Le secteur informel, lieu privilégié du phénomène d’exploitation

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Essai de définition du secteur informel

L’expression « secteur informel » est l’un des plus détestables surnoms de l’artisanat et des petits commerces réunis, qui laisse entendre que les petits métiers urbains du Tiers monde sont chaotiques, elle révèle surtout l’embarras des économies devant ces activités rebelles à leurs schémas habituels d’analyse, qui n’obéissent généralement pas aux normes d’organisation et de gestion, techniques communes aux entreprises « normalement » constitués, qui ignorent la réglementation du travail et qui échappent souvent au fisc et aux contrôles administratifs. L’expression « secteur informel » met simplement l’accent sur l’étrangeté de la chose. Son succès s’explique paradoxalement parce qu’elle suggère peu et mal. Sans renier nécessairement le terme « informel », la plupart des chercheurs admettent que ce secteur n’est pas chaotique mais qu’il possède au contraire une structure et des lois d’évolution qu’il s’agit de découvrir.

Origine du secteur informel

A Antananarivo, le secteur informel a dû relever deux défis :
– organiser la vie des chômeurs et des salariés les moins rémunérés, dont les ressources doivent être complétées par des revenus annexes .
– faire face aux risques d’entreprise inhérents à l’étroitesse du marché du travail.
Le sous-emploi rural qui pousse de nombreux paysans, sinon à migrer définitivement vers la Capitale, du moins à venir y chercher un appoint de ressources, aggrave le déséquilibre du marché de l’emploi urbain. Les familles marginalisées par la crise de l’économie officielle (secteur moderne public et privé) développent des activités productives pour assurer leur survie dans un cadre approprié : le cadre familial. L’entreprise informelle est donc enchâssée dans l’institution familiale et sa dynamique, les conditions de croissance, sont déterminées par ce fait.
La chute de la productivité, provoquée par la pénurie et le coût croissant des intrants importés dans le secteur moderne, a aggravé la baisse de sa compétitivité, les barrières à l’entrée dans les professions artisanales ayant des concurrents dans le secteur moderne se sont abaissées, facilitant la prolifération des entreprises informelles. Il suffit en effet que l’écart intersectoriel des productivités soit inférieur à l’écart des revenus moyens, et que le revenu de l’entrepreneur informel marginal, soit au moins égal au minimum de survie dans des conditions, pour que se créent des entreprises informelles. Mais la nouvelle entreprise doit surmonter encore l’obstacle de l’instabilité de son activité.

Les métiers du secteur informel

Les petits commerces prolifèrent et transforment l’aspect de la Capitale et ses quartiers.
La demande de bois et charbon étant localisée au lieu de résidence des clients, ce commerce s’intensifie dans l’espace des quartiers. Inversement, la multiplication des gargotes et des colporteurs de nourritures préparées est liée aux déplacements de plus en plus longs, difficiles et coûteux auxquels est astreinte la population antananarivienne, elle reflète l’évolution globale de l’espace urbain, ou le développement de nouvelles relations socio-économiques spécifiquement urbaines. Les boucheries se groupent dans des lieux centraux ; leur concentration montre bien que la diminution du pouvoir d’achat des Tananariviens renforce leur caractère de commerces anormaux et leur besoin de centralité. Les marchands de légumes dont l’activité professionnelle n’exige qu’un équipement fort modeste et un fonds de roulement dérisoire (compte tenu de la fréquence des crédits -fournisseurs) se multiplient sur les marchés et autour d’eux, aux abords des grands magasins, et plus généralement dans des lieux centraux ou de transit quotidien des populations en déplacement. Leur besoin de centralité est moins affirmé que celui des bouchés. Presque toutes les activités informelles sont marquées par une récente croissance et profonde et profonde hétérogénéité interne. Leur structure, leurs représentations, leurs « règles tacites de bonne conduite » éclatent sous la pression de la multitude des nouveaux concurrents. Les récriminations liées aux métiers informels révèlent que le commerce alimentaire de détail cesse rapidement d’être un métier lucratif d’entrepreneurs pour devenir un lieu d’organisation de la survie des populations marginales ou de résorption du sous-emploi urbain.
Le secteur informel devient le lieu d’épanouissement d’un nouveau type de relations économiques ; les activités marchandes et domestiques sont unifiées ; et l’opinion majoritaire vis-à-vis de la concurrence s’exprime dans une formule de solidarité : « Il faut bien que tout le monde vive ! ».

Les différentes figures de l’exploitation au niveau des marchés

D’après nos investigations, ce sont surtout les jeunes livrés à l’exode rural qui sont les victimes de l’exploitation dans les marchés urbains.

La rareté des emplois disponibles

En effet, dans les milieux ruraux, Antananarivo est réputé pour trouver facilement de l’emploi, mais tout ne passe pas comme les migrants ruraux en ont imaginé, ils sont obligés ainsi de rester « journaliers » au marché et d’y exercer des métiers défavorables pour leur épanouissement. Cependant le chômage touche plutôt les jeunes en ville qu’à la campagne pour de raisons diverses.
L’inspection du travail dans « bulletin mensuel des offres et demandes d’emploi » publie l’évolution du chômage à Tananarive. Pourtant et seulement les chômeurs déclarés par le service du travail se révèlent sans compter ceux qui pratiquent d’activités personnelles, au secteur informel.
Il s’en suit que les travailleurs temporaires et périodiques au chômage permettent aux employeurs d’avoir « une main d’œuvre à bon marché ».
Les marchés forment un carrefour de gens, de marchandises et d’idées pour la vente, l’achat ou le troc. Celui-ci joue le rôle de grand rassemblement des gens, lieu de rencontre, lieu d’échange d’où les pauvres cherchent l’argent par diverses activités et sources de revenus : transports de marchandises, vente, gardiennage, etc.
Suite à un équipement public standard, le marché est le terminal des circuits d’approvisionnement de la ville en produits vivriers comme en produits manufacturés, il est le lieu où s’organisent les modes de stockage, de distribution de ces produits. Ces fonctions engendrent un grand nombre de flux spécifiques, un grand nombre d’activités diversifiées, et l’ensemble constitue un agent essentiel de structuration de la ville.
Les petits métiers sont le reflet de la « stratégie de survie des pauvres », dans les bas quartiers, qu’ils peuvent trouver au marché ou dans la rue. Ceux qui n’ont pas d’emplois, de source de revenus ou de protection sociale sont obligés de gagner de l’argent avec les métiers qui demandent de force physique afin de faire face à l’économie de guerre qui entraîne l’appauvrissement rapide des classes moyennes. Nombreux sont devenus dépendants et exploités par ceux qui les emploient.
Vu le coût de la vie en ville, où tout s’achète, où rien n’est gratuit, les migrants s’attendent à un grand effort physique surtout pour gagner de l’argent. Ils font des petits métiers qui ne leur sont pas habituels : tireurs de pousse-pousse, batelages, aides dans les gargotes, par exemple dans le but d’assumer aussi loin qu’ils peuvent le budget familial qui se répartit à son tour aux logements, vêtements, alimentation.
En fait, les jeunes migrants ruraux accèdent à certaines formes de consommation spécifiquement occidentale, en matière de logement, de vêtements, etc. qui peuvent altérer imperceptiblement les normes traditionnelles. Aussi, les mauvaises conditions de vie en général conduisent-elles à une crise de la cellule familiale, crise d’autant plus profonde qu’elle est ancienne, la cellule familiale n’ayant jamais trouvé des conditions favorables à sa consolidation au 21ème siècle.
En plus, la situation de travail temporaire met ces migrants dans une position d’instabilité sociale, à cause du changement fréquent de l’emploi. De ce fait, ils supportent mal la difficulté matérielle avec des conditions de logement dégradées et un niveau de vie précaire. La hausse excessive des prix devient un phénomène social que les Tananariviens endurent et les familles pauvres en sont les premières victimes. D’ailleurs, au-delà du seuil de décalage quantitatif des revenus, c’est aussi l’aspect qualitatif du mode de vie qui profite encore plus directement à la population urbaine.

L’absence de qualification

A l’exemple des bas quartiers de la capitale, la plupart des habitants ne possèdent aucune qualification. Il n’est pas étonnant donc que les immigrants choisissent des activités pénibles comme celles des travaux domestiques ou de transport non mécanisé. Ils n’ont guère le choix au moment de leur arrivée dans la capitale. De ce fait ils sont toujours victimes de l’exploitation des citadins faute de qualification. Certains gagnent quelques sous de temps en temps en tirant une pousse, en rendant quelques menus services, en s’embauchant à l’heure ou à la journée comme manœuvre, tâcherons, homme de peine non déclaré, mais quittent l’emploi dès qu’ils ont amassé de quoi faire vivre leur famille pendant quelques jours. L’accroissement du chômage produit le déferlement des petits métiers pour faire face au besoin quotidien. C’est la raison de la prolifération des commerces de fruits ou de légumes dans la capitale, en passant par les vendeurs de journaux, les vendeurs de tissus en pièces ou de vêtements de confection ambulants ou possédant une boutique fixe, les fripiers, les brocanteurs, et les marchands d’eau etc. Beaucoup de familles vivent avec des ressources tirées d’un emploi occasionnel, et plus souvent en chômage qu’au travail. Toute activité rémunérée est temporaire, payée à l’heure ou à la journée, aux tarifs particulièrement bas.
Ainsi, la masse populaire vit au jour le jour et assure, en somme, sa subsistance par le travail physique. La vie étant une lutte quotidienne, les classes sociales se réduisent sauf exceptions fort rares, à une foule de journaliers, au programme uniforme, et doivent travailleur dur pour ne pas souffrir de la faim. Dans ce cas, leur vie suit la logique suivante. Quand un individu n’a pas le minimum nécessaire comme le diplôme pour trouver un emploi, il n’a qu’à pas le minimum nécessaire comme le diplôme pour trouver un emploi, il n’a qu’à exploiter sa force physique, et c’est le dernier recours pour ces migrants. Or les travaux qui n’utilisent que de l’énergie sont souvent des travaux de catégorie inférieure et à faible revenu.

Impacts sur la vie de la population

D’après nos observations, la population s’est accrue ces 10 dernières années, suite à ce marché  (le taux de croissance est de 2% par an). De plus, le quartier est visité par beaucoup de gens tous les jours et surtout le samedi. Aux CAI, on trouve tous ce que l’on a besoin dans la vie quotidienne : les prix des nourritures sont plus ou moins abordables.
Propos d’une femme de 70 ans : « Quand je vais au marché, je peux m’acheter des carottes et des tomates avec 100Ariary. De plus, on a un large choix car il y a un peu de tout ».
Les gens pauvres arrivent à s’habiller car les vêtements s’achètent par toutes les bourses. Témoignage d’un homme de 32 ans, père de familles : « Le soir, vers 6 heures je vais au marché des friperies soldes près du centre Marie Stops ; car là-bas les vêtements coûtent entre 100 Ariary et 1500 Ariary.
Les plus démunies se ruent vers les bacs à ordures où ils récupèrent des nourritures ou des objets qu’ils peuvent recycler.
Le marché, de part sa proximité a allégé les problèmes liés à la vie des habitants aux alentours. Ceux-ci- n’ont pas besoin de se déplacer loin pour acquérir des vivres. Pendant la journée, et surtout le soir, une masse de gens optent pour se nourrir auprès des gargotes (faire du « kibo antsena ». Ils évitent ainsi de préparer les reps. Nous avons aussi remarqué une nette diminution des actes de cambriolages et de banditismes. En effet, chacun tente de trouver son compte en travaillant au niveau du marché.

Ressources financières et utilisation

C’est assez paradoxal de constater que le capital financier et autres qui circulent au niveau de ce Fokontany chaque samedi s’élèvent à des milliards d’Ariary. Pourtant ce quartier est réputé être habité par des gens modestes.
Grâce aux taxes prélevées auprès des étalages, le Fokontany peut se permettre de faire les activités suivantes :
– Financement des activités :
• Sport : ravitaillement des joueurs, entretien des infrastructures existantes.
• Social : le Fokontany distribue des vivres pour les personnes âgées chaque fin d’année et pour les gens pauvres dont le revenu annuel est inférieur à 10.000 Ariary.
– Aménagement des espaces verts :
Malgré l’extension croissante du marché, il existe encore quelques espaces verts qui sont entretenus régulièrement par les jardiniers du Fokontany. De plus toutes les ruelles du Fokontany sont goudronnées à 99% grâce aux fonds collectés à partir du marché.

Une main d’œuvre bon marché

Les jeunes et surtout les enfants constituent une main d’œuvre docile, ils sont obligés de tout faire au service de leurs patrons. Les différentes activités au niveau du marché sont situées dans le secteur informel où tout est permis sans être vue. Les victimes accomplissent des tâches domestiques chez l’employeur dans des conditions relevant de l’exploitation par exemple les longues heures de travail pour un faible salaire, voire aucun. Ces enfants qui travaillent derrière les portes closes de maisons privées sont particulièrement exposés à l’exploitation et aux abus. Les petites bonnes sont assignées à des tâches « dégradantes » que les membres de la famille de l’employeur se refusent d’exécuter eux même. Ils font appel à ces jeunes domestiqués pour confier les corvées qu’ils considèrent être propres à la classe inférieure de l’échelle sociale.

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Table des matières

METHODOLOGIE
1ère partie : Les enjeux relatifs au phénomène d’exploitation de personnes
Introduction partielle
Chapitre I : Approche théorique sur l’exploitation
Section n°1 : Les différentes notions explicatives
A. La Traite selon la Convention des Nations Unies
B. Un bref aperçu sur les réalités actuelles en matière d’exploitation de personnes au niveau international
Section n°2 : Les théories de références
A. Le sur travail pour la fructification du capital
B. Les inégalités : source de l’exploitation
Chapitre II : Le secteur informel, lieu privilégié du phénomène d’exploitation
Section n°1 : Un aperçu sur les activités informelles dans la ville
d’Antananarivo
A. Essai de définition du secteur informel
B. Origine du secteur informel
C. Les métiers du secteur informel
Section n°2 : Les différentes figures de l’exploitation au niveau des marchés
A. La rareté des emplois disponibles
B. L’absence de qualification
Conclusion partielle
2ème partie : L’exploitation de personnes à la lecture de nos investigations auprès du Marché du Fokontany Cité Ambodin’Isotry (CAI)
Chapitre III : Le marché du Fokontany CAI et son mécanisme
Section n°1: Le marché : un secteur informel qui s’organise
A. L’environnement du marché : le Fokontany CAI
1. Historique du Fokontany
B. La structure du marché et ces activités existantes
1. Organisation du marché
2. Les activités existantes
C. Les conflits fréquents au niveau du marché
Section n°2 : La dynamique et les changements créés par le marché
A. Impacts sur la vie de la population
B. Impacts sur le quartier en général
1. Impacts sur la salubrité du quartier
2. Le rendement monétaire du marché et ses utilités …..Erreur ! Signet non défini.
Chapitre IV : Les manifestations de l’exploitation au niveau du Marché du Fokontany Cité Ambodin’Isotry
Section n°1 : Les motivations des victimes à maintenir leur statut de dépendant
A. Attraction de la ville
B. Le lien de parenté
C. La pauvreté de la famille.
Section n°2 : Les critères de sélection des employés
A. Une main d’oeuvre bon marché
B. L’absence de sanction et de lois tangibles
C. Le statut de fille ou de femme
Conclusion partielle
3ème partie : Analyse et prospective de changement
Chapitre VI : Les impacts différentiels de l’exploitation de personnes
Section n°1 : Les conséquences néfastes sur les individus victimes
A. Individu condamné à la servitude et à la marginalisation
B. Précarité de la santé et des conditions de vie en général
C. La privation des droits fondamentaux de l’être humain
Section n°2 : Les impacts sur la société en général
A. L’avenir de la jeunesse hypothéqué
B. Les conséquences sur le développement économique
C. Primauté du rendement monétaire au détriment des liens de parenté.
Chapitre VII : Approche prospective pour un réel changement
Section n°1 : Appropriation citoyenne de la lutte contre l’exploitation de personnes
Section n°2 : Les dispositifs pour une réelle éradication du phénomène d’exploitation
A. Réorienter les stratégies de développement rural
B. Faire face à l’exode rural
C. Dynamiser la jeunesse
Conclusion partielle
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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