Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Histoire et évolution du Score aux États-Unis
Il faut savoir que l’idée d’utiliser de la musique populaire au cinéma existe depuis ses débuts. Dès les premières projections de films, les personnes qui aillaient les voir se plaignaient du bruit du projecteur. De ce fait, la musique était un bon « cache misère » ; alors un musicien jouait du piano pour accompagner les images avec l’aide de partitions réunissant des centaines de thèmes pouvant couvrir toutes les situations que l’on pouvait avoir dans un film.
Mais c’est en 1915 que les choses commencent vraiment à se développer : le réalisateur David Wark Griffith commande une musique originale pour son film The Birth of a Nation et c’est le compositeur Joseph Carl Breil qui est sur le coup.
J.C Breil compose alors une « Bande Originale » de 3H qui n’est qu’en réalité un mélange de musiques préexistantes et de compositions originales : il a donc mélangé du Wagner, des thèmes familiers de chansons que les gens écoutaient en 1915 et ses propres compositions.
L’histoire est différente en France, car la première Bande Originale de film a été composé par Camille Saint Saëns, en 1908, pour l’Assassinat du Duc de Guise réalisé par André Calmettes et Charles Le Bargy.
Le cinéma Nord-Américain, avec des compositeurs tel que Max Steiner ou Enrich Korngold, puisaient leurs inspirations dans la musique européenne, musique exclusivement savante. C’est en 1951, que la musique de film connait un nouveau souffle inédit : Pour le film A Streetcar Named Desire réalisé par Elia Kazan en 1951, l’idée même du score change : Alex North compose une musique hybride entre musique symphonique et Jazz, un mélange qui fonctionne mais qui bouleverse l’héritage classique européen que le cinéma avait adopté. C’est donc dans les années 1950 et 1960 que la vision du score évolue avec des compositeurs comme Alex North, John Barry et Ennio Morricone.
Même si on parle de musique américaine, l’influence de l’italien Ennio Morricone est exceptionnelle et a inspiré un bon nombre de compositeurs et cinéastes américains, qui ont d’ailleurs fini par collaborer ensemble comme Brian De Palma ou Quentin Tarantino. De ce fait, Morricone est un excellent exemple pour comprendre ce désir de mélange des styles.
Le producteur, réalisateur et spécialiste de la musique de film Thierry Jousse, sur France musique, nous donne son analyse de la musique d’Ennio Morricone : « Sa musique est à la fois très mélodique, dans une pure tradition italienne, quasi opératique, et en même temps il ajoute des effets de musique contemporaine, des bruits, des sons décalés. Il a aussi contribué à définir la musique pop de cette époque, en s’inspirant de la bossa nova par exemple. C’était un maître de l’instrumentation, il pouvait orchestrer un même thème des dizaines de fois de manière différente. Il impose une nouvelle donne dans la musique pour le cinéma. »7
Morricone dans sa musique, réussit à faire « la rencontre entre le populaire et le savant »8, ce qui a permis à ses compositions de traverser le temps, et de concevoir le score comme un art complexe dépourvu de réelles règles esthétiques. Il faut être en phase avec le film pour lequel on compose ; l’artiste a permis de nous dire que l’on peut mélanger les styles entre eux, en créant une musique universelle, peu importe de quelle classe sociale, de quel style et de quel courant nous faisons partit.
La fin des années 1960 et la décennie 1970 ont permis aux artistes populaires de faire leurs preuves au cinéma grâce aux réalisateurs et producteurs intéressés par les nouveaux courants musicaux de l’époque. On y voit des donc des artistes et groupes comme Pink Floyd avec More, Curtis Mayfield avec Superfly, John Carpenter avec Halloween, Bob Dylan avec Pat Garrett & Billy The Kid s’adonner à la composition de score, avec leurs propres codes et identités.
La musique au cinéma évolue avec les nouvelles technologies et les nouveaux courants musicaux ; en reprenant parfois le passé pour en faire le futur comme l’a fait John Williams, ou Alan Silvestri en remettant à la mode la grande musique orchestrale dans le film lorsqu’elle était sur le déclin dans les années 1970, créant de ce fait une norme dans la composition à l’image ses grands films Hollywoodiens.
Le star-system9
C’est généralement le réalisateur qui choisit l’artiste qui va écrire une chanson ou un score pour son œuvre. Il arrive parfois que ce soit l’agent, ou les producteurs qui choisissent un artiste pour la promotion d’un film. Il n’y a pas vraiment de règles prédéfinies en ce qui concerne la création où l’interprétation10.
Aux États-Unis, depuis tout temps, il est coutume d’allier musique populaire et cinéma, mais parfois pour des raisons qui se rapportent au profit ; Elvis Presley, par exemple, a fait une carrière au cinéma grâce à sa musique. Malheureusement les films dans lesquels on lui demandait de jouer étaient des films « moyens » dans le sens où c’est un produit, c’est un film avec Elvis Presley qui chante du Elvis Presley.
Le King, qui avait toujours rêvé d’une carrière au cinéma dissociable de celle de chanteur, a vite été déçu car dans ses films, il devait toujours chanter, des chansons étaient spécialement écrites pour lui et pour les films.
Entre 1956 et 1969, soit une période de 13 ans, il a joué et chanté dans une trentaine de films, ce qui a fini par nuire à l’artiste, car les chansons étaient parfois très mauvaises : il enchainait les tournages et les enregistrements de chansons moyennes, et le pire, c’est que même les producteurs, l’entourage, les techniciens et Elvis lui-même savaient que c’était mauvais. Mais paradoxalement, ça rapportait toujours de l’argent donc Hollywood continuait à exploiter cette idée11…
En dehors d’Elvis Presley, Frank Sinatra s’est essayé au cinéma avec From Here to Eternity ou High Society (avec Louis Armstrong, Grace Kelly et Bing Crosby) parmi d’autres films, Johnny Cash a joué dans des épisodes de Columbo, Little House on the Prairie où même Dr. Quinn. Il y a eu d’autres figures de la musique dite populaire au cinéma, et pas seulement pour la musique qu’ils font : Tina Turner dans Mad Max : Beyond the Thunder Dome de George Miller et George Ogilvie, Sting, dans Dune de David Lynch, Tom Waits dans Down By Law de Jim Jarmusch…parmi tant d’autres œuvres plus ou moins réussites.
Le singer-songwriter qui collabore avec un compositeur, ou partageant la composition d’un film (sous forme de Motion Picture Soundtrack)
Il est fréquent qu’un singer-songwriter, ou groupe de musique populaire, intègrent dans leur score quelques chansons de leur composition, lié au film, sur demande. Les profils A et B réunis sont donc fréquents dans l’élaboration d’un score par un ou des artistes populaires.
Le profil C quant à lui, est un profil de collaboration entre deux artistes d’univers différents se rencontrant à l’occasion d’un film ou partageants la composition de la musique d’un film sans pour autant travailler ensemble (l’un faisant le score, l’autre la musique populaire du film (A)). Ces profils sont expliqués afin de mieux comprendre le travail d’un auteur compositeur interprète au cinéma ; il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas de règles concernant cette discipline, les auteurs restent des artistes, évoluant dans leur art.
Le singer-songwriter, qui écrit des chansons pour le film
Il est difficile de trouver le premier singer/songwriter à avoir composé et interprété une chanson pour un film. La tradition d’écrire une chanson originale pour un film remonte au début du cinéma parlant, avec des chansons comme Blue Moon (Manhattan Melodrama, 1934) ou Cheek To Cheek (Top Hat, 1935), ces theme songs n’ont pas beaucoup attendu avant d’être commercialisées pour la radio et le grand public avec le film d’animation Disney Snow White and the Seven Dwarfs (1937).
Il ne faut pas confondre les films d’animations, les comédies musicales, et les biopics musicaux avec les autres films ayant des chansons originales car la musique n’a pas la même portée. Dans les Disney, les personnages chantent et dansent tout comme dans les comédies musicales où la musique joue un rôle à part entière. Elle n’est pas que là pour servir les images, elle fait partie de l’histoire.
Un singer/songwriter, l’équivalent d’un auteur-compositeur-interprète en France, c’est une personne qui compose, écrit et performe ses propres chansons, généralement dans la tradition orale de la musique populaire, musique qui n’est pas forcément écrite.
Dans le monde du cinéma, à partir des années 70, le singer-songwriter se voit s’affirmer, il commence à composer et performer ses propres chansons dans les films. Comme Paul McCartney avec Live And Let Die pour le film au titre éponyme, réalisé par Guy Hamilton en 1973 sous la licence James Bond.
Lorsqu’un réalisateur ou des producteurs demandent à un singer-songwriter d’écrire et d’interpréter une chanson pour un film, c’est pour un style particulier, un profil particulier qui répondrait à une esthétique voulue d’un film, à la différence d’un interprète qui va lui user de sa popularité pour la promotion d’un film. En regardant tous les noms de personnalités issu du monde de la musique, on peut se rendre compte que c’est dans les années 80 et 90 qu’il y a cette grande époque de l’artiste acteur et de l’artiste écrivant où interprétant une chanson pour un film, car c’est à cette période que le star-system ou vedettariat était à son apogée. C’est dans ces années que l’artiste commence à avoir une portée politique, bien que la portée économique reste très ancrée. Lorsque l’on regarde les différents films avec lesquels les singer/songwriter ont écrit des chansons, on se rend compte que c’est généralement dans les films d’auteur qu’ils s’exécutent : un auteur travaillant avec un autre auteur sur un sujet précis, se respectant mutuellement.
En étudiant différents exemples de chanson originale pour le film, le singer/songwriter a plusieurs possibilités à la création d’une chanson. Tout d’abord, le projet commence toujours avec un contact entre les différents auteurs ou producteurs, suivit d’une lecture d’un script ou même une projection anticipée. Le singer-songwriter peut écrire une chanson en s’inspirant directement du film, du projet, ou en reprenant des choses qu’il a déjà commencé à écrire.
Voici quelques exemples de différents films et d’extrait d’interviews des artistes eux-mêmes : Pour son film The Dead Don’t Die, Jim Jarmusch a demandé à Sturgill Simpson de lui écrire une chanson originale. A la sortie de la chanson, Simpson s’est entretenu avec Zane Lowe à la radio Beat 1 sur comment sa collaboration avec Jim Jarmusch a vu le jour : « (Il) m’a demandé si je voulais écrire une chanson pour son film, et je crois que j’ai dit oui avant même qu’il ne pose la question. J’ai toujours aimé son travail, probablement depuis que j’étais trop jeune pour vraiment comprendre ou regarder. Ghost Dog et Dead Man ont eu un impact énorme sur moi. J’ai probablement vu Ghost Dog 200 à 300 fois. (…) »16 Sturgill Simpson, toujours au micro de Zane Lowe, sur l’écriture de la chanson : « C’était le titre du film, donc je savais que ça devait être le titre de la chanson. J’ai juste lu les scripts, et j’ai trouvé des petites anecdotes et des extraits de ce que je pensais être le vrai message sous-jacent que Jim voulait montrer. C’était différent, parce que j’écris généralement la plupart des choses du point de vue de ma propre expérience. C’était amusant, très amusant ».
Nous avons ici la vision d’artistes visant un public averti, sur un film d’auteur. Le choix de prendre Sturgill Simpson vient clairement du réalisateur, de par ses gouts musicaux. Évidemment, l’univers de l’artiste colle parfaitement avec ce film prenant place dans l’Amérique profonde.
Pour un film aux dépenses et à la portée beaucoup plus grande tel que Back To The Futur, l’artiste populaire pour le film est choisi en fonction d’une promotion future, représentant d’une marque, par conséquent, la production est très impliquée dans ce choix.
Dans une interview donnée à RollingStone, Huey Lewis revient sur sa carrière et répond aux questions du journaliste Andy Greene sur comment Huey Lewis et son groupe The News, ont été approchés pour composer la chanson du film : « Robert Zemeckis, Steven Spielberg et Bob Gale, qui ont respectivement produit, réalisé et écrit le film, ont demandé une rencontre. Nous sommes allés chez Amblin Entertainment à Los Angeles. Ils nous ont dit : « Écoutez, nous avons écrit ce film, et le personnage principal est cet adolescent, Marty McFly. Son groupe préféré serait Huey Lewis and the News. Vous voulez écrire une chanson ? » J’ai répondu : « Je suis flatté, mais je n’ai jamais écrit pour un film. On vous enverra la prochaine chose qu’on écrira. » C’était Power of Love. Je ne pensais pas que ça marcherait car il n’y avait pas d’intérêt pour l’amour dans le film, mais il est clair qu’ils l’ont bien utilisé. Ensuite, ils nous ont montré le film et nous ont dit qu’ils voulaient quelque chose pour le générique. C’est alors que Sean (Hopper) et moi avons écrit Back in Time. ».
Ici, le contact est toujours le même, une idée de collaboration entre auteurs, mais pour un film du calibre de Back to The Future, l’idée est quand même de faire la promotion d’un film, même si la chanson ne correspond pas forcément au film. Malgré tout, Huey Lewis & The News ont fini par composer une chanson spécialement pour le film, même si leur chanson Power of Love a eu bien plus grand succès.
Ce que recherchent les réalisateurs, c’est un artiste, qui colle à l’atmosphère du film, à une idée. Lorsque l’on regarde Back To The Future, nous sommes au cœur des années 80, et la voix, le son, ainsi que l’ambiance d’Huey Lewis & The News semble évidente lorsqu’elle apparait dans le film : c’est en totale harmonie avec le film et son époque.
La chanson originale pour le film composée par un singer-songwriter sert évidemment à la communication d’un film, mais c’est surtout un apport au film, comme une extension. D’un côté nous avons les artistes engagés, qui vont essayer de comprendre le film et de s’en imprégner pour écrire quelque chose de profond, comme ici, Sturgill Simpson et de l’autre des chansons correspondant plus à une atmosphère, avec une musique destinée à divertir, ici avec Huey Lewis and The News. Finalement, le choix d’un artiste pour la chanson originale relève de l’ambiance, du sujet et de la portée du film, même si, comme toujours, il existe des exceptions.
Le singer-songwriter qui écrit le score pour le film
Les compositeurs et artistes issus de musique populaire sont choisis pour leur identité et ce qu’ils peuvent apporter dans un projet.
D’après l’éditeur, producteur, écrivain, compositeur, ingénieur du son Jean-Michel Guesdon, le choix d’un groupe ou artiste pour un film vient du son, de la jeunesse et du rapport avec les images, comme Pink Floyd pour le film More de Barbet Schroeder par exemple.19 Toujours d’après Jean-Michel Guesdon, à l’époque des années 1950 à 1990, dans les blockbusters, des compositeurs comme Bernard Hermann faisaient un énorme travail de composition à l’image pour obtenir un score soigné, alors que de nos jours, la tendance est plutôt de choisir des chansons préexistantes pour le film, puis des compositions originales pour faire le lien, pour habiller le film. Faire appel à un singer-songwriter comme scorer d’un film pourrait-être un bon compromis à l’évolution de la musique de film, mais les choses sont plus compliquées que cela. Compositeur de score et singer-songwriter sont deux choses différentes, qui demandent une éducation et un apprentissage différent, même si l’un n’empêche pas l’autre ; un singer-songwriter et un scorer partagent le même métier : compositeur, par conséquent, dans la vie d’un artiste compositeur, absolument tout est possible.
Le score pour une œuvre audiovisuelle, a pour fonction d’habiller, d’accompagner les actions, de créer une ambiance, un liant à l’œuvre, faire le choix de prendre un artiste qui n’est pas expert dans le scoring, et de ne choisir que lui, est un choix très singulier. Dead Man, de Jim Jarmusch fait partie de ces films-là : avec Neil Young à la composition, et ce qu’il sait faire de mieux, du rock. Les chansons du singer/songwriter natif du Canada laissent beaucoup de place aux parties instrumentales, avec des soli de plusieurs minutes, à l’image d’une Jam session20, un style assez primaire qu’il a l’habitude de produire avec son groupe le Crazy Horse, ce qui ne laisse pas indifférent J. Jarmusch. Lorsque le réalisateur produisait Dead Man, il mettait sur ses différentes scènes la musique de Neil Young, en guise de Temp Track21 : des extraits instrumentaux coupés de diverses chansons de ce dernier.
Neil Young a composé la musique de Dead Man en improvisant, avec tout le film projeté sur plusieurs écrans autour de lui, ce qui fait de cette musique une pièce unique dans l’histoire de la musique de film.
Cet exemple de Dead Man nous montre que le score par un artiste populaire relève souvent d’un sentiment, d’un son commun. Le singer-songwriter compose son score comme il composerait une de ses chansons, le score de Pat Garret & Billy The Kid, composé par Bob Dylan, nous confirme ce phénomène : les musiques habillant le film ressemblent aux chansons habituelles de l’artiste où on imagine que la composition de ce score est à la base une grille d’accords où les musiciens improvisent dessus. Cette observation est confirmée par le singer/songwriter et producteur, membre du collectif Buena Vista Social Club, Joachim Cooder, qui s’est plusieurs fois essayé au score pour du documentaire.
Dans notre entretien, il raconte que lorsqu’il compose une musique pour l’image, il fait exactement la même chose que lorsqu’il compose une chanson, il y va au « feeling », il s’inspire de ce qui l’entoure, comme le désert ou les « Open Roads ». Il se trouve que Joachim Cooder n’a pas vraiment poussé ses études de solfège, il a des bases, sans avoir de connaissances approfondies. C’est quelque chose d’assez commun chez les Singer/Songwriters, d’après lui, ce qu’on recherche chez lui, lorsqu’on l’appelle pour un projet, c’est son univers et ce qu’il peut apporter au film22. L’artiste ayant principalement travaillé sur des documentaires explique que lorsqu’il travaille pour un projet, il envoie différentes maquettes avec des choses assez différentes et laisse le réalisateur choisir une direction que va par la suite prendre l’artiste.
De nombreux Scores composés par des artistes populaires sont uniques dans l’histoire du cinéma : il y a l’incontournable Paris, Texas de Wim Wenders avec une musique composée par Ry Cooder, qui répond à l’esthétique de l’ouest Américain et du désert, la musique de Trent Reznor et Atticus Ross pour The Social Network proposant une atmosphère synthétique souvent pesante… Généralement, les films concernés par ce choix de compositeur ont une identité très marquée, une ambiance particulière ou même une époque particulière que seulement des artistes issus de musique populaire peuvent retranscrire, car c’est bel et bien leur domaine, qu’ils soient aidés ou non.
Un compositeur « classique » issu de conservatoire n’aurait probablement pas su composer une œuvre aussi marquante que les B.O. de Paris, Texas ou Dead Man car il ne serait probablement pas assez imprégné de cette culture populaire tout comme l’inverse, Neil Young ou Ry Cooder n’aurait probablement pas pu composer le score d’un film de Super Héro car tout dépend de l’esthétique, des relations, et de l’importance qu’accorde un réalisateur pour la musique de son film. Il existe quand même des exceptions comme le compositeur Jonny Greenwood, guitariste du groupe Radiohead. Ses compositions au cinéma sont complexes, inspirées par la musique savante, à l’écoute de la bande originale de There Will Be Blood ou Phantom Thread de Paul Thomas Anderson, on est loin d’imaginer le compositeur comme un guitariste d’un groupe populaire des années 2000. Pourtant, cette situation n’a rien de surprenante quand on voit le profil du compositeur : dans le groupe, il est arrangeur, il expérimente des sons et prend les chansons de Tom York pour en faire des chansons de Radiohead. Ce profil nous confirme qu’il n’y a plus de règles ni de hiérarchie dans la composition musicale.
Le singer-songwriter qui collabore avec un compositeur/partageant la composition d’un film
Il arrive que pour un film, on ait un album de compositions originales inspiré par le film ou tiré du film ainsi que le score. L’album de chansons originales est évidemment une communication de la part des studios de production, voulant vendre leur film au plus grand public en créant des produits dérivés même s’ils sont artistiques.
En 1989, l’artiste Prince, signe la Bande Originale de Batman réalisé par Tim Burton, un album complet de chansons inspirée par le film et de la collaboration entre les deux artistes aux arts excentriques. Mais lorsque l’on regarde le film, précisément la musique du film, on y voit une bande originale coupée en deux, d’un côté la grande musique orchestrale de Danny Elfman, de l’autre la musique de Prince. On peut donc, en observant cela, pour des besoins de style, de mode, de courant artistique, que la musique de Prince ne remplis pas les mêmes besoins que la musique de Danny Elfman : une musique dans ce style POP a ses limites pour un film, tout comme la musique orchestrale à les siennes pour certaines scènes, il y a différentes fonctions.
Il faut aussi avoir à l’esprit que Prince, à cette époque était très connu, il y a derrière ça une portée commerciale, à la base Tim Burton, même s’il était fan de l’artiste, ne souhaitait pas que Prince compose des chansons pour le film, car ça ne correspondait pas à sa vision sombre de Gotham. Ce sont les studios ont forcé la main au réalisateur pour qu’il accepte. Dans une interview avec David Breskin pour Rolling Stone en 1992, le réalisateur déclare « Cela a entaché quelque chose que je ne veux pas entacher : que vous ressentez pour un artiste. {…} Et en fait, j’ai aimé l’album de Prince. J’aimerais pouvoir l’écouter sans ressentir ce qui s’est passé. »23
L’album de prince a servi de communication pour le film : en 1989, le film de Super héros n’était pas à la mode, et Prince ainsi que Burton, l’on rendu populaire.
L’artiste populaire, est quelque part l’image de la société dans laquelle il vit, son son, ses compositions sont rattachées à une époque précise, c’est pourquoi, pour créer une ambiance, une identité d’un moment spatial et temporel précis, les prendre en tant que scorer, semble être judicieux. Dans Lethal Weapon de Richard Donner, sortit en 1987, la musique de Michael Kamen et Eric Clapton réussit à nous plonger dans Los Angeles au cœur des années 80 grâce aux codes de la musique Hollywoodienne à laquelle on ajoute les codes de la musique pop de l’époque, tel que la guitare d’Éric Clapton et les soli de saxophones.
Il arrive aussi que le score du film soit le fruit d’une collaboration entre deux compositeurs différents spécialement pour un film, que ce soit pour la production de chansons intégré au score ou du scoring de manière générale.
Eddie Vedder, le front man de Pearl Jam signe la Bande Originale de Into The Wild de Sean Penn, ses chansons sont mélangées à celles de Michael Brook pour le film, ce qui donne une réelle identité musicale au film. On ne sait plus vraiment quelle est la chanson de qui, on se souvient juste de l’ambiance sonore, il y a une vraie cohésion entre les deux artistes et compositeurs, partageants une identité musicale. On est ici sur un film qui a eu un grand succès, certes, mais appartient quand même à la catégorie des films d’auteurs, Into the Wild étant un film indépendant, a une liberté artistique que l’on ne retrouve pas dans certains films hollywoodiens à grand budget, où le compositeur est suivi, a de nombreux assistants et orchestrateurs afin d’être sûr que l’élaboration de la partition se passe au mieux.
Lorsqu’on écoute le score du film Oblivion, réalisé par Joseph Kosinski avec une musique co-composée par Joseph Trapanese et l’artiste M83, on entend très peu le style de M83, c’est comme si on l’avait rajouté spécialement pour viser le public qui l’écoute ; pourtant l’artiste, s’est par la suite plusieurs fois essayé à la composition de musique de film, avec succès et cohérence. La réussite d’une collaboration entre deux compositeurs aux compétences différentes relève d’une entente, d’une esthétique et d’une véritable complémentarité entre les artistes, comme dans le film Freeheld, réalisé par Peter Sollett avec la bande originale composée par Hans Zimmer et Johnny Marr (guitariste de The Smiths).
En étudiant ces trois profils, et les différentes œuvres, on se rend compte qu’il existe des catégories d’artistes populaires au cinéma :
-L’artiste populaire composant autodidacte, qui garde ses propres codes, avec des connaissances théoriques suffisantes.
-L’artiste populaire aux connaissances théoriques poussées.
-L’artiste populaire collaborant avec des compositeurs expérimentés, ayant une connaissance théorique poussée.
A propos de ces catégories, Pierre Lavoie, dans un entretien, explique : « Je pense qu’il est important, même en conservant ces catégories, de comprendre en quoi elles ne sont pas mutuellement exclusives et qu’elles peuvent aussi faire partie d’un continuum. Un musicien aux connaissances théoriques poussées peut très bien, dans le cadre d’un projet donné, travailler principalement par instinct. Aussi, un musicien qui travaille par instinct ne crée jamais en vase clos. « Ses propres codes » sont irrémédiablement le produit de sa subjectivité et de toutes les musiques, de toutes les expériences esthétiques qu’il a cumulées dans sa vie. Même les plus originaux des compositeurs de musique populaire crée par intermédiarité et intertextualité, ils font, parfois consciemment, parfois inconsciemment, référence à différentes traditions musicales, littéraires, culturelles. ».
Un artiste de musique populaire, même s’il compose une musique codée et connotée, n’a pas de règles en ce qui concerne la composition pour un film ; tout dépend de ce qu’on attend de lui et de sa manière de concevoir et de comprendre un sujet. C’est la même chose pour un compositeur scorer, ses connaissances de la théorie musicale poussée lui permet de composer ce qu’il veut, comme John Williams avec La cantina dans Star Wars par exemple.
Le compositeur est un auteur avec une vision d’un scénario, il peut s’exécuter en s’inspirant des idées des réalisateurs ou producteurs, ou se créer ses propres idées et avoir sa propre vision d’un scénario ou d’images. Le singer-songwriter, en plus d’écrire de la musique, écrit des paroles, un texte directement inspiré d’un sujet donné. Le texte, parfois préexistant à un film, peut parfaitement coller à un sujet donné, et directement correspondre au projet. Mais le singer-songwriter est aussi un poète, un écrivain qui doit trouver l’équilibre entre sa musique et son texte. Il arrive parfois qu’un texte ai besoin d’une musique particulière pour pouvoir vivre, a défaut de correspondre aux demandes d’un réalisateur ; c’est pourquoi la chanson pour le film composée par un artiste compositeur interprète est une autre vision d’un scénario, d’image ou de sujet. Pour un réalisateur, faire appel à un artiste pour écrire une chanson pour son film, c’est vouloir et accepter une autre vision que la sienne.
|
Table des matières
Table des matières
Glossaire
HISTOIRE ET CONTEXTE
Contexte
Histoire et évolution du Score aux États-Unis
Le star-system
ASCENSION DE L’AUTEUR COMPOSITEUR INTERPRETE
Une origine commerciale
Profil A – Le singer-songwriter, qui écrit des chansons pour le film
Profil B – Le singer-songwriter qui écrit le score pour le film
Profil C – Le singer-songwriter qui collabore avec un compositeur/partageant la composition d’un film
ANALYSE
PHIlADELPHIA :
Streets Of Philadelphia:
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet