Et du point de vue de Durkheim ?
Le sociologue Emile Durkheim distingue รฉgalement deux formes de solidaritรฉ quโil nommera : ยซ Solidaritรฉ mรฉcanique ยป et ยซ Solidaritรฉ organique ยป. Ces deux notions sont aussi appelรฉes solidaritรฉ primaire et secondaire. Durkheim dรฉfinit la solidaritรฉ mรฉcanique comme รฉtant ยซ fondรฉe sur les similitudes entre individus ยป (SCIENCES ECONOMIQUE ET SOCIALES, 2015) cโest-ร -dire que le systรจme rejette toutes diffรฉrences. Lโattachement au groupe, ร la communautรฉ, ร la patrie est trรจs fort car il est dictรฉ par une puissante conscience collective. Gรฉnรฉralement, cette solidaritรฉ fonctionne sans aide externe. Toujours selon le mรชme site internet, Emile Durkheim dit mรชme quโau sein de ce systรจme, lโindividu ยซ [โฆ] ne sโappartient plus ยป. Lโรชtre humain est pris dans les rouages dโune sociรฉtรฉ oรน lโordre rรจgne aisรฉment car il nโa quโร suivre sous peine de sanctions.
Celles-ci ยซ [โฆ] rรฉpriment le non-respect dโune morale ou dโune รฉthique. ยป A lโheure actuelle, ce fonctionnement existe toujours, nous pouvons le retrouver au sein dโune famille, dโune communautรฉ ou dans des espaces dominรฉs par des bandes organisรฉes. Les mรชmes auteurs dรฉfinissent la solidaritรฉ organique, quant ร elle, comme รฉtant ยซ [โฆ] issue de la coopรฉration entre individus spรฉcialisรฉs. ยป Cโest-ร -dire que la force du systรจme repose sur les diffรฉrences et la reconnaissance de lโindividualitรฉ de chacun. De ce fait, la cohรฉsion sociale nโest plus aussi facile ร atteindre car chaque membre est ยซ [โฆ] en mutuelle dรฉpendance. ยป Selon la dรฉfinition du phรฉnomรจne du passage dโune solidaritรฉ ร une autre, toujours proposรฉ par le mรชme site internet, Durkheim dit : ยซ C’est l’augmentation de la densitรฉ morale et physique et du volume de la population qui fait passer d’un type de solidaritรฉ ร l’autre et, en aucune faรงon, un facteur psychologique individuel. ยป Gรฉnรฉralement, si une telle solidaritรฉ est mise en place, elle รฉlimine la solidaritรฉ primaire qui sโeffectue naturellement entre membres dโune communautรฉ.
Articulation entre les visions de Durkheim et de Fragniรจreโฆ Les รฉlรฉments clรฉs que je retiendrai du concept dรฉveloppรฉ par le professeur de politique sociale Jean-Pierre Fragniรจre sont, premiรจrement, lโidรฉe de partager la solidaritรฉ en deux sphรจres : ยซ familiale et associative ยป. Je perรงois ainsi deux niveaux de solidaritรฉ. Le premier que je dirais interne, la solidaritรฉ effectuรฉe dans un rรฉseau trรจs proche au sein du cercle de proximitรฉ (famille, amis, voisins). Gรฉnรฉralement, cette solidaritรฉ se met en place et fonctionne sans aide externe, ni รฉtatique ni professionnelle.
Elle nโest pas organisรฉe, instituรฉe ni rรฉgie par des statuts prรฉcis. Elle se situe davantage dans la vie privรฉe. En tant que professionnelle de lโanimation socioculturelle, je ne pourrai que trรจs peu influencer la solidaritรฉ familiale. Toutefois, la famille est la base des relations intergรฉnรฉrationnelles. Il est nรฉcessaire dโen tenir compte. Pour ce qui est de la solidaritรฉ associative, elle sโeffectue par le biais dโorganismes externes et renforce, en partie, les lacunes au sein de la sphรจre de proximitรฉ. A partir dโun certain รขge, notamment chez les seniors, le monde associatif peut prendre une grande place au sein de la solidaritรฉ, afin de combler les pertes dues au vieillissement. Au sein mรชme de la sphรจre associative, nous pouvons distinguer les organismes non-professionnels (petits clubs, associations, groupes de bรฉnรฉvoles dโun quartier ou dโun village) qui tendent plutรดt vers de la solidaritรฉ de proximitรฉ et donc dite primaire et les organismes professionnels (grandes associations avec du personnel engagรฉ, des statuts, une mission) comme par exemple Pro Senectute, La Croix-Rouge Suisse, etc.
Ces grands organismes reconnus font davantage de la solidaritรฉ secondaire au mรชme titre que les institutions sociales communales ou cantonales. Les รฉlรฉments apportรฉs par Emile Durkheim renforcent cette premiรจre dรฉfinition rรฉalisรฉe par Jean-Pierre Fragniรจre. En effet, la solidaritรฉ mรฉcanique est trรจs proche de la solidaritรฉ primaire. Nous y retrouvons le cercle de proximitรฉ, les groupes non organisรฉs (bรฉnรฉvoles, habitants, quartiersโฆ.) et les regroupements de faible densitรฉ comme les petites associations et clubs au sein dโun village. Quant ร la solidaritรฉ organique, nous y retrouvons lโensemble des organisations spรฉcifiques (grosses associations, institutions sociales communales ou cantonales). Je trouve important dโajouter, ยซ le positionnement de lโindividu ยป dans les diffรฉrentes solidaritรฉs. Ainsi, jโaurai un double regard : lโorganisation de la sociรฉtรฉ en fonction des solidaritรฉs existantes pour les seniors, mais aussi lโorganisation de lโindividu face ร celles-ci.
Animation socioculturelle hors-murs : Lโanimation socioculturelle cโestโฆ ยซ Le noyau dur de l’animation est dรฉfini autour de cinq รฉlรฉments qui, combinรฉs, la dรฉfinissent et la distinguent d’autres formes d’intervention sociale. ยป (FONDATION GENEVOISE POUR LโANIMATION SOCIOCULTURELLE). Ce sont : la libre adhรฉsion qui offre un investissement libre, la participation car les actions sont construites avec le groupe ou lโindividu qui a une demande, la valorisation de la culture et des compรฉtences de chacun, le changement social afin dโoffrir la possibilitรฉ de trouver sa place dans la sociรฉtรฉ et la solidaritรฉ au sein d’une communautรฉ diversifiรฉe.
Le travail social hors-mur cโestโฆ La particularitรฉ du travail social hors-murs offre davantage de libertรฉ car la profession sโexerce au coeur de lโespace public. Le travail social hors-murs ne se pratique plus uniquement dans des structures รฉtablies. Dรฉsormais, le travail social sort de ses murs, ยซ se dรฉsinstitutionnalise ยป et se propage dans les quartiers, les cours de rรฉcrรฉation, les places de jeux… Le travailleur social hors-murs va ร la rencontre des populations. Ses rรดles (PLATEFORME ROMANDE DE LโANIMATION SOCIOCULTRELLE ) sont : de maintenir le lien entre toutes les structures, dโรชtre un interlocuteur privilรฉgiรฉ de la population, dโรชtre un mรฉdiateur et surtout dโรชtre polyvalent en diversifiant ses approches. Les actions communautaires envisageables se baseront sur ce concept, tout comme lโensemble de la recherche, puisquโelle sera rรฉalisรฉe avec la population cible.
Lโanimation socioculturelle hors-murs dans le champ des seniors cโestโฆ Dans le cadre de ma recherche, les seniors sont acteurs de la rรฉalitรฉ sociale quโils vivent au quotidien, puisque je mโintรฉresse aux solidaritรฉs quโils ont entre eux, les moyens quโils utilisent pour les dรฉvelopper et les conserver. Je me prรฉoccupe รฉgalement de leur intรฉgration participative au sein de lโespace villageois dans lequel ils vivent. Au travers de mon รฉtude, je ferai apparaรฎtre les trois axes fondamentaux dโune action collective qui sont la militance, lโengagement et la participation volontaire et collective.
Avant de poursuivre, il me semble nรฉcessaire de sโarrรชter un instant sur ces trois notions afin de les dรฉfinir un peu plus en dรฉtails. Selon le dictionnaire pratique du travail social, ยซ la militance ยป est un engagement dโactions qui participe ร la propagation dโidรฉes, de mouvements ร dรฉfendre. ยซ Ce type dโengagement implique un point de vue personnel mis au service dโune idรฉe, dโune cause, dโun combat, bref dโune mobilisation collective clairement identifiรฉe ยป (RULLAC & OTT, 2015, p. 306). En tant quโanimatrice socioculturelle, je dois frรฉquemment prendre une posture militante pour dรฉfendre les intรฉrรชts ou les projets des populations avec lesquelles je travaille ou pour justifier les intรฉrรชts de ma profession. Il est important de mโengager si je veux obtenir des rรฉsultats et prouver mon utilitรฉ auprรจs des politiciens. ยซ La notion dโengagement ยป, quant ร elle, est ยซ [โฆ] le lien qui unit lโindividu ร ses actes comportementaux ยป (KIESLER & SAKUMURA, 1966). En effet, en animation socioculturelle, cette notion est importante car elle rend responsable les personnes lorsquโelles choisissent de sโengager dans un projet ou une action.
Nous allons mรชme un peu plus loin dans la dรฉfinition car lโengagement est aussi le simple fait dโaffirmer sa vision, ses opinions sur des questions de sociรฉtรฉs au sujet de la politique, de la culture ou du social. Cela peut รฉgalement prendre la forme de revendication ou dโargumentation afin de montrer son positionnement.
Hypothรจses
Des quatre concepts thรฉoriques mentionnรฉs dans le schรฉma rรฉcapitulatif en page 20 dรฉcoulent mes hypothรจses de recherche, ainsi que leurs indicateurs. En effet, cโest autour de ces quatre รฉlรฉments que sโarticuleront les questions posรฉes au groupe de seniors durant les rencontres. Un tableau rรฉcapitulatif mettant en lien les diffรฉrents thรจmes, mes hypothรจses et leurs indicateurs se trouve en annexe (G). Pour le premier thรจme, ยซ vieillissement ยป, jโai choisi de formuler trois hypothรจses. La premiรจre est liรฉe ร ce que les institutions communales et cantonales mettent en place pour favoriser le maintien ร domicile ร Boncourt. Ainsi, il sera possible de mesurer ce qui est dรฉjร mis en place pour favoriser le maintien ร domicile, donc indirectement lโefficacitรฉ du rรฉseau de solidaritรฉs primaires.
Il sera aussi possible de quantifier le niveau dโinformation des seniors quant aux alternatives ร disposition pour repousser lโentrรฉe en EMS. La seconde hypothรจse est davantage en lien avec la mise en place dโune politique de la vieillesse au niveau cantonal et communal afin de savoir ร quel point cette thรฉmatique est une rรฉelle prรฉoccupation pour les autoritรฉs. La derniรจre hypothรจse est axรฉe sur la prise de conscience du phรฉnomรจne de vieillissement qui touche la commune. Au travers des diffรฉrentes discussions avec les seniors, il me sera possible de percevoir leur avis sur la situation.
En les questionnant, jโalimenterai la discussion et approfondirai leur rรฉflexion. En ce qui concerne, ยซ les rรดles sociaux ยป, ils seront รฉgalement รฉvaluรฉs au travers dโune hypothรจse. Il sera important de mesurer la satisfaction des seniors face ร ce qui est mis en place pour eux afin de comprendre les diffรฉrents rรดles que les seniors adoptent lorsquโils sโengagent dans un rรฉseau de solidaritรฉ primaire et associative.
Autour de la notion de, ยซ lโespace villageois ยป, jโai choisi une hypothรจse en lien avec la diffรฉrentiation entre les espaces de rencontre gรฉographiques et dรฉlibรฉratifs afin de me rendre compte du type de lieux mis ร disposition des seniors et de lโutilisation quโils en font. Il sera รฉgalement possible dโรฉvaluer la place qui est donnรฉe aux seniors au sein de lโespace villageois de Boncourt et la place que les seniors prennent spontanรฉment. Pour terminer ยซ les solidaritรฉs ยป seront traitรฉes au travers dโune premiรจre hypothรจse qui sโoccupera de savoir si les solidaritรฉs primaire et associative sont rรฉellement soutenues politiquement et si elles oeuvrent activement dans le sens du maintien ร domicile en effectuant des petites actions ร leur รฉchelle. La seconde hypothรจse quant ร elle, se focalisera sur les sociรฉtรฉs locales afin de mesurer leur niveau dโefficacitรฉ en terme de promotion et de dynamisme dans les actions mises en place par et pour les seniors de Boncourt. La derniรจre hypothรจse sera, quant ร elle, axรฉe sur lโadรฉquation entre ce qui leur est proposรฉ et ce que les seniors souhaitent.
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Table des matiรจres
1. Introduction
1.1. Motivations
1.2. Liens avec le travail social
1.3. Objectifs
1.3.1. Objectifs de mon Travail de Bachelor
1.3.2. Objectifs personnels
1.3.3. Objectif mรฉthodologique & stratรฉgique
2. Problรฉmatique
2.1. Contexte dรฉmographique des seniors en Suisse
2.1.1. En quelques chiffres, dโici 40 ansโฆ
2.1.2. Un constat et des questionnements !
2.2. Contexte dรฉmographique des seniors jurassiens
2.2.1. Le monde institutionnel et associatif en faveur des seniors jurassiens
2.2.2. La politique cantonale en faveur des personnes รขgรฉes
2.3. Contexte dรฉmographique boncourtois
2.3.1. Le monde institutionnel et associatif en faveur des seniors boncourtois
2.3.2. La politique communale en faveur des personnes รขgรฉes
2.4. Synthรจse de la problรฉmatique
3. Cadre thรฉorique
3.1. Les concepts clรฉs
3.1.1. Les solidaritรฉs intergรฉnรฉrationnelles
3.1.2. Le rรดle social
3.1.3. Les seniors, une histoire de dรฉfinitions plurielles
3.1.4. Animation socioculturelle hors-murs
3.1.5. Espace villageois
3.1.6. Synthรจse des concepts clรฉs
3.2. Questions et hypothรจses de recherche
3.2.1. Question
3.2.2. Hypothรจses
4. Mรฉthodologie
4.1. Terrain dโenquรชte
4.2. Echantillon de recherche
4.3. Mรฉthode de collecte des donnรฉes
4.3.1. La mise en place du focus group
4.4. Les enjeux de la dรฉmarche
4.4.1. Les limites de cette dรฉmarche
4.4.2. Et lโรฉthique ?
4.5. Dรฉroulement des 3 focus group
4.5.1. La construction des focus group
4.5.2. Focus group 1 : ยซ La vie de villageโฆ ยป
4.5.3. Focus group 2 : ยซ Les offres ร Boncourt ยป
4.5.4. Focus group 3 : ยซ Et dans 20 ans ? Quel avenir pour que Boncourt soit un village oรน il fait bon venir vieux ?ยป
5. Analyse des rรฉsultats
5.1. Une situation prรฉoccupante, le vieillissement de la population
5.1.1. Un vieillissement par manque de jeunesse
5.1.2. Conscientiser pour mieux agir !
5.2. Le vieillissement, un enjeu propre aux seniors
5.2.1. Un bien prรฉcieux, la santรฉ
5.2.2. La sรฉcuritรฉ, un gage de qualitรฉ de vie
5.2.3. Le coรปt de la vie, aussi une affaire de seniors !
5.2.4. Commune, canton et institutions, ensemble pour favoriser le maintien ร domicile !
5.3. Des actions pour lโavenir et pour une politique de la vieillesse dรฉveloppรฉe
5.3.1. Un coup de jeunesse aux Bien-Maintenus !
5.3.2. Une prioritรฉ pour les autoritรฉs, une politique de la vieillesse
5.4. Les rรดles sociaux des seniors, une influence sur la place donnรฉe et prise au sein du village ?
5.4.1. La mobilitรฉ, un gage dโรฉpanouissement
5.4.2. Valorisation et reconnaissance du rรดle des seniors
5.4.3. La qualitรฉ de vie, ambivalence entre points forts et points faibles
5.4.4. Un bon accueil, gage de fidรฉlisation
5.4.5. Des projets dโamรฉlioration pour des restaurants accueillants
5.4.6. Des actions en faveur des seniors, une satisfaction mitigรฉe
5.5. Lโespace public villageois, quels enjeux pour les seniors ?
5.5.1. De lโurbanisme et des infrastructures pour tous les goรปts !
5.5.2. Des รฉvรฉnements qui ponctuent la vie sociale
5.5.3. La vie spirituelle a aussi une place dans lโespace villageois
5.5.4. La vie sportive et de loisirs a aussi sa place !
5.5.5 Un avenir pour les seniors dans lโespace villageois
5.5.6. Trouver la juste mesure entre espace villageois gรฉographique et dรฉlibรฉratif
5.6. Les formes de solidaritรฉs souhaitรฉes par les seniors boncourtois
5.6.1. Les solidaritรฉs primaires et associatives pour un maintien ร domicile des seniors
5.6.2. Le maintien ร domicile a besoin des solidaritรฉs et dโun soutien politique
5.6.3. Les sociรฉtรฉs locales en faveur des seniors font de la promotion
5.6.4. Une promotion en faveur des seniors efficace par des sociรฉtรฉs locales dynamiques
5.6.5. Des attentes communes ou divergentes ?
5.6.6. Une symbiose entre les attentes des sociรฉtรฉs et celles des seniors
5.7. Synthรจse des rรฉsultats
5.7.1 Le vieillissement
5.7.2. Les rรดles sociaux des seniors
5.7.3. Lโespace villageois
5.7.4. Les solidaritรฉs
5.7.5. Suite et fin de la mรฉthodologie dโanimation
6. Pistes dโaction
7. Bilan de recherche
7.1. Biais et limites de la recherche
7.1.1. Biais liรฉs ร la mรฉthode de rรฉcolte de donnรฉes
7.1.2. Biais liรฉs ร lโรฉchantillon
7.1.3. Biais liรฉs ร la chercheuse
7.1.4. Limites de la recherche
7.2. Bilan du groupe de travail
7.3. Bilan professionnel et personnel
7.4. Nouveaux questionnements
8. Conclusion
9. Rรฉfรฉrences bibliographiques
9.1. Ouvrages
9.2. Articles de presse et documents de cours
9.3. Cyber graphie
10. Annexes
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