CONTEXTE
Aujourd’hui, le secteur de la construction est pris entre le marteau et l’enclume. D’un côté, l’urbanisation de la planète requiert une réaction immédiate de ce secteur pour répondre aux besoins considérables de la population en constante augmentation, et de l’autre côté, en raison des préoccupations relatives au changement climatique et à l’épuisement des ressources fossiles, une pression importante s’exerce sur les acteurs de la construction. Ces derniers se doivent d’opérer un tournant vers une construction durable et verte pour améliorer leur bilan environnemental. En effet, cette filière consomme plus de 30% des ressources naturelles, voire 50% en considérant le sable et les granulats utilisés sur les chantiers. Ce secteur génère également un quart des déchets solides (World Green Building, 2020). A l’échelle mondiale, la construction est considérée comme le plus gros émetteur de CO2. Elle est responsable de plus de 36% de la consommation énergétique totale et émet à elle seule 39% des émissions de gaz à effet de serre (GES) (Jones, 2020). Dans ce contexte, le Conseil Européen s’est engagé à réduire le taux d’émission de GES de 80% d’ici 2050, comparativement à son niveau d’émission de 1990.
Afin d’atteindre ces objectifs, la France se doit d’apporter sa contribution. En effet, le secteur français de la construction consomme plus de 43% d’énergie et génère environ 23% de GES (Ministère de la Transition écologique, 2020). Ce secteur est également le premier dans la consommation de matières premières non renouvelables et dans la production de déchets (Ademe, 2018).
Cette situation contraint donc la filière au développement de matériaux de construction innovants répondant à la fois aux exigences environnementales et de durabilité. Les matériaux biosourcés ont été identifiés comme ayant un fort potentiel pour le développement d’éco matériaux de construction et pour compenser le déficit mentionné. Les agro ressources, pour la plupart des sous produits des activités agricoles, sont un bon exemple. Ces matériaux participent à la préservation des ressources naturelles par valorisation de déchets, contribuent à la réduction de la consommation de matières premières d’origine fossile et à la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Ils génèrent aussi de nouvelles filières économiques.
LE SECTEUR DE LA CONSTRUCTION, LES ENJEUX DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET LES ECO-MATERIAUX
Problématique environnementale et engagements internationaux
« Le développement durable est celui qui peut répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ». Cette notion de développement durable a été utilisée pour la première fois dans le rapport « Our Common Future » en 1987 et aussi dans le rapport Brundtland (Brundtland, 1987). Cette vision a été construite grâce à la prise de conscience écologique qui s’est développée sur la limitation des ressources naturelles ainsi que sur les conséquences défavorables des activités humaines sur l’environnement et de la nécessité de réduire leur impact.
Face à une capacité menacée des générations futures à subvenir à leurs besoins, la société contemporaine se retrouve dans une situation critique à plusieurs titres. Les plus importants :
♦ le réchauffement climatique, conséquence du rejet en quantité importante de gaz à effet de serre (CO2, CH4…) par les activités humaines,
♦ l’épuisement des ressources naturelles (pétrole, gaz) importantes au fonctionnement de nos sociétés.
Cette prise de conscience a conduit à des engagements nationaux et internationaux qui ont défini des objectifs chiffrés afin de trouver des solutions de ces enjeux environnementaux. En juin 1992, une officialisation de la notion définie par le rapport Brundtland a été faite suite à l’organisation de la conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement à Rio de Janeiro en prenant en compte les piliers suivants : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Cinq ans plus tard, le protocole Kyoto a été adopté après des débats politiques internationaux lors de la troisième conférence des parties (COP3). Ce protocole est un accord international qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 5,2% pour 37 pays développés sur la période 2008-2012 par rapport à leur niveau de 1990. Ensuite, en 2015, la COP21 qui s’est tenue à Paris a mis en place un nouvel accord qui engage une nouvelle fois les pays signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
En France, dans un but de respecter ces engagements plusieurs dispositifs ont été élaborés :
➤ le programme national de lutte contre le changement climatique (2000),
➤ le plan Climat (2004),
➤ le Grenelle de l’Environnement (2009-2010),
➤ la loi de transition énergétique pour la croissance verte (2015).
La France envisage aujourd’hui d’atteindre le facteur 4, soit diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050.
Les impacts environnementaux du secteur du bâtiment
Le secteur de la construction est parmi les secteurs les plus concernés par les enjeux du développement durable. Les chiffres sur lesquels entreprises, institutions et experts s’accordent sont en effet impressionnants : le bâtiment (la construction) représente environ 40% des émissions de CO2 des pays développés, 37% de la consommation d’énergie et 40% des déchets produits (Deshayes, 2012). En France, le secteur du bâtiment est responsable de 24% des émissions de GES et 46% de la consommation énergétique (SDES, 2019). Le secteur du bâtiment doit agir prioritairement pour repenser et transformer son activité en réduisant ses principaux impacts sur l’environnement :
● ses émissions de gaz à effet de serre,
● sa consommation d’énergie,
● sa consommation de ressources naturelles non renouvelables,
● sa production de déchets.
Il existe un autre point à prendre en considération dans le domaine de la construction : l’utilisation des minéraux qui représentent 45% des matières consommées en France (ciment, chaux). En 2017, plus que 354 millions de tonnes des minéraux ont été consommées ; ceci rend la construction le plus grand consommateur de matières non renouvelables. En se référant sur les derniers chiffres sortis par le Ministère de la Transition Ecologique, le secteur de la construction est également le premier producteur de déchets. En effet, le secteur du bâtiment est à l’origine de 70% des déchets qui ont un impact sur l’environnement du fait de leur gestion (transport, traitement, tri ou valorisation) défaillante. Toutes ces raisons font du bâtiment un levier clé pour penser au développement durable à travers la lutte contre le réchauffement climatique et l’épuisement des ressources non renouvelables.
Substitution des matériaux de construction actuels par des éco-matériaux
L’influence des matériaux de construction sur l’impact environnemental de la filière bâtiment
Depuis plusieurs années, le travail encouragé par les législations européennes et françaises a consisté à viser une baisse des consommations énergétiques en phase d’exploitation des bâtiments. L’optimisation des apports, l’efficacité des systèmes de régulation et l’amélioration de l’isolation ont aidé à réduire la consommation. Cette amélioration a entrainé une nouvelle répartition des consommations énergétiques entre les différentes phases de vie du bâtiment .
Cette étude a mis en évidence le poids que prennent les matériaux de construction au fur et à mesure de l’application des règlementations. Il apparaît ainsi que les matériaux de construction constituent une clef majeure sur laquelle il faudra agir dans l’objectif de réduire l’impact environnemental des bâtiments.
Aujourd’hui, le développement de matériaux de construction à faible impact environnemental est en plein essor. Ces matériaux doivent diminuer les consommations énergétiques liées à la phase de construction, d’exploitation et de démolition. Ces matériaux doivent aussi diminuer les émissions des GES sur toute la durée de leur vie. C’est ici que nous pourrons mettre en relief la notion d’Analyse du Cycle de Vie (ACV) qui a pour objectif de quantifier les impacts environnementaux tout au long de la durée de vie d’un matériau (production, traitement, utilisation, stockage, recyclage, mise au rebut). L’ACV est une méthode normalisée par la norme ISO 14040 sur le management environnemental.
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Table des matières
Introduction
Contexte
Sujet traité dans cette étude
Présentation du manuscrit
Chapitre I. Contexte et état de l’art
1. Introduction
2. Le secteur de la construction, les enjeux du développement durable et les éco-matériaux
2.1. Problématique environnementale et engagements internationaux
2.2. Les impacts environnementaux du secteur du bâtiment
2.3. Substitution des matériaux de construction actuels par des éco-matériaux
3. Les fibres : un renfort dans les composites
3.1. Les fibres naturelles
3.2. Les fibres de lin
3.3. Les fibres de chanvre
4. Caractéristiques des composites cimentaires incorporant des fibres polypropylènes et végétales
4.1. Composite cimentaire incorporant des fibres synthétiques
4.2. Les propriétés des composites renforcés par des fibres végétales
4.3. Durabilité des composites cimentaires renforcés par des fibres végétales
5. Conclusion et stratégie pour le travail de thèse
5.1. Conclusion bibliographique
5.2. Démarche du travail de thèse
Chapitre II. Matériaux et méthodes de caractérisation
1. Introduction
2. Les fibres employées
2.1. Les fibres polypropylènes
2.2. Les fibres végétales
3. Caractérisation des fibres végétales
3.1. Etude granulométrique
3.2. Prétraitement des fibres de lin par humidification/séchage
3.3. Composition chimique
3.4. Morphologie des fibres
3.5. Cinétique d’absorption d’eau et taux de saturation en eau
3.6. Résistance en traction
4. Le mortier
4.1. Constituants des matrices minérales
4.2. Caractérisation des mortiers
5. Conclusion
Chapitre III. Formulations et caractérisation des mortiers à l’état frais
1. Introduction
2. Choix des formulations
2.1. Formulations de référence
2.2. Formulations fibrées
3. Hydratation des mortiers
3.1. Résumé bibliographique sur la réaction d’hydratation cimentaire et la réaction pouzzolanique
3.2. Temps de prise
3.3. Chaleur d’hydratation
4. Retrait plastique
4.1. Résumé bibliographique sur le retrait du matériau au jeune âge
4.2. Dispositif expérimental
4.3. Résultats et discussions
5. Conclusion
Chapitre IV. Effet du renfort par des fibres végétales sur la sensibilité à la fissuration des mortiers au jeune âge
1. Introduction
2. Résumé bibliographique
2.1. Présentation du phénomène du retrait empêché
2.2. Méthodes de caractérisation du retrait empêché
3. Essais développes
3.1. Dispositif de mise en conditions sévères
3.2. Essais sur moules prismatiques
3.3. Essai sur support adhérent en brique
4. Essai complémentaire : la perte de masse
5. Conclusion
Chapitre V. Comportement des mortiers à l’état durci
Conclusion