Les deux profils
Les deux profils et le style si particulier d’Arturo Pérez Reverte
Étant donné la diversité et l’ampleur de son œuvre,il est donc tout à fait légitime de parler désormais des deux facettes qui font d’Arturo Pérez-Reverte un écrivain complet et admiré dans le monde entier mais aussi très souventcritiqué par sa forte personnalité : les plus importantes sont celle du journaliste et celle du romancier, qui parfois, et même très souvent, se rejoignent, et qui se divisent elles-mêmes en plusieurs autres facettes. Les deux profils dont nous allons parler se retrouvent dans son bagage littéraire et humain, dans sa vision du monde et l’importance (pour lui) de continuer et d’encourager à lire, mais aussi dans sa façon innovante de reprendre les œuvres classiques dans de nombreux registres différents afin de créer une nouvelle tendance littéraire apparue depuis peu : le « revertismo ». Cette double facette est d’abord le résultat de sa longue expérience et de son caractère et nous remarquons donc qu’il continue de cultiver ce style si particulier. La première facette est celle que l’on remarque et connaît le plus, notamment après vingt et un ans de journalisme en Espagne et à l’étranger, mais aussi par sa diffusion et sa fréquence puisqu’elle apparaît une fois par semaine depuis 1991 dans le complément dominical XLSemanal , lu par des milliers de gens en ligne ou en version papier. C’est un rendez-vous hebdomadaire qu’il ne manquerait pour rien au monde et qui réunit désormais de nombreux fidèles, que ce soit en Espagne ou à l’étranger. Ces articles, en grande partie littéraires, sont en quelque sorte des réflexions sur la vie quotidienne, sur des aspects bien particuliers de la société, ou bien sur d’autres sujets suivant l’humeur du moment de notre auteur. Pour lui tous les sujets sont bons à être examinés et disséqués en détail.
Dans ces articles il nous offre sa vision du monde,un regard lucide qu’il s’est forgé grâce à sa longue expérience et son vécu. Il est tout à fait conscient d’être différent, surtout après toutes ces années comme reporter en zones de guerre. Il le dit lui-même dans une interview que l’on trouve en ligne: « Una mirada realista, lúcida, después de veinte años en el periodismo, veo el mundo como evoluciona. Es la que tengo. Yo no he elegido tener esta mirada […]. »
El club Dumas
Un roman : un roman à l’image de son auteur à l’image de son auteur à l’image de son auteur. Une narration e narration e narration complexe aux genres multiples. complexe aux genres multiples. complexe aux genres multiples.
Un synopsis du roman s’avère complexe étant donné les méandres de l’intrigue, mais nous allons tenter de dégager la structure du roman, et nous la commenterons, ainsi que les personnages et les références littéraires. A l’image de son auteur, l’histoire mélange deux trames parallèles pleines d’actions et de rebondissements, plusieurs genres de romans, recèle des mystères et des énigmes à résoudre, reprend la littérature française du XIXe siècle et fait preuve d’un important travail de documentation dans le domaine de la littérature et de la bibliophilie. On comprend donc pourquoi Arturo Pérez-Reverte a mis deux ans pour écrire presque 500 pages et pourquoi c’est l’un de ses préférés :
« Es uno de mis libros favoritos. En él cuaja toda mi vida como lector. Leo desde los seis años. Y crecí con libros toda mi vida. En casa tengo 20.000 libros en este momento. Un día estaba releyendo a Alejandro Dumas y de pronto vi la trama. El Club Dumassurge en un momento en que en España había que escribir como William Faulkner, y todo lo que era contar historias estaba mal visto. Entonces el libro surgecomo un desafío, en un tiempo en que no se hablaba de clubes ni de nada deesto; fui un pionero. Fue una apuesta, y es el libro más agresivo que he hecho en plan desafío a lo que se estilaba en ese momento. Una declaración de principios. Estaba más solo que la una. Es un libro con una estructura complejísima, con guiños a la literatura del siglo XIX, de donde saqué las herramientas. Es la novela de la que más he disfrutado. Pero sobre todofue una patada en los cojones a los que tenían secuestrada la literatura en ese momento. »
Cette citation issue d’une interview de 2007 nous résume parfaitement ses intentions.
On peut donc affirmer que ce roman est un des plus importants de sa carrière comme romancier, le roman ayant été publié pour la première fois en 1993, seulement sept ans après son premier roman. C’est donc un roman charnière qui lui a permis de déployer tout son talent au niveau de la complexité narrative et de démontrer tout ce qu’il veut exprimer, on pense notamment à toutes les valeurs qu’il veut transmettre à son public, ces mêmes lecteurs qui continuent d’être fascinés par ce roman si compliqué et mystérieux, et nous allons donc voir de quelle façon le mystère joue un rôle si important et pourquoi ce roman est considéré comme un best-seller.
Le roman commence presque « in medias res », sans préambule, avec la description d’un homme pendu qui donne l’apparence de s’être suicidé (p. 11-13). On nous décrit la scène sans donner son nom et sans donner plus de détails que la présence de policiers et d’un juge qui examinent la scène. La seule référence qui paraît la plus importante est une page ouverte du livre Le Vicomte de Bragelonne , et, en tant que lecteur averti, on sait donc qu’il s’agit de la toute première référence faite à Alexandre Dumas (la deuxième si on compte le titre principal), un très célèbre écrivain français du XIXe siècle , photo-ci contre), puisqu’à la fin de cette introduction un des policiers évoque les noms des trois mousquetaires les plus célèbres de France: Athos, Porthos, Aramis et d’Artagnan, en ajoutant d’une manière ironique la fameuse question :
« Tiene gracia. Siempre me he preguntado por qué se les llama los tres mosqueteros, si en realidad eran cuatro. » « Ils ne sont pas trois, comme le suggère le titre,mais quatre. »
Cette introduction en italique est donc le point dedépart mais aussi la cause de cette histoire de livres car nous nous trouvons devant unmystère qu’il faudra résoudre par la suite. « Había un manuscrito dudoso y un muerto seguro: suficiente para justificar la trama. » (p. 43).
Nous pouvons donc dire que ce narrateur, dès le tout début, en s’exprimant à la première personne et en étant omniscient, prend la place de l’auteur puisqu’à la toute dernière page, page 493, nous remarquons une indication spatio-temporelle qui est « La Navata, Abril 1993 ». Ainsi, on peut supposer qu’Arturo Pérez-Reverte veut donner une existence et une indépendance propres à son personnage narrateur afin de rendre plus « réelle » son histoire et d’attirer la curiosité de son lecteur. Le narrateur omniscient va être une sorte de double de l’auteur et le fil conducteur de la double trame. C’est lui qui va interpeller le lecteur, construire la narration comme bon lui semble et quisaura s’éclipser quand ce sera nécessaire afin de nous laisser participer au déroulement des événements.
Le fameux chapitre manuscrit de Dumas, Le vin d’Anjou , a été acquis par un ami de Corso, un libraire du nom de Flavio La Ponte. BorisBalkan va conseiller Corso en lui disant d’aller à la librairie Replinger à Paris pour authentifier ce manuscrit et obtenir plus de détails à son sujet. Suivra un dialogue avec son ami La Ponte dans un bar et c’est à ce moment-là que nous apprenons réellement le début de l’histoire (dès les p.37-38). Un homme appelé Varo Borja a chargé Corso d’authentifier son livre de Las Nueve Puertas, récemment acquis de la bibliothèque Terral-Coy de Madrid, en allant examiner les deux autres exemplaires existants. « – Averígüelo. Investigue Las Nueve Puertas como si de un crimen se tratara. Rastree pistas, compruebe cada página, cada grabado, el papel, la encuadernación… Remonte hacia atrás esa pesquisa para descubrir de dónde procede mi ejemplar. Después, en Sintra y París, haga lo mismo con los otros dos. »
En effet, selon les catalogues internationaux, trois exemplaires de ce livre existent toujours, même si la déclaration de Torchia avant de mourir prouve le contraire, c’est-à-dire qu’il n’en existe qu’un seul authentique. Il faut donc que Corso aille à Sintra au Portugal pour voir l’exemplaire de la Collection Fargas ainsi quecelui de la Fondation Ungern à Paris. Il pourra donc en même temps aller à la librairie conseillée par Balkan. Mais Corso ne sait pas que tout au long de ses voyages, dès le chapitre quatre, divers événements étranges vont se succéder au fur et à mesure qu’il va étudier les exemplaires et qu’il va être pris au piège d’une sorte de jeu de pistes énigmatique, mis en place d’un côté de manière explicite par Balkan et de l’autre d’une manière implicite par Varo Borja, les deux instigateurs des deux trames et tous deux clients de Corso.
C’est donc le genre du roman feuilleton qui apparaît et se termine en premier car au niveau de la structure, nous avons une succession chronologique de chapitres centrés sur un ou plusieurs événements qui se déroulent en un même lieu, dont certains pourraient être séparés avec la mention « à suivre ». On pourrait aussi en réunir quelques-uns puisque parfois le narrateur rappelle des événements antérieurs afin d’expliquer quelques détails qui auraient pu échapper au lecteur. De la même façon, comme le dit Agustín Prado Alvarado dans son article, on pourrait aussi considérer le roman comme un roman d’aventures, étant donné le nombre de péripéties et d’obstacles que rencontre Corso pour mener à bien sa double recherche. Il insère dans son argumentation une définition du récit d’aventures de la part du critique français Jean-Yves Tadié, traduite en espagnol : « la irrupción del azar, o del destino, en la vida cotidiana, en la que introduce una conmoción (desorden) que hace la muerte posible, probable, presente, hasta el desenlace en el que puede triunfar la vida, o por el contrario, la muerte. »
Une histoire de livres
Comme nous l’avons déjà maintes fois souligné, l’intrigue tourne autour de deux écrits, l’un est un célèbre manuscrit et le second un étrange traité démonologique publié en trois exemplaires pour finalement n’en faire plus qu’un. Ces deux œuvres sont donc les principaux protagonistes du roman. Le thème centralest par conséquent parfaitement clair, il s’agit là d’une histoire de livres et d’un jeu d’intertextualité. « […] en literatura nunca hay lindes nítidos ; todose apoya en algo, las cosas se superponen unas a otras, y terminan siendoun complicado juego intertextual a base de espejos y muñecas rusas, donde establecer un hecho preciso, una paternidad concreta, implica riesgos que sólo ciertos colegas muy estúpidos o muy seguros de sí mismos se atrevena correr.» (p. 127)
C’est également un long discours sur la littérature en général, introduit notamment dans les dialogues par le thème de la bibliophilie.Nous retrouvons tout au long du roman de nombreuses références littéraires ainsi que plusieurs degrés d’intertextualité qui démontrent la grande culture d’Arturo Pérez-Reverte, sa manière d’écrire « a sabiendas » et son important travail de documentation, qu’il partage volontiers en toutes occasions avec ses personnages et ses lecteurs, comme c’est le cas avec les épigraphes de chaque chapitre. On peut donc dire que la base de El club Dumasest une trame bibliographique presque encyclopédique.
La principale référence est faite à Alexandre Dumas et son œuvre Les Trois Mousquetaires, et ce dès le titre et le prologue avec une référence et une citation du troisième et dernier tome, Le Vicomte de Bragelonne : « – Me han vendido – murmuró –. ¡Todo se sabe! – Todo se sabe al fin – repuso Porthos, que nada sabía. » (p. 12)
L’œuvre de Dumas n’apparaît pas par hasard dans le roman puisqu’Arturo PérezReverte, dans de nombreuses interviews, affirme très souvent que Les Trois Mousquetaires est un de ses classiques préférés . Nous comprenons donc que la trame Dumas va être un moyen pour l’auteur de construire et développer tout un discours métalittéraire autour de l’œuvre de Dumas. Cela va être une sorte d’hommage au maître du roman feuilleton, toujours en relation avec son manuscrit et sa collaboration avec Maquet, et c’est ce que nous découvrirons dans les dialogues le concernant. C’est pour cela qu’un lecteur averti ne peut s’empêcher de trouver des références dans tout le roman, en commençant par renvoyercertains titres de chapitres à ceux du roman de Dumas, par exemple avec le chapitre trois « Gente de toga y gente de espada » qui est la traduction exacte du titre du chapitre XV des Trois Mousquetaires.
De plus, étant donné que Balkan se présente comme spécialiste de la littérature du XIXe siècle, on ne peut s’empêcher de penser qu’il va mener ce jeu intertextuel et que derrière lui se cache la grande culture de l’auteur et son envie de partager avec le lecteur toutes les informations concernant Dumas et sa collaboration avec Auguste Maquet.
Le film et son réalisateur :La Neuvième Porte
Porte, par Roman Polanski
Roman Polanski : une vie tout aussi agitée que sa filmographie
Roman Polanski (de son vrai nom Rajmund Roman Thierry Polański) est un réalisateur de cinéma, producteur et scénariste franco-polonais, ainsi que comédien et metteur en scène de théâtre et d’opéra. Il est né à Paris le 18 août 1933 de parents polonais, juifs non pratiquants. Mais sa famille retourne en Pologne trois ans après et reste à Cracovie, pensant y être en sécurité. La France représentera toujours pour lui une obsession , un mode de vie particulier et il voudra y retourner. Il vit une enfance tranquille jusqu’à l’été 1939, au moment où l’Allemagne nazie envahit la Pologne. Dès lors, il est contraint de vivre dans la peur dans le ghetto de Cracovie. Ses parents sont alors emmenés dans les camps de concentration (son père de 1943 à 1945 à Mauthausen et sa mère à Auschwitz en 1941, d’où elle ne reviendra jamais). Entièrement livré à lui-même, survivant du mieux qu’il peut et confié à plusieurs familles polonaises, il trouve plus ou moins une échappatoire et un refuge dans les salles de cinéma, que sa demi-sœur (née d’une précédente union de sa mère) lui fait découvrir étant enfant . Il allait même voir les films allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et par la suite pendant le stalinisme même s’il s’agissait depropagande.
Après la guerre, c’est dans les camps de scouts qu’il découvre sa vocation de comédien mais il ne sera pas pris au sérieux par son père. Il fait ses débuts d’acteur en 1946 dans un programme radiophonique à tendance communiste pour enfants puis au théâtre. En 1948 il obtient une bourse d’études dans le Collèged’Ingénieurs des Mines de Cracovie mais il abandonne au début des années 1950 et il est donc refusé à l’Université de Cracovie étant donné qu’il a raté son baccalauréat. Il entre donc en 1951 à l’Ecole des Beaux Arts de Cracovie et fait ensuite ses débuts comme acteur dans des courts-métrages collectifs mais il en est renvoyé. Ensuite, en 1954, il entre sur concours à l’Ecole du Cinéma de Lodz où il réalise plusieurs courts-métrages dont huit seront remarqués par le cinéma international et il jouera également dans le premier long-métrage d’Andrej Wajda, Génération (1955) . Il obtient son diplôme de fin d’’études en 1958 avec son court-métrage Deux hommes et une armoire qui remportera de nombreux prix internationaux comme par exemple celui du Festival International de Bruxelles. A cette même période, en 1959, il épouse l’actrice principale de ses films courts, Barbara Kwiatkowska (photo ci-contre), dont il divorcera quatre ans plus tard, et fait également ses débuts dans le cinéma professionnel comme assistant de réalisation.
Par conséquent, pendant ses débuts comme acteur et réalisateur (c’est-à-dire jusque dans les années 1960) il a en grande partie réalisé des courts-métrages en s’inspirant des films occidentaux comme ceux de Welles, Buñuel, Fellini et Hitchcock.
Ce n’est qu’en 1957 qu’il va retourner pour la première fois à Paris et ce sera pour lui une grande joie étant donné que la France a toujours été sa grande passion . Il y retourne une nouvelle fois en 1960, où il y séjourne pendant deux ans pour tourner un autre court-métrage intitulé Le gros et le maigre. Il tourne ensuite en 1962 Les mammifères (son dernier courtmétrage polonais) pendant son voyage en Pologne. Ilvoyage aussi en Italie et en Espagne et commence à avoir des contacts avec d’autres professionnels du cinéma. La même année il tourne son premier long-métrage, Le couteau dans l’eau , écrit en collaboration. C’est un film au subtil climat érotique mais aussi un drame psychologique centré sur une rivalité amoureuse et un conflit de générations. Il remporte le Prix de la Critique au Festival de Venise, le Grand Prix du Festival de Tours et il est nommé pour l’Oscar du meilleur film étranger en 1963. C’est grâce à ce film qu’il fait réellement ses débuts en tant que réalisateur et où l’on commence à apercevoir quelques-unes des caractéristiques de ses prochaines productions, en particulier l’ambigüité et la critique.
Un style
Un style propre: l’ambigüité
Nous avons pu voir en II.1) que le parcours professionnel de Roman Polanski a toujours été très lié à sa vie personnelle et que sa passion pour le cinéma lui a permis de débuter dès l’adolescence en commençant par jouer dans de simples courts-métrages puis de les produire. Adulte, il a ensuite pu commencer à réaliser ses propres longs-métrages et construire sa réputation, qui est très souvent assimilée aux situations très bizarres de ses films.
En effet, dans chaque production, il veut intégrer sa vision personnelle du monde ainsi que ses thèmes favoris comme l’irruption de l’imprévu, le doute, la violence, le sexe, le pessimisme et même le diable. Parfois il rencontre du succès, parfois il essuie des revers de fortune mais on peut remarquer que tous ses films sont imprégnés de ce style si ambigu qui le caractérise. Au final, on ne sait jamais si ce que l’on voit est réel ou non ou si notre imagination l’emporte sur la raison. Le spectateur est, comme le lecteur chezPérez-Reverte, invité à participer, que ce soit par certaines techniques filmiques ou par la réflexion personnelle de chacun.
La plupart de ses histoires se caractérisent d’abord par l’irruption d’un événement imprévu qui bouleverse une situation a priori normale et quotidienne. Par exemple, ici dans La Neuvième Porte , une enquête banale et sans importance va découvrir des mystères et nous conduire sur le chemin des sciences occultes. Ce genre de situation inespérée fait ressentir une grande tension où le spectateur a parfois l’impression de sombrer dans la folie, et peut parfois terminer en tragédie. Ces mystérieux événements qui surgissent vont aussi de pair avec le thème de la violence et du sexe. Effectivement, il y a peu de films de Polanski où l’érotisme des personnages ne les conduise pas à une violence parfois meurtrière. Dans La Neuvième Porte, nous assistons à un suicide, deux rapports sexuels (dont un qui nous est suggéré), trois ou quatre meurtres (sans nous montrer l’acte) et plusieurs affrontements physiques entre Corso et ses ennemis.
Ce genre de comportements pourrait être dû au pessimisme que Polanski ressent et qu’il insère dans la personnalité de ses personnages. Ce sont souvent des personnages assez sinistres, qui ont perdu leur innocence et ont un côté obscur. Il exprime également ce sentiment dans son autobiographie : « J’ai le sentiment d’avoir perdu le droit à l’innocence, à la pure jouissance des plaisirs de la vie. »
La Neuvième Porte : un film tout aussi ambigu que son réalisateur
Des mots aux images : les choix de Polanski
La Neuvième Porte(titre original : The Ninth Gate) est un film franco-américano-espagnol sorti en 1999 . En tant qu’adaptation du roman El club Dumas d’Arturo Pérez-Reverte, nous allons retrouver plusieurs éléments communs au livre et au film, notamment la notion d’enquête à propos du livre de Las Nueve Puertas. Mais nous allons aussi voir les éléments privilégiés par Roman Polanski pour la mise en scène, surtout en ce qui concerne le jeu (ludique ou non selon le point de vue) des différences et des ressemblances dans les gravures et sa manière de jouer avec plusieurs ambiances. Nous retrouvons donc un mélange entre une atmosphère de la vie quotidienne et une atmosphère médiévale assez angoissante.
Tout d’abord, nous pouvons dire qu’en quelques minutes, et sans aucune parole pendant le prologue, Polanski nous présente les thèmes principaux du film grâce à des panoramiques dans une bibliothèque : nous y voyons un homme en train d’écrire (Andrew Telfer), puis les étagères, puis la corde, puis le suicide (qui n’est pas montré à l’écran) et enfin un livre manquant sur une étagère. Et nous entrons dans cette obscurité pour découvrir un générique de début très explicite. En effet, les crédits initiaux vont apparaître chacun leur tour et nous voyons des portes s’ouvrir au fur et à mesure, neuf exactement, jusqu’à la dernière avec le nom du réalisateur, suivie d’un fondu au blanc pour nous dévoiler le début du film : Corso en train de travailler. Nous retrouvons par conséquent la trame qui correspond au roman policier, c’est-à-dire la trame Torchia : l’enquête que doit effectuer Corso à propos des trois exemplaires du livre d’Aristide Torchia, Las Nueve Puertas del Reino de las Sombras (Les Neuf Portes du royaume des ombres, ou en latin : De Umbrarum Regni Novem Portis).
Différences et ressemblances : un véritable jeu de pistes
Nous avons pu voir les modifications, suppressions et ajouts du réalisateur, nécessaires à la construction du scénario. Mais le roman et le film conservent un point commun : la reproduction des neuf gravures de chaque exemplaire du livre de Torchia et leur étude par Corso. En effet, comme le livre est l’élément central des deux œuvres, nous pouvons dire que ces gravures vont être le fil conducteur de l’enquête. Polanski, comme il l’explique dans l’interview déjà citée auparavant, traite le livre comme un personnage à part entière, bien qu’il soit totalement fictif. On peut même penser qu’il en a fait fabriquer plusieurs exemplaires spécialement pour les besoins du film. Comme dans le roman, cet ouvrage diabolique va donc être étudié dans les moindres détails par le « héros ». Mais pour que le spectateur comprenne ces détails, le réalisateur a du effectuer quelquessimplifications et inventions car le roman de Pérez-Reverte contenait un surplus d’informations et le lecteur pouvait être un peu perdu.
Nous allons voir que ces quelques changements vont surtout concerner les gravures, comme si c’était le jeu des différences , ou le jeu des erreurs que tout le monde connaît, afin que le spectateur puisse suivre les pistes en même temps que Corso.
La première gravure représente le moment où Corso rencontre la veuve Telfer : il se tait sur la provenance de l’exemplaire de Las Nueve Puertas. Mais sa première rencontre avec le diable surgit quand il entre dans une salle où, en voix off, nous entendons Balkan donner une conférence sur le diable dans la littérature médiévale et définir ce qu’était une sorcière, les pactes qu’elle faisait avec le diable. Après untravelling horizontal, la caméra nous dévoile une jeune fille (Emmanuelle Seigner) qui est assisequelques rangs devant lui, habillée comme un garçon en jean, baskets et avec une veste aux couleurs fauves. Puis Corso quitte la salle en compagnie de Balkan et quand il se retourne, il aperçoit la Fille qui le regarde également. Ici, aucune gravure n’annonce cette rencontre mais quandCorso va commencer à examiner les trois ouvrages, toutes les gravures auront un sens caché ainsi qu’un rôle de prolepse comme si elles servaient à avertir le détective des dangers qu’il peut rencontrer.
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Table des matières
INTRODUCTION
I) LE ROMAN ET SON AUTEUR: EL CLUB DUMAS , D’ARTURO PÉREZREVERTE
I.1) UN ECRIVAIN DESORMAIS RECONNU AU-DELA DES FRONTIERES DE LA PENINSULE
IBERIQUE
I.2) LES DEUX PROFILS ET LE STYLE SI PARTICULIER D’ARTURO PEREZ-REVERTE
I.3) EL CLUB DUMAS :UN ROMAN A L’IMAGE DE SON AUTEUR
I.3.1) Une narration complexe aux genres multiples.
I.3.2) Un roman devenu best-seller
I.3.3) Une histoire de livres
II) LE FILM ET SON REALISATEUR : LA NEUVIEME PORTE , PAR ROMAN
POLANSKI
II.1.) ROMAN POLANSKI:UNE VIE TOUT AUSSI AGITEE QUE SA FILMOGRAPHIE
II.2) UN STYLE PROPRE:L’AMBIGÜITE
II.3) LA NEUVIEME P ORTE :UN FILM TOUT AUSSI AMBIGU QUE SON REALISATEUR
II.3.1) Des mots aux images : les choix de Polanski
II.3.2) Différences et ressemblances : un véritable jeu de pistes
II.3.3) Un mélange indissoluble d’ambiances : le mystère reste intact
CONCLUSION : DIFFUSER LA CULTURE LITTERAIRE GRACE AU CINEMA
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I) ŒUVRE CHOISIE ET SON ADAPTATION AU CINEMA
II) ARTICLES DIVERS
III) SITES INTERNET
ANNEXE 1
BIBLIOGRAPHIE D’ARTURO PEREZ-REVERTE
ANNEXE 2
DOCUMENTS A PROPOS DU ROMAN OU DE L’AUTEUR
ANNEXE 3
FILMOGRAPHIE ET RECOMPENSES DE ROMAN POLANSKI
ANNEXE 4
FICHE TECHNIQUE DU FILM LA NEUVIEME P ORTE
ANNEXE 5
LES GRAVURES DU LIVRE DE LAS NUEVE P UERTAS DEL REINO DE LAS S OMBRAS
TABLE DES MATIERES
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