Le sens théorétique du terme d’urbanisation
Urbanisation est un terme qui se rattache au processus de la création ou de l’agrandissement des villes ou de leurs populations. Pierre Merlin et Françoise Choay (2005 : 910), dans leur ouvrage intitulé « Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement », montrent que le terme d’urbanisation a deux sens distincts ; dans le premier, qui est le moins utilisé, l’urbanisation est définie comme l’action de créer des villes qui est souvent suivie par un processus d’extension de l’espace urbain ; et dans le second, elle est définie comme un processus de concentration croissante de la population dans les villes ou dans les agglomérations urbaines.
De ce point de vue, on peut dire que l’urbanisation est un processus complexe de concentration croissante dans un espace donné qui est liée au processus d’augmentation de la population urbaine et de ses activités, et au processus d’élargissement, d’agrandissement et de développement urbain, soit dans une ville soit dans une région. Dans ce contexte, Tisdale (1942) et Friedmann et Wolff (1982) soutiennent que l’urbanisation renvoie au terme de « devenir » qui exprime un mouvement, par lequel une région se développe : une région rurale devient une petite ville, une petite ville devient une grande ville, ou une grande ville devient une plus grande ville, et qui se compose des processus physiques, sociaux, politiques, économiques, et de leurs combinaisons.
Dans la documentation scientifique classique, le discours sur l’urbanisation s’appuie sur le domaine de la démographie sociale pour décrire le processus de la concentration de la population, d’où découlent deux options d’après Hope Tisdale (1942): l’augmentation de taille de l’agglomération ou la multiplication des points de concentration. Ainsi, en plus de se concentrer sur la croissance urbaine, le discours sur l’urbanisation se focalise aussi sur la multiplication des agglomérations dans une région. Pris dans ce dernier sens, le terme d’urbanisation élargit le processus de développement d’une ville au processus régional. Le concept d’urbanisation n’est plus vu simplement comme un phénomène de développement d’une ville seule, mais aussi comme un phénomène régional d’apparition et de développement des villes. Dans ce contexte, le terme d’urbanisation est compris comme étant le rapport de la population urbaine sur la population totale dans une certaine région. C’est ainsi que Kingsley Davis (1955) utilise le terme de « société urbanisée » pour définir une société qui a une plus grande proportion de personnes habitant dans ses villes et ses zones urbaines que dans ses zones rurales.
Du point de vue des études macroscopiques, Friedmann (1973) soutient que l’urbanisation renvoie aux processus complexes qui se produisent dans les systèmes spatialement organisés, dans lesquels les processus n’incluent pas seulement la génération et la distribution d’innovation , mais impliquent aussi la prise de décision et le contrôle, les écoulements de capitaux et les investissements, la diffusion spatiale de l’innovation et des processus de migration. Dans le contexte spatial, ces processus correspondent à la distribution spatiale du pouvoir, à la localisation des activités économiques, à la morphologie et aux formes des espaces en milieu urbain. En outre, de tous ces processus, Friedmann et Wuff (1975) affirment que la prise de décision et le contrôle, qui forment la relation spatiale et la distribution de pouvoir, sont les processus critiques auxquels tout autre processus sera finalement rattaché.
Toutes les parties du processus d’urbanisation, alors, remodèlent constamment l’organisation spatiale du système social en remodelant l’espace des activités économiques et de réseaux d’habitation de la société, et l’organisation spatiale de la modernisation en remodelant les espaces socioculturels, aussi bien que l’organisation territoriale du pouvoir dans la société (Friedmann, 1973). Friedmann (1973) a soutenu que le processus d’urbanisation se compose de deux dimensions corrélées, c’est-à-dire : l’augmentation de la concentration géographique de population et d’activités non agricoles dans les aires urbaines qui renvoie au processus spatial d’habitat urbain et de l’espace économique, et la diffusion géographique de valeurs urbaines, comportements, organisations et institutions qui renvoie à la modernisation spatiale. En outre, Friedmann (1973) affirme que chacune des deux formes influence l’autre en remodelant l’organisation spatiale du système social.
Cependant, Jacqueline Beaujeu-Garnier (1995) différencie le terme « d’urbanisation» et celui de « civilisation urbaine ». Si le premier se rattache à la progression directe du phénomène urbain dans le sens du mouvement de développement des villes à la fois en nombre et en taille, le second se rattache à la pénétration partielle des habitudes de la société et des modes de vie venant de la ville dans le monde rural (Beaujeu-Garnier, 1995). De la même manière Hope Tisdale (1943) avait discuté ces deux approches de l’urbanisation lorsque ce concept a été intégré dans le programme scolaire. Mais il a réfuté le sens d’urbanisation comme un processus radial dans lequel des idées, des habitudes et des modes de vie se propagent du centre urbain vers le milieu rural, car ce sens considère la ville comme la cause de l’urbanisation plutôt que comme le résultat d’un processus (Tisdale, 1942). Dans ce sens, Tisdale (1942) a défini l’urbanisation comme un processus d’apparition, de croissance de la concentration et de développement de la ville, cette dernière étant alors plutôt le résultat du processus (Tisdale, 1942).
La mesure du processus d’urbanisation
Bien que l’urbanisation est considérée comme un processus complexe de concentration croissante, de création, d’agrandissement et de multiplication des villes qui transforme une région rurale ou urbaine en une région plus urbanisée et amène des changements spatiaux et socio-économiques, dans un sens strict, l’urbanisation peut être simplement considérée comme un phénomène démographique défini par le taux d’urbanisation d’une communauté dans une région ou un pays, qui est conventionnellement mesuré par la proportion de la population urbaine sur la population totale (McGee, 1971). Dans cette mesure, la population urbaine peut être définie comme le nombre de la population qui réside dans toutes les unités urbaines, c’est-à-dire toutes les zones catégorisées comme les zones urbaines, dans la région ou le pays, pendant que la population totale peut être définie comme le nombre de la toute population qui réside dans toutes les zones de la région, y compris les zones urbaines et les zones non urbaines.
Dans les premières études de l’urbanisation réalisées au cours des années 1960, cette mesure du taux d’urbanisation a été critiquée car elle était trop simple et car elle négligeait les autres caractéristiques importantes de l’urbanisation. Jack P. Gibbs (1966) a soutenu que la mesure du taux d’urbanisation ne permettait pas de différencier les régions présentant un même niveau d’urbanisation tout en ayant une forte différence de distribution démographique urbaine. Par exemple, deux régions qui ont 50 % de population urbaine par rapport à leur population totale sont jugées identiques, même si une région a toute sa population urbaine qui réside dans une grande ville et l’autre sa population distribuée dans de petites villes. Il a donc critiqué cette mesure simple conventionnelle qui ne reflète pas la hiérarchie urbaine.
Pour l’améliorer, Gibbs (1966) a alors suggéré une autre façon de mesurer le niveau d’urbanisation en proposant une alternative qui est fondée sur deux composantes : l’échelle d’urbanisation et l’échelle de concentration démographique. L’échelle d’urbanisation est une mesure basée sur l’effectif de la population urbaine, comme le taux d’urbanisation. Cependant, il reflète la hiérarchie urbaine en utilisant la répartition des effectifs de la population urbaine par tranche de taille urbaine, alors que l’échelle de concentration démographique est mesurée en calculant la proportion de la population totale dans chaque tranche de taille urbaine. Néanmoins, la proposition a été critiquée par certains spécialistes, comme Jones (1967) qui a indiqué qu’il y avait quelques difficultés méthodologiques à adopter la mesure d’urbanisation proposé par Gibbs. Cette même raison a aussi été évoquée par Mitra dans son commentaire en 1968 (voir Mitra, 1968).
La mesure du taux d’urbanisation se résume donc au calcul simple de la proportion de la population urbaine dans la population totale de la région, sachant que la population urbaine comprend la population qui réside dans toutes les unités urbaines de la région en incluant ses métropoles, ses villes, ses bourgs et d’autres concentrations démographiques. Cependant, ce qui demande le plus d’effort pour cette mesure simple est le calcul de la population urbaine. C’est parce que, d’abord, même s’il est facile de différencier les villes des régions rurales, il est plus difficile de définir la limite à partir de laquelle une concentration démographique peut être classée comme zone urbaine. Une communauté urbaine peut être définie sur la base de certains critères tels que : une taille minimale arbitraire, une densité démographique, des limites administratives ou politiques, des fonctions économiques, ou une combinaison de certains d’entre eux (Cohen, 2006). Cependant, dans de nombreux pays, une grande partie des statistiques concernant la population est fondée sur des limites administratives qui souvent ne correspondent pas aux zones urbaines réelles. Dans cette situation, il est difficile de définir les effectifs réels de la population urbaine, parce que toute la population de la zone définie comme zone urbaine sera comptée dans les effectifs de la population urbaine alors que certaines parties de la zone conservent un environnement rural.
Ainsi le problème de la mesure du taux d’urbanisation soulève le besoin de définir quelle sorte d’établissement peut être considérée comme un établissement urbain. La définition est nécessaire pour distinguer les petits centres urbains des plus petits établissements qui ne devraient pas encore être classées comme urbains. Alors, il est nécessaire d’avoir une différenciation claire entre les établissements urbains et ruraux dans les efforts à distinguer la population urbaine parmi les autres, même si elle est arbitraire ; parce qu’autrefois certains endroits ayant les mêmes critères démographiques pouvaient être classés comme urbains d’un côté et ruraux d’un autre.
Fondamentalement, les termes d’établissement ‘urbain’ et ‘rural’ sont opposés l’un à l’autre. L’établissement rural est souvent défini comme un type d’établissement humain où la forme prédominante des moyens d’existence réels est la production du secteur primaire, comme les activités agricoles incluant les productions de bétail et de récolte. Comme la majeure partie de la population des établissements ruraux travaille dans le secteur agricole et comme celui-ci est un secteur qui utilise de vastes surfaces, ces organisations spatiales rurales sont souvent associées à une faible densité démographique, alors que habitat urbain est défini comme un établissement humain dont la majorité des activités économiques sont non agricoles et liées à une densité démographique élevée et associées à des réseaux sociales et économiques plus complexes. Donc, théoriquement, il y a beaucoup d’indicateurs disponibles pour distinguer les établissements urbains des établissements ruraux. Il existe divers indicateurs quantitatifs comme la taille de la population, la densité démographique, le profil d’emploi, et le nombre et la gamme de services ainsi que des indicateurs qualitatifs comme le mode de vie (Hall, 1998 : 19). Pourtant, ces indicateurs ne suffisent pas à décrire les caractéristiques des régions urbaines ; ils peuvent donc aider à identifier les différents taux d’urbanisation de n’importe quel type de zone habitée sans pour autant donner une définition claire de ce qui est urbain (Hall, 1998 : 19-20).
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre I Qu’est que l’urbanisation du territoire ? Bilan bibliographique relatif à l’urbanisation en région dense dans les pays en développement
Introduction
1.1 Le concept d’urbanisation
1.1.1 Le sens théorétique du terme d’urbanisation
1.1.2 La mesure du processus d’urbanisation
1.2 L’urbanisation du monde
1.2.1 L’augmentation de la population urbaine du monde
1.2.2 L’énorme augmentation de la population urbaine de pays en développement dans le période de 1950 à 2030
1.2.3 L’augmentation du poids et du rôle des petites villes dans les pays en développement
1.3 Comparaison des processus d’urbanisation dans la dynamique de développement des pays en développement
1.3.1 Lien entre urbanisation et développement
1.3.2 Différences entre le processus d’urbanisation des pays en développement et celui des pays développés
Conclusion
Chapitre II La croissance de la population urbaine en Indonésie : le processus d’urbanisation de l’île de Java
Introduction
2.1 L’agencement spatial et la division administrative de l’Indonésie
2.2 L’urbanisation de l’Indonésie : la concentration de la population urbaine dans l’île de Java
2.2.1 L’ancien développement de la population et l’urbanisation Indonésienne : l’inégalité régionale dans le développement des centres de croissance
2.2.2 L’urbanisation contemporaine de l’Indonésie : l’augmentation de la population urbaine dans les petites villes des kabupaten
A. La méthode indonésienne de recensement de la population urbaine
B. L’évolution démographique urbaine contemporaine en Indonésie : une croissance spectaculaire de la population dans les villes petites et moyennes
2.2.3 La distribution de la population urbaine indonésienne : la proportion importante de population urbaine dans les kabupaten de l’île de Java
2.3 L’urbanisation des territoires dans l’île de Java
2.3.1 L’île de Java et sa disposition intérieure
2.3.2 L’augmentation et la distribution de population urbaine de l’île de Java
2.3.3 L’augmentation du nombre des kabupaten urbanisés et leur population urbaine
Conclusion
Chapitre III L’augmentation du nombre des habitants urbains et la formation des agglomérations urbaines dans les kabupaten de Tegal, Malang et Purwakarta
Introduction
3.1 Les kabupaten de Tegal, Malang et Purwakarta : présentation des trois cas d’études représentants des kabupaten en voie d’urbanisation rapide dans l’île de Java
3.1.1 Le kabupaten de Tegal : un kabupaten avoisinant une petite municipalité dans le corridor côtier du nord de Java central
3.1.2 Le kabupaten de Malang : un kabupaten avoisinant une grande ville municipale à l’intérieur de Java est
3.1.3 Le kabupaten de Purwakarta : un kabupaten à l’intérieur du corridor entre les deux grandes métropoles de Java ouest
3.2 La grande augmentation du nombre des habitants urbains dans le trois kabupaten : l’augmentation du rôle des kabupaten pour donner une place aux habitants urbains dans la région
3.2.1 La grande augmentation du nombre des habitants urbains dans les trois kabupaten : le renforcement de société urbaine dans les kabupaten
3.2.2 La comparaison de l’augmentation de nombre des habitants urbains dans les kabupaten avec celle des municipalités avoisinantes : l’augmentation de la part de la population urbaine des kabupaten dans leur région urbaine
3.3 La formation des agglomérations urbaines et le développement de la population des villes petites et moyennes dans les kabupaten
3.3.1 La formation des agglomérations urbaines dans les kabupaten
A. La formation des agglomérations urbaines dans le kabupaten du Tegal
B. La formation des agglomérations urbaines dans le kabupaten de Malang
C. La formation des agglomérations urbaines dans le kabupaten de Purwakarta
Conclusion Générale