L’esprit de revanche
Le goût de la guerre correspond à l’instinct de « la bête humaine »28. Il est présent en chaque personnage. Qu’il soit faible ou fort, personne ne se laisse faire, l’esprit de revanche règne dans ce bas monde.
Cas de Roubaud : L’information sur la relation de Grandmorin et de Séverine est pour Roubaud une profonde source de haine. A cette découverte, le désir de vengeance, en l’occurrence le désir d’assassinat, l’envahit tout de suite. Et dans sa stratégie, la lettre est un appât efficace. Par ailleurs, ce qui accentue cet esprit revanchard de Roubaud, c’est son manque de réflexion. En comprenant, en effet, que sa femme avait déjà un passé, il pouvait se contenter de se séparer d’elle. Mais cela ne lui a pas suffi, il voulait porter atteinte à sa vie.
Cas de Séverine : La revanche suit un cercle vicieux. Séverine à son tour pousse Jacques à tuer Roubaud avec le fameux « couteau », « le petit cadeau » 30 qui a égorgé Grandmorin. Mais au fil de leur relation, elle voit que l’idée de meurtre n’est pas possible, que c’est une fuite avec Jacques, un départ définitif vers un autre horizon (la Belgique, puis New York) qui constituerait une revanche.
Cas de Flore : Amoureuse de Jacques, Flore veut à un moment donné s’offrir à lui mais renonce par peur, tout en continuant à l’aimer. Le jour où elle découvre la liaison de Jacques et de Séverine, elle programme et met à exécution le déraillement du train de leur va et vient quotidien. Mais le couple y échappe à la mort et Flore se suicide sur les rails.
Cas de Misard et de Phasie : Avide de l’argent caché par Phasie, Misard n’a pas attendu la mort de cette dernière pour essayer d’en prendre possession. La victoire de Phasie a été que cet argent est resté définitivement introuvable. La revanche la plus humiliante, la plus ironique qui soit, est celle de Phasie contre Misard. Ce qui a fait plaisir à Phasie, c’est la souffrance de Misard dans ses vains efforts à la recherche de l’argent. « Il entendait bien, elle lui disait : Cherche ». Tout cela signifie que, dans un monde où la survie est le mode de vie, la tolérance n’a pas de place, l’esprit de revanche l’emporte de loin.
Cas de Jacques Lantier : La situation de Jacques est exceptionnelle dans ce roman. Ce jeune homme n’avait pas du tout une allure de criminel. « Très brun, beau garçon au visage rond et régulier. […] On aurait dit un monsieur à sa peau fine, bien rasée sur les joues, (…) des mains pourtant restées petites et souples » 34. Aucun trait ne suscitait la méfiance, sauf que sa relation avec Séverine a envenimé son esprit. Mais il n’a pas abouti au meurtre de Roubaud par manque de détermination (ou par scrupule ?)
Cas de Pecqueux : Pecqueux se bat pour le sexe. La bataille est pour lui un moyen de résoudre les problèmes. La discussion, même assez violente, pourrait résoudre le conflit. Mais l’instinct animal se manifeste chez lui à la moindre insatisfaction. Les qualificatifs le montrent : « Le vin seul déchaînait en lui la brute » La complexité de ce nouveau contexte social semble donc multiplier et aggraver les déformations psychologiques, telles que l’esprit de profit, le relâchement moral, l’esprit de revanche.
Grandmorin Ŕ Roubaud- Séverine- Lantier
Ainsi, la découverte de la relation antérieure du Président Grandmorin et de Séverine a déclenché chez Roubaud la fureur et l’a mené à l’assassinat auquel il a obligé Séverine à participer. Séverine s’est crue innocente, car c’était à contrecœur qu’elle s’était associée à ce meurtre et c’était à contrecœur qu’elle l’avait commis. Mais par la suite, Séverine et Jacques sont devenus amants et c’est Jacques, à son tour qui l’a « tuée »164. Roubaud, se sentant coupable, s’est « implanté » dans les maisons de jeux, s’abandonnant ainsi à tous les excès d’immoralité.
La fuite de l’autre : le meurtre, le suicide, l’empoisonnement
Toutes ces intentions rejoignent la mort quelle que soit la manière dont celle-ci s’accomplit. C’est la solution extrême pour ne pas affronter l’adversaire. On a ainsi : Le cas du président Grandmorin et de Roubaud : Jaloux de la relation antérieure de Séverine et du président, Roubaud choisit d’assassiner ce dernier, malgré le soutien qu’il lui accorde dans sa carrière : Le mot « lâcheté » 179 est employé pour ce refus de la situation dans laquelle il doit vivre si le président reste en vie. Le cas de Flore : elle est désespérée de voir Jacques et Séverine heureux dans leur intimité : Durant Le voyage, « Où le trouver seul, à cette heure pour se jeter à son cou, en criant « prends-moi, j’ai été bête, parce que je ne savais pas ! » Durant L’accident. « Séverine était sortie la dernière. Elle tourna la tête, elle sourit à Jacques, qui se penchait pour la suivre jusqu’à sa voiture. Et Flore, qui les attendait, blêmit encore à cet échange tranquille de leur tendresse » Flore ne pouvait rien faire, ni réclamer l’amour de Jacques, ni demander à Séverine, femme mariée, pourquoi elle était avec Jacques.
LA PERSONNIFICATION DE LA MACHINE
Le plus souvent, la machine est personnifiée, présentée tantôt comme amie, tantôt comme ennemie. Cette dimension humaine a été utilisée par Zola pour souligner la portée de la technologie. Et la machine fait ainsi figure, dans La bête humaine, de personnage à part entière. Mais elle s’identifie aussi comme un lieu, un lieu souvent redoutable, éventuellement macabre. Chez Jacques Lantier, la machine a fait effet sur le mécanicien. La machine qu’il nomme La Lison est en quelque sorte considérée comme sa possession, sa femme à lui, son objet. Ce n’est pas seulement un outil de travail, un moyen de transport mais plutôt un objet personnel selon le déterminant possessif « sa machine » 233 D’ailleurs, l’appellation « La Lison » exprime la valeur affective accordée à la machine. Ce ne sont en effet pas toutes les machines qui portent un nom, mais il (Jacques) a vu en toutes, des « dociles et des rétives, des courageuses et des fainéantes (…) comme on dit des femmes de chair et d’os » 234 mais une seule l’attirait parmi toutes, la Lison. « Elle était douce, obéissante, facile… d’une marche régulière. (… ). Il y avait [en elle] l’âme(…) la vie. (… ). Une cavale vigoureuse et docile » 235 C’est une panoplie de qualités féminines, soumise et volontaire que les hommes adorent d’autant plus qu’elle possède une énergie inlassable. Mais il y a ici un reproche à cette Lison: « un trop grand besoin de graissage (….) une faim continue, une vraie débauche (…) Il s’était résigné à cette passion gloutonne (…) à l’exemple des belles femmes [qui éprouvent] le besoin d’être graissée trop souvent. » . Ainsi, comme dans toute relation amoureuse, elle donne parfois du souci à Jacques, comme dans le passage ci-après qui ferait penser à un amant doutant de la fidélité de son amante et doutant de l’amour : « ce jour- là, il avait sur le cœur sa débauche de graisse; et c’était autre chose aussi, quelque chose de vague et de profond, qu’il n’avait pas éprouvé encore, une inquiétude, une défiance à son égard comme s’il doutait d’elle et qu’il eût voulu s’assurer qu’elle n’allait pas se mal conduire en route ».
Les métaphores du climat
Le temps exprime soit la souffrance, Le temps exprime et reflète la souffrance de Séverine, laissée seule par les circonstances de sa vie « Du ciel pâle, commençaient à voler de rares gouttes de pluie. La nuit allait être humide » et « Une averse venait de cesser, il en restait un souffle d’une humidité glaciale ». « Le temps gris » 264 à la croix de Maufras est un présage de malheur dans la mésentente de la famille Misard, et un présage de mort dans l’isolement de la maison de Grandmorin, Le climat peut traduire aussi le bien-être Le climat, source de soulagement de Roubaud après le meurtre : Après sa nuit de l’assassinat du Président il profite de « l’aube qui se levait enfin » 265annonciateur du clair matin d’un beau jour (…) » 266, et présage d’un nouveau départ dans sa vie. Le climat, traduit aussi la relation de Jacques et de Séverine, un nouveau départ pour Séverine, une nouvelle conquête pour Jacques, comme si tous les deux voulaient oublier ce qui s’était passé, aussi bien du côté de Séverine (le meurtre) que de celui de Jacques (la fêlure) et alors « Le ciel pourtant, lavé par le déluge du matin, était d’un bleu très doux, et sous le tiède soleil de mars, les lilas bourgeonnaient » 267. Le ciel à béni cette rencontre, et Roubaud aussi. Le climat, témoin de la satisfaction de Jacques et de Séverine : Jacques, sûr de se libérer de sa maladie et Séverine, satisfaite de la rencontre avec « M Camy. Lamotte » 268 et c’est pour cela que « la lune s’était levée, très claire, d’une lumière blanche »
CONCLUSION
Pour conclure, on peut dire que la Bête Humaine est une œuvre qui se distingue par son langage explicite sur :
– La façon dont Zola met en scène tous les actes dans le roman.
– La manière dont il traite chaque personnage dans l’accomplissement de ses actes.
– Le style langagier pour faire vivre les scènes romanesques les plus sanglantes mais dites avec légèreté
En effet, la présence de la machine donne au lecteur une certaine « illusion du réel », c’està-dire que le lecteur se lit, se voit dans la Bête Humaine En effet, la machine a exposé :
– L’aspect sociologique d’une classe sociale, la classe ouvrière de son temps, le mode de vie, leur conception du monde sur l’arrivée d’une nouveauté technique.
– L’aspect psychologique de la classe ouvrière : l’agitation, l’esprit rebelle, l’état primitif dans lequel elle pense. Tous ces détails ont permis de reconnaître les caractères d’une telle communauté. Le courage exemplaire malgré un destin qui semble tracé, la lutte incessante vers un idéal, un bonheur incertain qui ne sera presque jamais conquis.
– L’aspect épique de cette classe ouvrière : la force exemplaire, face à une situation bien précise, au moment où l’on ne s’y attend pas parfois. Souvent, elle est meurtrière, n’accorde aucune tolérance à ce que le personnage considère comme obstacle ou comme adversaire dans son existence.
En outre, en parallèle avec cet intérêt pour la classe ouvrière, Zola a mentionné à travers la machine les autres classes sociales, à savoir les nobles avec leur fantaisie, avec les humiliations qu’ils font subir à la classe ouvrière. Ils sont une minorité mais leur influence est illimitée au sein de la société, ici dans le monde judiciaire qui n’était pas impartial dans le traitement d’une affaire. Tout le monde le sait, les œuvres de Zola sont un miroir de la société, et en nous référant à la question que nous nous sommes posée au début sur l’intervention de la machine au sein de la société, nous pouvons dire que son existence n’a rien changé au sein de cette société. Mis à part les voyages organisés grâce à son existence, la machine est un simple outil, un miroir qui expose les maux sociaux. Mais elle n’a rien fait pour les empêcher. Ainsi pour répondre à la question d’au début de notre analyse : la machine n’a aucun rôle social, au contraire elle ne fait que souffrir la société en relatant les perversions humaines. Son intervention même dans la société ne fait qu’envenimer les choses. Tous ces maux tracent la caractéristique naturaliste du roman qui se termine par le macabre, la débauche, la fin tragique. Tous ces mouvements de la machine, extrait de la réalité caractérisent le roman Zolien, chef de file naturaliste, qui traduisent un bouillonnement de la vie dans tous les sens. Zola a fait une documentation et c’est pour cette raison que les précisions sur les mécanismes et sur les lieux sont étonnantes dans ce roman. En outre, Zola a su descendre au plus bas pour reconnaître Le monde, la machine l’a enfoncé pour vivre de telles émotions Ce qui est frappant, c’est que Zola n’a pas exposé les joies de vivre de la classe ouvrière à part l’infidélité et les commérages. Ainsi, on n’à découvert que la tristesse, le malheur, c’est significatif pour tous les romans zoliens si à l’exemple on lit l’Assommoir, les cadavres pour signifier que les maux sociaux sont en leur comble. De nos jours, les maux sociaux continuent, mais l’outil qui les reflètent changent tel l’internet leur rôle ne change pas comme la machine : le miroir de la société, l’homme ne cesse d’évoluer dans ses découvertes, certes mais des fois, on constate que La vision du monde ne change pas, que les souffrances sont universelles. Ce travail a permis de constater que Zola est visionnaire dans son travail, il est : clair quand il s’exprime prévoyant en écrivant roman, car l’intrigue développé dans ce roman est encore vécue actuellement par notre génération.
|
Table des matières
PARTIE I : L’IMPACT DE LA MACHINE DANS LA VIE SOCIALE ET PROFESSIONNELLE
1 IMPACT DE LA MACHINE DANS LA VIE DES PERSONNAGES
1-1-IMPACTS SOCIAUX DE LA PRESENCE DE LA MACHINE
1-1-1- Le train : révélateur de diversités sociales
1-1-2- Le train : une source de relations
1-1-3- Le train : Une nouveauté contestée
1- 2- DEFORMATIONS PSYCHOLOGIQUES
1-2-1- L’esprit de profit
1-2-2-Le relâchement moral
1-2-3- L’esprit de revanche
1- 2-4- La sauvagerie impunie
1 -3- LA MACHINE : UNE PRESENCE DOMINANTE
1- 3-1- La machine : témoin de toutes les épreuves
1-3-2- Une utilité quotidienne
2 – IMPACT DE LA MACHINE SUR LES RAPPORTS DES PERSONNAGES ENTRE EUX
2- 1- LE NEPOTISME DANS LES RAPPORTS PROFESSIONNELS
2-1-1- Le népotisme dans le monde ferroviaire
2-1-3- Impact : Sadisme contre le petit peuple
2- 2- L’ECLATEMENT DES RAPPORTS FAMILIAUX ET SOCIAUX
2-2-1- La tension dans la communauté
2- 2 – 2 L’éclatement familial
2- 3- La perte de rationalité
2. 4- LA DECHEANCE DES RELATIONS
2-4-1- Un idéal non atteint
2-4 -2- Les relations limitées aux relations charnelles
2-4-3 La vie marginalisée
3- LES SITUATIONS D’HOSTILITE
3-1-Les dissensions personnelles
3-2 : Les rivalités sociales
4- IMPACT DE LA MACHINE DANS LA VIE DES PERSONNAGES
4- 1 UNE VIE DE DEBAUCHE
4-4- « LA DECHEANCE »
4-4-1- La fin des relations
4-4-2- La mort : une fin et un recommencement.
4-4-3- LE TRAIN : OUTIL DE MEURTRE, LIEU DE MORT, PERSONNAGE MALEFIQUE
PARTIE II : LE SENS DE L’ŒUVRE
II – LE SENS DE L’ŒUVRE
II –1- CRIMES ET SENTIMENTS
II-I-1 – Grandmorin – Roubaud- Séverine- Lantier
II-I-2- Séverine – Lantier- Flore
II- 1-3- Pecqueux – Lantier – La Lison
II-I-4- Phasie – Misard
II-2- LA FAIBLESSE ENTRAINANT LA FUITE
II-2-1- La fuite de l’autre, de l’ennemi : le meurtre, le suicide, l’empoisonnement
II-1- CRIMES ET CHATIMENTS
II-1-1- Grandmorin– Roubaud /Séverine– Lantier Actes de criminelle jalousie sentimentale
II-1-2- Séverine – Lantier – Flore Acte de dépit Un profond dépit
II- 1-3- Pecqueux – Lantier – La Lison actes Actes de rivalité sentimentale
II-2- LA FAIBLESSE ENTRAINANT LA FUITE
II-2-1- La fuite de l’autre : le meurtre, le suicide, l’empoisonnement
II-2-2- Fuite de la réalité, « évasion » par l’adultère, par les voyages
II- 3- : L’ECHEC DE LA FEMME
II-3-1 : Echec d’ordre sentimental dans le cas de Séverine, Flore, Philomène
II-3 -2 : Echec d’ordre social : Le cas de Louisette
II-3-3 : Echec dû à l’égoïsme du sexe opposé : le cas de Phasie
III-LA DEVALORISATION DE LA CHAIR
III-1 – LA CHAIR REDUITE AU SEXE
III-2- LA CHAIR REDUITE A LA SOUFFRANCE
IV- LES FIGURES STYLISTIQUES DOMINANTES
IV-1- LA DESHUMANISATION DE L’ETRE MASCULIN
IV-2- LA DENONCIATION DES INEGALITES :
IV – 3- LA VIOLENCE DU MALE ET LA FAIBLESSE DE LA FEMELLE
3-2-3- Le bonheur
2-3- LA PERSONNIFICATION DE LA MACHINE
2-4- HYPERBOLE: EXAGERATION DU MALHEUR
2-4-1-Le malheur de Séverine
2-4-2 : Le malheur de Phasie
2-5- LES METAPHORES POUR PEINDRE
2-5-1- Le train : image du désordre des personnages
2-5-2- Les métaphores du climat
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
CORPUS
WEBOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet