L’entrepreneuriat au Québec
Compte tenu du rôle indéniable de l’entrepreneuriat dans le développement économique, tel qu’évoqué précédemment, le Québec n’a pas hésité à emprunter le même chemin que les pays industrialisés pour développer et soutenir son économie en s’y appuyant. Dès 1987, le nombre d’entrepreneurs au Québec n’a cessé d’augmenter jusqu’à atteindre le sommet avec 198 000 entrepreneurs en 1991 (Cossette et Mélançon, 2010). Néanmoins, au moment où le nombre d’entrepreneurs de 45 ans et plus augmentait, celui de moins de 45 ans diminuait en grande proportion; ainsi, le nombre total d’entrepreneurs a chuté jusqu’à atteindre 180 800 en 2008 au Québec (Cossette et Mélançon, 2010). En outre, durant toute cette période (1991-2008), le taux des entrepreneurs âgés de 15 ans à 64 ans, propriétaires d’une entreprise avec au moins un employé salarié, était légèrement inférieur à celui du Canada anglais, soit 7% au Québec contre 9% dans le reste du Canada (St-Jean et Tremblay, 2014).
D’après l’enquête sur l’évolution de l’entrepreneuriat au Québec, la situation ne s’est pas améliorée: sur une période de 2 ans (de 2008 à 2010), le Québec a perdu plusieurs entrepreneurs par rapport à l’Ontario et à la moyenne de l’ensemble du Canada (Cossette et Mélançon, 2010). Selon les prévisions faites par les auteurs de cette enquête, c’est toujours au Québec que les entrepreneurs actuels vont se retirer de l’entrepreneuriat dans une plus grande proportion que ceux des autres provinces sur les huit prochaines années (2010-2018) et peu d ‘entrepreneurs s’ajouteront à ceux qui en font déjà au Québec. Actuellement, seulement 5,5% des Québécois sont des entrepreneurs naissants 1 contre 8,4 % dans le reste du Canada; alors que la proportion de nouveaux entrepreneurs2 est 4,4% de la population québécoise contre 4,7% dans le reste du Canada (St-Jean et Tremblay, 2014). En outre, 64,6% des Québécois manifestent de l’estime pour les entrepreneurs à succès contre 71 ,8 % dans le reste du Canada (St-Jean et Tremblay, 2014). Cela montre que la population québécoise, particulièrement les jeunes, s’ intéresse mOInS à l’entrepreneuriat par rapport à ceux du Canada anglais. D’où la nécessité d’implanter des mesures appropriées en vue de changer cette mentalité.
Problématique managériale
Malgré les données, sur l’entrepreneuriat, démontrant que le Québec reste moins dynamique par rapport au reste du Canada, toutefois, nous constatons qu ‘ il possède quelques points forts. Par exemple, 78,1% des Québécois considèrent l’ entrepreneuriat comme un bon choix de carrière alors qu’il s’agit seulement 55 ,1% dans le reste du Canada (St-Jean et Tremblay, 2014). De plus, les données récentes montrent que 28,1 % des Québécois ont été informés de l’entrepreneuriat à l’école contre 21 ,3 % dans le reste du Canada; 38,5 % des jeunes Québécois, âgés entre 18 et 34 ans, ont aussi reçu l’ information concernant l’ entrepreneuriat comme possibilité de carrière à l’école contre 35,3 % dans les autres provinces canadiennes (Prou lx, 2012). Cela nous révèle que le milieu scolaire au Québec est mieux utilisé par rapport au reste du Canada et qu ‘ il constituerait un endroit propice pour parler et éveiller les jeunes à l’entrepreneuriat.
Une partie de ces jeunes Québécois, qui fréquentent le milieu scolaire, est composée par les étudiants universitaires. Ces derniers constituent une partie de la population la plus susceptible de combler le déficit attendu des entrepreneurs. D’abord, pour de nombreuses personnes, les études universitaires sont terminales et mènent, par la suite, au marché du travail. À la fin de leurs études, ceux-ci font alors face à l’un des choix importants de leur vie: il y a ceux qui se mettent à la recherche d’un emploi salarié et ceux qui se mettent à identifier une opportunité d’ affaires et ainsi, accéder à l’entrepreneuriat comme choix de carrière, c’ est-à-dire devenir des entrepreneurs. La façon dont chaque étudiant universitaire va entamer la carrière entrepreneuriale sera en fonction de ses choix précédents, notamment en termes de formation, d’expériences et d’ intérêts développés, ainsi que de l’étape où il se situe dans sa vie, les options qu’ il va considérer pour accéder à la carrière entrepreneuriale seront différentes (Harvey et Evans, 1995).
Toutefois, pour que cela se matérialise, les étudiants universitaires doivent tout d’abord développer l’ intention d’entreprendre et passer à l’ action. L’ intention est définie comme « un dessein délibéré d’accomplir tel ou tel acte; une volonté » (Le Petit Larousse illustré, 2013) p.585. D’ après la théorie du comportement planifié d’Ajzen (1991) et le modèle de l’événement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982), l’ intention détermine l’ action. Autrement dit, à moins que cela ne soit occasionnel ou imprévu, s’ il n’ y a pas d’ intention, il n’y aura pas d’ exécution du comportement, car cela demande une planification (Ajzen, 1991). En outre, selon la théorie sociocognitive de la carrière (TSC) de Lent et al. (2002), l’ auto-efficacité et les résultats attendus sont susceptibles de faire à ce que l’ individu développe l’ intention de faire certaines activités ou carrières, tout en se fixant des buts, de passer à l’action et de rechercher la performance. Les données récentes d’une enquête sur la situation de l’ activité entrepreneuriale au Québec montrent que seulement 15,6 % des Québécois ont l’ intention d’entreprendre contre 17,5 % dans le reste du Canada (St-Jean et Tremblay, 2014). Nous constatons qu’en général, l’ intention entrepreneuriale est moins développée au Québec par rapport au reste du Canada. Plusieurs recherches ont été faites dans le but d’expliquer l’ intention d’entrepreneuriale p. ex: (Carr et Sequeira, 2007; Emin, 2004; Krueger et Brazeal, 1994; Krueger et Dickson, 1994; Krueger, Reilly et Carsrud, 2000; Van Gelderen, Brand, Van Praag et al., 2008) notamment auprès d’étudiants universitaires (Audet, 2004; Boissin, Chollet et Emin, 2009; Boudabbous, 2011 ; Davidsson, 1995; Edmilson, Almeida-Lopes, Jorge-Nassif et al., 2012; Emin, 2004; Moreau, 2006; Simon, 2010). Ces recherches se sont basées en particulier sur la théorie du comportement planifié d’Ajzen, (1991).
Les éléments influençant chacune de ces trois variables
Chacune de ces trois variables qui déterminent l’ intention est expliquée en termes des croyances; celles-ci désignent les informations saillantes que l’ individu a sur le monde qui l’entoure (Ajzen, 1991; Boissin et al., 2009). Les croyances sont considérées comme les déterminants dominants des attitudes (l ‘ attitude personnelle, les normes sociales perçues, et le contrôle comportemental perçu) et l’ intention (Ajzen, 1991). Des plus, l’ attitude à l’ égard du comportement est en fonction de l’évaluation personnelle des conséquences ou des résultats estimés après l’exécution du comportement donné (Emin, 2004). Celle-ci réfère la valeur que l’ individu accorde aux résultats attendus ou au coût que va engendre l’ accomplissement d’ une action en question (Wang et al., 2011). En d’autres mots, chaque croyance associe le comportement à un certain résultat (Ajzen, 1991). De ce fait, l’ attitude personnelle dépendrait de l’évaluation personnelle de résultats : si l’évaluation est positive, c’ està- dire si la valeur accordée aux résultats escomptés est grande (conséquence désirable ou préférable), l’ individu aura une attitude favorable à l’ égard du comportement en question, ce qui pourrait avoir un effet positif sur l’intention comportementale. Dans le contraire si l’évaluation est négative c’ est-à-dire si la valeur accordée aux résultats escomptés est moins grande (conséquence indésirable et non-préférence), l’ individu aura une attitude défavorable, ce qui affectera négativement l’ intention comportementale (Ajzen, 1991). Les normes subjectives sont en fonction du degré de la motivation individuelle de se modeler à la perception sociale ou son groupe de référence (Boissin et al., 2009). De ce fait, si l’ individu veut à tout prix agir conformément à son groupe de référence, cela aura un effet positif sur l’ intention comportementale. Dans le cas contraire, si l’ individu ne veut pas se conformer à son groupe de référence, cela aura un effet négatif sur l’ intention comportementale (Ajzen, 1991).
Le contrôle perçu est en fonction des conditions facilitantes; celles-ci font référence à la présence ou à l’absence de ressources nécessaires (financières ou non-financières issues de l’environnement culturel, politique, économique et social) à l’exécution d’un comportement donné (Emin, 2004). Plus l’ individu se sentira capable de trouver ces ressources, de reconnaître les opportunités et de surmonter les obstacles qu’il anticipe, plus il sera assuré d’ avoir un contrôle sur le comportement; ce qui aura un effet positif sur l’ intention. Dans le cas contraire, il se sentira incapable d’exécuter le comportement en question, ce qui aura, dans ce cas, un effet négatif sur l’ intention (Ajzen, 1991). À noter que les variables externes au modèlè, comme les traits de la personnalité ou les facteurs contextuels, ne sont pas censées influencer les intentions que dans la mesure où ils affectent ces croyances ou les variables indépendantes; ils jouent indirectement sur les intentions et sur le comportement (Ajzen, 1987; Bagozzi, Baumgartner et Yi, 1992).
L’ intention individuelle de réaliser un comportement est plus grande lorsque le niveau de chaque variable (l ‘ attitude, les normes subjectives et le contrôle comportemental perçu) l’ est aussi (Ajzen, 1991). Autrement dit, plus l’ individu a une attitude favorable pour un comportement, plus la société ou son groupe de référence a de l’estime pour le même comportement et plus l’ individu a une grande croyance en ses capacités à exécuter avec succès le même comportement, alors plus l’intention devrait être grande pour accomplir le comportement en question (Ajzen, 1991). En outre, la variable « contrôle comportemental perçu » et l’intention peuvent être utilisées directement pour prédire la réalisation d’un comportement. En effet, en supposant que l’intention reste constante, il est possible que l’effort fourni en vue d’ exécuter avec succès un comportement donné augmente grâce au contrôle comportemental perçu (Ajzen, 1991). Par exemple, même si deux individus avaient les mêmes intentions fortes d’accéder à la carrière entrepreneuriale, et qu’ ils essayaient vraiment de le faire, il est probable que l’ individu qui fait confiance en ses capacités à maîtriser cette activité persévère jusqu’au bout devant les difficultés contrairement à celui qui doute de ses capacités.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1: PROBLÉMATIQUE
1. 1. Identification du problème
1. 1.1 L’ entrepreneuriat au Québec
1.1.2 Problématique managériale
1.2. L ‘objectif général de la recherche
1.3 Intérêt de la recherche
1.3.1 Sur le plan managérial
1.3.2 Sur le plan académique
CHAPITRE 2 : LA REVUE DE LA LITTÉRA TURE
2.1. Le concept de l’ intention
2.2. L’intention entrepreneuriale
2.3 . Les principaux modèles explicatifs de l’ intention
2.3.1 Le modèle de l’ événement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982)
1. La désirabilité perçue
2. La faisabilité perçue
2.3.2 La théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991)
La figure 2 : Théorie du comportement planifié Ajzen (1991)
1 L’ attitude personnelle
2 Les normes sociales perçues
3 Le contrôle comportemental perçu
2.3.2.1 Les éléments influençant chacune de ces trois variables
2.3.2.2 L’intention entrepreneuriale selon la théorie du comportement planifié d’Ajzen (1991)
2.4. La théorie sociocognitive de la carrière de Lent et al. (2002)
2.4.1 Les principales composantes de la théorie de Lent et al. (2002)
2.4.1.1 L’apport individuel
2.4.1.2 L’environnement de J’ individu
2.4.1.3 L’ auto-efficacité
1. Le concept d’ auto-efficacité
2. Les sources du sentiment d’ auto-efficacité
Les expériences actives de maîtrise (expérience personnelle)
Les expériences vicariantes
La persuasion verbale
Les états physiologiques et émotionnels
3. L’ auto-efficacité et le choix de la carrière
4. L’ auto-efficacité et l’ intention d’entreprendre
5. L’ auto-efficacité et la motivation
2.4.1.4 La théorie de résultats attendus de Vroom (1 964)
1. Le concept des résultats attendus
2. Les éléments clés de la motivation selon la théorie de Vroom (1964)
2.1. L’expectation
2.2 L’instrumentalité
2.3. La valence
3. La théorie des résultats attendus dans le contexte d’entrepreneuriat
2.5. Liens entre les principaux modèles explicatifs de l’ intention comportementale
2.6. La motivation
2.6.1 Les motivations entrepreneuriales
2.6.2 Les catégories des motivations entrepreneuriales
2.6.2.1 A voir les récompenses extrinsèques
2.6.2.2 L’ indépendance
2.6.2.3 Récompenses intrinsèques
2.6.2.4 Sécurité de la famille
2.6.3 Les motivations entrepreneuriales en milieu universitaire
2.7. Les hypothèses de recherche
2.7.1. Relation entre l’ intention entrepreneuriale et l’ auto-efficacité ainsi que les résultats attendus (Vroom, 1964)
2.7.2. Relation entre la fixation de buts à l’ égard d’ une carrière et l’ auto-efficacité ainsi que les résultats attendus (Vroom, 1 964)
2.8. Le modèle conceptuel
CHAPITRE III : MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
3.1. La population ciblée
3.2. L’échantillonnage
3. 3. La stratégie de recherche
3.4. Les instruments de mesure
3.4.1. Les variables dépendantes
3.4.1.1 L’ intention d’entreprendre
3.4.1.2 Les buts entrepreneuriaux
3.4. 2. Les variables indépendantes
3.4.2.1 Les résultats attendus
3.4.2.2 L’expectation entrepreneuriale (EE) ou auto-efficacité entrepreneuriale (ESE)
3.4.3 Les variables de contrôle
3.5. Méthodes d’analyses tests statistiques
CHAPITRE 4: LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4.1 Analyse corrélationnelle
4.2 Analyse de Régression
4.2.1 Les composantes de chaque modèle
4.2.2 Régression hiérarchique de l’intention entrepreneuriale
4.2.3 Régression hiérarchique de la fixation des buts entrepreneuriaux
CHAPITRE 5 : DISCUSSION
5.1 Interprétation des résultats de la recherche
5.1.1 Retour sur les caractéristiques sociodémographiques (variables de contrôle)
5.1.2 Retour sur les hypothèses de recherche
5.2 Les limites de la recherche
5.3 Propositions pour d’éventuelles recherches futures
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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