Le saut du gouffre une autorité exclusivement masculine

 L’Autorité: une relation de pouvoir et de reconnaissance

Maintenant que nous avons précisé ce que nous entendons par «famille », la seconde notion qu’il importe de saisir clairement est celle d’autorité. Premièrement, parce que ce concept est central pour saisir la dynamique de l’autorité au sein des représentations romanesques de structures relationnelles familiales. Secondement, parce que, tel que l’explique Fize, qui dit famille dit autorité: Toute relation, faut-il le rappeler?, est un rapport qui consiste en situations réciproques, en façons de percevoir l’autre, en attitudes ou en comportements à son égard. Au départ, la relation parent-enfant est une relation non symétrique où l’apport en expérience et en vécu donne licence, du côté du parent, à l’exercice d’un pouvoirso. Conséquemment, dans la relation parent-enfant, au même titre que dans toutes relations, un des individus, le parent, exerce un pouvoir sur l’autre, l’enfant.

Et si on accepte une des définitions de l’autorité selon laquelle elle est «ce qui – assurance, compétence, prestige, savoir, élection – permet l’exercice du pouvoirsl », l’« apport en expérience et en vécu» dont parle Fize serait donc de l’autorité. Si l’autorité est indissociable de la famille, c’est aussi parce que les modalités d’exercice de l’autorité rappellent celles de la parentalité. L’autorité permet, selon Tremblay et Valois, « de juger les situations et les évènements, d’évaluer les responsabilités de chacun et d’énoncer soit les modalités de la réconciliation (interpersonnelle) ou soit encore les modes de rétributions2 . » N’est-ce pas là une façon de percevoir, d’énoncer, le rôle de parent? En effet, le statut de parent s’accompagne de la nécessité d’encadrer l’enfant, de l’éduquer, donc «de juger les situations et les évènements, d’évaluer les responsabilités» et, corollairement, de décider des conséquences des actions, c’est-à-dire «d’énoncer soit les modalités de la réconciliation (interpersonnelle) ou soit encore les modes de rétribution ». C’est dire que le rôle de parent fait en sorte que l’individu qui l’assume détient l’autorité.

Définition : Dans son ouvrage Sociologie de l’autorité, De Bellaing définit d’abord l’autorité en tant que pouvoir: «L’autorité serait le pouvoir reconnu ou la reconnaissance du pouvoir par des individus, par des groupes, ce qui aiderait à distinguer un pouvoir reconnu – légitime comme on dit – d’un pouvoir arbitraire53 ». Bien que De Bellaing définisse le pouvoir comme étant «d’abord la faculté d’agir, ensuite celle d’agir sur quelqu’un ou sur quelque chose54 », sa définition de l’autorité nécessite de plus amples explications. De fait, bien qu’on puisse comprendre de ces énoncés que l’autorité réside dans la capacité reconnue ou légitime d’agir sur les autres, encore faut-il établir ce qu’est cette capacité, ce pouvoir. Pour ce faire, les propos de Marsal apportent un éclairage complémentaire. Dans son ouvrage L ‘autorité, il affirme que 1’« autorité n’est pas un pouvoir, au sens d’une propriété intrinsèque et exclusive55 ». C’est dire que l’autorité ne relève pas d’un pouvoir inné qu’auraient certains et que d’autres ne pourraient jamais obtenir. Ce n’est pas un attribut ou un phénomène observable en un individu seul : «l’autorité suppose au moins deux personnes [ … ] [et] ne s’exerce pas toujours par des personnes, mais elle s’exerce toujours sur des personnes56 ».

Conséquemment, l’autorité est une relation perceptible surtout chez l’individu qui reconnait le pouvoir, dans son attitude. Dans l’ouvrage Questions d’autorité, au chapitre « Une si douce autorité, ou l’art d’être grand-père », J ean-Louis Le Run abonde en ce sens. Il remarque que l’autorité engage au moins deux protagonistes: elle ne vaut que si, manifestée par l’un, elle est reconnue par l’autre. L’autorité repose donc sur un rapport de forces, où l’un s’incline devant le désir de l’autre: une domination qui repose soit sur l’expression d’une force qui suffit à engendrer l’obéissance – l’intimidation ou la persuasion -, soit sur le souhait de celui qui reconnaît cette autorité de s’attirer les bonnes grâces de l’autre, le protecteur. Entre aussi en compte le fait d’être désarmé par l’autre (car il y a dans toute relation à l’autre une part d’agressivité) ou, de façon plus élaborée, impliquant la transitivité, le souci de lui faire plaisir: l’obéissance est ici un don On ne peut donc obéir qu’à quelqu’un ou à quelque chose. L’obéissance sans destinataire est un non-sens. De même, l’autorité ne peut être conçue sans destinataire: on ne peut avoir de l’autorité que sur quelqu’un. C’est pourquoi, tel que Marsal le mentionne, l’autorité ne peut être vue comme une propriété intrinsèque et/ou exclusive. Autrement dit, suivant ce qu’énonce Ivan Darrault-Harris au chapitre «De l’espace familial à l’espace scolaire: les figures de l’autorité» de l’ouvrage Questions d’autorité, l’autorité peut être vue «comme le produit [ … ] d’un contrat plus ou moins explicité: le sujet source d’autorité -le destinateur – propose (voire impose) au destinataire de percevoir et surtout de reconnaître son autorité58 ». Sans obéissance, sans reconnaissance, l’autorité est impossible. Cette obéissance/ne pouvant venir que de quelqu’un d’autre, sans relation, l’autorité est impossible. Conséquemment, l’autorité sera ICI considérée comme relation dans laquelle un individu possède un pOUVOIr que lui reconnait un autre individu. Cela dit, bien que certains possesseurs du pouvoir soient plus autoritaires que d’autres, il ne s’agira pas, dans le cadre de cette recherche, d’évaluer ou de mesurer leur degré d’autorité.

Autorité et relation parent-enfant

Au sem de la famille, l’autorité comporte des caractéristiques particulières qu’une définition générale de cette notion ne laisse pas entrevoir. Dans son ouvrage L’enfant-personnage et l’autorité dans la littérature enfantine, Marielle Durand, citant d’abord Julien Freund, puis le dictionnaire Robert et enfin Bertrand de Jouvenel, tente de cerner cette singularité en proposant une définition du pouvoir qui convienne à la relation parent-enfant: Quand nous parlerons du pouvoir, nous ignorerons le sens politique de « commandement structuré socialement « , nous entendrons plutôt « le fait de pouvoir, de disposer de moyens d’action sur quelqu’un ou sur quelque chose … Pouvoir paternel, du père sur les enfants ». En ce sens, le pouvoir particulier de l’adulte sur l’enfant repose sur l’impuissance naturelle de celui-ci:  » L’enfant grandit dans l’ombre d’adultes qui le dominent. Ils ont les forces qui lui manquent, la capacité de faire ce qu’il ne peut pas faire. Le pouvoir ne signifie justement rien d’autre que la capacité de faire. Les adultes, qui peuvent faire ce que l’enfant ne peut pas faire, ont un pouvoir supérieur. Aux yeux de l’enfant, ce sont de Grandes puissances.  » Le pouvoir de l’adulte sur l’enfant est donc entendu ici comme synonyme de puissance, de force, tant physique que psychique6o.

Ainsi, dans la relation parent-enfant, c’est la capacité qu’a le parent qui fait en sorte qu’il possède le pouvoir puisque dans cette relation asymétrique l’enfant est dans l’incapacité (temporaire). Durand envisage donc la relation parent-enfant de la même façon que le fait Fize dans cette phrase citée plus haut: «Au départ, la relation parent-enfant est une relation non symétrique où l’apport en expérience et en vécu donne licence, du côté du parent, à l’exercice d’un pouvoir6 \ ». C’est sur ce pouvoir que s’appuie l’autorité parentale selon Durand: « l’autorité de l’adulte sur l’enfant est basée sur l’inégalité des forces, provenant d’un fait naturel plutôt qu’organisationnel. Elle a toutefois la même dialectique que l’autorité politique, c’est-à-dire celle du commandement et de l’obéissance62 ». C’est dire que l’autorité dans la relation parent-enfant – même si elle n’est pas due aux mêmes raisons qui fondent l’autorité politique – répond à la même dialectique que tous les types d’autorité. C’est pourquoi l’autorité parentale ne doit pas être conçue différemment des autres. En cela, la définition formulée demeure juste, mais nécessite, néanmoins, l’ajout d’un élément pour mieux rendre compte des relations qui nous intéressent. Conséquemment, nous considérons que l’autorité, dans le cadre de la famille, est une relation dans laquelle un individu possède un pouvoir – reposant sur des capacités qui lui sont propres pendant un certain laps de temps – que lui reconnait un autre individu.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 QUESTION DE FAMILLE ET D’AUTORITÉ
1.1 Famille: une structure relationnelle formative
1.1.1 Définition
1.1.2 Quelle famille?
1.2 Autorité: une relation de pouvoir et de reconnaissance
1.2.1 Définition
1.2.2 Autorité et relation parent-enfant
1.2.3 Particularités de l’autorité
1.3 Outils d’analyse des manifestations romanesques de l’autorité
1.3.1 Outils d’analyse
1.3.2 Procédés d’analyse
CHAPITRE 2 DE L’AUTORITÉ PATERNELLE À L’AUTORITÉ PARENTALE
2.1 Première période
2.1.1 Le saut du gouffre: une autorité exclusivement masculine
2.1.2 Jusqu’au bout! : une autorité surtout paternelle, mais aussi divine
2.1.3 Les vacances de Lili : une autorité paternelle déléguée suivant la hiérarchie
2.2 Seconde période
2.2.1 Les prisonniers du zoo: une autorité paternelle par défaut, mais non assumée
2.2.2 Alexis, en vacances forcées: une autorité disputée
2.2.3 Edgar le voyant: une autorité parentale surtout paternelle
CHAPITRE 3 DÉMOCRATISATION ET SPÉCULARISATION
3.1 Première période (1923 -1948)
3.2 Seconde période (1970-1999)
3.3 Constat: constance et divergence
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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