« Le soleil dans son midy » : les valeurs spirituelles

Un recours secondaire à Marie

Vendredi 8e de septembre, jour de la Nativité N.D.1662 : si le chapitre de la province de Bretagne a lieu alors, le choix de cette date précise pour faire don du manuscrit à la communauté n’est évidemment pas anodin : la Vierge fait partie du monde de B. « Mère des Frères Mineurs », c’est à elle qu’est adressée la première prière du manuscrit.
Dans ce monde dangereux, Marie est la suprême figure de bienveillance, celle qui intercède pour tous : « elle ne rejette aucune prière sincère, Jésus ne peut rien lui refuser et, contrairement à d’autres saints, elle n’est capable d’aucune « vengeance » ». Tous les ordres religieux appellent sur eux sa protection, qui se matérialise dans l’iconographie par un grand manteau. La dimension mariale existe dans les noms de religion. Les capucins étant un ordre masculin, Marie est présente dans le choix de vingt religieux du catalogue portant un prénom double : on recense 9 François- Marie, 6 Jean-Marie, 4 Joseph-Marie, et 1 Paul-Marie.
Le culte marial prend des dimensions liturgiques, mais aussi se développe très largement dans une poésie ouverte aux non religieux, et dans une iconographie très riche. Il est d’autant plus étonnant de n’avoir dans le manuscrit aucune représentation directe de la Vierge.
Chez les franciscains, saint Bonaventure a développé les recommandations d’amour et de dévotion à la mère du Christ. Au XVIIe siècle, on lui attribue le Psautier de la Vierge, qui comprend 150 psaumes à l’imitation de ceux de l’Ancien Testament, et largement vulgarisé comme celui traduit en 1658 par le jésuite Laurent Chiflet. La « dévote prière » adressée à Marie par Balthazar est relativement longue, puisqu’elle comporte treize quatrains appelant la bienveillance de la mère de Dieu sur l’ordre des capucins. Elle est dans sa forme proche des litanies de la Vierge, prières très répandues alors, sans en reprendre toutefois toutes les images. Un article de Françoise Baron fait dans un livre récent le point sur les litanies et leur traduction iconographique. Il s’agit à l’origine d’une forme de prière alternant invocations et répons, héritée de l’Orient et passée dans le culte occidental dès le VIe siècle, sous forme première de litanies des saints. Cette prière est encore aujourd’hui en usage dans les églises d’Orient sous le nom d’ « hymne acathiste ». Codifiée puis approuvée en Occident par Clément VIII, en 1576, elle est à l’époque de Balthazar connue sous le nom de « litanies de Lorette », car chantée par les pèlerins qui se rendaient alors dans la ville italienne. Cette prière, nourrie de références issues de l’Ancien Testament (Cantique des cantiques, Livre de la Sagesse), glorifie la Vierge Marie en célébrant ses perfections, au nombre de quinze.
Nombre de ces comparaisons sont abondamment illustrées par saint Bernard dès le XIIe siècle, et figurent dans des éditions de ses écrits répandues au XVIIe siècle.Un retable datant de la même époque, dans la cathédrale de Bayeux, les résume : on y retrouve le soleil, la lune, l’étoile de la mer, la porte du ciel, le lys entre les épines, le buisson de roses , la Tour de David, la tige de Jessé, le puits d’eau vive ou le miroir sans tache.
Parmi les symboles employés, Balthazar reprend surtout ceux ayant trait à la lumière ( Eclairenous, ô lumière du ciel ) avec notamment les images du soleil(O beau soleil, très clair & lumineux) et de l’étoile (Marie tu es l ‘estoile de la mer). Dans une société où la dimension maritime est importante, il est logique que Balthazar reprenne cette image dans sa double dimension, réaliste et symbolique : les franciscains encouragent le culte de la Vierge sur les rivages bretons (Notre-Dame des Anges, Notre-Dame du Bon Secours), la Vierge se trouve quelquefois représentée sur des cartes marines, comme cette carte portugaise datant de 1632.
Il s’agit, chez Martial de Brive, de litanies qui présentent une grande ferveur comme il peut s’en trouver chez d’autres poètes n’appartenant pas au milieu religieux. Indépendamment des litanies qui sont extrêmement usitées alors, Marie fait l’objet d’un culte tel que des confréries mariales organisent des concours en son honneur : c’est ainsi le cas, à Rouen, du Puy des Palinods, qui se déroule depuis 1486, chaque dimanche suivant le 8 décembre, jour de la conception de la Vierge : les prix en sont la palme, la fleur de lys, l’étoile et la rose. Après les guerres de religion, le concours est rétabli, à des fins de concorde, par Claude Groulard, huguenot et premier président du Parlement. Il a lieu dans la cour du couvent des Carmes. En 1607, Jean Auvray remporte la palme du chant royal en l’honneur de Marie, qui reste toute sa vie sa grande inspiratrice, figure stable à la totale intégrité matérielle et spirituelle dans un monde en proie aux tribulations : elle y est tour à tour le cube ferme en la rondeur mobile, le chemin ferme au fond de l’eau mouvante, l’entier palais dans le brazier du monde, l’arbre immobile au milieu de l’orage . Balthazar, d’origine normande, en a-t-il eu connaissance ?
Les images visuelles, également, sont valorisées pour leur vertu pédagogique. La vingt-cinquième session du concile de Trente l’a formalisé en 1563 : on doit avoir et conserver principalement dans les églises les images de Jésus-Christ, de la Vierge Mère de Dieu et des autres saints, et il faut leur rendre l’honneur et la vénération qui leur est due : non certes qu’il y ait en elle quelque divinité ou quelque vertu justifiant ce culte ou qu’il faille leur demander quelque chose ou arrêter sur elles notre confiance (vel quod fiducia in imaginibus sit figenda) comme faisaient autrefois les païens qui mettaient leur espérance dans des idoles (Ps CXIII, 8;CXXXIV, 18) ; mais parce que l’honneur qu’on leur rend est reporté aux prototypes qu’elles représentent. Les retables bretons étudiés par Victor-Lucien Tapié recensent 743 représentations de la personne divine, et 679 de Marie. Les XVIe et XVIIe siècles voient se multiplier les images de la Vierge, au point qu’un jésuite allemand, Wilhem Gumpenberg, entreprend en 1657 une tentative de recensement exhaustif et de classement des images de la Vierge dans un vaste ouvrage, l’ Atlas Marianus.

Un mouvement puissant

Un terrain favorable

Bien évidemment, l’ordre des capucins s’inscrit dans une puissante généalogie : c’est pourquoi le manuscrit s’adresse Au Grand & Glorieux Sainct Francois, genereux port-enseigne de Iesus-Christ, chef, père, et patriarche des vrays et legitimes Freres Mineurs Capucins… et à ses successeurs legitimes, les RR Peres Provincial & Deffiniteurs de la Seraphicque Province de Bretagne.De la même manière que le Dieu de l’Ancien Testament au patriarche Abraham, le Christ a donné à saint François des Enfans en si grand nombre, qu’il semble surpasser celuy des estoilles du Ciel. Comme l’Esprit a voulu que soient cités les noms des patriarches, alors même qu’ils n’étaient que les précurseurs, B. présente à saint François la liste de ses descendants, es personnes des RR tres zeles & amoureux Pasteurs de cette vostre bergerie &Province Brittanicque, où ils tiennent votre place par succession & eslection legitime et canonicque. Dans une société qui sort tout juste des guerres de religion, et en proie aux guerres extérieures ou à la Fronde, dont B. se fait par ailleurs l’écho, la dimension militaire du texte est indéniablement présente : sur deux pages ayant trait à des valeurs spirituelles, on note les termes de porte-enseigne, capitaine, armée, milice, étendard, soldat, lieutenant, regiment, combattre, remparts, lice. B. est l’un des soldats de cette armée qu’il ne veut pas déserter, et que le père Joseph, ancien soldat et capucin lui-même, compare à une armée d’aigles : Si les vrais frères mineurs, qui portent en leur habit la couleur et l’apreté de l’aigle, grisatre et mal peignée, savent conserver la royauté et la prééminence de leur vie spirituelle, alors ils seront dans leurs beaux jours ; les hommes couverts de sacs tiendront lors la pointe dans cette belle troupe d’aigles, ils s’étendront d’un col hardi à prêcher la gloire de Dieu hors de la solitude, parmi les ennemis les plus farouches ; à la facon de l’aigle, oiseau royal, ils porteront en la bouche le foudre flamboyant, comme il est dit, sur le sujet des derniers temps, de ces deux vaillants conducteurs des armées chrétiennes, le grand Elie et l’innocent Enoch . Se faire le mémorialiste de leurs hauts faits, c’est le rôle que B. s’assigne, devant saint François et ses successeurs.

Quelques éléments sur la population des couvents bretons

Le frère Balthazar consacre la moitié du manuscrit à dresser la liste des mille premiers capucins de la Province de Bretagne. Voici un extrait du premier catalogue (par ordre alphabétique) permettant de mieux appréhender le travail fait :On y voit que sont renseignées systématiquement les colonnes en indiquant un numéro d’ordre, le nom de religion, la qualité (prédicateur, prêtre, clerc, frère lai), ainsi que la date de prise d’habit.
Nous ne disposons donc pas des noms civils des frères. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1667 que des édits royaux obligent les communautés religieuses à tenir les registres de sépulture mais aussi de « vêtures, noviciats et professions. C’est pourquoi un registre de ce type, même si n’y figurent pas toutes les indications que nous souhaiterions y trouver, est particulièrement précieux. A titre indicatif, il n’est particulièrement rien resté pour la Province de Lyon au XVIIe siècle, « à part un petit cahier du noviciat de Romans pour les années 1660, et, surtout, les listes de professions enregistrées dans les Annales du couvent de Grenoble.255 » Y figurent également, quelquefois, l’âge à la date d’entrée en religion, et la date de mort si celle-ci est antérieure à celle de la confection du manuscrit. Quelquefois est nommé, pour l’honorer, une personne remarquable extérieure à l’ordre : ainsi Henri IIII, Roy de Fran[ce], amy de l’ordre, et à plus forte raison Jésus-Christ Pere de l’Ordre [est] né l’an du monde 3950 256. Dans ce cas aucun numéro n’est attribué. Par ailleurs, ce numéro figurant devant chaque nom ne s’incrémente pas sur l’ensemble, mais au sein de chaque lettre de l’alphabet : il y a 137 religieux dont le prénom commence par A, 98 par B, 104 par C, etc…A la fin de chaque rubrique, des dates postérieures à 1662, comme ci-dessous, à la fin de la lettre F, où les derniers noms inscrits sont toujours lisibles, mais d’une écriture moins régulière.

Les entrées en religion

Nous avons vu que les catalogues de B permettaient de comptabiliser 1083 frères. Cependant, il arrive (très rarement) que la date d’entrée en religion ne soit pas indiquée. C’est le cas par exemple de religieux morts au début de la période de constitution de la province, comme dans l’extrait cidessus, souvent d’origine étrangère, comme Georges267 ou Mathieu d’Hybernie268, ou de frères lais, comme Justin de Rennes269 ou Laurent de Dol270. Une fois retirés les noms des personnes sans date d’entrée, ou lorsque celle-ci est hasardeuse (graphie difficilement lisible, ce qui est exceptionnel, ou décalage dans les lignes) on obtient 1050 références complètes, qui permettent d’établir la courbe des vêtures.
Les débuts sont modestes, s’élevant pendant une dizaine d’années à moins d’une dizaine par an. Il faut cependant prendre en compte le fait que ces premiers religieux font partie d’un ensemble qui a fait profession aux tous débuts de l’implantation de l’ordre en France, et qui ne sont pas originaires de Bretagne, ni même de l’ouest de la France. C’est le cas de Raphaël d’Orléans, comme de Constance d’ Hybernie, qui est d’origine irlandaise. L’on peut supposer que les premiers couvents de la province, ceux de Nantes (1593), du Mans (1602), de Rennes (1604) hébergent dans un premier temps des frères de ce type. D’autres frères entrés en religion dans les mêmes années peuvent notamment appartenir, au moment où Balthazar établit la liste, à la Province de Touraine où ils sont demeurés après la division. La courbe commence à se relever à partir des années 1610, puis plus nettement vers 1615-1620, où le nombre de vêtures par an s’établit la plupart du temps entre 15 et 20. Sans doute peut-on lier ces vêtures à la possibilité matérielle d’assurer l’hébergement des nouveaux entrants, à savoir la construction de nouveaux couvents : cette période est celle de la fondation d’une dizaine de couvents bretons, d’Auray en 1610 à Lannion en 1624. Les creux plus ou moins marqués peuvent correspondre à des aléas sanitaires ou climatiques (peste de 1628-1632, dysenterie de 1639, famine de 1661-62271 très atténuée en Bretagne mais plus grave dans le Maine et l’Anjou). Les pointes leur succédant, par exemple en 1633-34, peuvent correspondre à une recrudescence des entrées destinées à compenser les morts des années précédentes, mais elles correspondent aussi à la construction des couvents de Landerneau et d’Hennebont en 1634. Cet élément est également perceptible par contraste, dans le tassement des entrées de 1635 à 1650 environ, où aucun nouveau couvent n’est fondé. La fondation du couvent de Quimperlé en 1653 permet peut-être une résorption des entrées des années immédiatement précédentes. L’on retrouve par ailleurs le creux des années 1652-55 constaté dans la « photo de famille » des frères vivants en 1667. Il est suivi de la pointe de 1656, que le frère Balthazar qualifie « d’année nombreuse », et où l’on arrive presque à 60 ! la fondation du couvent d’Audierne en 1657 offre alors une possibilité d’hébergement supplémentaire.
Ces frères capucins, d’où viennent-ils ? Leur nom de religion permet de déterminer leur lieu de naissance. On repère dans la liste certaines provenances lointaines très rares : Dantzig, Genève, Londres, l’Hybernie (c’est-à-dire l’Irlande). Le Sud de la France est très peu représenté (1 en Avignon, 1 en Provence). Certaines incertitudes demeurent, du fait d’homonymies pour certains lieux, mais lorsqu’elles existent, le choix a été fait de favoriser le local : on peut supposer que lorsqu’il est question de Montfort, il s’agit de Montfort-sur-Meu, dans le diocèse de Saint-Malo, et non de Montfort en Provence ou en Aquitaine. Lorsqu’on parle de Moncontour, il s’agit probablement de celui du diocèse de Saint-Brieuc, et non du Moncontour poitevin. Un frère venant de « Cambon » est sans doute, en réalité, originaire de Campbon, dans le diocèse de Nantes, etc…Cependant, pour les natifs de Chateauneuf, comment choisir entre Chateauneuf d’Ille-et- Vilaine, dans le diocèse de Saint-Malo, ou Chateauneuf-du-Faou, dans le diocèse de Quimper ? Parfois, l’homonymie n’est pas gênante : pour Saint-Jouan, qu’il s’agisse de Saint-Jouan-de-l’Isle, ou de Saint-Jouan-des-Guérets, tous deux dépendant du diocèse de Saint-Malo. Compte tenu de ces incertitudes, qui restent très marginales, on peut tout de même constater que la très grande majorité des frères sont issus de l’ouest de la France. La carte ci-après établit l’origine des mille premiers capucins (1058 exactement) sur la base des diocèses de l’ancien Régime, et, pour la Bretagne au sens strict, d’après le relevé effectué par Alain Croix des différentes paroisses bretonnes.
On remarque bien, alors, comment la forte poussée de départ apparaissant dans les diocèses de Nantes (couvent fondé en 1593), du Mans (1602), et dans une moindre mesure de Rennes (1604) dans la décennie 1611-1620, fléchit pour Le Mans et Rennes dans la décennie suivante, alors qu’elle se maintient et même augmente pour le diocèse de Nantes. Il est possible que cela soit dû à la création du petit couvent annexe de l’Hermitage en 1622, mais aussi au déménagement du couvent de Nantes qui, du Marchix, se déplace à la Fosse pour étendre ses locaux. Il faut sans doute aussi prendre en compte le fait que ces deux villes d’importance équivalente appartiennent à deux ensembles distincts au niveau sanitaire et climatique (pays nantais d’une part, diocèse de Rennes et intérieur du diocèse St Malo d’autre part). Les épidémies se manifestent de façon moins aigüe à Nantes (épidémies chronique de 1625-1632, dysenterie de 1639) qu’à Rennes. Par contre, la crise frumentaire est plus grave à Nantes qu’à Rennes en 1631 ou 1660.276 Une forte baisse de recrutement, suivie d’un tassement, y est à noter, alors même que l’on assiste à un accroissement considérable du nombre de professions de frères originaires du diocèse de Rennes, qui en 1660 est de loin le plus dynamique de la province. A la fin de la période (1641-1660), les diocèses de Saint- Brieuc, et surtout de Quimper, deviennent également des pourvoyeurs importants. Cette « ruée vers l’Ouest » se traduit dans la dernière décennie par la fondation des couvents de Quimperlé et d’Audierne. En même temps, on constate également une remontée des recrutements dans le diocèse du Mans , à relier à l’agrandissement du couvent du Mans : Le 19e mars 1658 jour de Saint Joseph le RP Archange de Rennes 3e deffiniteur & Gardien du Mans a mis le première pierre avec cérémonie& bénediction au convent renouvellé du Mans, qu’il a rebasty, & réformé tout entier en 3 ans, augmenté le choeur de moitié, & basty la petite chappelle de Saint Francois, où les PP Dominicque d’Hybernie & Balthazar de Bellesme ont célébré les deux premières messes le Dimanche des Rameaux 1661 10 avril & le 9e fut plantée la croix au cloistre.
Il est clair en tous cas qu’il faut tenir compte de l’influence exercée par la présence des couvents capucins : parmi les 1058 capucins retenus avec des données complètes, 651 sont originaires d’une ville où est installé un couvent de capucins. Le tableau ci-dessous (siège de l’évêché en rouge) en fournit la répartition.

Focus sur les diocèses bretons

Nous avons la chance de disposer, pour approfondir cette analyse des entrées, des données fournies par Alain Croix au début de sa thèse, où il donne, en plus du recensement des paroisses pour chaque diocèse, un ordre d’importance pour chacune, la population probable n’étant pas le seul critère. S’y ajoute en effet, notamment, pour notre étude, le poids du siège de l’évêché,qui fait de Tréguier une petite ville alors même qu’il s’agirait, autrement, d’un gros bourg. Nous y avons retenu toutes celles constituant la ville mentionnée dans le nom de religion. et avons appliqué à la liste la même classification.
Alain Croix distingue :
– les très grandes villes : Nantes et Rennes.
– les grandes villes : Saint-Malo et ses 20 000 h, Morlaix et ses 12 000h, Vannes qui en compte 11 000, Fougères et Vitré 10 000 chacun.
– les villes moyennes, entre 6000 et 8000 h : Dinan, Ploermel, Saint-Brieuc, Hennebont, Quimper, Lannion.
– les petites villes , dont la population est inférieure à 6000 h : Ancenis, Chateaubriand, Guérande, La Roche-Bernard, Le Croisic, Guer, Josselin, Monfort, Lamballe, Loudéac, Moncontour, Quintin, Auray, Carentoir, Malestroit, Pontivy, Redon, Carhaix, Quimperlé, Crozon qui ne doit ce rang qu’à son étendue, Guingamp, Tréguier, l’ensemble Roscoff-Saint-Pol-de-Léon, et enfin Landerneau.
– les gros bourgs : par souci de simplification, les autres lieux ne figurant pas dans les listes précédemment citées ont été rentrés dans la catégorie « gros bourgs », même s’il pouvait s’agir de lieux-dits. Certains d’entre eux, comme Brest, se développent, d’autres, en restant modestes, se distinguent par leur fonction : c’est le cas d’Audierne ou de Douarnenez, par exemple.
Par ailleurs, on peut repérer sur cette carte du diocèse en 1650 les bourgs faisant actuellement partie intégrante de Rennes ou de son immédiate périphérie (Saint- Grégoire, Saint-Laurent, Saint-Hélier, Chantepie, Apigné, Saint-Jacques-de-la-Lande) ou un peu plus distants (Vezin, Thorigné, Pacé, Liffré, etc…). Aucun ne figure dans le nom de religion. On peut donc supposer que le terme de Rennes est à tout le moins employé pour désigner le bassin de Rennes, c’est-à-dire la zone d’influence du couvent. Celui de Rennes, le plus ancien, prend d’autant plus d’importance que les deux autres grandes villes du diocèse, Vitré et Fougères, sont toutes deux le siège d’un couvent de récollet : ces « grandes villes » sont indiquées dans 10, 79 % des noms. Le reste correspond à une petite ville (La Guerche) et à 9 gros bourgs.
Nantes est l’autre très grande ville . Le couvent installé en 1593 est le plus ancien de la province. La ville, siège de l’évêché, attire les candidats à l’entrée dans l’ordre à raison de 60 % des entrées du diocèse. On peut supposer que, comme dans le cas de Rennes, le terme de « Nantes » englobe les ruraux de la périphérie. Apparaît cependant ici un équilibre apporté par les 5 petites villes que sont Ancenis, Chateaubriand, Guérande, La Roche-Bernard et Le Croisic. Comme dans le cas de Rennes, le complément est apporté par 9 gros bourgs. Bien que Dol, siège du diocèse du même nom, soit classée parmi les villes moyennes, elle ne pourvoit la province que de cinq religieux, le sixième étant originaire du gros bourg de Meillac. Il faut toutefois, évidemment, ramener ces chiffres à la faible étendue de ce minuscule diocèse, malgré ses enclaves.
La ville de Saint-Malo (on y inclut Saint-Servan) est une grande ville qui pourvoit en entrants 31,18 % des capucins d’un diocèse très étendu et à la physionomie variée, où l’on trouve les « entrants » originaires de 2 villes moyennes, Dinan (16, 12%) et Ploermel (11, 82 %), 3 petites villes (Guer, Josselin et Monfort ) et 10 gros bourgs. Saint-Brieuc, ville moyenne, est le siège de l’évêché : elle draine 58, 33 % des entrées, les 40, 66 % provenant des petites villes de Lamballe, Loudéac, Moncontour et Quintin. On retrouve un peu plus de variété dans le diocèse de Vannes : la grande ville, siège de l’évêché, pourvoit au recrutement à raison de 37, 03 %. Si une ville moyenne comme Hennebont fournit 8, 77 % des entrants du diocèse, le reste du recrutement se fait plutôt dans les petites villes : Auray (16, 04%), Carentoir, Malestroit, Pontivy, Redon Quimper, siège de l’évêché, est la seule ville moyenne du diocèse : elle est à l’origine de 34 % des entrées. Les petites villes de Quimperlé (13%) et Carhaix (12%) complètent le recrutement avec Concarneau et la paroisse très étendue de Crozon, le reste des frères étant originaires de gros bourgs, chacun fournissant très peu de candidats, sauf Audierne (7%) où le dernier couvent s’installe en 1657.

Les morts de la Province

Nous l’avons vu plus haut, B. recense 598 frères décédés dans la Province de Bretagne. Ces morts se répartissent ainsi :Nous avons observé, pour les vêtures, des creux pouvant correspondre à des aléas sanitaires ou climatiques. On retrouve dans les pointes de décès enregistrées lors de certaines années les crises démographiques jalonnant la période : crises épidémiques de 1639 et de 1650, crise frumentaire de 1661-62, et crise mixte de 1631-32279. Cette dernière est la plus paroxystique d’un ensemble de crises s’échelonnant de 1625 à 1640. De l’automne 1624 à 1632, l’épidémie de peste se propage partout et sans arrêt. Elle est à l’origine de la mort, au couvent de Guingamp, des frères lais Bonaventure du Mans, le 27 juin 1631, et Eustache de Bellême, le 1er ou le 10 juillet 1631280. Par contre, bien que le mode de vie des capucins soit particulièrement rigoureux, leur popularité leur assure une alimentation suffisante pour qu’on ne puisse attribuer le nombre de morts de l’année 1632 à la famine due à une mauvaise récolte en 1630 (printemps trop pluvieux), qui se poursuit par un hiver très rude en 1630-31. Mais ils peuvent être touchés, en 1639, par une épidémie de dysenterie liée à une grande sécheresse qui commence au Nord de Rennes et se propage dans la région jusqu’en janvier 1640. Alain Croix estime à 35000 le nombre de morts en 1639, dont 25 000 en septembre, octobre et novembre, presque tous morts de la dysenterie281. Une nouvelle attaque,beaucoup moins virulente, a lieu en Haute-Bretagne entre janvier et mai 1650282. Enfin, l’hiver de 1659-60 est exceptionnellement rigoureux. Celui de 1660-61 est très humide, ainsi que le printemps qui suit. Cela génère une mauvaise récolte et de mauvaises vendanges. L’hiver de 1661-62 est de nouveau très froid, mais la Bretagne reste relativement épargnée par la grande famine de 1662283, qui touche par contre l’Anjou, limitrophe au Maine. François Lebrun note la « misère effroyable » qui y sévit dans les six premiers mois 284. Mais là encore, il est difficile d’affirmer que le nombre de morts constatés chez les capucins soit lié à cette misère. Par contre, le tribut qu’ils donnent à la mort peut aussi être dû à leurs pratiques de charité.
On le voit donc, le manuscrit de Balthazar constitue, à juste titre, un monument à la mémoire de ces mille premiers capucins porteurs, en moins de soixante ans, de Nantes en 1593 à Audierne en 1657, d’un élan tout à fait considérable puisqu’il permet l’édification de 29 couvents.
Une comparaison peut être effectuée avec la province de Lyon, dont Bernard Dompnier donne l’effectif en 1643 (les frères y sont 835290) et dont les chiffres fournis par Balthazar lui-même pour le jubilé de 1650291 sont les suivants : les frères sont 845. La répartition en catégories s’avère toutefois erronée (le total serait de 735, et non de 845, ce qui est impossible étant donné le chiffre fourni pour 1643). Cela nous empêche malheureusement d’effectuer une comparaison entre Lyon et la Bretagne pour l’année 1650.
On constate quoiqu’il en soit, dans cet espace de 7 ans, un relatif tassement des effectifs pour Lyon, alors que dans le même temps, la population des couvents bretons passe de 419 en 1643 à 514 en 1650. Il ne faut toutefois pas oublier qu’un décalage de 20 ans existe entre la date de création du premier couvent à Lyon, en 1574, et celui de Nantes en 1593. Après 1643, seules quatre couvents sont encore fondés pour la province de Lyon. Ce tassement se manifeste également à la fin de la période considérée par Balthazar, avec la seule fondation des couvents de Quimperlé et d’Audierne.
Un mouvement analogue existe donc, avec toutefois une forte variante : il n’existe pas dans la province de Lyon de fort ralentissement des recrutements, avec ensuite une pointe analogue à celle constatée en 1656 (presque 60 personnes), ce qui joue par la suite sur les statuts, les clercs se trouvant proportionnellement très nombreux en 1667.

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Table des matières
Présentation
I « Le soleil dans son midy » : les valeurs spirituelles
I.1 Le désarroi de l’homme déchu
I 1 a La Bible, autorité suprême
I 1 b Le rejet du péché et l’amour de Dieu
I 2 Dieu et ses saints, au centre d’une vie nouvelle
I 2 a Le Soleil dans tous ses états
I 2 b Un recours secondaire à Marie
I 2 c La forte présence des anges
I 2 d La nature, témoin de la gloire divine
II « Toute cette belle province » : les difficultés temporelles
II 1 Un mouvement puissant
II 1 a Un terrain favorable
II 1 b Une installation rapide des couvents
II 1 c Quelques éléments sur la population des couvents bretons
Des « photos de famille »
Les entrées en religion
Focus sur les diocèses bretons
Les morts de la Province
II 2 Les écueils rencontrés
II 2 a Le péché à l’intérieur du couvent
II 2 b L’affaire de Touraine : restaurer l’unité perdue
II 2 c Les capucins au coeur d’une religion toujours désunie
L’antiprotestantisme vigoureux de Balthazar
L’écho de dissensions internes au catholicisme dans l’éphéméride
La querelle des réguliers
L’apparition du jansénisme
II 3 Les échos du monde profane
III Balthazar de Bellême
III 1Les lieux familiers
III 1 a Les paysages du Perche
III 1 b L’incursion à Quimperlé
III 1 c La cathédrale du Mans et ses environs
III 1 d Une période troublée
III 2 Une personnalité discrète
III 2 a Un religieux « artiste »
III 2 b Le couvent, un rempart ?
Un homme attaché à la vie contemplative
Les remontrances à la jeunesse
La haine des femmes
III 3 Balthazar, un homme souffrant
III 3 a Les méfaits de la goutte
III 3 b Le religieux martyr
III 3 c L’appel à la mort et l’espoir du Paradis
Conclusion 
Sources et bibliographie

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