Le serpent dans les cosmogonies égyptoafricaines

LE SERPENT DANS LES COSMOGONIES ÉGYPTO-AFRICAINES

Le serpent constitue un emblème majeur dans les traditions africaines . L’ophidien peut être bon ou mauvais. Dans les mythes, « le serpent semble être au commencement du processus de la création »  . Raison pour laquelle, il est présent dans l’élaboration des mythes cosmogoniques. La cosmogonie peut être définie comme la théorie de la formation de l’univers . Étymologiquement, le mot  vient du grec cosmos, Univers et gonos, génération. Dans ce cas, cosmogonie signifierait alors la naissance du monde.

Le récit de la création de l’univers élaboré par les prêtres d’Hermopolis nous est rapporté par l’égyptologue français S. Sauneron : « Ainsi, dans l’idée des gens d’Hermopolis, cette bute initiale jaillie des ondes, reçut-elle, comme premier présent du dieu créateur (Thot) un œuf mystérieux, le premier œuf que le monde ait connu ; un jour la coquille s’ouvrit et d’elle jaillit le jeune soleil, qui aussitôt s’élança à l’assaut du ciel. Cette naissance succédait à une imprécise période de stagnation qui, pour une fois, n’est pas seulement décrite comme un vide ou un néant, mais qui comportait ses génies élémentaires, forces confuses, mais individualisées : les ténèbres, les eaux, l’infinité, l’indétermination spatiale, couples bizarres d’êtres à têtes de grenouilles et de serpents, dont le seul aspect évoque le grouillement indistinct de la faune marécageuse » .

Ainsi, le texte mythique met en scène les divinités aquatiques à têtes de grenouilles et de serpents qui se trouvaient dans le Noun, l’eau primordiale, elle aurait vomi la butte de terre sur laquelle s’est posé l’œuf qui éclora pour annoncer l’origine de l’univers. Ce récit égyptien peut bien expliciter l’une des versions du mythe peul Tyamaba : « Au commencement était Géno. D’une goutte de lait, toƃƃere, Géno créa le monde et prit la forme du serpent Tynaba sorti du fleuve salé avec les 22 bovidés». L’argument linguistique est un outil nécessaire pour prouver la parenté culturelle égypto-africaine : « Au fulfulde lelaago, être courbé, lelgo, courbé, tordre, lel, courber, plier, incurver, être tordu, courbé, zigzaguer, serpenter font écho l’égyptien rr, anneau, cercle, rrw, serpent, rrw, ruban, lien » . Comme dans la cosmogonie hermopolitaine, les traditions recueillies par M. Griaule auprès du sage dogon Ogotemmêli confirment la présence des génies serpentiformes dans l’eau : « Dieu les a créés comme de l’eau. Ils étaient de couleur verte, en forme de personne et de serpent. De la tête aux reins, ils étaient humains ; le bas était serpent» .

Le serpent intervient également dans le métier de la forge . En Égypte ancienne, Ptah, le principal forgeron, « était également associé au serpent »  . M. Griaule assimile « la masse, principal outil de main du forgeron, au corps entier du génie de l’eau grand Nommo mâle du ciel. Cet outil a deux côtés opposés formant les bras ; les deux autres, le dos de la poitrine. Le manche conique de la masse est la queue du reptile qui termine le corps vers le bas »  . Dans le pays mandé, le forgeron est associé au serpent : « les forgerons portent le titre de satigi (terme Bambara, sa (serpent) et tigi (maître ou propriétaire). Ce titre se retrouve aussi dans le Fuuta où il désigna les rois Deyniyankoobe. Nous pensons que le terme pulaar est un emprunt au bambara et que son usage dans le Fuuta pourrait être une survivance de l’association des forgerons, maîtres des serpents, à la royauté africaine) ou maître des serpents » .

Amelineau E indique que « L’un des serpents (dans le Noun) avait un nom fort expressif Nuter-âa grand-dieu : il est représenté enfermé dans l’ellipsoïde garni de sable qui figure le domaine de Sokaris »  . À travers ces propos, on peut affirmer que les Égyptiens pensaient que les serpents représentaient les âmes des dieux. Et ces âmes étaient désignées sous les termes qrHt  ou qrr  avec un déterminatif du serpent.

D. Meeks et C. F. Meeks rapportent qu’Atoum après avoir façonné sa personne physique, crée les serpents   . Et ces derniers « l’assistent dans la création(…) »  . Ils ajoutent que « les yeux verts d’Atoum rappellent qu’il fut à l’origine un serpent »  . Pour notre part, ce processus pourrait expliquer le caractère divin du serpent puisque le dieu créateur des Égyptiens a d’abord été un serpent. Ainsi, le serpent occupe une place importante et revêt une dimension spirituelle forte. Ces mêmes conceptions égyptiennes sur l’origine cosmogonique du serpent, nous les retrouvons en Afrique noire moderne.

Pour Ollivier John J, l’introduction du serpent dans les cosmogonies émane de son caractère immortel: « The snake is regarded by some as immortal because it sheds its skin and still continues to live. Art depicts the snake as a symbol of eternity with its tail held in its mouth like a circle that has no beginning or end »  . Dans cette citation l’auteur pense que si le serpent est immortel, c’est à cause de ses mues. Il ajoute que dans les représentations iconographiques, le serpent symbolise l’éternité parce qu’il porte le monde dans sa bouche. Par ailleurs, la référence à la bouche fait penser plutôt à l’image du serpent se mordant sa queue qui est appelé Ouroboros (Cf. planche II), image rapportée par une source égyptienne de l’époque ramesside :

« Sur une fresque de la XXIème dynastie (papyrus « De Heruben »), on voit un serpent qui se mord la queue : c’est l’ouroboros. Que signifie ce symbole ? Le serpent qui se mord la queue est l’emblème du monde, ou plus exactement de la perpétuelle rénovation de la nature. On trouve dans le premier livre des hiéroglyphes d’Horappolon : Quand les Égyptiens veulent présenter le monde, ils peignent un serpent qui mord sa queue. »  . De plus, Oscar Pfouma nous apprend qu’Atoum a été présenté en forme de serpent à cinq têtes se mordant la queue . Ces dernières représentent la multiplicité d’essence du dieu . Par contre, E. Amelineau pense que « ces têtes représentent l’âme du dieu qui est enfermée dans le corps des serpents » . Comme nous le constatons, nous avons plusieurs versions concernant l’interprétation de ces cinq têtes.

Le serpent dans les rites d’intronisation du roi en Afrique noire 

Comme en Égypte ancienne, le serpent participait au rite de couronnement du roi en Afrique noire. EL-Békri signale que dans l’un des royaumes vassaux du Ghana, le Jafunu , le choix du futur roi est soumis à une consultation préalable du serpent qui fixe également la durée de son règne : « (…) Si un de leurs princes vient de mourir, ils réunissent toutes les personnes qui paraissent dignes de la souveraineté et les conduisent auprès du serpent. Ils prononcent alors des formules connues d’eux seuls ; l’animal s’approche et flaire les candidats successivement jusqu’à ce qu’il frappe l’un d’eux seuls; avec son nez ; puis il rentre dans sa caverne. L’homme ainsi désigné court après lui de toute sa vitesse afin d’arracher autant qu’il peut de crins au cou à la queue de la bête. Le nombre d’années de son règne est indiqué par le nombre de crins qui lui reste dans la main. Ils prétendent que ce pronostic est infaillible » . Ce serpent , selon cet auteur, participait à l’élection du roi et pouvait en même temps déterminer le nombre d’années de règne de celui-ci.

Nous retrouvons ce même type de couronnement du roi des Soninké dans le Sultanat de Wadday  et dans les royaumes voisins. Marie-José Tubiana évoque le rite d’intronisation, moment où l’on assiste « à la transformation définitive d’une personne ordinaire en un personnage sacré » . Elle affirme que lors de l’investiture :

« On fit monter Doud-Mourra à Toreia et l’on installa dans une case. L’Iman et le Muezzin, eux aussi, furent installés dans leur case, de même que les vieillards et les notables. Ils restèrent longtemps à attendre ; leur ancêtre ne vint pas. Cela ne leur plut pas : « pourquoi ne vient-il pas ? Refuse-t-il le Sultan ? » (…) Il vint le quatrième jour ; le Sultan dormait à l’heure de la sieste. Les maîtres des coutumes se réjouissent grandement et les notables de dire : « comment donc ? S’il monte sur lui cet enfant aura peur, et s’il a peur il le tuera. Approchons-nous ». Ils s’approchèrent ; le Sultan dormait ; l’ancêtre vint et monta sur ses jambes ; le Sultan qui dormait ne l’entendit pas ; il descendit alors, se coucha sur le tapis et plaça sa queue sur le Sultan. 

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Table des matières

Introduction générale
PREMIЀRE PARTIE : DOCUMENTATION
Chap. I : Analyse critique de la documentation
DEUXIÉME PARTIE: Le serpent dans les cosmogonies égyptoafricaines
Chap. II : Le serpent dans les cosmogonies égypto-africaines
Chap. III : Le serpent élément du bestiaire politique
1- Le serpent dans les rites d’intronisation du roi en Égypte ancienne
2- Le serpent dans les rites d’intronisation du roi en Afrique noire
Chap. IV : Le serpent élément du bestiaire divin : Traités des divinités ophidiennes
TROISIЀME PARTIE : LE SERPENT DANS LES CROYANCES RELIGIEUSES ET FUNЀRAIRES
Chap. V : Le serpent dans les croyances religieuses
1 Le serpent symbole de la sagesse
2 Le serpent et la fécondité
3 Le serpent animal totémique
4 Le serpent symbole de la prospérité
Chap. VI : Le serpent dans les croyances funéraires
Conclusion générale
Bibliographie
Planches

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