerons sur le soutien des professionnels de l’école professionnelle (personnels enseignants, infirmiers scolaires, médiateur et direction). Par conséquent, il importe d’analyser comment les jeunes perçoivent ce soutien que les professionnels peuvent apporter pour accompagner la transition.
Le soutien social de la transition dans sa fonction instrumentale
Les différents entretiens semi dirigés ont révélé un apport de la part des professionnels dans l’accompagnement de la transition qui peut prendre la forme d’initiatives personnelles, de démarches administratives liées à leur cahier de charge ou encore d’événements organisés par l’établissement pour venir combler un besoin ressenti.Ainsi, par exemple, la doyenne se sent responsable de l’aiguillage des élèves et de la transmission d’informations qui pourraient leur être utiles dans le cadre de leur transition et cela en dehors du cadre de l’école :Moi, je leur donne des indications qui portent sur d’autres mesures qu’ils pourraient suivre : appuis apprenti, coach dans certaines situations, CV agir etc…Je les aiguille sur d’autres mesures d’appui qui existent en dehors de l’école. (Doyenne, p. 34) Le conseiller aux apprentis, quant à lui, agit une fois qu’une rupture de contrat d’apprentissage a lieu et se charge des mesures qui suivent pour s’assurer que l’élève pourra retrouver une voie qui lui convient :Notre rôle, c’est de collaborer avec la transition, les mesures de transition, les guichets de transition pour par exemple faire des demandes de bilan pour des jeunes qui seraient en rupture d’apprentissage.Et puis, s’ils n’ont pas de place, c’est aussi l’occasion pour moi pour pouvoir les pré- inscrire pour aller dans un semestre de motivation ou retourner à l’OPTI si le délai n’est pas dépassé. (Conseiller aux apprentis, p. 39)De même, sous l’égide du Vice-Directeur et dans une perspective d’aide plus générale aux jeunes en fin de scolarité obligatoire, une « nuit des apprentissages » a été créée pour simplifier les démarches de recherches d’apprentissage et orienter les élèves ainsi que leurs parents, faisant ainsi de l’école un intermédiaire entre les jeunes et le monde professionnel : La nuit de l’apprentissage s’est tenue une seule fois jusqu’à présent. Les intéressés ont 10 minutes pour convaincre le futur formateur. Les métiers sont répartis par étage et par 20 patrons qui ont chacun sa table, une sorte de stand. Les parents arrivent et le patron formule son vœu de prendre deux ou trois apprentis. Ils ont la liste de tous les patrons qui cherchent des apprentis. Ça, ce sont des portes ouvertes utiles. Nous, on accueille les patrons, les apprentis et leurs parents. (Vice-directeur, p. 30) Pour ce qui en est des jeunes, si selon eux ils n’ont pas reçu suffisamment de soutien au secondaire I, ils semblent cependant clairement savoir à qui s’adresser au niveau de l’école professionnelle s’ils ont besoin d’informations ou de soutien. En effet, à la question de savoir ; savez-vous à qui vous adresser à l’école si vous avez des soucis ? Ils ont répondu tous affirmativement en désignant à plusieurs reprises la doyenne, les infirmières et quelquefois les médiateurs.
Le caractère transversal du soutien
Le soutien social apporté par les professionnels dans sa conception instrumentale répond à un objectif de sécurisation des jeunes exposés aux facteurs de risque inhérents à la transition. De ce fait, pour faire face aux défis transitionnels, les accompagnants mettent en œuvre des pratiques qui concernent plusieurs aspects du nouvel environnement, sans pour autant se concerter et sans avoir une ‘politique officielle’ pour agir sur la transition au sein de l’école. Cependant, de la santé du jeune en passant par ses aptitudes scolaires et ses compétences en matière de socialisation, les ressources fournies intègrent plusieurs aspects externes et internes de l’apprenant. La population qui fréquente l’école professionnelle se retrouve avec plusieurs interlocuteurs, à savoir les enseignants des branches techniques, les enseignants des branches générales, le personnel parascolaire, les pairs et le maître d’apprentissage. Par conséquent, tout soutien doit servir à trouver une harmonie entre ces différents acteurs du cadre transitionnel. L’univers complexe et multidimensionnel dans lequel le jeune apprenti se retrouve, devrait amener l’institution à fournir divers soutiens pour s’adapter à son environnement, s’y développer et s’y épanouir sur le plan intellectuel, professionnel et social.Le caractère transversal du soutien n’exclut pas la complémentarité, et l’activation de l’un ouvre généralement des passerelles vers l’autre. Ainsi, les infirmières apportent leur soutien qui contribue à améliorer la situation scolaire de l’élève sachant que « le problème de santé peut expliquer le problème à l’école » (Infirmière 2, p. 47) et orientent également les élèves vers les personnes compétentes lorsqu’il s’agit de problèmes au niveau didactique, organisationnel ou encore pédagogique. Ainsi, comme le dit une des infirmières : « De notre part, ce sera pas un rôle pédagogique de donner des outils ou une méthodologie de travail. Par contre, ce sera de l’aider à récupérer. De prioriser les problèmes et après ça aura un impact sur la scolarité. On va l’orienter vers des personnes compétentes au niveau pédagogique. » (Infirmière 2, p. 47)Si la réorientation vers d’autres personnes compétentes est un exemple de soutien très récurrent dans les divers entretiens menés, aborder des sujets concrets dès le début de l’année avec les élèves, tels que l’analyse de leur contrat d’apprentissage, apporte un soutien que le jeune peut mettre à profit pour faire face aux difficultés de son nouvel environnement professionnel. L’enseignante de première année en fait même un outil pour diagnostiquer certains problèmes liés à la transition. Ainsi, à la question « A quel moment de l’année déterminez-vous si un élève éprouve des difficultés suite à la transition ? », l’enseignante répond : « Parfois dès le départ, quand on discute les conditions de travail. Le contrat est un point focal » (Professeure, p. 43)
La conscience partagée du remaniement
Remaniement ou changement, quelque soit le vocable employé, les divers entretiens ont montré une conscience partagée, aussi bien des sujets que des accompagnants, des transformations découlant de la dynamique de transition. Les apprentis coiffeurs partagent l’idée que l’école professionnelle leur permet de vivre une rupture avec leur passé d’élève parfois peu scolaire. Ainsi, l’entrée en apprentissage signifie tourner le dos à des formes de valorisation de l’effort cognitif sur la base duquel ils ont souvent été jugés et disqualifiés négativement jusqu’à présent, mais elle signifie également la prise de conscience que leur présence à l’école professionnelle est un choix qu’ils ont fait et que, de ce fait, il est attendu d’eux, comme le dit l’enseignante de première année, que : « l’attitude diffère de l’attitude qu’ils pouvaient avoir à l’école obligatoire. Ici, ils sont par choix, mais pas par, et moins par obligation. » (p. 41) Ce choix, les élèves en sont bien conscients et le voient souvent comme libérateur. Ainsi, à la question de savoir quel conseil donneriez-vous à un élève du secondaire 1 avant de commencer un apprentissage, la réponse tombe de façon cinglante : « quitter le plus vite possible le secondaire 1. » Cela rejoint ce que Zittoun et Perret-Clermont appellent : « entrer en apprentissage pour pouvoir définitivement “en finir“ avec l’école » (p. 7). De plus, lors de l’entretien du groupe d’élèves, il nous a semblé que les réponses tranchantes de ces apprentis coiffeurs, par rapport à l’école obligatoire, devaient parfois être comprises comme une demande de changement identitaire revendiqué. Cette rupture recherchée présente l’avantage de pouvoir négocier efficacement avec le remaniement identitaire pendant cette période de transition à l’école professionnelle. De même, les enjeux de la formation professionnelle peuvent être une clé de lecture de ce remaniement revendiqué par tous les sujets interrogés lors du focus-groupe. Une jeune cite en terme de « vie future,métier » pour expliquer ce désir de rupture.
L’impact des aptitudes psychosociales
Dans la plupart des entretiens, il est apparu que certaines caractéristiques psychosociales ont une incidence dans les transitions des jeunes à l’école professionnelle. De même, certains auteurs ont montré l’influence favorable de l’estime de soi (Lane & Kyprianou, 2004), du sentiment d’auto-efficacité (Chemers, Hu & Garcia, 2001 ; Hampton & Mason, 2003 ; Voelkl, Finn & Frone, 2001) sur les performances académiques. En l’espèce, le bien-être, la confiance en soi et la motivation sont des variables de la personnalité revêtant un pouvoir prédictif sur l’optimisation de la transition. L’impact de ces aptitudes individuelles sur la réussite de transition peut être interprété sous plusieurs angles selon la position de l’accompagnateur. Le vice-directeur et les infirmières retiennent ces caractéristiques psychosociales dans le sens du développement individuel de l’apprenant en évoquant le bien-être et le sentiment de confiance en soi comme éléments clés d’une transition réussie. Pour la professeure de première année, ces variables psychosociales sont grandement influencées par l’accompagnant qui doit leur attribuer une valeur positive. Autrement dit, la reconnaissance sociale ou l’amour d’autrui (personne-ressource) contribue nécessairement à améliorer ces caractéristiques psychosociales : « Pour moi, le but c’est que les élèves viennent vraiment avec plaisir aux cours de culture générale (CG). Qu’ils aient l’impressiond’apprendre quelque chose, de découvrir quelque chose, essayer de les sortir de leur traumatisme scolaire. Pour moi, ça c’est l’important surtout pour ceux qui ont le plus de difficultés. »(p. 43) Ainsi, selon elle, il est important que les enseignants puissent aider les élèves à surmonter leur peur de l’école et à se sentir capable de faire ce qu’on leur demande : « J’essaie aussi de faire en sorte de leur faire des tests qui sont à leur portée. Surtout au début, mes exigences vont en croissant. Mais au début, j’essaie vraiment de bien leur expliquer ce que j’attends d’eux et je leur demande des choses qui sont tout à fait de leur portée. » (Professeure, p. 43) Toujours est-il que la perception positive que les jeunes ont au bout de sept mois à l’école professionnelle conforte l’idée établie de l’importance de l’estime de soi, de la motivation, de la confiance en soi et il semblerait que tous les acteurs de la transition en soient conscients, d’où certainement la réponse positive et en chœur des jeunes interrogés sur leur sentiment de nbien-être à l’école professionnelle après sept mois de fréquentation.
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Table des matières
1. Introduction
2. Cadre théorique
2.1 La transition, quels peuvent être les enjeux ?
2.2 Les offres de formation transitoires dans le canton de Vaud
2.3 « Transition-Nahstelle », un projet de la CDIP pour la transition
2.4 Quel rôle l’école peut-elle jouer dans la transition
2.5 Le soutien affectif et le soutien instrumental
3. Questions de recherche
3.1 Hypothèse
4. Démarche méthodologique
4.1 La collecte des données
4.2 Population
4.3 Méthode d’analyse des données
5. Résultats
5.1 Le soutien social dans la transition dans sa fonction instrumentale
5.2 Le remaniement identitaire
5.3 Les aspects psychosociaux pour soigner la transition
6. Analyse
6.1 Le caractère transversal du soutien
6.2 La conscience partagée du remaniement
6.3 L’impact des aptitudes psychosociales
7. Discussion
7.1 Le soutien social
7.2 La transition : penser au changement identitaire
7.2.1 La personnalité
7.3 L’ajustement
7.4 La formation des enseignants
8. Conclusion
9. Bibliographie
10. Annexes
10.1 Entretien Vice-directeur
10.2 Entretien Doyenne
10.3 Entretien conseiller aux apprentis
10.4 Entretien professeure de première année
10.5 Entretien infirmières
10.6 Entretien médiateur
10.7 Entretien apprentis
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