Violences faites aux femmes : généralités
Définitions
En 2013, l’Organisation des Nations Unies (ONU) donne une définition des violences à l’égard des femmes : « Tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée. »
Il existe donc différents types de violences :
– Verbales : injure, cri, silence, dénigrement, menace, interdiction, ordre.
– Physiques : bousculade, morsure, coup, strangulation, séquestration, violence avec des objets.
– Psychologiques : intimidation, humiliation, dévalorisation, contrôle des activités, harcèlement, manipulation, mariage forcé, interdiction de fréquenter les proches.
– Sexuelles : agression sexuelle, viol ou tentative, attouchement, pratiques imposées, mutilations sexuelles.
– Economiques : contrôle des dépenses, des moyens de paiement, interdiction de travailler ou d’avoir un compte bancaire, confiscation des papiers.
Dans le cadre de violences conjugales (VC), les violences verbales et psychologiques accompagnent et renforcent fréquemment les autres formes de violences. Ces VC sont à différencier des conflits conjugaux où le rapport d’égalité persiste entre les deux personnes. Selon la Mission Interministérielle pour la Protection des Femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), dans les violences, le partenaire est imprévisible. Il s’agit d’un rapport de domination de l’agresseur avec une prise de pouvoir. L’agresseur installe une stratégie d’emprise et de manipulation destinée à dévaloriser la victime. Il a pour but de faire perdre à sa victime sa liberté, de la priver de toute autonomie (financière et de ressources) et à la convaincre de ses incapacités et de son infériorité par rapport à l’agresseur. Ce dernier peut également la dévaloriser sur son rôle de mère et la menacer de lui enlever ses enfants. [1] Ces VC se définissent par leur caractère exponentiel et répétitif et sont entrecoupées de phases d’accalmie. Les cercles de violences sont ainsi de plus en plus rapprochés et les violences sont de plus en plus graves. Ce cycle peut se mettre en place au bout de quelques jours ou de quelques années.
Epidémiologie en France
En 2000, « Enveff » fût la première grande enquête statistique effectuée en France sur ce thème auprès d’un échantillon de 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans. [4] Les femmes ont été interrogées au sujet de toutes formes de violences (verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles) subies au cours des 12 derniers mois dans l’espace public, au travail, au sein du couple ou dans la famille.
– Dans la rue, les transports en commun ou les lieux publics, l’agression la plus fréquente est l’insulte ou la menace verbale : 13 % des femmes interrogées disent en avoir été victimes et 25 % d’entre-elles connaissaient l’agresseur.
– Au travail, c’est la pression psychologique ou le harcèlement moral qui est le plus fréquent : 17 % des femmes.
– Au domicile, 10 % déclarent avoir subi des VC. Seulement 14 % ont porté plainte cette année-là.
Selon le rapport de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) en 2014, environ 225 000 femmes étaient victimes de VC physiques et/ou sexuelles (soit une femme sur dix selon Enveff) [4]. Parmi elles, 56 % n’ont entamé aucune démarche. [5] De même, selon les données de 2017, une femme décède sous les coups de son conjoint, de son ex-compagnon ou de son amant, tous les trois jours. [1] D’après la MIPROF, en 2016, en moyenne 93 000 femmes adultes ont été victimes de viols ou de tentatives de viol. Cependant, dans 90 % des cas l’auteur de ces agressions est connu par la victime et dans 33 % des cas l’agresseur est le conjoint de celle-ci. [1], [4], [5] En 2015, une femme a été violée toutes les sept minutes en France. [6] Au total, 20 % des femmes déclarent avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie (soit une femme sur cinq). Seulement 10 % portent plainte. [5], [7] Les études de 2004 constatent qu’environ 53 000 femmes sexuellement mutilées vivent en France. Parmi elles, neuf victimes sur dix ont été excisées avant l’âge de dix ans. [1] Enfin, en 2017, chaque département de France a établi un protocole, dirigé par la Délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité, qui a permis un état des lieux du taux de violences envers les femmes. Dans le Calvados en 2014, les femmes représentaient 81 % des victimes de violences intrafamiliales et près de 80 % des victimes d’harcèlements et d’agressions sexuelles.
Le cadre juridique français
Les violences physiques, psychologiques et sexuelles sont interdites et punies sévèrement par la loi. Dans le cadre de VC, ces agressions sont considérées comme des circonstances aggravantes puisqu’il concerne le couple et qu’il y a un lien affectif entre l’auteur et la victime. Les peines peuvent aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende. (Annexe II) D’après l’article 222-23 et 222-24 du Code pénal, le viol (acte sexuel avec pénétration) est un crime et la peine encourue est de 15 ans d’emprisonnement. [9] Il est de 20 ans si le viol est commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes (commis par le conjoint ou commis lorsque la victime est dite « vulnérable » notamment lors de la grossesse […]). Depuis 2006, les viols conjugaux sont punis par la loi. Le délai de prescription est de dix ans.
Les agressions sexuelles (acte sexuel sans pénétration) sont des délits et la peine encourue est de sept ans d’emprisonnement (article 222-27 du Code pénal). [10] Comme le viol, les mutilations sexuelles féminines (faites en France ou à l’étranger) sont des crimes si elles sont commises sur un mineur de moins de 15 ans (article 222-10 du Code pénal) et seront punies de 20 ans de réclusion criminelle. Elles sont considérées comme un délit si la mineure a plus de 15 ans et peuvent être poursuivies pour des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente selon l’article 222-9 du Code pénal (dix ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende). [1] D’après la loi, lorsqu’une femme est victime de VC, le juge des affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection ce qui permettra d’expulser l’agresseur du domicile conjugal et de lui interdire la rencontre avec la victime (article 515-11 du Code civil). Pour que la partie pénale soit sollicitée, un signalement doit être établi. Ainsi, déposer plainte permettra d’entamer toutes les démarches nécessaires à la protection de la victime.
Un problème de santé publique
Pendant longtemps les violences envers les femmes ne concernaient que la police, la justice ou les travailleurs sociaux. Puis peu à peu le rôle des professionnels de santé a été reconnu, notamment dans la réalisation du certificat médical de constatation des sévices ou encore dans les soins d’urgence. [11] En effet, le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) affirme que ce phénomène devient un enjeu de santé publique puisqu’il est considéré comme l’une des causes principales de mortalité féminine. [11] Le rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de 2013 montre que la violence accroît fortement la vulnérabilité des femmes face à toute une série de problèmes de santé à court et à long terme. [12] En 2015, la MIPROF explique les raisons de ce problème par la hausse des violences et de la mortalité des femmes : homicides, tentatives de suicide cinq fois plus importantes et diminution de l’espérance de vie. Cela provoque un surcoût pour l’Etat estimé à 2,5 milliard d’euros en 2012 et à 3,6 milliard en 2015. En Europe, il est estimé à un million d’euros toutes les 30 minutes (blessures, prise en charge médicale et sociale, frais de justice…).
Les raisons du silence des femmes
Un des enseignements de l’enquête Enveff a été de mettre en évidence l’ampleur du silence : « Le secret est d’autant plus fort que la situation se vit dans l’intimité ; il relève probablement d’un sentiment de culpabilité, voire de honte éprouvée par les victimes, et souligne une certaine carence de l’écoute, tant des institutions que des proches. » [4]. Comme les études le montrent, la majorité des auteurs de violences sont connus par les victimes et ont une relation plus ou moins proche (père, conjoint, cousin, ami…). [1], [4], [6] Le Dr. Salmona, psychothérapeute, explique ce silence par la dissociation traumatique. C’est l’un des principaux symptômes psychotraumatiques que présentent les femmes victimes. Face à une personne dissociée, l’interlocuteur ne peux pas ressentir d’émotion et lorsque cette personne évoque les violences, elle peut sembler indifférente et supporter ce qu’elle vit. [7], [13] En effet, en raison des menaces et des manipulations, de la honte et de la culpabilité, de la peur et des symptômes psychotraumatiques, rares sont les femmes qui dénoncent les violences, qui portent plainte ou qui demandent de l’aide. Parfois, la violence n’est même pas perçue par la victime. Actuellement, les recherches par des études cliniques expliquent les mécanismes psychotraumatiques des violences. D’ailleurs Laurence Terr, psychiatre, rappelle en 1974 que les conséquences psychotraumatiques sont universelles et ne sont pas liées à la personnalité de la victime. Elles sont quasi inévitables pour 90 % des femmes adultes victimes d’un viol et pour 100 % des enfants victimes.
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Table des matières
Introduction
A. Violences faites aux femmes : généralités
1. Définitions
2. Epidémiologie en France
3. Le cadre juridique français
4. Un problème de santé publique
B. Les raisons du silence des femmes
C. La femme enceinte victime
1. Pourquoi la grossesse est-elle un évènement catalyseur de violences ?
2. Conséquences des violences
D. Le rôle du professionnel d’obstétrique : la pratique du dépistage systématique
1. Recommandations par l’Etat français
2. Le professionnel d’obstétrique face aux violences en consultations prénatales
3. Le professionnel d’obstétrique face au dépistage systématique
4. Après le dépistage : quelle conduite à tenir ?
Matériels et méthode
A. Hypothèses et objectifs
1. Problématique
2. Objectifs
3. Hypothèses
B. Matériels et méthode
1. Recueil de données à Saint-Lô
a. Type, lieu, période et population de l’étude
b. Méthode
c. Description des données collectées
2. Entretiens à Saint-Lô
a. Type, lieu et période de l’étude
b. Population de l’étude
c. Méthode
3. Recueil de données à Caen
a. Type, lieu et période de l’étude
b. Population de l’étude
c. Méthode
d. Description des données collectées
4. Questionnaires à Caen
a. Type et lieu d’étude
b. Population de l’étude
c. Méthode
d. Exploitation des données collectées
Résultats
A. Saint-Lô
1. Nombre de femmes enceintes victimes de violences dépistées
2. Entretiens
a. Caractéristiques de la population
b. Entretiens
Professionnel A
Professionnel B
Professionnel C
Professionnel D
Professionnel E
Professionnel F
B. Caen
1. Nombre de femmes enceintes victimes de violences dépistées
2. Questionnaires
a. Caractéristiques de la population
b. Représentation et opinion des professionnels face aux violences
c. Expérience des professionnels
d. Le dépistage systématique
e. Résultats croisés
Discussion
A. Forces et faiblesses de l’étude
1. Limites de l’étude
2. Points forts de l’étude
B. Principaux résultats
C. Comparaison des résultats aux données de la littérature
1. Etat des lieux des pratiques du dépistage des violences par les professionnels
2. Intérêts des professionnels pour le dépistage systématique
3. Position et représentation des professionnels face au dépistage systématique
a. Perception de leur rôle et implication
b. Quelle place pour la formation ?
4. Améliorer le dépistage systématique et le soutenir
a. Compétences nécessaires et évolution des pratiques
b. Quand et quelle question poser ?
c. La lutte contre les obstacles
5. Après le dépistage systématique
D. Propositions
Conclusion
Bibliographie
Annexes