Depuis la nuit des temps, le serpent est à la fois objet de crainte et de fascination chez les Hommes du monde entier. Outre son pouvoir destructeur ou le danger potentiel qu’il représente, le serpent fascine par son apparence et l’altérité qui l’oppose aux autres vertébrés terrestres. Sa morphologie particulière, l’absence de membres, les déplacements sinueux et silencieux qui semblent le faire évoluer dans une autre dimension, sa peau écailleuse capable d’une mue régénératrice, sa langue agile et filiforme, organe sensoriel dépourvu de toute fonction toxique ou capacité vulnérante, inquiète et, pour beaucoup, représente un danger potentiel. L’inconscient collectif fait l’analogie avec le langage, distribuant mauvaises nouvelles et punitions. Tout cela représente un ensemble de caractéristiques ou attributs que l’homme a exalté depuis des millénaires.
Les serpents font partis des animaux les plus redoutés. Mal connus donc mal aimés, ils font l’objet de nombreuses légendes et croyances à l’origine d’un puissant contentieux culturel, ce qui renforce la crainte, voir le dégout qu’ils inspirent. Pourtant sur les 3 500 espèces de serpents, moins de 700 espèces seulement sont dangereuses pour l’homme en raison de la conformation de leur appareil venimeux, de la composition du venin et des risques d’accidents.
Classification des ophidiens
Origine et phylogénie
Les serpents sont récemment apparus sur terre, au milieu du crétacé, il y a environ 100 à 150 millions d’années, à partir d’un ancêtre commun avec les varans [1]. A cette époque, la terre est composée de deux continents, la Laurasie, qui donnera l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie, et le Gondwana, qui deviendra l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Australie et l’Antarctique. Le phénomène de la dérive des continents, puis les phénomènes climatiques par la suite ont contribué à la répartition et biodiversité mondiale des serpents telle que nous les connaissons aujourd’hui. La date d’apparition d’une famille de serpent détermine, dans une certaine mesure, les frontières des territoires colonisés, les limites étant liées à l’émergence des océans. L’occupation de la quasi-totalité des environnements naturels, des déserts aux forêts, de la mer à la haute montagne, ainsi que certains milieux anthropiques, atteste du succès évolutif et adaptatif des serpents, même s’ils apparaissent fragilisés par la pollution et la forte prédation dont ils font l’objet [1]. La biologie moléculaire est une science nouvellement utilisée en systématique. Elle permet d’établir le degré de similitude dans la composition nucléique de certains gènes appartenant à des spécimens distincts. Les techniques évoluent rapidement dans ce domaine mais les interprétations restent encore délicates en raison du calibrage difficile à réaliser et de la modélisation qui reste encore imparfaite. Bien qu’il existe une convergence entre la classification établie à partir de la morphologie des spécimens et celle proposée par les résultats de l’analyse de l’ADN, il n’en reste pas moins que des différences apparaissent, le plus souvent à propos d’individus morphologiquement proches. La datation biologique proposée, présente parfois des discordances avec les fossiles. Si la biologie moléculaire constitue un outil performant et incontournable dans l’étude de la phylogénie des espèces, elle ne peut toutefois s’affranchir des autres disciplines : anatomie, paléontologie, physiologie, etc. Toutes ces démarches sont complémentaires et indissociables les unes des autres [1] [2]. Dans tout système de classification la principale difficulté est de caractériser les limites entre deux formes semblables et surtout de les hiérarchiser ou de définir leurs relations et liens de parenté. Ainsi, nous avons choisi le découpage taxonomique de Vidal et al (2007), Vidal et Hedges (2009) et Pyron et al (2011) (2013) qui sont les plus en adéquations avec les résultats récents de biologie moléculaire. Nous précisons que certains auteurs présentent des avis divergents et argumentés [1]. La phylogénie est basée sur les concepts de l’évolution. Les serpents appartiennent au règne Animalia, à l’embranchement des Chordata, au sousembranchement Vertebrata, à la super classe Tetrapoda, au clade Amniota, à la classe Sauropsida et à la sous-classe Diapsida.
Les serpents sont des reptiles, il s’agit de vertébrés ectothermes, c’est-à-dire que leur température dépend du milieu extérieur. Ils sont amniotes, leurs œufs possèdent une membrane vitelline qui enferme un embryon ainsi que trois membranes extra embryonnaires (l’amnios, le chorion et l’allantoïde). Le développement de l’embryon s’effectue sans stade larvaire [3]. Les reptiles constituent un ensemble paraphylétique et polyphylétique, divisé en quatre ordres :
– Les chéloniens (tortues ou testudinata).
– Les crocodiliens (crocodiles ou crocodilia).
– Les rhynchocéphales (sphénodons ou rhynchocephalia).
– Les squamates (squamata).
Les serpents appartiennent avec les lézards, les amphisbènes et les sphénodons au super ordre Lepidosauria. Les trois premiers partagent une peau écailleuse qui les fait réunir dans l’ordre des Squamates, dont l’homogénéité est peu contestée [1].
Dans une récente étude sur l’évolution de la fonction venimeuse, il a été montré que cette dernière est apparue précocement et à une seule reprise chez les squamates, il y a approximativement 170 millions d’années. Le nouveau clade des Toxicofera rassemble aujourd’hui plus de la moitié des espèces possédant des glandes venimeuses orales dont les sécrétions toxiques peuvent être inoculées à une proie, par l’intervention ou non d’une dentition spécialisée. Ce clade réunit les serpents, les hélodermes, les anguidés (orvets), les iguanes et les varans [4] [5] [6]. Le sous-ordre des serpents, « Serpentes », appelé aussi « Ophidiens » comprend environ 3 450 espèces actuelles occupant des niches écologiques variées. Les familles actuelles de serpents se sont constituées il y a moins de 80 millions d’années [1]. Elles doivent leur existence au processus complexe d’évolution, de spécialisation et d’extinction [7].
De nombreuses classifications ont été proposées au cours des années, certaines sont légèrement différentes des précédentes, tandis que d’autres s’en écartent beaucoup plus radicalement. La répartition des familles, l’ordre dans lequel elles sont apparues et les liens de parenté ne sont pas définitivement établis. Quelques familles peuvent changer de place au fur et à mesure qu’apparaissent de nouveaux éléments et de nouvelles théories [7]. La phylogénie et classification des squamates, et en particulier des serpents modernes, connait de profonds changements depuis une quinzaine d’années. L’utilisation de l’outil moléculaire a permis, dans de nombreux cas, d’élucider des énigmes soulevées par les observations morphologiques [1].
Les Scolecophidia
Les Scolécophidiens sont considérés comme les plus primitifs des serpents vivants. Ils ne possèdent aucun appareil venimeux, dépourvus de crochets et de glandes venimeuses, ils sont totalement inoffensifs pour l’homme. On les surnomme « serpent minutes », du latin « minutus », en raison de leur petite taille (il ne dépasse jamais plus de 30 cm), et non à cause de la toxicité de leur venin qui pourrait, d’après les idées reçus, tuer une personne en une minute. Ce sont des serpents aveugles, leurs yeux sont généralement réduits à une tache de pigment située sous une ou plusieurs écailles céphaliques. De mœurs terricoles, ces serpents fouisseurs creusent des trous dans la terre grâce à une écaille très dure située à l’avant de la tête. L’ouverture de leur bouche est limitée. La plupart des espèces possèdent des vestiges de pelvis mais aucune trace de membres inférieurs. Ces serpents ont une morphologie très homogène, le corps entier est recouvert de petites écailles brillantes toutes identiques [3]. Ce groupe se compose de 404 espèces réparties en 5 familles primitives [8] [1], à savoir Leptotyphlopidae, Typhlopidae, Anomalepididae, Gerrhopilidae, Xenotyphlopidae.
Les Alethinophidia
Les Alethinophidia représentent les serpents dits « typiques ». La plupart des familles appartenant à ce clade se caractérisent par l’indépendance de leurs mandibules et leur capacité à ingérer des proies plus grosses que le diamètre de leur propre corps. L’indépendance des mandibules est un caractère évolutif qui rassemble ces familles sous le nom de Macrostomata. Leur morphologie est parfaitement connue. Leurs yeux sont complets, et possèdent une rétine composée de cônes et de bâtonnets. La face ventrale est recouverte de plaques larges qui se différencient nettement des petites écailles en forme triangulaire ou de losange qui recouvrent leur dos. La séparation de l’Amérique du Sud et de l’Afrique au cours du Crétacé moyen, a donné naissance à deux lignées évolutives majeures nommées d’après leur origine biogéographique [9] [5] :
– Les Amerophidia, qui rassemblent 2 familles :
• Aniliidae, (genre Anilus).
• Tropidophiidae, (genres Trachyboa et Tropidophis).
– Les Afrophidia, qui rassemblent toutes les autres familles.
Il est communément admis que les Alethinophidia se divisent en deux clades :
– Les Hénophidia (moins de 200 espèces).
– Les Caenophidia (plus de 2 850 espèces).
Les Caenophidia
Le clade des Caenophidia, serpents dits « avancés » ou serpents « modernes », représentent la grande majorité des serpents actuels avec 2 852 espèces, incluant tous les serpents venimeux. La phylogénie moléculaire a permis de reconstruire de façon détaillée l’histoire évolutive du venin au sein de ce groupe [5]. Les Caenophidia ont connus des remaniements importants ces dernières années, grâce à la découverte de nouveaux fossiles et sur la base des résultats de biologie moléculaire [8] [9]. Leur systématique dernièrement révisée comprend actuellement 9 familles [8] [11] ou 11 familles [5], selon les différentes équipes de recherches. Elles sont regroupées en deux super-familles.
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Table des matières
INTRODUCTION
A) Origine et phylogénie
1) Les Scolecophidia
2) Les Alethinophidia
a) Les Hénophidia
b) Les Caenophidia
1. La super-famille Acrochordoidea
2. La super-famille Colubroidea
B) Systématique
1) Les Colubridae et les Lamprophiidae
a) Les Lamprophiidae
1. Psammophiinae
2. Malpolon
3. Atractaspidinae
a. Atractaspis (vipère taupe ou vipère fouisseuse)
b) Les Colubridae
1. Colubrinae
a. Dispholidus (boomslang)
b. Thelotornis (serpent liane)
c. Boiga (serpent ratier à ventre jaune)
d. Toxicodryas
e. Oxybelis
2. Dipsadinae
a. Philodryas
b. Clelia
c. Tachymenis
3. Natricinae
a. Rhabdophis
2) Les Homalopsidae
3) Les Elapidae
a) Les espèces terrestres : Elapinae (ou Elapidae)
1. Acanthopis
2. Boulengerina (cobra aquatique)
3. Bungarus (bongare)
4. Dendroapsis (mamba)
5. Hemachatus (cracheur du cap)
6. Micrurus (serpent corail)
7. Naja (cobra)
8. Notechis (serpent tigre)
9. Ophiophagus (cobra royal)
10. Oxyuranus (Taïpan)
11. Pseudechis (serpent noir ou Mulga)
12. Pseudonaja (serpent brun)
b) Les espèces semi-marines : Laticaudinae (ou Laticaudidae)
c) Les espèces marines : Les Hydrophiinae (ou Hydrophiidae)
4) Les Viperidae
a) Viperinae (Vipères « vraies »)
1. Causus (vipère du cap)
2. Atheris (vipère arboricole)
3. Bitis
4. Cerastes (vipère cornue)
5. Daboia (vipère de Rusell)
6. Echis (échide)
7. Macrovipera
8. Montivipera
9. Vipera
b) Crotalinae (Crotales)
1. La tribu des Crotalini (serpents à sonnette)
a. Crotalus (serpent à sonnette)
b. Sistrurus (crotale pygmée ou serpent à sonnette pygmée)
2. La tribu des Lachesini
a. Bothrops (fer de lance, trigonocéphale)
b. Lachesis (maître de la brousse, surucucu)
c. Protobothrops (fer de lance asiatique)
d. Trimeresurus (crotales des bambous)
3. La tribu des Agkistrodonti
a. Agkistrodon (mocassins)
b. Calloselasma (crotale de Malaisie)
c. Deinagkistrodon (crotale cent pas)
d. Gloydius (mocassin asiatique, mamushi)
e. Hypnale
c) Azemiopinae
CONCLUSION