Le sinus pilonidal, encore appelรฉ kyste sacro-coccygien, est une pathologie frรฉquente touchant prรฉfรฉrentiellement lโhomme jeune. Elle se caractรฉrise par un pseudo-kyste des parties molles sous-cutanรฉes, majoritairement situรฉ au niveau de la rรฉgion sacro-coccygienne, pouvant sโinfecter, se fistuliser ร la peau et se chroniciser. Dโallure bรฉnigne, cette pathologie pose de nombreux problรจmes du fait de lโabsence de traitement idรฉal. Les suites de soins sont longues et les rรฉcidives frรฉquentes, faisant peser sur le patient une problรฉmatique mรฉdico-sociale importante. Le militaire ne semble pas รฉchapper ร cette rรจgle. Quelques รฉtudes, turques et amรฉricaines se sont intรฉressรฉes aux sinus pilonidaux chez les militaires. En France, une รฉtude retraรงant les motifs de rapatriement en mรฉtropole des militaires pour raison mรฉdicale a mis en รฉvidence que 15,6% des motifs infectieux et chirurgicaux รฉtaient des sinus pilonidaux(1). Lโobjectif principal de cette รฉtude est de dรฉcrire les caractรฉristiques de prise en charge et lโimpact de la survenue dโune infection dโun sinus pilonidal au sein dโune population de militaire franรงais. Lโobjectif secondaire est dโidentifier dโรฉventuels facteurs de risque inhรฉrents ร la spรฉcificitรฉ du militaire.
Rappels
Dรฉfinition
La premiรจre description du sinus pilonidal remonte ร 1833 par Mayo(2), anatomiste et physiologiste britannique, mais il faut attendre 1880 pour voir sa premiรจre dรฉnomination actuelle dรฉcrite par Hodges provenant du latin ยซ pilus ยป et ยซ nidus ยป pour dรฉsigner cette cavitรฉ contenant des poils(3). Improprement appelรฉ kyste sacro-coccygien du fait de sa localisation prรฉfรฉrentielle au niveau du sillon interfessier, lโappellation maladie pilonidale ou sinus pilonidal doit lui รชtre prรฉfรฉrรฉe en raison de sa nature histologique qui repose sur une formation pseudokystique ร bords granulomateux(4). Il sโagit dโune affection frรฉquente reprรฉsentant 15% des suppurations de la rรฉgion anopรฉrinรฉale(5). Souvent mรฉconnue du fait de son caractรจre bรฉnin, la maladie pilonidale nโen reste pas moins une affection occasionnant des douleurs et une altรฉration de la qualitรฉ de vie avec un retentissement socioprofessionnel(6). Sur le plan clinique, la maladie pilonidale peut รชtre asymptomatique, correspondant ร une forme quiescente sans abcรจs ni รฉcoulement, caractรฉrisรฉe par la prรฉsence dโun pertuis avec prรฉsence de poils. Elle peut se manifester de maniรจre aiguรซ lors de la constitution dโun abcรจs (Figure 1) ou se chroniciser (Figure 2) avec alors, une symptomatologie variable comprenant des รฉcoulements intermittents. ร lโexamen clinique, le sinus pilonidal siรจge sous la peau, en gรฉnรฉral ร la partie haute du sillon interfessier, en regard du coccyx ou du sacrum, ร une distance de 4 ร 10 cm de lโanus, sur la ligne mรฉdiane, et souvent de faรงon asymรฉtrique(7). Il ne communique pas avec le canal anal. La prรฉsentation clinique typique de la maladie pilonidale est la mise en รฉvidence de fossettes communiquant avec une cavitรฉ profonde dโoรน peuvent sortir des dรฉbris pilaires facilement retirables ร la pince(8).
รpidรฉmiologie
La maladie pilonidale est communรฉment appelรฉe la ยซ maladie du jeune ยป, car elle survient principalement entre 15 et 30 ans(9). Elle est exceptionnelle avant la pubertรฉ et au-delร de 40 ans(10). Elle atteint 0,7% ร 1% de la population masculine civile avec un รขge moyen de survenue de 25 ans(6,11). Le sex-ratio homme/femme est de 2,2(12). ร ce jour, les facteurs de risques identifiรฉs dans la littรฉrature sont le sexe masculin, lโobรฉsitรฉ, la station assise prolongรฉe, une pilositรฉ accrue et une mauvaise hygiรจne(13,14). Une รฉtude amรฉricaine tend ร montrer une survenue plus prรฉcoce et des taux de rรฉcidive plus รฉlevรฉs chez les cas possรฉdant des antรฉcรฉdents familiaux de maladie pilonidale(15). Un rapport amรฉricain rapporte des taux plus รฉlevรฉs dโincidence chez les conducteurs dโengins motorisรฉs, renforรงant lโappellation apparue lors de la seconde guerre mondiale de ยซ jeep seat disease ยป(16). Ce mรชme rapport montre que sur une pรฉriode de 7 annรฉes, les taux dโincidence les plus รฉlevรฉs correspondaient ร une pรฉriode de fort dรฉploiement en mission opรฉrationnelle(17).
Dans la population militaire, une รฉtude amรฉricaine montre un taux dโincidence de 1,9 cas pour 1000 patients-annรฉes(17). Cette incidence peut monter jusquโร 9% dans une รฉtude turque(18). Plus rรฉcemment, une รฉtude rรฉtrospective sur une population de militaires allemands a montrรฉ une augmentation de lโincidence de 0,3 cas pour 1000 en 1985 ร 2,4 cas pour 1000 en 2007(19). Une รฉtude de lโarmรฉe israรฉlienne a identifiรฉ des groupes ร plus hauts risques tels que les ยซ combattants hommes ยป et les femmes conductrices dโengins motorisรฉs .
Etiopathogรฉnie
Lโรฉtiopathogรฉnie de cette maladie reste ร ce jour controversรฉe entre une thรฉorie dite ยซ congรฉnitale ยป, historique et une thรฉorie dite ยซ acquise ยป plus contemporaine.
Thรฉorie congรฉnitale :
Cette thรฉorie mettrait en avant des anomalies de formation du tissu sous-cutanรฉ dรฉrivรฉ des feuillets neuroblastiques au niveau du raphรฉ mรฉdian, ร lโorigine des fossettes coccygiennes(6). La prรฉsence de fossettes asymptomatiques et la notion de forme familiale appuient cette hypothรจse, cependant de nombreux arguments la mettent ร mal, notamment lโabsence de vestiges cellulaires, embryologiques ou ectodermiques lors de lโanalyse histologique, ainsi que la rรฉcidive malgrรฉ une exรฉrรจse complรจte .
Thรฉorie acquiseย :
Cette thรฉorie plus rรฉcente, consacrant au follicule pileux le premier rรดle, a รฉmergรฉ lors de la description dโune pathologie similaire au niveau des espaces interdigitaux chez des barbiers par Patey et Scarf en 1946(21). Ce serait la pรฉnรฉtration progressive dโun poil sous la peau, favorisรฉe par lโassociation de facteurs extrinsรจques, tels que des microtraumatismes, qui serait ร lโorigine dโune rรฉaction inflammatoire, puis de la formation dโune cavitรฉ pseudokystique(8). Dโautres auteurs pensent que les fossettes sont en rรฉalitรฉ des follicules pileux distendus et รฉlargis du fait de contraintes telles que des frictions, comme cela peut se voir chez les conducteurs dโengins .
Sur le plan histologique, il est observรฉ une formation pseudokystique ร bord granulomateux dans le tissu sous-cutanรฉ de la rรฉgion sacro-coccygienne, contenant des dรฉbris pilaires(4). Sur le plan bactรฉriologique, en plus des germes cutanรฉs de type staphylocoques habituellement en cause dans les suppurations des parties molles, la prรฉsence de germes digestifs anaรฉrobies et bacilles ร gram nรฉgatif est frรฉquemment retrouvรฉe, tรฉmoignant dโune contamination locale fรฉcale .
Moyens thรฉrapeutiquesย
Seules les formes symptomatiques nรฉcessitent un traitement, qui repose alors sur la chirurgie dans lโimmense majoritรฉ des cas(7). Diffรฉrentes techniques chirurgicales existent. Les caractรฉristiques de la procรฉdure idรฉale sont dโavoir une cicatrisation rapide (permettant un retour ร la vie active le plus prรฉcocement), dโavoir un taux de rรฉcidive le plus bas possible et dโรชtre le moins dรฉlabrant possible. Or il nโy a pas de consensus sur cette procรฉdure idรฉale. Les techniques prรฉsentรฉes dans les diffรฉrentes รฉtudes sont nombreuses, portant sur des effectifs faibles, avec des durรฉes de suivi variables et sont ainsi peu comparables(7). Dans le cadre dโun sinus pilonidal ร la phase aiguรซ, cโest-ร -dire abcรฉdรฉ, il peut รชtre rรฉalisรฉ des techniques conservatrices comme une simple incision avec drainage ou une incision avec drainage et curetage, mais cette derniรจre reste controversรฉe(23). Lโavantage de lโincision avec drainage est sa possibilitรฉ de rรฉalisation sous anesthรฉsie locale, avec un taux de rรฉcidive de 40,2% ร 60 mois(24). Dans le cadre dโun sinus pilonidal ร la phase chronique, plusieurs techniques dโexรฉrรจse existent, elles se diffรฉrencient notamment par leur technique de fermeture (cicatrisation dirigรฉe, fermeture partielle, fermeture totale avec ou sans rรฉalisation de lambeaux) (Figure 4 et Figure 5). Lors des exรฉrรจses avec cicatrisation dirigรฉe, la cicatrisation doit se faire du fond de la plaie ร la surface et se rรฉalise donc ร lโaide de mรฉchage quotidien jusquโร cicatrisation complรจte afin dโรฉviter la surinfection ou le cloisonnement responsable de non-guรฉrisons ou de rรฉcidives. Concernant les techniques dโexรฉrรจse avec fermeture, la fermeture mรฉdiane peut-รชtre rรฉalisรฉe dans le cadre de petites plaies. Cependant la profondeur de la plaie expose ร un risque de dรฉsunion en raison de la suture en zone sous tension. De plus, une mรฉta-analyse a mis en รฉvidence un taux de rรฉcidive de 67,9% ร 240 mois(24). Ainsi, dโautres techniques de fermetures ont vu le jour, que ce soit des techniques de fermetures paramรฉdianes (type Karydakis(25) ou Bascom(26)) ou la rรฉalisation de plasties (lambeau rhomboรฏdal ยซ LLL ยป de Limberg ou Dufourmentel, en ยซ V-Y ยป, en ยซ Z ยป(7)). Ces plasties et leurs variantes sont plus ou moins complexes ce qui pourrait expliquer quโelles soient moins rรฉalisรฉes .
Soutien mรฉdical en opรฉrationย
Sur les thรฉรขtres d’opรฉration, le concept franรงais de prise en charge des blessรฉs consiste ร amener au plus prรจs des combattants, des mรฉdecins, chirurgiens et anesthรฉsistes-rรฉanimateurs pour traiter les malades et blessรฉs. Le but est d’offrir aux militaires blessรฉs les meilleures chances de survie et de rรฉcupรฉration fonctionnelle. Pour assurer ce systรจme dit de ยซ mรฉdicalisation de lโavant ยป, plusieurs structures mรฉdicochirurgicales ponctuent le cheminement du blessรฉ dans la chaรฎne de soutien santรฉ. En premier lieu, le poste mรฉdical, unitรฉ opรฉrationnelle de niveau 1 ou ยซ rรดle 1ยป est la plus petite structure mรฉdicalisรฉe dรฉployรฉe. Sa composition varie en fonction de la mission et il est intรฉgrรฉ ร lโunitรฉ de combat soutenue. Le ยซ rรดle 2 ยป ou antenne chirurgicale correspond ร une unitรฉ mรฉdicale opรฉrationnelle de niveau 2 permettant de pratiquer la rรฉanimation et des gestes chirurgicaux de sauvetage afin de limiter les sรฉquelles et de stabiliser le blessรฉ en vue de son รฉvacuation. Dรฉployable en moins de 3 heures, lโantenne chirurgicale est une formation transportable par voie aรฉrienne. Elle offre un bloc opรฉratoire, une salle de rรฉanimation et dix lits dโhospitalisation. Pour la Marine Nationale, cette antenne se dรฉcline sous la forme dโun รฉlรฉment chirurgical embarquรฉ ร bords des bรขtiments รฉquipรฉs de blocs opรฉratoires (porte-avions et porte hรฉlicoptรจre amphibie).
Lโunitรฉ mรฉdicale de niveau 3 ou ยซ rรดle 3 ยป correspond ร lโhรดpital mรฉdicochirurgical (HMC). La capacitรฉ dโhospitalisation est de 15 ร 60 lits. En plus de blocs opรฉratoires et dโรฉquipements dโimagerie et de biologie mรฉdicale plus dรฉveloppรฉs, des spรฉcialitรฉs supplรฉmentaires (neurochirurgie, ophtalmologie, cabinet dentaire) peuvent venir renforcer cette unitรฉ. Les huit hรดpitaux dโinstruction des armรฉes (HIA) constituent les unitรฉs mรฉdicales opรฉrationnelles de niveau 4 ou ยซ rรดles 4 ยป. Ils sont situรฉs sur le territoire mรฉtropolitain et pratiquent, en plus de leur activitรฉ de service public hospitalier conventionnel, le traitement dรฉfinitif et la rรฉรฉducation des blessรฉs. Entre chacun de ces diffรฉrents ยซ rรดles ยป, le blessรฉ bรฉnรฉficie dโune assistance mรฉdicale constante par des รฉquipes dโรฉvacuation mรฉdicalisรฉe (MEDEVAC). Ces MEDEVAC sont dites ยซ tactiques ยป lorsquโelles sont rรฉalisรฉes entre les diffรฉrents rรดles sur le thรฉรขtre dโopรฉrations ou ยซ stratรฉgiques ยป lors du rapatriement en mรฉtropole(27). Ces structures assurent la prise en charge des blessures de guerre bien sรปr, mais aussi de toutes les urgences mรฉdico-chirurgicales conventionnelles du thรฉรขtre, notamment les urgences infectieuses comme une appendicite ou dans le cas prรฉsent un sinus pilonidal infectรฉ.
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Table des matiรจres
Introduction
Rappels
Dรฉfinition
รpidรฉmiologie
Etiopathogรฉnie
Moyens thรฉrapeutiques
Soutien mรฉdical en opรฉration
Matรฉriels et mรฉthode
Rรฉsultats
Caractรฉristique de la population
Prise en charge chirurgicale
Consรฉquence opรฉrationnelle
Caractรฉristique de la population ยซ rรฉcidive ยป
Discussion
Conclusion
Rรฉfรฉrences bibliographiques