Le service civique volontaire, un dispositif favorisant l’ « affiliation sociale » ?

Le service civique volontaire, quelle politique jeunesse ?

En 2012, lors du dernier recensement de l’INSEE, les jeunes de 15 à 29 ans représentaient près de 18% de la population française. Si leur part est en légère baisse par rapport au précédent recensement, elle reste tout de même un pan important de la société, difficile à cerner.
D’abord non reconnue puis réservée à une élite, la jeunesse a ensuite été délimitée par des rites organisés par les générations antérieures. Cette tranche d’âge était alors un temps de passage vers l’âge adulte et détenait des rôles bien définis notamment sur le maintien des bonnes mœurs. Cependant, la société évoluant, les frontières se sont devenues plus floues et vont jusqu’à disparaître. Les jeunes ont de plus en plus de mal à se définir et à trouver leur place dans la société d’autant que, très vite, ils se voient attribuer de nombreux défauts. « Il n’est que trop fréquent de voir associés à « la jeunesse » propriétés et qualités, vices et vertus, qu’on lui assigne comme autant d’attributs ». A cela s’ajoute les croissantes difficultés d’entrée sur le marché du travail qui ne facilitent pas l’obtention d’un statut ou d’une reconnaissance.
Petit à petit, l’Etat s’est saisi de cette problématique et va tenter d’aider les jeunes générations. Il faut néanmoins constater que les actions et les politiques publiques sont empreintes des préconçus, sur la jeunesse, des générations précédentes. Que ce soit volontaire ou non, les politiques sont souvent guidées par l’appréhension ou la méconnaissance qui produisent des actions « de contrôle », ou perpétuent l’image négative attribuée à cette tranche d’âge. Aussi, les dispositifs à double tranchant sont nombreux et régulièrement critiqués.
Face aux limites des politiques d’intégration, d’autonomie ou de citoyenneté, Christophe Moreau appelle à dépasser ce triptyque pour se concentrer sur le concept d’affiliation sociale. Il encourage la création de dispositifs favorisant la construction identitaire, la régulation des émotions, l’exercice de la responsabilité et, par ce biais, l’obtention d’un statut. Déjà apparaissent des dispositifs plus englobants, qui cherchent à supplanter le triptyque habituel. Le service civique volontaire pourrait ainsi devenir une alternative possible.

Vous avez dit jeunesse ?

La jeunesse est une catégorie plutôt floue, qui se construit et évolue en suivant la transformation des sociétés (1.1). Si la moitié de la population mondiale a moins de 25 ans, l’âge ne conditionne pas l’appartenance à la catégorie des « jeunes », certains étant encore à l’adolescence tandis que d’autres sont déjà entrés dans l’âge adulte. La jeunesse a donc des frontières poreuses et incertaines mais tous les jeunes tentent d’être indépendant et de trouver leur place dans la société (1.2.). C’est une pér iode de transition dont les membres « constituent une richesse et une valeur irremplaçables dans la vie d’une société et d’une nation grâce à la force, l’enthousiasme et la vitalité qui les caractérisent ».
Aujourd’hui, la moitié de la population mondiale à moins de 25 ans et les Nations Unis « considèr[ent] que la jeunesse est la clé du futur » . Cependant, la situation globale est inquiétante : que ce soit en France ou dans le monde, les jeunes sont victimes de la crise économique et 18 % d’entre eux vivent avec moins de un dollar par jour(1.3.).

La création d’un nouvel âge ?

Si la jeunesse n’est pas une création récente, ce n’est pas non plus un âge qui a existé de tout temps.
Cette période de la vie a d’abord été réservée à une élite puisqu’il fallait une certaine aisance financière pour pouvoir se permettre une telle situation (1.1.1). Puis elle s’est progressivement étendue à toutes les classes sociales (1.1.2.) avant de mettre en question son homogénéité et donc son sens définitionnel (1.1.3.).

Apparition de la jeunesse

Comme le souligne Michel Fize dans son ouvrage Jeunesse à l’abandon, la jeunesse est souvent considérée comme une « invention de l’air moderne » mais ce n’est pas réellement le cas.
Selon Philippe Ariès , historien et journaliste français, dans la société traditionnelle, l’enfant devenait rapidement homme puisqu’il était mêlé dès que possible à la vie d’adulte. D’après Olivier Galland, même à l’école le jeune côtoyait des personnes de tout âge . Ainsi, à cette époque, la jeunesse n’avait pas d’existence sociale. Les individus passaient directement du statut d’enfant, géré par le monde des femmes, au statut d’adulte.
C’est au Moyen-Âge que la jeunesse a commencé à apparaitre dans l’aristocratie. Pour reprendre Michel Fize, « la jeunesse représente une longue séquence biographique, entre l’adoubement e t la paternité, qui s’étend sur dix, vingt, vingt-cinq ans parfois ». A cette époque, les rites de passage d’entrée dans la vie adulte étaient le mariage et l’avènement du premier enfant. Cependant, Olivier Galland souligne aussi l’importance de « remplacer » le père, de prendre sa place. Ainsi, la jeunesse est déjà « l’âge de l’attente, de la dépendance, de l’incertitude » car l’entrée dans la vie d’ « homme » se fait souvent au retrait du père. Concernant d’abord uniquement les jeunes héritiers de familles bourgeoises ou nobles, elle s’étendra ensuite à toutes les classes sociales.
Toutefois, dans la France de l’Ancien Régime, la jeunesse n’est encore pas réellement reconnue et
valorisée comme une étape de la vie. Certes, la jeunesse se voit attribuer certaines fonctions sociales dans les sociétés rurales, notamment l’organisation des fêtes et le contrôle des mœurs , mais elle est perçue surtout comme une classe d’âge qu’il est difficile de cerner. D’après Olivier Galland, au XVI ème siècle, la définition des âges oscille encore entre plusieurs visions. La première, basée sur des textes antiques, découpe la vie en six périodes dont le « tiers-âge » ou « adolescence » qui s’étendrait entre 14 et 21 ou 28 ans et la « jeunesse qui tient le moyen entre les âges et pourtant la personne y est en sa plus grande force » et pourrait perdurer jusqu’à la cinquantaine. La seconde, franco-française, considère la vie comme une trilogie de tomes respectivement nommés l’enfance, la jeunesse et la vieillesse.
Enfin, comme nous le souligne Olivier Galland dans Sociologie de la Jeunesse , que ce soit pour lui
prêter des actions ou des pensées, que ce soit pour la dénoncer ou pour la glorifier, dans cette période, la jeunesse dont on parle reste, dans la quasi-totalité des cas, celle de l’élite sociale.

La jeunesse, un droit pour tous

Progressivement pendant le siècle des Lumières, une nouvelle image de la jeunesse apparaît, puisqu’avec l’avènement de la méritocratie, la représentation de cette catégorie évolue. Celle-ci « n’est plus frivole, elle est studieuse et portée par un idéal d’accomplissement personnel » .
Cependant, d’après Olivier Galland, ce n’est qu’au XIX ème siècle qu’on assiste à la consécration de la jeunesse comme âge d’éducation. En 1830, Napoléon instaure l’université impériale et crée de nombreux lycées. Cette marche pour l’éducation est ensuite renforcée par les lois Ferry des années 1880 qui protègent des millions d’enfants du travail précoce en les menant sur les bancs de l’école. Dès lors, les études réservées à la jeunesse bourgeoise se généralisent, se prolongent, et avec elles, apparaît un retard dans l’entrée dans la vie active. La jeunesse s’allonge et les rites de fondation d’un foyer et d’entrée dans la vie active sont repoussés. Progressivement, la jeunesse devient une catégorie à part entière et des structures, telles que l’Eglise, tentent de l’encadrer.
Cependant, comme le rappelle Antoine Prost , si la jeunesse « se propage » dans toutes les catégories sociales, elle reste tout de même un phénomène dont les classes dominantes le plus. En effet, toutes les classes sociales sont concernées par certains rites qui « forment la jeunesse » tels que la conscription et le service militaire, mais seulement une part d’entre elles peuvent se permettre une longue période d’études et un retard dans l’accès à la profession.
Tout au long du XX ème siècle, on assiste à un allongement de la scolarité et à un changement des mœurs qui permettent enfin à la jeunesse de devenir une période réellement accessible à tous. Les mouvements sociaux, et notamment Mai 1968, finissent d’instaurer la jeunesse en tant que catégorie socio-culturelle et politique à part entière.
Aujourd’hui, Michel Fize situe la jeunesse entre 15 et 30 ans , cependant cette délimitation reste floue puisqu’il n’y a pas de distinctions nettes avec l’adolescence et que l’entrée dans la vie adulte varie en fonction des situations de chacun.

La ou les jeunesse(s) ?

« La jeunesse n’est qu’un mot » , cette célèbre phrase de Pierre Bourdieu fait référence au construit social qui définit toute période de la vie. En effet, si l’âge n’est qu’« une donnée biologique socialement manipulable » , alors les catégories telles que l’enfance, l’adolescence, la jeunesse, et la vieillesse sont des créations sociétales qui peuvent variées en fonction du contexte spatio temporel et culturel. Pierre Bourdieu considère qu’utiliser le mot jeunesse est en fait « un abus de langage sous le même concept des univers sociaux qui n’ont pratiquement rien en commun » . De fait, la jeunesse peut être considérée comme un agrégat de situations très diverses. Aujourd’hui, un jeune peut être scolarisé, en décrochage ou décroché, en recherche d’emploi ou employé. Il peut être précaire, boursier, riche héritier, jeune « de banlieue », de campagne ou issu d’une famille de classe moyenne. Majeur en devenir ou jeune-adulte endurci, français ou étranger, il peut être célibataire, en couple et même avoir des enfants. Souvent, il cumule plusieurs statuts ce qui complexifie sa classification. Dès lors, on comprend pourquoi, dernièrement, les sociologues définissent la jeunesse plutôt comme « un temps du cycle de vie décisif en matière de relation entre générations, et moins comme catégorie homogène ou spécifique ».
Difficilement définissable par une tranche d’âge, regroupant toutes les catégories sociales, la jeunesse est un concept « trop flou et trop « manipulable » » selon Olivier Galland. Il conviendrait donc mieux, en suivant ses conseils, de définir cette période par ce qui la caractérise c’est-à-dire un passage, un changement de statut pour l’entrée dans la vie adulte. Ainsi la jeunesse serait d’abord et avant tout un « processus de maturation psychologique » . Mais alors, peut-on vraiment parler de jeunesse ?
Dans Jeunesse à l’abandon, Michel Fize soutient que malgré son hétérogénéité, la jeunesse fait encore sens puisque les jeunes se retrouvent autour de « l’intérêt commun de se défendre et de préparer leur avenir » . Marqués par « l’exclusion et la précarité » , ce sont leurs aspirations politiques et sociales, et leur situation commune qui permettent aux jeunes de former une « génération sociale » dans le sens de François Mentré. Malgré sa grande diversité interne, la jeunesse ne fait qu’un grâce à la culture qu’elle développe et qui lui est propre : radio, artistes, presse, combats et revendications. Les jeunes forment une génération culturelle.

Le temps de la jeunesse

La jeunesse est aujourd’hui hétérogène et pas uniquement pour une raison de classes sociales. Cette période de la vie a perdu ses délimitations claires qui permettaient jusque-là de la situer et offrait à chacun un cadre d’évolution (1.2.1.). Sans rites de passage, les jeunes se retrouvent à créer leur propre référentiel et à évoluer à leur rythme afin d’atteindre l’autonomie (1.2.2.) et trouver leur place (1.2.3.).

La fin des rites de passage ou la « déritualisation »

Si aujourd’hui la jeunesse est un amas incompréhensible de situations c’est notamment parce qu’elle ne bénéficie plus de cadre structurant. Comme le révèle Olivier Galland, la jeunesse était autrefois marquée par des temps forts, des rites de passage qui en ponctuaient l’entrée et la conclusion. Ils étaient synchronisés et, de fait, créaient une nette distinction avec le monde adulte . La fin du service militaire concordait ainsi avec l’entrée dans la vie active, le mariage et l’installation ou la fondation d’un foyer. Ce schéma se retrouvait, avec quelques variantes, dans toutes les couches de la population.
Cependant, la jeunesse étant une construction sociale, elle a évolué parallèlement à la transformation des sociétés. Cécile Van de Velde dans Devenir adulte, sociologie comparée de la jeunesse en Europe reprend la thèse d’Olivier Galland sur l’étirement de la jeunesse et l’augmentation des situations transitoires. Tous deux parlent de désynchronisation des rites de passage et explique nt ce phénomène par une évolution socio-économique et culturelle de la société :
D’abord, au siècle dernier, ont été promues la massification et l’allongement de la scolarisation dans toutes les classes sociales puisque cette dernière est devenue obligat oire jusqu’à 16 ans. A cela sont venues s’ajouter les difficultés récentes d’accès à l’emploi qui influent, comme le montre Cécile Van de Velde, sur le choix scolaire des jeunes européens. En effet certains se lancent dans de longues études pour repousser l’inévitable entrée sur le marché du travail. Chacun fait de son mieux pour se préparer puisque, dans une certaine mesure, le diplôme « protège » du chômage.
Olivier Galland relève ensuite des changements d’ordre culturels et religieux avec un double mouvement de libéralisation des mœurs et de désacralisation des rites. Cette libéralisation a été marquée par la reconnaissance progressive de la sexualité des adolescents et par la « tolérance » de celle-ci hors mariage. Ce dernier a perdu alors son caractère obligatoire et ne marque plus vraiment l’entrée dans la vie adulte. La désacralisation des rites renforce ce phénomène puisque la diminution de la place de la religion dans nos sociétés modernes a entrainé la disparition de certains rites de passage comme la première communion, ou le mariage. Or, ceux-ci étaient auparavant des étapes importantes et des repères dans les périodes de la vie.
Olivier Galland constate de plus un changement dans les valeurs des sociétés actuelles, avec une baisse de l’importance donnée à l’âge adulte au profit de la jeunesse. Partiellement à cause de la société de consommation et de la publicité qui promeuvent des corps jeunes et sexuellement attirants, l’objectif a aujourd’hui changé : il s’agit de paraître jeune le plus longtemps possible. Les rides et la sagesse sont moins valorisées au profit du dynamisme et du physique attrayant des jeunes-adultes. Ainsi, Michel Fize déclare.

A la conquête de l’indépendance

A cause de la disparition progressive des rites de passage, les jeunes construisent eux-mêmes leur parcours à la recherche de leur autonomie, de leur indépendance, afin de devenir des adultes à part entière. C’est pourquoi chaque jeune peut favoriser certaines étapes au dépend d’autres. Les habitants du monde rural préfèrent par exemple l’autonomie de mobilité que peuvent leur apporter un véhicule et un permis alors que d’autres privilégient leur départ du domicile familial. Dans tous les cas, on constate aujourd’hui que l’autonomie affective est souvent acquise avant celle financière. C’est la situation des couples d’étudiants qui, installés et vivant ensemble, reçoivent encore une aide financière de leurs parents. Pour reprendre Olivier Galland, il semblerait que ce soit « sans doute cette situation intermédiaire entre la dépendance adolescente et l’autonomie adulte qui caractérise le mieux la jeunesse européenne aujourd’hui ».
Car, non seulement le jeune doit créer son parcours et ses propres référentiels vers l’âge adulte mais en plus ces derniers ne sont plus stables. Si par le passé l’obtention d’un statut était un acquis, aujourd’hui rien n’est sûr. Temporaire, ce statut peut être retiré à la personne et ce, de ma nière plus ou moins prévisible. Le premier emploi est rarement un contrat de longue durée et les situations poussent souvent les jeunes à retourner au domicile familial après avoir détenu, pour un temps, leur autonomie financière . On assiste ainsi à une « multiplication de situations intermédiaires avant le parachèvement du processus d’indépendance, à tel point que l’indétermination est désormais désignée comme un élément caractéristique de la phase « jeune adulte » » . Emploi temporaire, stage, volontariat, vie solitaire, vie en couple sans enfants, sont autant d’exemples de périodes oscillant entre précarité et relative stabilité.
Les jeunes effectuent donc un parcours « à la carte », se démenant pour tracer leur chemin parmi des itinéraires éclatés. Ils ne se « lancent » pas tous en même temps dans la vie adulte mais attendent le moment où ils seront prêts. Ceci pose question car, à trop attendre, les jeunes risquent de ne plus oser prendre leur indépendance. Le phénomène de Tanguy ou d’ « adulescence » apparaît alors soulignant l’incapacité de certains jeunes à entrer dans l’âge adulte. Cependant ce n’est pas la seule complication. Si le jeune forge ses propres repères, ces derniers sont instables et pas forcément reconnus par tous d’où une insécurité et une difficulté croissante à se situer dans le monde qui l’entoure.

Trouver sa place ou changer le monde ?

Comme nous l’avons vu, l’entrée dans la vie adulte est aujourd’hui compliquée. Aucun chemin n’y mène à coup sûr et les jeunes se voient contraints de tâtonner, tester, échouer et recommencer. D’après Cécile Van de Velde, la jeunesse est vécue « sous l’angle d’un « devenir soi » » , se trouver semble être une priorité tout en n’étant pas suffisant.
En effet, dans l’enquête « Generation What ? » , les jeunes déclarent que, devenir adulte, c’est se trouver pour 38 % d’entre eux et se placer pour 29 %. Obtenir une place, et donc être reconnu par la société, est aussi primordial. C’est néanmoins d’autant plus compliqué que, comme nous l’avons vu, la fin des rites de passage individualise ce processus. Alors qu’auparavant c’est par groupe et donc de manière collective que l’on obtenait une place dans la société, aujourd’hui, cette reconnaissance est « gagnée » individuellement, ce qui peut entraîner une mise en concurrence des jeunes entre eux.
Enfin, Michel Fize assure qu’il existe une oscillation constante chez la jeunesse entre désir de trouver sa place et changer le monde. « En 1968, les jeunes voulaient changer le monde : c’est vrai. Aujourd’hui, ils veulent plutôt trouver une place dans ce monde qui change. Mais, comme ils n’y parviennent pas, ils veulent à nouveau changer le monde ».
L’auteur relève de nouvelles formes de mobilisation et une volonté de participation à la vie publique et au débat. Ainsi, il évoque les Forum Français de la jeunesse (FFJ) en novembre 2014, ou les conseils départementaux et nationaux de la Jeunesse comme espace de discussions constructives et, parfois même, de création. De même, comme nous le rappelle Valérie Becquet  et ses collègues dans Jeunesses engagées , depuis le nouveau millénaire, nous avons assisté à de nombreux mouvements où les jeunes faisaient entendre leurs voix. Emeutes de 2005, grèves et manifestations étudiantes contre le CPE, nouveaux mouvements contestataires tels que les Indignés, Occupied Wall Street, ou, plus récemment encore, les Nuits Debout, sont loin de constituer une liste exhaustive.

Les maux de la jeunesse

Si les jeunes cherchent à changer la société c’est notamment parce qu’ils en sont victimes ou le ressentent comme tel. Dans l’enquête « Generation What ? » , ils désignent leur génération principalement comme perdue (4946 fois) et sacrifiée (4746 fois). La jeunesse fait face à des difficultés scolaires (1.3.1.), économiques (1.3.2.) et cela a des conséquences pour leur socialisation et intégration dans la société (1.3.3.).

L’illusion de l’égalité scolaire

Tout au long du XX ème siècle, la France a sans cesse vanté les mérites de son école républicaine, permettant à tous de bénéficier de l’ « ascenseur social » et ainsi de voir les conditions de vie des jeunes s’améliorer par rapport à celles de leurs parents. Force est de constater aujourd’hui que celui-ci s’est arrêté, s’il a seulement existé et fonctionné un jour.
En effet, d’après Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron , l’école est l’instance par excellence de
reproduction des inégalités sociales. Cette dernière « vient de la mise en œuvre d’un égalitarisme formel, à savoir que l’école traite comme « égaux en droits » des individus « inégaux en fait » c’est-à-dire inégalement préparés par leur culture familiale à assimiler un message pédagogique. » . Les auteurs mobilisent ici le concept « capital culturel » : chaque enfant arrive à l’école avec un bagage, plus ou moins rempli d’outils « utiles » scolairement, en fonction de son environnement familial. De cette façon, l’enseignement scolaire correspondant mieux au « capital social » des classes supérieures, celles-ci se voient tout naturellement favorisées dans leurs travaux et leurs choix d’orientation. Quant aux autres, elles doivent redoubler d’efforts afin de réussir scolairement.
D’après Michel Fize, l’élitisme scolaire s’est même accru et il clame qu’« ainsi y a-t-il aujourd’hui moins de fils d’ouvriers entrant à l’université que dans les années 1980.» . Il aligne ensuite des chiffres impressionnants : 17 % des élèves terminant leur scolarité obligatoire sont sans diplôme ni formation et 20 % des étudiants arrêtent l’université avant d’avoir obtenu le moindre certificat. Dans « Réussir à l’école » certes, mais y réussir quoi… , les auteurs nous rappellent qu’il y a aujourd’hui plus de 130 000 décrocheurs en France et ce, sans compter ceux qui sont des « décrocheurs scolarisés », c’est-à-dire qui restent à l’école mais n’ont pas ou plus accès au savoir.
Tout porte à croire que l’école met une partie des jeunes en difficulté. C’est d’autant plus problématique qu’elle est, comme la famille, une instance de socialisation très importante et structurante. Avant de poursuivre, il nous faut revenir quelques instants sur la notion de socialisation.
Pour Claude Javeau , « devenir homme, s’hominiser, c’est donc avant toutes choses se socialiser. ».
Employée couramment pour parler du processus permettant à une personne de s’adapter à la société, la socialisation est un mécanisme d’intégration des normes, valeurs et pratiques sociales. Ces dernières aideront l’individu à être intégré dans la société. Cela symbolise la capacité à entretenir des relations avec ses pairs mais aussi avec toute autre personne du corps social. Ce phénomène varie en fonction des lieux, et permet de s’adapter aux différents groupes et situations. Car, pour être accepté par un groupe, il faut pouvoir en comprendre les règles et les respecter lors de l’interaction. Effectuée dès le plus jeune âge, la socialisation est en majeure partie inconsciente,elle a lieu tous les jours à travers les séries d’expériences sociales que l’individu est amené à vivre. En réalité, dès que l’on a une relation avec autrui, le processus de socialisation est enclenché et permet d’interagir. Les sociologues considèrent généralement que ce mécanisme est géré par plusieurs types d’instances que l’on peut diviser en deux grands groupes. Muriel Darmon voit une distinction entre les périodes de la vie, c’est-à-dire entre l’enfance et l’adolescence d’une part, et la vie d’adulte d’autre part. Quant à Peter Berger  et Thomas Luckmann , ils adoptent les termes de socialisation primaire et secondaire . La première consiste à rendre un individu membre d’une société, elle est assurée par de grandes instances telles que la famille et l’école. Elle est fondamentale et influencera à vie l’individu en formant une base référentielle. La socialisation secondaire est un processus moins profond qui permet de s’adapter aux circonstances. Pas définitive, elle est adaptable et évolue en fonction du milieu. Les agents de la socialisation secondaire, tel le travail, restent importants, bien qu’ils n’aient pas le même impact que ceux de la socialisation primaire.

« Sacrifié sur le front économique »

« Le jeune, première variable d’ajustement aux cycles économiques » dénonce Grégoire Tirot . On peut, en effet, constater que les jeunes et les plus âgés sont les premières victimes de la crise de 2008.
Ainsi, si en mars 2016, « 4,287 millions jeunes Européens (hors étudiants) n’avaient pas d’emploi en Europe. [… et, en France], près d’un moins de 25 ans sur quatre (24 %) était sans emploi. »
D’abord, les jeunes éprouvent des difficultés à trouver un emploi, notamment parce qu’ils subissent une discrimination à l’embauche. Grégoire Tirot déclare que « dans notre inconscient collectif, cette idée est désormais bien ancrée : être jeune pour être employé est un handicap » . Aussi, les jeunes doivent souvent se contenter de bas salaires, temps partiels et autres emplois instables. Depuis quelques années, on assiste à une multiplication des contrats précaires et des dispositifs d’aide à l’emploi et les CDD voient leur durée moyenne se réduire. Enfin, « il faut attendre en moyenne 28 ans, pour obtenir un CDI et, de toute façon, seuls 15 % des jeunes Français y parviendront » . En parallèle, des propositions intermédiaires se développent, stages de longue durée, volontariats, services civiques volontaires etc., tous sont des dispositifs qui les maintiennent dans des situations précaires puisque les indemnités reçues équivalent au RSA socle. Grégoire Tirot parle ainsi d’« un marché de la « servitude volontaire ».
Car, certaines missions sont en réalité des emplois déguisés que les jeunes acceptent faute de mieux et parce qu’ils ont besoin de « remplir leur assiette ». Ensuite, les jeunes sont victimes du phénomène de déclassement. Les diplômés, ne trouvant pas de travail correspondant à leurs compétences, se rabattent sur des emplois demandant des qualifications inférieures. Ainsi, « des diplômés à bac+ 4, bac + 5, se retrouvent vendeurs, secrétaires, télémarketeurs.

Les jeunes se sentent dupés, sous-estimés. Problème : même dévalorisés, les diplômes restent indispensables » .
Cette situation sur le marché du travail a des conséquences importantes sur la vie quotidienne. Alors que « près d’1/4 des jeunes français vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté » , les autres, même s’ils sont dans une situation moins difficile, ont du mal à trouver leur place ou obtenir un statut « satisfaisant ».
Le travail, une instance de socialisation, joue un rôle important dans l’intégration des individus. Devant se contenter d’une majorité d’emplois précaires ou à faibles qualifications, les jeunes oscillent souvent entre période d’emploi et de chômage. Ainsi peinent-ils à trouver leur place dans la société actuelle et c’est pourquoi Jacques Attali déclare que « le chômage des jeunes, scandale absolu, constitue la preuve de la faillite d’un modèle social ».
Dans cette situation d’insécurité sociale, Driss Guerraoui et Noureddine Affaya notent que de plus en plus de jeunes sont victimes de marginalisation ou d’exclusion mais pour Robert Castel , il faudrait plutôt parler de « désaffiliation ». Ce processus rassemble à la fois une rupture d’appartenance et d’échec à créer des liens . Selon lui, le travail et les proches (familles et amis) sont les deux piliers de l’affiliation sociale d’un être humain : si l’un rompt, la personne entre dans un processus de désaffiliation mais ne se retrouve pas forcément exclue. Aussi, une personne licenciée, se retrouvant au chômage, n’est pas forcément marginalisée. Cela dépendra de l’importance et de la présence de s a famille et de son entourage. Les jeunes, dans leur processus d’indépendance, tentent souvent de s’éloigner de leur famille et peuvent ainsi, plus ou moins, se mettre dans une situation d’isolement social. Cela est renforcé par la situation actuelle du marché du travail qui les oblige souvent à s’éloigner des êtres qui leur sont chers pour prendre un emploi, quand ils en trouvent un. Ainsi est-il délicat pour les jeunes aujourd’hui d’obtenir un statut, de le conserver et de trouver leur place.

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Table des matières
Introduction 
Partie I. Le service civique volontaire, quelle politique jeunesse ? 
Chapitre I. Vous avez dit jeunesse ?
Chapitre II. Les politiques de jeunesse : entre autonomie, insertion et citoyenneté
Chapitre III. Le service civique volontaire : un dispositif global au service des jeunes ?
Partie II. Le service civique volontaire, quel sens pour les jeunes ? 
Chapitre IV. Démarche méthodologique
Chapitre V. Pourquoi un service civique volontaire ?
Chapitre VI. Que retirer d’un service civique volontaire ?
Partie III. Le service civique volontaire, un dispositif favorisant l’ « affiliation sociale » ?
Chapitre VII. Le service civique volontaire pour une construction identitaire
Chapitre VIII. Le service civique volontaire, l’exercice de la responsabilité ?
Chapitre IX. Le service civique volontaire et la régulation des émotions
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes 
Tables des Matières

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