Le rôle du Battle Royale dans le développement psychosocial de l’adolescent

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Le Battle Royale

Origine du Battle Royale

Le terme Battle Royale se définit comme un affrontement entre plusieurs adversaires dont un seul doit sortir vainqueur, les participants doivent s’éliminer entre eux afin d’être le dernier survivant. Avant d’être repris par l’univers du jeu vidéo, le terme est initialement employé pour désigner certains matchs de catch. Alliant sport de combat et performance théâtrale, les matchs Battle Royale consistent à réunir plusieurs dizaines de catcheurs sur un ring. Chaque participant doit éliminer les autres en les faisant sortir de l’aire de combat. Le dernier combattant alors présent sur le ring est déclaré vainqueur(10). Mais c’est à la fin des années 90 que le terme, utilisé dans la culture littéraire et cinématographique, va adopter les codes qui seront repris 17 ans plus tard par le jeu vidéo. Battle Royale est un roman japonais sorti en 1999 puis adapté en film en 2000(11). Dans un japon futuriste et dystopique, les adultes craignent les adolescents devenus violents et désobéissants. Une loi est alors votée : chaque année, une classe d’étudiants est envoyée sur une île afin de participer à un Battle Royale durant lequel les camarades de classe doivent s’éliminer en s’entretuant afin qu’il ne reste qu’un seul survivant. Quelques années plus tard, une série de romans puis de films reprend le même principe sans explicitement parler de BR : Hunger Games.

Principe du Battle Royale dans le jeu vidéo

Le principe de ce mode est simple : 100 joueurs se retrouvent parachutés sur un terrain de jeu, généralement une île, avec pour objectif d’éliminer les adversaires et devenir le dernier survivant. Chaque participant part à la recherche de ressources pour s’armer et se protéger puis affronte les autres joueurs dans un temps limité. A mesure que le temps s’écoule, le terrain de jeu accessible se restreint progressivement, concentrant les joueurs sur une zone de plus en plus réduite et augmentant ainsi l’intensité de la partie dans le final. Le BR se joue donc en ligne et réunit 100 participants pouvant jouer simultanément.

Le succès du Battle Royale

C’est en mars 2017 que ce mode connait son premier succès au sein du jeu vidéo avec la sortie de PlayerUnknown’s BattleGrounds© (PUBG©). Le jeu se veut réaliste et assez difficile avec une classification Pan European Game Information (PEGI) 16 déconseillant le jeu au moins de 16 ans. Il s’adresse préférentiellement à un public adolescent ou adulte. L’originalité du concept, la rapidité et l’intensité des parties ainsi que le renouvellement fréquent du contenu du jeu attirent les joueurs du monde entier faisant de PUBG© un véritable succès qui devient, en seulement quelques mois, le jeu réunissant le plus grand nombre de joueurs en simultané(12,13). L’éditeur du jeu revendiquait 400 millions de joueurs à l’été 2018(14).
En septembre 2017, le monde du jeu vidéo se retrouve bouleversé par le BR avec la sortie d’un nouveau jeu : Fortnite Battle Royale©. Initialement disponible sur PC et console puis sur mobile quelques mois plus tard, Fortnite© allie jeu de survie, propre au concept de BR, et jeu de construction. En effet, il est ici possible de récolter des ressources sur la zone de jeu et bâtir ses propres défenses pour se protéger des assaillants et prendre l’avantage sur ses adversaires, la victoire nécessite ici plus de créativité. En quelques mois, Fortnite© atteint un niveau de popularité dépassant celui de PUBG©. Revendiquant 200 millions de joueurs 1 an après sa sortie, l’ascension fulgurante de Fortnite© s’explique de plusieurs façons(15–17) :
– L’ajout d’un mode construction : comme mentionné plus tôt, il permet au jeu de se démarquer de ses concurrents. Les jeux de construction (comme Minecraft©) ont connu un important succès au cours des années 2010, l’ajout d’une telle fonctionnalité permet d’attirer un public plus large.
– Le free-to-play : Fortnite Battle Royale© est un jeu gratuit à l’acquisition, le joueur ne doit ni payer pour l’obtenir, ni payer pour y jouer en ligne contrairement à son concurrent direct. Du contenu payant facultatif est disponible au sein du jeu mais à visée purement esthétique (nouveaux skins, c’est-à-dire de nouvelles apparences de personnages). Payer n’améliore en rien les performances dans le jeu, les joueurs se retrouvent ainsi sur le même pied d’égalité.
– L’esthétique cartoonesque : avec ses graphismes très colorés, ses constructions défiant les lois de la gravité et ses personnages caricaturaux, Fortnite© ne mise pas sur le réalisme mais sur un univers plus enfantin et une violence édulcorée attirant un public plus jeune.
– Une jouabilité simplifiée : La prise en main du jeu est en effet accessible aux joueurs confirmés comme aux néophytes.
– Un éditeur à l’écoute de la communauté de joueurs : l’équipe de créateurs prend en compte les remarques des joueurs et apporte des modifications aux jeux en fonction de ces dernières.
– Des mises à jour fréquentes : le jeu est en perpétuelle évolution avec des modifications quasi quotidiennes limitant le risque de lassitude.
Fortnite Battle Royale© bat à son tour le record du jeu réunissant le plus grand nombre de joueurs en simultané (10,7 millions en février 2019(18)) et gagne encore en popularité lorsque des célébrités y font référence. Ainsi on a pu voir Antoine Griezmann, footballeur français, célébrer ses buts par un mouvement inspiré du jeu ou bien encore le rappeur canadien Drake jouer en direct avec un célèbre joueur professionnel battant ainsi le record d’audience de la plateforme Twitch©, site internet spécialisé dans la diffusion de contenu en lien avec le jeu vidéo(15). Autre indicateur de la popularité de cette pratique : l’organisation de la première coupe du monde dédiée à Fortnite© durant l’été 2019 dotée de 30 millions de dollars de gain à partager entre les meilleurs participants et ouverte à tous les joueurs de plus de 13 ans. Les éditeurs de jeu ayant perçu cet engouement sans précédent, de multiples jeux reprenant le principe du BR se retrouvent sur le marché. L’un des derniers en date, Apex Legends© sorti en février 2019, comptabilise 25 millions de joueurs une semaine après sa sortie. Par comparaison, PUBG© atteignait ce cap neuf mois après sa sortie. Le BR devient alors l’un des modes de jeu les plus joués et les plus regardés au niveau mondial.

Le Battle Royale et le streaming de jeux vidéo

Le streaming est une technique de transmission de contenus audiovisuels sur internet sous la forme d’un flux continu diffusé en direct ou en différé. Il permet d’écouter ou de regarder un contenu sans nécessiter son téléchargement préalable. De nombreux sites internet utilisent cette technologie pour du contenu audiovisuel comme Youtube© ou encore Netflix©. D’autres, comme Spotify© ou Deezer©, l’utilisent pour du contenu audio et d’autres encore pour du jeu vidéo, ce qui est le cas de Twitch©(19). Cette pratique, complémentaire du jeu chez un grand nombre de joueurs, vient s’ajouter au temps accordé à cette activité de loisirs. En termes de contenu, le streaming de jeux vidéo propose des émissions spécialisées d’information ou de divertissement. En outre, il propose des parties retransmises en direct et pouvant être suivies par des milliers voir des millions de spectateurs. Les sites de diffusion spécialisés dans le jeu vidéo peuvent s’imaginer comme une offre télévisuelle avec des milliers de chaînes parallèles pouvant être régies aussi bien par un adolescent seul dans sa chambre, que par d’importants groupes de production audiovisuelle gérant des tournois internationaux. Les joueurs se filment en train de jouer et les spectateurs assistent à la fois à la partie et aux réactions du joueur.
Une activité de plus en plus répandue et populaire (la chaine Youtube© ayant le plus d’abonnés à l’échelle mondiale, PewDiePie, est consacrée au jeu vidéo) qui s’explique par l’intérêt porté par les joueurs à cette pratique : on peut tout autant assister à des compétitions de haut niveau professionnel, à la mise en scène d’affrontements entre joueurs célèbres, qu’à la vidéo d’un joueur amateur faisant découvrir le jeu ou en faisant la critique tout en le parcourant en direct.
Un autre point essentiel est l’accessibilité du streaming de jeu vidéo. En effet, les sites proposant les diffusions sont nombreux, populaires et gratuits. L’accès est donc simple pour les spectateurs mais aussi pour les joueurs qui, équipés d’une connexion internet et d’une caméra, diffusent leurs parties sur ces sites. Cette activité peut même être rémunérée, par les sites de diffusion et la publicité, pour les joueurs les plus regardés et accumulant le plus de vues sur leurs vidéos.
Enfin, le streaming de jeu vidéo peut-être source d’échanges et d’interactions sociales. Les spectateurs peuvent communiquer avec le joueur via une messagerie instantanée mais aussi directement retrouver le joueur dans une partie(20). Début 2019, les jeux les plus populaires sur les sites proposant ce service sont les BR.

L’adolescence

Définition de l’adolescence

« Adolescence » provient du latin adolescere : grandir (adolescens : qui est en train de grandir)(21). Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), l’adolescence se définit par la période de croissance et de développement humain qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte, entre les âges de 10 et 19 ans(22). Période marquée par la puberté et la croissance staturale, c’est au cours de ces années que de multiples changements interviennent sur le plan physique, cognitif et psychologique. L’adolescence constitue une période de transition et de maturation déterminante dans le développement de la personnalité future, elle est propice à l’apprentissage de nouvelles compétences mais s’accompagne d’une vulnérabilité comportementale et émotionnelle. On peut distinguer trois étapes lors de l’adolescence, chacune caractérisée par une évolution physique, cognitive et psychologique.

Le développement physique, cognitif et psychologique

Le début de l’adolescence

On estime que l’adolescence débute avec la puberté, vers 10-12 ans chez les filles et 11-13 ans chez les garçons. C’est au cours de ces premières années que la métamorphose physique débute avec le développement des caractères sexuels primaires et secondaires. La croissance staturale s’accélère, modifiant le rapport au monde de l’adolescent.
Sur le plan psychologique, cette étape marque l’initiation du second processus de séparation-individuation (Blos, 1979), concept psychanalytique faisant suite, après une période de latence durant l’enfance, au premier processus de séparation individuation de la petite enfance (Mahler, 1968)(23). Il marque l’acquisition par l’adolescent de son statut d’individu et d’une identité stable en se différenciant des autres et notamment des membres de sa famille. L’adolescent accède progressivement à l’autonomie, cherche l’isolement et l’intimité et se rapproche de son groupe de pairs auquel il s’identifie. Ce processus peut être source de conflit avec les parents, la recherche d’autonomie pouvant s’accompagner de tests concernant les règles et les limites jusqu’alors respectées. Il peut aussi exister un décalage entre la progression de la maturation physique et de la maturation psychologique source de questionnements et d’angoisses difficiles à verbaliser. Le rapprochement avec ses amis traversant les mêmes difficultés et constituant son groupe de pairs lui permet de se rassurer et d’atténuer ses doutes quant aux transformations physiques.
Sur le plan cognitif, les intérêts intellectuels se développent, l’intelligence opératoire formelle apparait, permettant un raisonnement par hypothèse et déduction. Enfin, les réflexions sociétales sont plus approfondies(21,24).

La mi-adolescence

De 13 à 17 ans, l’adolescent intègre les derniers changements pubertaires et poursuit sa croissance staturale. C’est lors de cette phase, source de vulnérabilité, que débute la subjectivation, l’expérimentation et les prises de risque qui peuvent en découler.
Sur le plan psychologique, la poursuite du processus de séparation accentue la distance mise avec ses parents. C’est à cet âge que débute le processus de subjectivation, l’adolescent cherche à construire sa propre identité, à savoir qui il est. C’est au cours de ce processus de construction de soi qu’interviennent l’expérimentation et la prise de risque associées à un sentiment d’invulnérabilité qui contrastent avec un manque de confiance en soi. Cette étape s’accompagne de mouvements paradoxaux envers ses parents, la société ainsi que son groupe de pairs. L’adolescent a besoin de s’identifier à des modèles pour se construire tout en ayant conscience qu’il doit se démarquer des autres pour être lui-même. Sa capacité à exprimer ses émotions s’améliore, il commence à expérimenter les sentiments amoureux et voit son intérêt pour la sexualité augmenté.
Sur le plan cognitif apparait la logique des propositions donnant accès à des capacités de raisonnement plus évoluées. L’adolescent augmente sa capacité d’abstraction (ou pensée abstraite) et développe un intérêt pour le raisonnement intellectuel, sociétal et sur le sens de la vie(21,24).

La fin de l’adolescence

De 17 à 19 ans, l’adolescent termine sa croissance staturale et acquiert une stabilisation identitaire.
Sur le plan psychologique, cette étape est marquée par une affirmation prononcée de l’identité et notamment de l’identité sexuelle. L’adolescent s’intéresse aux autres et à leurs désirs, stabilisant ses relations affectives et sexuelles. Il acquiert une plus grande stabilité émotionnelle et une plus grande confiance en soi. Il augmente son indépendance tout en conservant des rapports importants avec son groupe de pairs.
Sur le plan cognitif, sa capacité à mener un raisonnement est complète, il se préoccupe pour son avenir et poursuit le développement de son intérêt pour le raisonnement intellectuel et sociétal(21,24).

L’adolescence, une période à risque

Comme nous l’avons vu, l’adolescent, pour se construire, présente une phase d’expérimentation ainsi qu’un désir majeur d’intégration au sein du groupe de pairs. Ces situations peuvent être source de vulnérabilité et de prise de risque. Cela s’explique en partie par les étapes du développement cérébral se déroulant durant l’adolescence. Le cortex préfrontal, lieu de contrôle des fonctions exécutives incluant la planification, la régulation émotionnelle, la prise de décision et la conscience de soi, se développe dès le plus jeune âge et jusqu’à la fin de l’adolescence, pouvant expliquer l’amélioration progressive du contrôle de soi. Le système limbique, responsable du traitement de la récompense, de l’appétit et de la recherche du plaisir, se développe plus précocement lors de l’adolescence. On observe alors une différence de maturité entre ces deux systèmes. Ce décalage est maximal lors du début de l’adolescence et de la mi-adolescence. Il favorise les comportements dirigés par l’émotion et la récompense et entraine une vulnérabilité chez l’adolescent qui orientera sa décision en fonction de la récompense attendue plutôt qu’en fonction des risques. Cette minimisation du risque est d’autant plus accentuée par la pression du groupe de pairs(21,25). C’est ainsi qu’au cours de cette période de vulnérabilité, l’adolescent peut expérimenter des substances ou comportements addictifs, avoir des pratiques sexuelles à risque, être victime de pratiques sexuelles non consenties ou bien encore victime d’accident de la voie publique, la première cause de mortalité chez les 15-24 ans étant les accidents de transports(26).

Pratique du jeu vidéo chez les adolescents

Comme vu précédemment, les adolescents représentent l’une des tranches de la population la plus consommatrice de jeux vidéo. En reprenant les études du SELL de 2018, du centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) de 2015 et de l’observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) de 2014 (6,27,28), on peut décrire les habitudes de consommation de cette activité par les adolescents :
– Plus de 7 français sur 10 jouent aux jeux vidéo, les plus consommateurs sont les adolescents, suivi par les jeunes adultes puis les enfants (80% des 6-9 ans interrogés déclaraient jouer dans l’étude de 2015)
– Au collège, 94% des garçons et 84% des filles jouent aux jeux vidéo au moins 1 fois par semaine. Au lycée, on note une légère baisse avec 92% des garçons et 78% des filles
– Selon l’étude de l’OFDT, réalisée sur une population majoritairement parisienne au profil social favorisé, les adolescents ont un large accès à cette activité avec en moyenne, 11 écrans au domicile. Les supports les plus utilisés par les adolescents sont la console de jeu, l’ordinateur et le téléphone mobile.
– 1 joueur sur 2 déclare jouer quotidiennement. Le pourcentage atteint 56% chez les 6-14 ans dans l’étude de 2015. Le temps de jeu moyen par session est estimé à 1h48 par les 10-14 ans et monte jusqu’à 2h33 pour les 15-24 ans. Les enfants et jeunes adolescents jouent plus fréquemment le weekend et en journée, tandis que 18% des 15-24 ans ont tendance à jouer au-delà de minuit.
– Concernant le contexte social de jeu, les 10-14 ans jouent autant en famille qu’entre amis et jouent rarement seuls, ils sont aussi 18% à déclarer jouer avec d’autres joueurs que des amis ou de la famille. Les 15-24 ans représentent la tranche d’âge qui joue le moins souvent en famille et le plus souvent entre amis ainsi qu’avec des inconnus.
– Concernant les motivations, les plus fréquemment citées par les adolescents sont le divertissement et l’activité passe-temps sans différence par rapport au reste de la population de joueurs. De 10 à 24 ans, les joueurs sont plus nombreux à estimer que le jeu vidéo permet de créer de la convivialité (30%), qu’il permet de se mesurer à d’autres joueurs (30%), de resserrer les liens avec les autres (21%), d’augmenter la confiance en soi (20%) et qu’il permet de rencontrer d’autres personnes (19%). Les 15-24 ans citent plus fréquemment la stimulation de l’imagination (40%), l’épanouissement (32%) et l’amélioration de la réactivité (28%).
– Pour s’informer sur les jeux vidéo, les adolescents sont les plus nombreux à échanger avec leurs amis (60% des 10-14 ans et 51% des 15-24 ans) et visionner des vidéos sur le sujet sur des sites de streaming (28% des 10-24 ans).
– En 2015, 69% des 15-24 ans connaissent le streaming de jeux vidéo et 38% en regardent, ils représentent la tranche d’âge la plus consommatrice de cette activité. Ils regardent majoritairement ces vidéos pour se divertir tandis que les 10-14 ans s’en servent pour s’informer sur les jeux avant une décision d’achat.
– Dans l’étude 2015, des profils de joueurs sont définis : les joueurs les plus consommateurs sont dénommés joueurs passionnés ce qui correspond à une activité quotidienne avec des sessions d’au moins une heure ou une activité hebdomadaire avec des sessions d’au moins deux heures. 44% des joueurs de l’étude rentrent dans ces critères. Ce sont majoritairement des hommes, entre 15 et 24 ans, qui jouent plus fréquemment aux jeux de rôle et en ligne avec un budget jeu vidéo plus élevé. Leurs sessions de jeu sont en moyenne de trois heures, ils jouent à tout moment de la journée mais aussi la nuit pour 18% d’entre eux. Les passionnés sont les joueurs qui partage le moins cette activité en famille.
La pratique du jeu vidéo chez l’adolescent semble faire écho au processus de développement vu précédemment. C’est durant cette période de recherche d’intimité, d’isolement et d’intégration au groupe de pairs, que l’activité est moins partagée avec la famille qu’avec les amis. Ce constat semble appuyé par les motivations des joueurs adolescents qui recherchent une convivialité et un resserrement des liens d’amitié mais aussi de ceux qui voient dans le jeu vidéo un moyen d’épanouissement et de gain de confiance en soi dans cette période de vulnérabilité et de doute.

Impact du jeu vidéo sur la santé

L’addiction aux jeux vidéo : une pathologie controversée

Définition de l’addiction

C’est en 1990 que le psychiatre américain Aviel Goodman définit l’addiction comme « un processus par lequel un comportement, qui peut fonctionner à la fois pour produire du plaisir et pour soulager un malaise intérieur, est utilisé sous un mode caractérisé par l’échec répété dans le contrôle de ce comportement et la persistance de ce comportement en dépit de conséquences négatives significatives »(29). L’impuissance et la perte de contrôle sont au centre de cette définition. L’American Psychiatric Association (APA) propose en 2013, dans la 5ème édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5), une liste de 11 critères permettant de retenir le diagnostic d’addiction à une substance lorsqu’au moins deux de ces critères sont présents sur une période d’au moins douze mois(30) (Annexe 2).
Les symptômes de l’addiction peuvent être regroupés en trois catégories :
– Des symptômes comportementaux dans lesquels on retrouve les tentatives d’arrêt infructueuses et la perte de contrôle sur la substance ou le comportement.
– Des répercussions psychosociales comme l’isolement, des problèmes financiers ou des conséquences néfastes sur la vie scolaire, professionnelle ou familiale.
– Des symptômes pharmacologiques comme le sevrage ainsi que la tolérance définie par la perte d’effet à même dose de substance et la nécessité d’augmenter les doses pour obtenir le même effet.
Il existe deux types d’addictions : les addictions à une substance psychoactive (tabac, alcool, cannabis, etc.) et les addictions comportementales (jeu de hasard et d’argent, internet, etc.). Dans cette dernière catégorie, seule l’addiction au jeu de hasard (ou jeu pathologique) est reconnue par l’APA dans le DSM-5 comme une pathologie psychiatrique. L’addiction aux jeux vidéo apparait dans ce manuel mais en tant qu’entité clinique nécessitant des études supplémentaires.

Définitions du trouble du jeu vidéo

L’addiction aux jeux vidéo est reconnue par l’OMS depuis 2018 dans sa classification internationale des maladies (CIM) sous le nom de trouble du jeu vidéo. Il est défini comme « un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables. » Pour que ce trouble soit diagnostiqué en tant que tel, le comportement doit être d’une sévérité suffisante pour entraîner une altération non négligeable des activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles ou d’autres domaines importants du fonctionnement, et en principe, se manifester clairement sur une période d’au moins 12 mois(31).
L’addiction aux jeux vidéo est aussi définie dans le DSM-5 sous le nom d’Internet Gaming Disorder (IGD) dans la section 3 du manuel correspondant aux entités cliniques nécessitant des recherches supplémentaires. La définition retenue est composée de neuf critères combinant des éléments de l’addiction à une substance et des éléments du jeu pathologique :
– Préoccupation concernant le jeu sur internet
– Symptômes de sevrage lorsque le jeu sur internet n’est pas accessible
– Besoin de consacrer une quantité croissante de temps au jeu sur internet pour obtenir la même satisfaction (tolérance)
– Tentative infructueuse de contrôler l’utilisation du jeu sur internet (impuissance)
– Perte d’intérêt pour des activités de loisirs antérieures à cause du jeu sur internet
– Utilisation excessive du jeu sur internet malgré la connaissance d’effets psychosociaux négatifs (perte de contrôle)
– Mensonge auprès de l’entourage pour dissimuler l’ampleur réelle des habitudes de jeu
– Utilisation du jeu sur internet pour soulager ou fuir une humeur dysphorique
– Compromission ou perte d’une relation importante, d’un emploi ou d’une opportunité d’éducation ou de carrière à cause de l’utilisation du jeu sur internet
Le diagnostic d’IGD requiert au moins cinq critères présents sur une période d’au moins un an.
L’APA précise en 2018 que ces critères peuvent être utilisés aussi bien pour le jeu en ligne que le jeu hors ligne malgré la dénomination claire d’internet dans l’appellation de cette entité. Il justifie ce choix par la prédominance de ce trouble chez les joueurs en ligne plutôt que chez les joueurs hors ligne(30).
Devant l’absence de consensus quant à l’existence d’une véritable addiction aux jeux vidéo, l’académie nationale de médecine recommande quant à elle le terme d’usage excessif des jeux vidéo, moins stigmatisant(32).

Prévalence du trouble du jeu vidéo

De nombreuses échelles sont utilisées pour diagnostiquer le trouble du jeu vidéo et définir sa prévalence. Une revue de la littérature réalisée en 2013 et regroupant 63 études, retrouve l’utilisation de 18 échelles différentes, certaines utilisant des critères se référant aux jeux vidéo, aux jeux vidéo en ligne ou encore à l’usage d’internet en général(33). Selon les auteurs, la majorité de ces échelles sont simples et rapides d’utilisation, elles possèdent une bonne cohérence interne et s’adaptent aux adolescents. Toutefois les auteurs mettent en évidence un manque de précision en termes d’usage en ligne ou hors ligne du jeu vidéo et en termes de temporalité (les questionnaires ne précisent pas la durée pendant laquelle les symptômes doivent être présents avant de pouvoir conclure à un trouble du jeu vidéo). Les résultats obtenus avec les différentes échelles ne sont pas systématiquement convergents, les auteurs recommandent une uniformisation et une standardisation de l’évaluation pour améliorer la prise en charge.
Dans les échelles couramment utilisées, on trouve :
– L’Internet Gaming Disorder Scale–Short-Form (IGDS9-SF)(34) composée de neuf questions reprenant les critères de l’IGD définis par l’APA (Annexe 3)
– La Game Addiction Scale (GAS) ou échelle de Lemmens, validée chez l’adolescent et composée de sept items(35).
– Le Problem Video Game Playing (PVP), validé chez l’adolescent et composé de neuf items(36) Compte tenu de l’absence de consensus sur la définition du trouble de l’usage du jeu vidéo et la multiplicité des modes d’évaluation, on retrouve une grande variabilité concernant la prévalence du trouble du jeu vidéo dans les différentes études :
– Une étude de 2014 regroupant 12 938 adolescents originaires de sept pays européens retrouve une prévalence de 1.6% en utilisant l’échelle AICAS-Gaming (Scale for the Assessment of Internet and Computer Game Addiction). Il existe des différences entre les pays avec une prévalence plus élevée en Grèce (2,6%) et plus faible en Espagne (0,6%)(37).
– Une méta-analyse de 2011 regroupant 30 articles et 3 thèses estime cette prévalence à 6%. Les auteurs de cette analyse remettent en cause la fiabilité de ce chiffre compte tenu de différences méthodologiques parfois importantes entre les études et estiment que ce chiffre est probablement surévalué dans les études basant leurs critères diagnostics sur ceux du jeu pathologique. En utilisant les études basant leurs critères plus spécifiquement sur le jeu vidéo, la prévalence diminue à 3.1%(38).
– En 2017, une étude réalisée aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Allemagne et utilisant les critères diagnostics de l’IGD montre que 65% de l’échantillon ne présente aucun des neufs critères de l’IGD, 2.4% présente au moins cinq critères et moins de 1% présente plus de 5 critères tout en exprimant une souffrance en lien avec le jeu vidéo(39).
– En 2014, aux Pays-Bas, une étude réalisée sur une population de 8478 adolescents, à l’aide du Video game Addiction Test (VAT) retrouve une prévalence plus fréquente du trouble du jeu vidéo chez les garçons (5% contre 1% chez les filles) et chez les utilisateurs de jeux vidéo en ligne, notamment les MMORPG(40).
– Plus récemment, en 2018, une revue de la littérature de 51 articles traitant de l’IGD chez l’enfant et l’adolescent met aussi en évidence les disparités de la prévalence en fonction de l’échelle d’évaluation utilisée. Elle confirme de plus les résultats précédemment cités, à savoir une prévalence plus élevée chez les garçons et chez les joueurs de jeux en ligne (MMORPG et jeux d’action)(41).
– En 2015, une étude scandinave adapte une échelle d’évaluation de l’IGD en deux versions afin qu’elle puisse être utilisable chez l’adolescent et chez leurs parents. Ainsi l’évaluation par les adolescents retrouve une prévalence de 1.3% tandis que l’évaluation par les parents du comportement de leur enfant retrouve une prévalence de 2.4%, différence statistiquement significative(42).

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Table des matières

Introduction
I – Le jeu vidéo
II – Le Battle Royale
III – L’adolescence
IV – Impact du jeu vidéo sur la santé
V – Objectif de l’étude
Matériel et méthode
I – Choix de la méthode
II – Critères d’inclusion, d’exclusion et mode de recrutement
III – Déroulement des entretiens
IV – Analyse des données
V – Cadre légal et conflit d’intérêt
Résultats
I – Caractéristiques des participants
II – Le rôle du Battle Royale dans le développement psychosocial de l’adolescent
III – La cohabitation du virtuel et du réel
IV – Un phénomène miroir de notre époque et de notre société
Discussion
I – Discussion autour de la méthodologie de l’étude
II – Comparaison des résultats aux données scientifiques actuelles
III – Discussion des principaux résultats
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 – Lexique du jeu vidéo et du Battle Royale
Annexe 2 – Critères d’addiction à une substance selon le DSM-5 (2013)
Annexe 3 – Internet Gaming Disorder Scale–Short-Form (IGDS9-SF) (Pontes & Griffiths,2015)
Annexe 4 – Fiche d’informations destinée à l’intervenant et à ses parents dans le cadre d’une participation à une étude scientifique
Annexe 5 – Formulaire de consentement pour la participation à l’étude de recherche scientifique destiné à l’intervenant majeur
Annexe 6 – Formulaire de consentement pour la participation à l’étude de recherche scientifique destiné aux parents
Annexe 7 – Version finale du guide d’entretien
Annexe 8 – Retranscription des entretiens

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