Le soft power et la culture
Le soft power et la culture
Lorsque la relation sino-africaine est abordรฉe, le terme ยซ soft power ยป, qui peut รชtre traduit par ยซ puissance douce ยป ou ยซ politique dโinfluence ยป en franรงais, revient trรจs rรฉguliรจrement. Cette expression a รฉtรฉ inventรฉe par Joseph Nye, professeur de Relations Internationales ร Harvard, et est dรฉfinie comme ยซ la capacitรฉ dโinfluence et de persuasion dโun Etat, dโune sociรฉtรฉ multinationale, dโune ONG ou dโun groupe minoritaire auprรจs dโautres acteurs pour les conduire ร penser de la mรชme faรงon que lui ou ร changer de comportement, de maniรจre indirecte, en douceur, sans que ces autres acteurs aient l’impression d’y avoir รฉtรฉ contraints ยป. [23]
Le soft power est lโantonyme de ยซ hard power ยป, aussi appelรฉ ยซ maniรจre forte ยป ou ยซ coercition ยป, et qui est caractรฉrisรฉ par lโutilisation de lโarmรฉe ainsi que de pressions รฉconomiques et qui peut sโapparenter ร de la propagande ou ร des manลuvres manipulatrices. Le soft power dโune entitรฉ quant-ร -lui sโappuie sur les points suivants :
โข ยซ son image, sa rรฉputation, โข son prestige, son attractivitรฉ (migrants diplรดmรฉs, รฉtudiants), โข ses performances รฉconomiques, โข sa communication (publicitรฉ, langue), โข l’attractivitรฉ de sa culture (littรฉrature, cinรฉma, tรฉlรฉvision, Internet) โข son mode de vie โข le rayonnement de ses idรฉes, de son idรฉologie (mรฉdias, lobbying) โข la diffusion de sa technologie, โข sa place dans les organisations internationales, etc. โข l’aide internationale bilatรฉrale (aide gouvernementale, fondations philanthropiques)ยป.
Il est intรฉressant de noter que lors de la contextualisation du versant รฉconomique de la relation sino-africaine, certains รฉlรฉments du soft power ont dรฉjร รฉtรฉ mis en รฉvidence comme par exemple lโaide internationale de la Chine ou sa technologie.
De plus, il est important de prรฉciser que le soft power est intimement liรฉ ร lโaspect culturel. Il est donc nรฉcessaire de dรฉfinir le mot culture ; ce qui permettra ensuite de mieux comprendre comment la Chine agit en tant que puissance douce.
La culture peut avoir un sens trรจs vaste, et de ce fait pour la dรฉfinir au mieux, il est nรฉcessaire de dรฉcouvrir quelques dรฉfinitions. Dโaprรจs lโUNESCO,ยซ la culture, dans son sens le plus large, est considรฉrรฉe comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matรฉriels, intellectuels et affectifs, qui caractรฉrisent une sociรฉtรฉ ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’รชtre humain, les systรจmes de valeurs, les traditions et les croyances ยป. Quant ร Edward Burnett Tylor, fondateur de lโanthropologie culturelle, il dรฉcrit la culture comme รฉtant un ยซ ensemble de patterns (de pensรฉe, de comportements, de sentiments, de croyances, de modes de production et de reproduction, [de coutumes], etc.) socialement appris et globalement partagรฉs, ร un moment donnรฉ, par un groupe de personnes formant un peuple ou une sociรฉtรฉ ยป. (CรTE, 2005)
Il y a plusieurs รฉlรฉments clรฉs qui ressortent de ces dรฉfinitions et qui sont ร souligner. Tout dโabord, la culture fait partie intรฉgrante de nos sociรฉtรฉs. Ensuite elle est dite collective car elle est partagรฉe par un groupe dโindividus, un peuple dโune mรชme origine. Elle se transmet et cela souvent de gรฉnรฉration en gรฉnรฉration, en famille ou dans le cadre scolaire. Un langage commun permet de la partager au mieux, que ce soit ร lโรฉcrit ou ร lโoral. De plus, la culture se modifie peu au fil du temps mais nโest pas non plus inerte, elle รฉvolue doucement sculptรฉe par ses membres et son environnement. Cโest dโailleurs pour cela que la culture est souvent attribuรฉe ร une รฉpoque. En quelque sorte la culture ressemble ร des lunettes qui permettent ร chaque individu de voir le monde dโune certaine faรงon, de savoir comment agir et se comporter dans un groupe mais aussi de pouvoir dรฉterminer ce qui est normal, lรฉgitime, moral, bien ou pas et quelles sont les pratiques sociales acceptables (VERDURE, 2003 ; CรTE, 2005).La culture a quatre composants : les valeurs, les normes, les institutions et les artefacts. Les valeurs sont les idรฉes et les reprรฉsentations auxquelles les individus portent de lโimportance. Les normes reprรฉsentent la maniรจre dont les individus sont sensรฉs se comporter en fonction de la situation. Souvent le concept de sanction est utilisรฉ afin de faire respecter les normes qui plus formellement sont appelรฉes lois. Les institutions sont les moyens mis en place pour transmettre plus facilement ces normes et valeurs comme lโรฉcole ou lโappareil judiciaire. Enfin, les artefacts reprรฉsentent la culture matรฉrielle comme le drapeau dโun pays. De plus, il existe รฉgalement des sous-cultures dโune sociรฉtรฉ, dโun peuple ou dโun groupe. Ces sous-cultures ont des normes et valeurs qui sont diffรฉrentes de celle de la sociรฉtรฉ, comme par exemple une communautรฉ religieuse, sans pour autant les contredire .
Relations interculturelles et business
Les entreprises sont non-seulement influencรฉes par la culture de lโenvironnement dans lequel elles รฉvoluent mais elles-mรชmes dรฉveloppent leur propre culture dโentreprise, telle une sous-culture. Certaines variables contextuelles comme par exemple le rapport ร la hiรฉrarchie, lโimplication familiale dans lโentreprise ou encore la maniรจre de nรฉgocier peuvent fortement varier dโune entreprise ร lโautre. Lorsquโune entreprise dรฉcide dโรฉtendre ses activitรฉs dans un autre pays, il est nรฉcessaire que cette derniรจre prenne en compte tous ces facteurs afin de minimiser le choc culturel. Elle se doit dโadopter diffรฉrentes stratรฉgies en termes de ressources humaines comme par exemple dรฉcider de recruter un manager local ou dโenvoyer un manager de son pays sensibilisรฉ aux relations interculturelles [30]. La mauvaise prรฉparation dโune entreprise ร une nouvelle culture peut avoir des consรฉquences dรฉsastreuses pour cette derniรจre et mener ร un รฉchec total.
Dans le cas sino-africain, les relations interculturelles et le business font partie des points clรฉs. En effet, comme expliquรฉ auparavant, de nombreuses entreprises chinoises sโinstallent et dรฉveloppent leurs activitรฉs dans diffรฉrents pays africains. Il y a donc un contact direct, notamment au niveau local, entre les Chinois et les Africains qui rรฉvรจle les chocs et les points concordants entre les cultures sino-africaines.
Afin de bien prรฉparer une relation business interculturelle, chaque entreprise chinoise se doit dโรฉtablir une stratรฉgie et un processus ร suivre tel que dรฉcrit ci-dessous :
โข Rรฉdiger un PESTEL du pays ciblรฉ, โข Dรฉfinir et clarifier la mission et les objectifs, โข Evaluer les menaces et opportunitรฉs externes ainsi que les forces et les faiblesses internes (SWOT), โข Considรฉrer les stratรฉgies alternatives grรขce ร une analyse concurrentielle, โข Choisir une stratรฉgie, โข Mettre en place la stratรฉgie au travers de la structure organisationnelle, โข Etablir des points de contrรดle et dโรฉvaluation pour sโassurer du succรจs ainsi que la rรฉcolte des rรฉactions et critiques. [31]
Cโest en adoptant une dรฉmarche claire et prรฉcise que lโentreprise peut sโadapter au mieux ร un nouvelle environnement et รฉtablir une relation business stable. La prochaine รฉtape de ce travail est une analyse de la culture chinoise et africaine afin de pouvoir mieux comprendre ce qui les distingue mais aussi ce qui les rapproche.
ย La culture chinoise
Comme toutes les autres cultures, la culture chinoise est unique et a ses propres caractรฉristiques quโil convient de dรฉfinir. Pour cela, il est possible de sโappuyer sur le ยซ Country Comparison tool ยป, du professeur Geert Hofstede qui est utilisรฉ ร des fins universitaires mais aussi dans le cadre de la gestion interculturelle dans le monde professionnel. Cet outil comporte six dimensions qui sont :
โข ยซ Power Distance ยป, soit la distance face au pouvoir โข ยซ Individualism ยป, soit lโindividualisme โข ยซ Masculinity ยป, soit la masculinitรฉ โข ยซ Uncertainty Avoidance ยป, soit lโรฉvitement de lโincertitude โข ยซ Long Term Orientation ยป, soit lโorientation ร long terme โข ยซ Indulgence ยป, soit lโindulgence .
La culture de tout pays peut รชtre analysรฉe grรขce ร ces six dimensions pour lesquelles un score est accordรฉ entre 0 et 100. Lorsquโune culture atteint un score faible, cela signifie quโelle correspond au versant opposรฉ de la dimension, soit :
โข Distance face au pouvoir Elevรฉe vs. Faible โข Individualisme vs. Collectivisme โข Masculinitรฉ vs. Fรฉminitรฉ โข Evitement de lโincertitude Elevรฉ vs. Faible โข Orientation ร long terme vs. Orientation ร court terme โข Indulgence vs. Restriction
Lโanalyse de la culture grรขce ร cet outil est passablement axรฉe sur comment les comportements au travail sont impactรฉs par la culture, de fait il est nรฉcessaire de prendre รฉgalement en compte dโautre sources pour avoir un aperรงu complet de la culture chinoise.
Celle-ci a la particularitรฉ de faire partie des cultures considรฉrรฉes comme รฉtant les plus vieilles de ce monde. Elle remonte ร environ 2000 ans avant J.-C et a bien entendu fortement รฉvoluรฉ au fil du temps (GARCIA, BEROUD, 2004 [33]). Il est pourtant possible de retrouver des traces de cette culture au travers du patrimoine artistique, de faits historiques avรฉrรฉs, de lรฉgendes, de figures emblรฉmatiques et de rรฉcits qui ont faรงonnรฉ les coutumes, traditions, mลurs et usages chinois [33].
Le peuple chinois, constituรฉ de 1,4 milliard dโindividus [34], est divisรฉ en diffรฉrentes ethnies. 92% de la population est dโethnie dite ยซ Han ยป et les 8% restants se rรฉpartissent entre cinquante-cinq groupes, tous reconnus par le gouvernement chinois. Ces plus petits groupes ont leur propre sous-culture qui se caractรฉrise par lโutilisation dโautres langues que le mandarin qui est la langue officielle. Ils ont รฉgalement des valeurs, normes et รฉlรฉments culturels qui divergent de la culture chinoise dominante [35]. Quant ร la plus grande majoritรฉ des Chinois, leurs valeurs proviennent principalement du Taoรฏsme, du Confucianisme et du Bouddhisme, soit un mรฉlange entre religion et philosophie de vie. Ces trois piliers dโenseignement sont le fondement de lโhistoire et de la culture chinoise [36] ; ce qui nโempรชche pas que dโautres pratiques religieuses soient acceptรฉes comme lโislam, le protestantisme, le catholicisme ou mรชme certains cultes ancestraux.
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Table des matiรจres
Dรฉclaration
Remerciements
Rรฉsumรฉ
Liste des tableaux
Liste des figures
1. Introduction
2. Le continent africain
2.1 Les rapports de lโAfrique avec le monde
2.2 Lโintรฉrรชt de la Chine pour lโAfrique
2.2.1 Prรฉoccupations รฉnergรฉtiques
2.2.2 Prรฉoccupations รฉconomiques
2.2.3 Intรฉrรชts politiques mutuels
2.3 Relation รฉconomique ยซ gagnant – gagnant ยป
2.3.1 Le commerce sino-africain
2.3.2 Les investissements chinois
2.3.3 Les prรชts chinois ร lโAfrique
2.4 ยซ Gagnant โ gagnant ยป ou ยซ gagnant โ perdant ยป
2.4.1 Le surendettement des pays africains
3. Le soft power et la culture
3.1 Relations interculturelles et business
4. La culture chinoise
5. La culture africaine
5.1 La culture kenyane
5.2 La culture angolaise
5.3 Comparaison de la culture chinoise, kenyane et angolaise
6. Comment la Chine exporte sa culture en Afrique ?
6.1 Un passรฉ non-colonialiste
6.2 Politique non-interventionniste
6.3 Mรฉdias
6.4 Instituts Confucius
6.5 Education
6.6 Le modรจle chinois
6.7 Zones Economiques Chinoises
6.8 Mรฉdecine
6.9 Critiques de la prรฉsence chinoise en Afrique
7. Analyse dโune entreprise chinoise au Kenya
Chinafrique : un choc รฉconomique important, mais quโen est-il de la dimension culturelle ? BRรHWILER, Rachel v
7.1 Analyse PESTEL
7.2 Analyse du SWOT
7.2.1 Recommandations culturelles
8. Futurs impacts culturels pour lโAfrique
9. Conclusion
Bibliographie
Annexe 1 : Carte de lโAfrique sub-saharienne
Annexe 2 : Rรฉpublique Populaire de Chine et Rรฉpublique de Chine
Annexe 3 : Indications chiffrรฉes commerce sino-africain
Annexe 4 : Flux annuels des IDE chinois en millions de dollars
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