Le Rotary en Suisse: naissance et évolution

Le Rotary et le club de Lausanne

Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous allons aborder une partie de contextualisation liée au Rotary. Celle-ci se construit en trois temps : la création et l’expansion du Rotary au niveau international, l’arrivée et le développement du Rotary en Suisse, la fondation et les débuts du RCL.

A. Le Rotary International : de Chicago aux quatre coins du monde

En 1905, l’avocat Paul Harris fonde le Rotary à Chicago, ville en pleine expansion. L’objectif principal est de fournir aux hommes de la middle class américaine un réseau de relations professionnelles au sein d’un club de sociabilité50, qui leur permettrait de développer des contacts d’affaires, d’affirmer leur influence et de promouvoir une forme d’éthique commune. La dimension de service n’est ajoutée que par la suite et fait du Rotary le premier club-service51. Il s’agit non seulement d’un service à la communauté, mais aussi d’un service international. L’un des objectifs du RI52, désigné comme le but ultime du mouvement lors de la Convention d’Édimbourg en 1921, est justement de promouvoir « the advancement of understanding, goodwill and international peace through a world fellowship of business and professional men united in the Rotary ideal of Service »53. Après un premier développement sur le sol états-unien qui conduit à l’établissement progressif de clubs dans les grandes villes du pays, le Rotary place en 1910 un club hors des limites nationales, à Winnipeg, avant de franchir l’Atlantique en 1911 en s’installant à Dublin, et, l’année suivante, à Londres. Dans un contexte d’échanges internationaux intenses et de coopérations entre les nations, la période suivant la Première Guerre mondiale se révèle très favorable à l’expansion du Rotary, qui cherche à se transformer en une organisation globale54. Les clubs fleurissent aux quatre coins du monde, notamment en Europe continentale où, dès 1920, le Rotary débarque dans les pays alliés aux Américains lors de la Grande Guerre et dans les pays neutres, avant d’entrer en Allemagne et en Europe centrale à la fin de la décennie.

La croissance du Rotary ralentit durant les années 1930 et lors de la Seconde Guerre mondiale, en particulier en Europe où le régime nazi interdit ce type de clubs dans les pays occupés. Une deuxième période de forte expansion du Rotary se situe après 1945. Si les clubs sont prohibés sur les territoires de l’Union soviétique (URSS) et des pays communistes, la roue dorée continue sa marche “irrésistible”, pour reprendre l’expression de De Grazia, sur le reste de la surface du globe. En 1947, après que le Rotary se soit implanté dans un centième pays, Kendrick Guernesey, président du RI, déclare que « consciously or uncousciously, the entire world is clamoring for Rotary »55. Le mouvement retrouve alors sa place dans les pays européens précédemment occupés par le régime nazi, accélère son expansion en Amérique latine et en Asie du Sud-Est, et se répand dans tout le continent africain en suivant l’indépendance de nombreux pays. L’effectif du RI quadruple de 1945 à 1989, passant de 247’212 membres et 5’441 RC56 à 1’070’000 membres et 24’142 RC57. Cet accroissement est aussi synonyme d’internationalisation. En 1970, la majorité des rotariens vivent en dehors des États-Unis et, en 1980, les membres des clubs de l’Asie de l’Est dépassent à eux seuls l’effectif américain58. Malgré ce phénomène, dans le contexte de la Guerre froide, le RI est toujours perçu comme un représentant de l’American Way59 et, d’après Brendan Goff, a pu faire figure d’« allié invisible » de l’Amérique : Given their devotion to market-based ideologies and institutional links with global capitalism, Rotary clubs became reliable postwar markers of “western” cultural, political, and economic influence. No longer operating in any independent capacity, RI had become an invisible ally in the cold war.

B. Le Rotary en Suisse: naissance et évolution

Le Rotary s’implante en Suisse dans une période où le mouvement associatif développé après 1848 est bien implanté et où l’Amerika-Enthusiasmus prédomine auprès de chefs d’entreprises. Ces derniers voient les États-Unis comme un modèle de paix sociale et de prospérité économique62. Ainsi, vingt des trente membres fondateurs du premier club créé sur le territoire helvétique, le RC Zurich (RCZ), font partie des Swiss Friends of the United States, organisation créée en 191963. En février 1923, des invités américains ont d’ailleurs présenté le Rotary aux membres de cette association culturelle américanophile64. À la demande de la direction du RI, qui souhaite une région rotarienne germanophone, le RCZ voit le jour le 5 mai 192465. En 1925, les naissances des clubs de Bâle, Berne, Genève, Lucerne et Saint-Gall permettent la création d’une entité administrative du Rotary, le 54e district, qui comptera déjà 20 clubs en 1929. La quasi-totalité des clubs est alors située sur le Plateau suisse et dans les cantons protestants66.

Comme le révèle le graphique ci-dessus, la croissance du Rotary ralentit durant les années 1930, « période plus calme de consolidation intérieure et d’examen critique du Rotary, de ses buts et possibilités »68 selon le Gouverneur Curt Wild. Elle redémarre en juillet 1945, à un moment où le district suisse compte 1107 membres pour 26 RC69 et, à un rythme d’environ 3 nouveaux clubs par année, atteint 7884 membres pour 152 RC en juillet 199070, 1 Suisse sur 850 étant alors rotarien71. Entretemps, les charges administratives étant devenues trop lourdes, le district72 s’est scindé en deux en 1962, puis en trois en 1979, devenant alors les 198e, 199e et 200e districts du Rotary de Suisse et du Liechtenstein. Cette forte expansion du Rotary dans le pays a suscité de nombreux débats entre partisans et opposants. Dans leurs lettres mensuelles, les gouverneurs suisses attirent souvent l’attention sur la diversité des clubs suisses. L’atmosphère entre les différents RC peut différer grandement d’un lieu à l’autre. Le Gouverneur René Spahr explique ce phénomène par les « particularités de la contrée dans laquelle le club se trouve, [les] professions les plus répandues dans sa région, [la] composition sociologique [et] l’âge de ses membres »73. Le RCL, « grand club ancestral »74 implanté dans une région urbaine, ne peut donc pas être considéré comme représentatif de tous les RC suisses, même si ces derniers fonctionnent de manière similaire.

C. Les débuts du Rotary-Club de Lausanne

Le RCL voit le jour en 1926, mais la première tentative de créer un club à Lausanne date de 1923. Nous retrouvons des traces de celle-ci dans un rapport de Fred Warren Teale, Special Commissioner du RI en Europe, qui écrit : « Business conditions here are deplorable, however [he has] interested three excellent men in the work of establishing a club in this city »75. Il s’agit de Philip Dear, dentiste, Henry Weith-Manuel, épicier, et Jacques Roux, docteur. Ce dernier est nommé Elected President du RCL par Teale et reçoit une grande quantité de littérature rotarienne en anglais76. Trop occupé par sa profession, le médecin confie ces documents à l’avocat Francis Gamboni, qui abandonne à son tour l’idée parce que, selon lui, « in view of the peculiar circumstances which [exist] in Lausanne, he [doesn’t] believe that it would be possible to found a Rotary Club, or at least that it would be extremely difficult to do so »77. Il qualifie en outre les lunchs hebdomadaires d’inadaptés aux moeurs vaudoises78. Après ces essais infructueux79, la rencontre décisive a lieu le 19 octobre 1925 à l’Hôtel Mirabeau à l’avenue de la Gare.

Douze hommes « hétéroclite[s] »80 s’y réunissent de leur propre initiative ou sur recommandation de rotariens d’autres villes suisses81. Cette réunion est née d’une entrevue dans un train entre l’ingénieur-conseil Gustave Kernen et le professeur Louis Favre, président du RC Genève (RCGE). Ce dernier, considéré comme le « véritable parrain »82 du RCL, présente un exposé au Mirabeau où il expose les buts du RI, en mettant surtout l’accent sur les « somptueuses réceptions rotariennes auxquelles il [a] assisté »83. Les personnes intéressées décident alors de ne pas se précipiter et créent un comité de trois membres formé de Kernen, du photographe Gaston de Jongh et de Louis Marti, directeur commercial de la Société générale d’affichage. Chargé de recruter par cooptation les membres fondateurs, ce noyau invite, au début de l’année 1926, un nouveau membre supplémentaire à chaque dîner hebdomadaire, jusqu’à parvenir au nombre de quinze. Le RCL est finalement créé le 19 mai en présence du Gouverneur Hugo Prager et de rotariens de toute la Suisse, et est reconnu officiellement le 9 juin comme membre n° 2385 du RI.

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Table des matières

I. Introduction
II. État de la question, sources et méthodologies
A. Le Rotary, objet d’histoire récent
B. Le Bulletin hebdomadaire et le Rotarien suisse
C. La base de données prosopographiques
III. Le Rotary et le club de Lausanne
A. Le Rotary International : de Chicago aux quatre coins du monde
B. Le Rotary en Suisse: naissance et évolution
C. Les débuts du Rotary-Club de Lausanne
IV. Vie et activités du Rotary-Club de Lausanne
A. Les animateurs du club
B. Étude des causeries et conférences
1. Les intervenants
2. Les thématiques
C. Les actions rotariennes
1. Les grandes actions : un ancrage local ?
2. Les bourses d’études
V. Devenir rotarien : le système d’admission du club
A. Évolution de la Commission d’admission
B. Les facteurs d’échec et de réussite des candidatures
1. Le système des classifications
2. L’âge
3. L’assiduité
4. La concurrence entre clubs-services
5. La réputation et l’interconnaissance
C. Le parrainage
1. L’existence de grands parrains
2. Les relations entre les parrains et les nouveaux membres
VI. Les apports du Rotary à un homme
A. L’honneur d’être appelé au Rotary
B. Amitiés et contacts
C. Les avantages professionnels et la question de l’entraide
D. Servir la communauté
E. Se réunir entre hommes
VII. Profil sociologique du rotarien lausannois
A. Provenance géographique et origine sociale
B. Le capital éducatif : la formation
C. Structure socioprofessionnelle des membres
1. Les secteurs professionnels
2. Les entités communes
3. La position sociale à l’arrivée au club
VIII. Influence et réseau des membres
A. La politique et le Rotary lausannois
1. Des élus libéraux et radicaux
2. La politique dans les séances hebdomadaires
3. Quelle influence politique ?
B. Les réseaux des membres
C. Des élites lausannoises
IX. Le réseau rotarien : une toile suisse et mondiale
A. Les visiteurs, un exemple de circulation rotarienne
1. Les membres lausannois en visite
2. Les hôtes du Rotary-Club de Lausanne
a. La provenance des visiteurs
b. La fréquence des visites
B. Les rencontres rotariennes organisées
1. À l’échelle suisse
a. Les séances entre clubs suisses
b. Les conférences de district
2. À l’échelle internationale
a. Les conventions du Rotary International
b. Le système des clubs contacts
X. Le rapport à l’Amérique et au Rotary International
A. Le Rotary-Club de Lausanne et les États-Unis
1. Une Amérique fascinante
2. L’image positive de l’Américain
3. Méthodes et modèles économiques
4. Des rotariens américanistes ?
5. Un mouvement anticommuniste durant la Guerre froide ?
B. La perception du Rotary International
1. Critique
2. Autonomie
3. Adaptation
XI. Conclusion
Bibliographie
Liste des abréviations
Remerciements

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