Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP)
Selon Bandura (1997), le sentiment d’efficacité personnelle est défini comme « la croyance en sa propre capacité à organiser et exécuter une série d’actions nécessaires pour parvenir à la situation visée ». Plus simplement, elle se caractérise par la perception que se fait l’individu de ses propres capacités, à sa capacité personnelle à réussir la tâche (Masson, 2013). Le sentiment d’efficacité personnelle est transférable d’une activité à une autre, dans le cas où ces activités sollicitent les mêmes compétences. Le sentiment d’efficacité personnelle et son caractère contextualisé et flexible fait alors varier les croyances d’efficacité d’une activité à une autre (Galand et Vanlede, 2004). D’après Bandura (2003), le sentiment d’efficacité personnelle est relié à la confiance en soi. Elle est définie comme un sentiment psychologique qui consiste à se connaître, croire en son potentiel et en ses capacités.
L’estime de soi peut également être reliée à ces notions puisque selon Coopersmith en 1984, elle représente l’« expression d’une approbation ou d’une désapprobation portée sur soi-même. Elle indique dans quelle mesure un individu se croit capable, valable important » (1984). On retrouve alors cette même idée de croire en ses capacités, en ses potentialités comme pour la notion du SEP et de la confiance en soi. D’après Vandelle (2011) « On pourrait presque dire que le SEP est contenu dans le concept d’estime de soi parce que dans les deux cas, il est question du sentiment de compétence et de motivation ». Lorsqu’un élève possède un fort sentiment d’efficacité personnelle, cela va favoriser sa réussite scolaire mais aussi ses relations sociales et un développement émotionnel positif. Le sentiment d’efficacité personnelle « alimente le soi social et le soi émotionnel du concept d’estime de soi ».
L’estime de soi a une valeur en soi et détermine le bien-être des individus. Il n’y aura pas de bien-être positif sans une image de soi positive. L’estime de soi va également avoir un rôle dans la détermination des choix, l’engagement et la persistance des individus dans une activité. Cette estime de soi serait plus fragile chez les filles que chez les garçons, ceci pouvant notamment s’expliquer par les stéréotypes culturels de beauté, plus «agressifs » pour les filles. D’après JP Famose (2005) « Il existe une diminution forte dans l’estime de soi des filles en fonction de l’âge et à l’inverse une stabilité plus grande chez les garçons ». Tout comme l’estime de soi, le sentiment d’efficacité personnelle varie tout au long de notre vie, il évolue en fonction de l’âge et du sexe. Comme l’affirment Pajares et Valiante (1997), « le sentiment d’efficacité personnelle évolue en fonction de la classe et de « l’ancienneté scolaire » ». Desombre et al. (2016), nous disent que le sentiment d’efficacité personnelle des garçons et des filles varie selon la nature du travail à effectuer. Lorsqu’il s’agit d’un travail collectif, le sentiment d’efficacité personnelle des filles est supérieur à celui des garçons, alors que le résultat est inverse lorsqu’il s’agit d’un travail individuel. Ce constat fait ressortir qu’en situation de groupe les filles sont dépendantes d’autrui alors que les garçons n’ont pas besoin de cette dépendance. Quand les groupes sont mixtes, les filles se perçoivent moins compétentes du fait de la présence des garçons, tandis que lorsqu’elles sont entre elles, on n’observe pas de dégradation de leur sentiment d’efficacité personnelle. Elles se sentent plus compétentes dans un groupe unisexe et vont donc plus échanger entre elles et être plus efficientes dans le travail.
L’engagement des élèves dans l’apprentissage
L’engagement détermine le lien qu’il y a entre un acte à réaliser et l’individu qui le réalise ou qui doit le réaliser (Kiesler, 1971). Il représente l’interrelation entre l’importance qu’un individu accorde aux études, l’effort qu’il consent pour l’acquisition du savoir et les liens qu’il entretient avec l’environnement. L’engagement peut donc être défini comme la mobilisation des ressources d’un individu : neuro-informationnelles, motrices, psychologiques, physiologiques, dans la situation. L’engagement d’un élève va varier en fonction de plusieurs facteurs : le sexe, l’âge, mais aussi le niveau de l’élève (Kiesler, 1971). Par exemple, si un élève rencontre des difficultés dans une activité physique, son engagement va être moins important que celui d’un élève appréciant l’activité et en réussite. Plusieurs études ont montré que les élèves s’investissent rarement dans les activités dans lesquelles ils ne se sentent pas capables. Les élèves ont même tendance à se désintéresser des activités dans lesquelles ils se sentent peu efficaces (Bandura, 1997). Selon Reeve (2012), il existe quatre dimensions de l’engagement :
(a) l’engagement comportemental qui demande un effort important, dans lequel l’élève doit adhérer aux exigences scolaires ;
(b) l’engagement émotionnel, plus important quand il répond à l’intérêt et aux valeurs de l’apprenant, et en l’absence de contraintes émotionnelles telles que le stress, la colère, la peur ;
(c) l’engagement cognitif associé à la concentration et l’attention des élèves, et représentant les stratégies à l’égard du savoir ; et
(d) l’engagement actif défini par la participation intentionnelle.
D’après Gagnaire et Lavie (2007), l’enseignant doit s’intéresser aux élèves qui n’éprouvent pas de plaisir et qui ne progressent pas. Il faut donc les confronter à un environnement favorisant leur plaisir et le désir de mieux agir. Si un élève ressent du plaisir en réalisant un comportement, cela va l’amener à s’engager dans le futur pour reproduire cette action. L’enseignant lorsqu’il va proposer une situation à ses élèves va essayer de diminuer les contraintes pesant sur la mobilisation des élèves pour tendre vers des formes d’auto-détermination, pour leur offrir des possibilités de choix. On peut alors dire que l’engagement est fortement associé à la motivation auto-déterminée. L’élève va davantage s’engager dans l’activité s’il pense être à l’origine de son propre engagement.
L’enseignant lorsqu’il va proposer une situation à ses élèves va essayer de diminuer les contraintes pesant sur la mobilisation des élèves pour tendre vers des formes d’auto-détermination, en leur offrant des possibilités de choix. En créant un sentiment de liberté, l’enseignant favorise l’engagement des élèves dans les situations d’apprentissage puisque cela favorise les croyances de contrôle perçu, d’efficacité personnelle ou de confiance en soi ( Genty et Andre, 2001) Pour maintenir la motivation personnelle de l’élève, l’enseignant peut également s’appuyer sur l’action de combiner un objectif à long terme orientant le projet, avec plusieurs sous-objectifs accessibles, de façon à ce que l’élève maintienne ses efforts tout au long du parcours. Ces sous objectifs vont permettre de réduire le risque de découragement dû à un objectif trop élevé et dont l’atteinte est longue, et d’augmenter le sentiment d’efficacité personnelle. Atteindre progressivement ces sous-objectifs fournit à l’élève des indicateurs croissants de maîtrise qui permettent d’acquérir un sentiment progressif d’efficacité personnelle (Lecomte, 2004).
L’évaluation formatrice et l’auto-évaluation
Selon Brau-Anthony et Cleuziou (2005) l’évaluation met en rapport d’une part un référent qui désigne de manière plus ou moins explicitement critériée les normes à partir desquelles on peut porter un jugement de valeur, et d’autre part, un référé, c’est-à-dire les informations prélevées au sein d’une situation concrète sous forme d’indicateurs. De Ketele (2010) identifie trois grandes fonctions de l’évaluation : l’orientation vers une nouvelle action, la régulation pour améliorer l’action en cours et la certification. D’autres fonctions de l’évaluation ont été distinguées comme situer, guider, motiver, contrôler et sociabiliser.
Pour activer ces différentes fonctions, l’enseignant peut mettre en place des évaluations diagnostique, formatrice, formative et sommative/certificative (Hadji, 1996). Lors de notre recherche, nous nous sommes intéressées plus particulièrement à l’évaluation formatrice. On peut qualifier l’évaluation formatrice comme une démarche de régulation conduite par l’apprenant et non par l’enseignant. Selon Allain et al (2016), l’évaluation formatrice se réalise en cours de cycle pour réguler et faciliter les apprentissages. L’élève va analyser et identifier ses erreurs qui vont alors constituer des points d’appuis à l’apprentissage alors que dans l’évaluation sommative on tend à sanctionner ces erreurs. D’après Nunziati (1990), les objectifs de l’évaluation formatrice sont : l’acquisition des critères de l’enseignant, l’autogestion des erreurs et la maîtrise des outils d’identification et de planification par l’élève. Cette démarche peut s’avérer compliquée puisque le pouvoir de l’enseignant et sa capacité à garantir une évaluation sur des bases communes sont remis en question. Pour cela, il est nécessaire de former préalablement les élèves à l’observation. Pour mettre en place l’évaluation formatrice, l’enseignant a recours à différents moyens tels que la co-évaluation et l’auto-évaluation. Nous avons choisi de nous centrer exclusivement sur l’auto-évaluation permettant de réduire l’impact du jugement d’autrui sur la tâche réalisée. «L’autoévaluation des élèves est le processus par lequel l’élève recueille des données et réfléchit à son propre apprentissage… [c’est] l’évaluation, par l’élève, de ses propres progrès en matière de connaissances, de compétences, de processus ou de comportement. L’auto-évaluation donne à l’élève une conscience et une compréhension accrues de lui-même. » (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2002). En permettant à l’élève de recueillir des données sur sa pratique, l’enseignant l’encourage à prendre en main son apprentissage, ce qui lui offre l’occasion d’exercer son autonomie et sa responsabilité.
Pour compléter cette définition de l’auto-évaluation, St- Pierre combine deux extraits : « jugement qualitatif ou quantitatif porté sur la valeur d’un produit de l’apprentissage ou d’un processus d’apprentissage » (Lafortune, St-Pierre, 1996, 1998) et «comparaison des caractéristiques observables à des normes établies à partir de critères explicites » (Legendre, 1993). Le premier extrait met en avant l’aspect de la mesure alors que le deuxième met en avant l’importance des critères (comparaison, normes). L’autoévaluation est d’abord une démarche qualitative s’accompagnant d’une réflexion critique sur une production. À la différence de l’évaluation de l’enseignant, l’élève porte un regard sur son propre travail, fait un constat sur son activité. La comparaison entre critères attendus et la production réalisée se fait par l’apprenant lui-même, et non par l’enseignant ou un pair. D’après Desombre et Al (2016), il existerait des différences entre les filles et les garçons sur leur perception de leur performance. Au début de leur scolarité, les garçons ont une vision très optimiste et irréaliste de leurs compétences puis ils vont progressivement s’auto-évaluer de manière plus réaliste grâce la scolarisation, la comparaison sociale et les feedbacks de performance qu’ils vont peu à peu recevoir. En revanche, les filles auraient généralement une bonne perception de leurs capacités tout au long de leur scolarité. L’auto-évaluation par les liens qu’elle entretient avec l’auto-régulation, constitue un des leviers de transformation des pratiques. Même si l’auto évaluation représente un travail complexe, elle constitue une occasion d’apprentissage et de développement pour les élèves. (Paquay, 2013) Selon Allal (2007, p.9), les régulations sont « Les mécanismes qui assurent le guidage, le contrôle et l’ajustement des activités cognitives, affectives et sociales », et à partir desquels l’élève peut améliorer ses apprentissages. La régulation est alors une conséquence de l’auto-évaluation. L’élève en réalisant l’auto-évaluation de son activité, va alors pouvoir exercer une régulation interne, c’est-à-dire une régulation par lui-même de son activité. L’élève va ajuster ses actions, réorienter son activité de façon à réduire l’écart entre ce qu’il vient de réaliser et ce qui est attendu de lui. D’après Laveault Leblanc et Leroux (1999), l’auto-évaluation est un moyen d’assurer une régulation continue des apprentissages, de façon individuelle. En permettant à l’élève de se situer régulièrement dans ses apprentissages, il peut alors davantage réguler son activité, à condition d’être capable de prendre du recul et d’avoir un regard critique sur son activité.
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Table des matières
Introduction
1.Revue de littérature
1.1 Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP)
1.2 L’engagement des élèves dans l’apprentissage
1.3 L’évaluation formatrice et l’auto-évaluation
2.Objet d’étude et cadre théorique
2.1 Objet d’étude
2.2 Cadre théorique
3.Méthode
3.1 Participants
3.2 Protocole
3.2.1 Avant l’expérimentation
3.2.2 Description des leçons
3.2.3 L’expérimentation
3.3 Analyse des données
3.3.1 Vérification de la normalité de la distribution des populations
3.3.2 Comparaison des moyennes
4.Résultats
4.2 Evolution du SEP en lien avec la situation d’auto-évaluation
4.2.1 Comparaison des groupes filles/garçons
4.2.2 Comparaison des groupes « sport collectif », « autres sports » et « pas de sport »
4.2.3 Comparaison des groupes « sport en dehors de l’école » et « pas de sport »
4.2.4 Corrélations entre les résultats du SEP et ceux de l’auto-évaluation
4.2.5 Synthèse
4.3 Evolution du SEP en tenant compte de l’auto évaluation réalisée par les élèves
4.3.1 Résultats aux différentes questions du questionnaire d’autoévaluation
4.3.2 Résultats selon la performance réalisée en match
4.3.3 Synthèse
5. Discussion
5.1 L’évolution du SEP en lien avec l’introduction de situations d’autoévaluation
5.2 Retour sur le lien entre Estime de Soi et Sentiment d’Efficacité Personnelle
5.3 L’impact du type d’activité physique sur la différence de SEP entre filles et garçons
5.4 Le lien entre auto-évaluation positive et SEP
5.5 Discussion au niveau qualitatif
6. Conclusion
Bibliographie
Annexes