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Le conditionnement
Il existe deux grands types de conditionnement en allogreffe de CSH : le conditionnement myéloablatif et le conditionnement d’intensité réduite 31, 33.
Le conditionnement myéloablatif :
Le conditionnement dit myéloablatif conventionnel consiste à détruire, dans un premier temps, les cellules tumorales du receveur par une chimiothérapie et/ou une radiothérapie à forte intensité avant d’injecter les cellules souches saines d’un donneur. On a donc un effet myéloablatif et immunosuppresseur. La toxicité de ce type de conditionnement est importante (mucite, aplasie prolongée, maladie veino-occlusive…) rendant ce traitement inadapté aux personnes de plus de 50-55 ans et/ou ayant des comorbidités.
Le conditionnement d’intensité réduite :
Réduire l’intensité du conditionnement a pour principal objectif de diminuer la toxicité et donc la mortalité liées à la greffe ; l’effet anti-tumoral repose alors moins sur le conditionnement que sur l’effet GVL. Le conditionnement n’étant pas totalement myéloablatif, les cellules hématopoïétiques du receveur et du donneur cohabitent initialement, créant un chimérisme hématopoïétique. Il est maintenant bien démontré qu’un chimérisme mixte qui persiste est associé à une augmentation du risque de rechute chez les patients greffés. Il doit être converti en chimérisme complet du donneur, notamment par l’injection de lymphocytes du donneur (DLI) afin favoriser l’effet GVL.
Ces trois caractéristiques, à savoir la faible toxicité du conditionnement, la présence d’un chimérisme mixte transitoire et la myélo-suppression transitoire définissent les conditionnements à intensité réduite. Cette procédure a montré une réduction considérable de la morbidité à court terme et de la mortalité non liée à la rechute rendant cette thérapeutique accessible à des patients qui ne pouvaient en bénéficier auparavant.
Réaction du greffon contre la leucémie ou contre la tumeur (GVL ou GVT)
Outre les cellules présentatrices d’antigènes, les cellules immunitaires impliquées dans l’effet GVL sont principalement les lymphocytes T CD4 et CD8 et les cellules NK. Les antigènes cibles sont principalement les antigènes mineurs d’histocompatibilité, et les peptides polymorphiques présentés par les molécules HLA des cellules du receveur. L’immunogénicité des antigènes mineurs d’histocompatibilité résulte le plus souvent d’un polymorphisme d’un ou de quelques nucléotides dans les gènes homologues du donneur ou du receveur 34. Lorsque les lymphocytes T du donneur réagissent contre un antigène mineur d’histocompatibilité du receveur largement exprimé tant sur ses cellules hématopoïétiques que sur les cellules endothéliales, ils causent non seulement non seulement un effet de la greffe contre la tumeur mais également une GVH. En revanche, lorsque les lymphocytes T réagissent contre un antigène mineur d’histocompatibilité exprimé uniquement à la surface des cellules hématopoïétiques du receveur, ils induisent un effet de la greffe contre la tumeur, particulièrement dans le cadre des greffes haploidentiques chez les patients atteints de leucémie myéloïde aiguë dont les cellules n’exprimaient pas la molécule HLA-C nécessaire à l’engagement du récepteur inhibiteur (Killer Inhibitory Receptor [KIR]) des cellules NK du donneur . La production d’anticorps par les lymphocytes B a également été associée à un effet de la greffe contre la tumeur. Plus spécifiquement, la présence d’anticorps contre des gènes exprimés par le chromosome Y chez des patients chez des patients masculins ayant reçu une greffe d’un donneur féminin est associée à une diminution du risque de rechute et à une augmentation du risque de GVH chronique 35.
Complications
Complications infectieuses
Trois phases d’immunodépression entraînent une vulnérabilité spécifique vis-à-vis d’agents infectieux 36.
La première phase correspond à la période de neutropénie (polynucléaires neutrophiles inférieurs à 0,5 109/L) précédant la prise de greffe. Sa durée varie considérablement selon le type de conditionnement. Pendant cette période, le patient présente un déficit des fonctions phagocytaires. Il en résulte une susceptibilité accrue vis-à-vis des bactéries (bacilles gram négatif et cocci gram positif) et des champignons (en particulier Aspergillus) présents dans la flore du tube digestif, sur la peau ou de l’environnement du patient.
La deuxième phase survient après la prise de greffe et se poursuit les 3 premiers mois. Les fonctions phagocytaires sont restaurées mais il existe un déficit de l’immunité à médiation cellulaire, qui peut être accru par la survenue de GVH. Cette immunodépression entraîne une sensibilité particulière vis-à-vis des virus, en particulier le cytomégalovirus (CMV). Les infections à Aspergillus ou Pneumocystis jiroveci sont également fréquentes pendant cette période en l’absence de prophylaxie.
La troisième phase survient après le troisième mois. Il existe un déficit de l’immunité cellulaire et humorale pouvant être exacerbé par une GVH chronique. Le CMV, le virus varicelle-zona, les virus respiratoires, l’Epstein-Barr Virus (EBV) -responsable du syndrome lymphoprolifératif post-transplantation lié à l’EBV- et les germes encapsulés sont autant de germes potentiellement pathogènes pour le patient allogreffé.
Complications liées à la toxicité du traitement
– Complications d’origine endothéliale:
o La maladie veino-occlusive également appelée syndrome d’obstruction sinusoïdale du foie se présente cliniquement sous la forme d’un ictère et d’une hépatomégalie douloureuse et d’une rétention hydro-sodée avec prise de poids. Sur le plan anatomo-pathologique, l’événement initiateur correspond à une altération de l’épithélium des sinusoïdes hépatiques par la chimiothérapie (alkylants principalement) 37. Des événements thrombotiques puis une occlusion des ces sinusoïdes peuvent aboutir à une hypertension portale. Cette complication survient entre 8 et 14% des cas avec un conditionnement myéloablatif et dans moins de 2% des cas avec un conditionnement atténué 38 .
o La microangiopathie thrombotique liée à l’allogreffe de CSH, la pneumopathie interstitielle diffuse
– Complications au long terme : cancers secondaires, cataracte, stérilité.
Les conflits immunologiques
Le rejet :
La prise de greffe est définie par le premier des trois jours consécutifs au cours desquels le taux de polynucléaires neutrophiles est supérieur ou égal à 0,5.109/L. Le rejet de greffe est soit primaire soit secondaire après une prise de greffe initiale. Le rejet de greffe primaire est classiquement défini par une absence de prise de greffe 42 jours suivant la transplantation. Cette complication est rare. Les principaux facteurs de risque sont la faible richesse du greffon, les disparités HLA entre donneur et receveur, la présence chez le receveur d’un anticorps anti-HLA dirigé contre un antigène HLA présent chez le donneur, les greffes de fichier ou de sang de cordon, les greffes T-déplétées ainsi que les infections virales.
La maladie du greffon contre l’hôte (GVHD)
Elle correspond à une agression des organes du receveur par le système immunitaire et particulièrement les lymphocytes T du donneur. Fréquente, elle est à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité non négligeables. Son mécanisme d’action et sa présentation clinique sont différents selon son caractère aigu ou chronique (Fig.8).
Physiopathologie
Deux facteurs importants sont à considérer dans la physiopathologie de la GVHa : 1) une réaction inflammatoire exagérée médiée par les lymphocytes du donneur, lymphocytes qui réagissent de façon approprié dans un environnement étranger ; 2) les lésions, au niveau des tissus du receveur, dues à la pathologie sous-jacente, à des infections et/ou au conditionnement de l’allo-CSH. Les modèles murins ont été d’une grande importance dans l’identification de ce phénomène et les modèles canins ont permis, initialement, de développer des thérapeutiques prophylactiques de la GVHa43. Basée principalement sur ces expériences fondamentales, la GVHa peut être résumée en 3 étapes principales :
– (1) L’étape initiale de la GVHa est l’activation de cellules présentatrices d’antigènes (CPA) par les signaux de dangers exprimés par les lésions tissulaires (damage-associated molecular patterns, DAMPs) et / ou par des pathogènes (pathogen-associated molecular patterns, ou PAMPs ou lipopolysaccharide)4.
– (2) suivent l’activation, la prolifération, la différenciation et la migration des lymphocytes T du donneur.
– (3) ces lymphocytes T du donneur et autres effecteurs immuns induisent des lésions tissulaires. Les cytokines inflammatoires qui recrutent et induisent la prolifération de cellules effectrices immunes supplémentaires, perpétuent le cycle de l’alloréactivité et de l’inflammation au niveau des tissus endommagés44.
La disparité HLA
L’incompatibilité majeure HLA représente la principale cause de GVHa. L’identification d’un donneur HLA compatible n’étant pas possible pour chaque patient, de multiples études sur les incompatibilités HLA ont été réalisées. Plusieurs combinaisons d’incompatibilité HLA associées à un risque de GVHa sévère ont été identifiées45. Récemment, l’identification de substitutions d’acides aminés au niveau de la pochette captant l’antigène des molécules HLA de classe I HLA-B et HLA-C a été associée à un risque élevé de développement de la GVHa46. Cette étude suggère de sélectionner un donneur non-apparenté en évitant les substitutions d’acides aminés en position 99 et 116 de molécule HLA classe C et en position 9 de la molécule HLA classe B entre le receveur et le donneur. Les antigènes mineurs d’histocompatibilité (miHA) sont aussi impliqués dans la physiopathologie de la GVHa, en particulier lors d’une allogreffe avec un donneur compatible apparenté. Une des différences de miHA les mieux étudiées implique les réponses immunes contre les antigènes du chromosome Y développées lors de la combinaison d’une donneuse et d’un receveur de sexe masculin, faisant préférer la sélection d’un donneur masculin. La présence de miHA sur des chromosomes autosomes a aussi été décrite comme facteur de risque de développement d’une GVHD47. Finalement, les différences de combinaisons entre les récepteurs inhibiteurs des cellules NK (killer inhibitory receptor KIR) et les ligands des KIR entre le receveur et le donneur peuvent intervenir dans la physiopathologie de la GVHa ajoutant de la complexité à l’identification des déterminants antigéniques48, 49.
Déterminants non génétiques
Plusieurs déterminants non génétiques ont été identifiés, principalement des signaux de dangers, les DAMPs et/ou les PAMPs. Les DAMPS inclus les composants de la matrice extra-cellulaire (MEC), l’ATP et l’acide urique. L’héparine sulfate, composant de la MEC et agoniste du TLR4, peut promouvoir la réponse allo-immune des lymphocytes T. Elle est élevée dans la GVHa chez l’homme et dans les modèles murins, mais cette augmentation n’a pas été retrouvée au niveau des lésions tissulaires de GVH50. L’ATP relarguée par les cellules « en apoptose » est capable d’induire une réaction inflammatoire. De plus la neutralisation de l’ATP ou de son récepteur au niveau des cellules du système immunitaire, P2X7R, entraîne une diminution du développement de GVH dans des modèles expérimentaux51. L’acide urique peut aussi agir tel un DAMP par la production IL-1β médiée par l’inflammasome NLRP352. S’ajoutant aux signaux endogènes de dangers, les PAMPS associés aux infections virales et bactériennes participent au développement d’un milieu inflammatoire53. Cependant, certains PAMPS ne sont pas associés au développement de la GVHD. Ainsi, Hossain et al ont montré dans un modèle expérimentale de GVHD que la flagelline, composant des flagelles des bactéries et agoniste du TLR5, était associée à une diminution d’incidence de GVHD et participait à une meilleure reconstitution immunitaire54.
Les CPA capables de contribuer à la réaction de GVHD peuvent provenir de l’hôte ou du greffon. Ayant un rôle majeur dans l’initiation de la GVHD55, 56, les CPA du donneur représentent une cible intéressante dans la prévention de la GVHD. Cependant, Li et al ont montré, sur un modèle animal, que la déplétion de cellules dendritiques, des cellules de Langerhans et des cellules B de l’hôte n’empêchait pas le développement de la GVHD. De plus la déplétion des macrophages de l’hôte des organes lymphoïdes entraînait une exacerbation du développement de la GVHD, révélant un probable rôle protecteur57. Le rôle exact des différentes catégories de CPA restent donc à définir. Koyama et al ont montré un rôle majeur de CAP non-hématopoïétiques dans l’induction de la GVHD, avec une capacité 100 à 1000 fois supérieure aux CPA hématopoïétiques du donneur et du receveur.
2ème étape : activation des lymphocytes T du donneur
L’activation des lymphocytes T requiert deux types de signaux de stimulation. Premièrement, le récepteur des lymphocytes T (TCR) doit être engagé et reconnaître les antigènes dans un contexte HLA. Récemment, une population de lymphocytes T exprimant un double TCR, résultant potentiellement de processus aléatoire durant la sélection thymique, a été identifiée avec une alloréactivité majeure dans la GVHD chez l’homme58. Secondairement, un signal de co-stimulation par les CPA est nécessaire à l’activation des lymphocytes T qui acquièrent alors des fonctions effectrices. Plusieurs ligands/récepteurs de co-stimulation ont été décrits dans la physiopathologie de la GVHD, tels que B7/CD28/CTLA4, CD30/CD30L, CD40/CD40L, OX40/OX40L et ICOS/ICOS-L59. Après activation, ces lymphocytes T prolifèrent et migrent en réponse à un milieu inflammatoire60 et à l’activation de leurs récepteurs aux chémokines telles que CCR261, CCR562, CCR663 ou CCR764. L’expression de ces récepteurs varie selon les différentes populations de lymphocytes T dans le sang périphérique modifiant le homing de ces lymphocytes T activés à différents tissus. Ainsi, une diminution du nombre de lymphocytes T CCR6+ a été observée chez les patients présentant une GVHa due au homing de ces lymphocytes CCR6+ au niveau des tissus cibles CCL2065. De façon similaire, Avanzini et al ont montré une diminution de la proportion de lymphocytes T CD8+CD45RAβ7integrin+ chez les patients présentant une GVHa digestive66, bien qu’une augmentation de lymphocytes T mémoires CD8+α4β7integrin+ a aussi été décrite au cours de la GVHa67. Les lymphocytes T naïfs du donneur ont un rôle majeur dans la physiopathologie de la GVHa68, 69. Les lymphocytes T mémoire sont moins alloréactifs et ne semblent pas, à un tel degré, initier les manifestations de GVHD70-72. Cependant, les lymphocytes T mémoire participent à la poursuite de la GVHD73.
D’autres types cellulaires participent à la réaction inflammatoire de la GVHa, tels que les polynucléaires neutrophiles (PNN), les cellules NKT, les cellules NK, les cellules dendritiques plasmacytoïdes. Les PNN sont produits rapidement après allogreffe et sont des effecteurs secondaires dans la GVHa. Ils sont recrutés dans les organes cibles par des cytokines dont IL-874. Concernant les cellules NK, les études de bioluminescence ont montré une circulation et une prolifération similaire à ceux des lymphocytes T après infusion, bien que les cellules NK n’initiassent pas la GVHD dans ce modèle75. Le rôle des lymphocytes B est principalement décrit dans la pathogénèse de la GVH chronique76-79 ; quelques études ont rapporté une diminution d’incidence de GVHa après des greffes B déplétées80, 81.
D’autres types cellulaires agissent tels des suppresseurs de GVHa, diminuant l’inflammation et promouvant l’immuno-tolérance. Plusieurs études ont montré l’efficacité des lymphocytes T régulateurs (Treg) dans la prévention et traitement de la GVHa82-84. Les mécanismes suppressifs de Treg sont multiples parmi lequels la diminution de l’expression du TLR585, 86. Une autre population de lymphocytes CD4+, les cellules Th9, a récemment été décrit dans un modèle murin de GVHa87 . Les cellules Th9 sécrètent de l’IL-9 et diminuent la sécrétion d’interféron gamma (IFNγ) réduisant la réaction de GVHa tout en préservant l’effet du greffon contre la maladie (GVT). Leur implication dans la GVHa chez l’homme n’a pas été décrite. Les cellules myéloïdes suppressives (MDSC) peuvent atténuer la GVHa par de multiples mécanismes88, 89. Plusieurs équipes ont décrit les cellules iNKT (invriant NKT) comme facteur protecteur de développement de la GVHa90, 91.
L’activation des cellules immunitaires entraînent des cascades biochimiques intracellulaires induisant la transcription de gènes de nombreuses protéines, dont les chémokines, les cytokines et leurs récepteurs.
Les cellules Th1 et les cytokines associées (interféron γ, IL-1, IL-2, IL-6, IL-12 et TNFα) sont sécrétées en quantité importante pendant la GVHa.
– La production IL-2 par les lymphocytes T du donneur est une des cibles principales des thérapeutiques de la GVHa telles que la ciclosporine, le tacrolimus et certains anticorps. Cependant les données concernant le rôle de l’IL-2 sur les Tregs suggèrent que bloquer IL-2 peut aussi diminuer l’immuno-tolérance92, 93
– L’interféron γ (IFNγ) possède de multiples fonctions et peut amplifier ou réduire la GVH. Il peut accentuer ce phénomène en augmentant l’expression des molécules telles que les récepteurs des chémokines, les protéines du CMH, et les molécules d’adhérence. Il accentue aussi la sensibilité des macrophages et des monocytes aux stimuli tels que le LPS. L’IFNγ peut aussi amplifier la GVHa en endommageant directement l’épithélium du tractus digestif ou cutané. A l’inverse, cette cytokine peut diminuer la GVH en accélérant le processus d’apoptose des lymphocytes T activés94.
Plusieurs études ont montrée l’implication des cellules Th17, caractérisées par la production IL-17A, IL-17F, IL-21 et IL-22, dans la physiopathologie de la GVHa. Les études initiales ont rapporté que le manque de cellules du donneur de type Th17 favorisait la différenciation en Th1 et exacerbait la réaction de GVHa95. Le transfert adoptif de cellules polarisées in vitro Th17 entraînait l’apparition de GVHa léthale96, alors que la GVHa n’était pas modifiée quand la différentiation Th17 était abrogée pat la délétion du gène codant pour le facteur de transcription RORγt spécifique aux cellules Th17. Ces données démontrent que les cellules Th17 sont importantes mais non indispensables pour induire une GVHa.
Récemment, plusieurs études ont montré l’implication de l’IL-22 dans la physiopathologie de la GVHa. Le déficit d’IL-22 chez le receveur entraîne une augmentation de l’apoptose des cryptes intestinales, une déplétion des cellules souches intestinales et une perte de l’intégrité de l’épithélium intestinal97. Couturier et al ont montré, dans un modèle murin d’allogreffe, que le déficit de production d’IL-22 par les cellules T du donneur induisait une diminution de la sévérité de la GVHa tout en préservant l’effet du greffon contre la leucémie98.
3ème étape : phase effectrice induisant des lésions tissulaire
Les lymphocytes T cytotoxiques, les cellules NK, les cellules NKT et macrophages entraînent alors des lésions tissulaires en réaction, correspondant à la phase effectrice99. Les lymphocytes T cytotoxiques utilisent principalement la voie Fas/FasL dans la GVH digestives et la voie perforine/granzymes dans la GVHa cutané et hépatique100, 101. Les chémokines dirigent la migration des lymphocytes T du donneur depuis les tissus lymphoïdes vers les organes cibles qui vont être lésés.
Les cellules T ont été les principales cellules étudiées dans la GVHD et la plupart des traitements prophylactiques ou curatifs ont pour but de diminuer l’activité de ces effecteurs.
Durant la phase effectrice, le phénomène inflammatoire se majore rapidement induisant des lésions des tissus cibles. La cascade inflammatoire peut entraîner la sécrétion de biomarqueurs de la GVHa dans la circulation sanguine reflétant l’activation des cellules effectrices ainsi que les lésions tissulaires. Ces biomarqueurs tels que le CD30 sur les lymphocytes T activés102, elafin (spécifique de la GVHa cutanée)103, regenerating islet-derived 3-alpha (REG3α, spécifique de la GVH digestive)104, suppressor of tumorigenicity 2 (ST2, un membre de la famille des récepteurs de IL-1- fixant IL-33)105 peuvent même apparaître avant la survenue de signes cliniques et représentent de possibles facteur prédictifs de la gravité de la GVHa et de la réponse au traitement.
Implication de l’endothélium
Dans un modèle murin, des études ont montré que les cellules endothéliales pouvaient être une cible précoce de la réaction allogénique et qu’elles étaient détruites par un mécanisme d’apoptose médié par la ligation de Fas 106, 107. Ces lésions endothéliales n’étaient pas uniquement retrouvées dans les organes cibles classiques de la GVHa mais étaient retrouvées dans tous les organes étudiés. Ces données expérimentales étaient novatrices, puisque les cibles classiques de la GVHD aiguë sont les cellules épithéliales de la peau, du foie et du tube digestif. Ertault-Daneshpouy et al ont montré, chez l’homme, qu’il existait des atteintes endothéliales dans la GVHa digestive, et ces atteintes étaient corrélées à la sévérité de la GVHa touchant la microcirculation par une apoptose endothéliale, associée à des hémorragies péricapillaires dans les cas les plus sévères 108.
La très grande surface de l’endothélium en contact avec le flux sanguin a encouragé à rechercher des molécules spécifiques de l’endothélium endommagé relarguées dans le plasma. Plusieurs études ont montré une augmentation de molécules d’adhérence endothéliale (telle que ICAM-1) fortement exprimées après l’allo-CSH les molécules d’adhérence solubles (telle que la thrombomoduline) et les facteurs de croissance (le facteur de croissance hépatocytaire (HGF) et l’angiopoïétine 2 (ANG2)) dans la GVHa ou spécifiquement dans la GVHa réfractaire aux corticostéroïdes ont été étudiées 109-111. Récemment, Rachakonda et al ont étudié sept polymorphismes nucléotidiques (SNP) de la thrombomoduline chez plus de 600 patients allogreffés112. Cette étude met en évidence le pouvoir prédictif des SNP de la thrombomuduline concernant la mortalité liée à la GVHD mais pas la survenue de la GVHa. Ces résultats sont en faveur de l’implication des cellules endothéliales en particulier dans la GVHa réfractaire.
Traitement initial de la GVHa
Le traitement de première ligne établi pour les patients nécessitant un traitement systémique est la corticothérapie à la dose journalière de 2 mg/kg141. Cependant une dose inférieure de 1mg/kg ne semble pas d’efficacité inférieure pour les GVHa de grade I/II142 permettant ainsi d’éviter les effets secondaires de la corticothérapie. La détermination du statut de la réponse à la corticothérapie doit être réalisée dans les jours suivant l’initiation du traitement, de 7 à 10 jours en cas de non-réponse et même de 4-5 jours en cas de progression143. Alousi et al ont testé dans l’étude BMT CTN 0302, en première ligne de traitement de la GVHa, l’association d’une des quatre drogues associées aux corticostéroïdes : l’etanercept, le MMF, la denileukin diftitox ou la pentostatine144. Dans cette étude, le taux de réponse complète à 28 jours de traitement était de 60% pour le MMF, 26% pour l’etanercept, 53% pour la denileukin et 38% pour la pentostatine. Cependant, l’étude de phase III comparant corticostéroïdes plus MMF et corticostéroïdes plus placebo n’a pas permis de montrer un intérêt de l’ajout du MMF. De plus, l’utilisation du MMF était associée à plus d’épisode de leucopénies145. A l’heure actuelle, quelques études de phase I/II sont en cours telles qu’un essai testant le cannabidiol (NTC01596075), et pour les GVH grade III/IV un essai clinique testant un nouvel inhibiteur d’histone déacétylase LBH589 (NCT01111526).
Traitement de la GVHa réfractaire ou dépendante des corticostéroïdes
La prise en charge de la GVHa réfractaire ou dépendante aux corticostéroïdes, qui aboutit à l’escalade du traitement immunosuppresseur, demeure un problème majeur pour la communauté de l’allogreffe. Il n’y a pas de traitement standard établi. Différents traitements sont utilisés tels que les inhibiteurs du TNF, le MMF, la pentostatin, la denileukin diftitox, des anti-récepteurs de l’IL-2, des anti-récepteurs de l’IL-6, des anti-CD20 ou anti-CD52 146. Plusieurs études ont rapporté l’utilisation de la photophérèse extracorporelle147 et l’injection de cellules mésenchymateuses 148, 149. Les résultats restent cependant modestes avec des taux de réponse complète avoisinant les 20%. Les essais cliniques sur la GVH réfractaire actuellement en cours portent sur l’association du basiliximab et de l’infliximab (combinaison ciblant le récepteur de IL-2 et du TNFα , NCT01485055), le tocilizumab (ciblant le récepteur del’IL-6 , NCT01475162, NCT01757197), l’alpha-1 antitrypsine (NCT01523821, NCT01700036) et le brentuximab vedotin (NCT01596218).
Approches émergentes
De nouvelles approches thérapeutiques de la GVHa sont en cours de développement, principalement basées sur la meilleure connaissance sur le plan immunologique de la physiopathologie de la GVHa. Ces traitements incluent des molécules agissant sur une des étapes de la cascade de la GVHa, des thérapies à base de cytokines, ou des approches de thérapie cellulaire (infusions de Treg et autres populations) (Tableau IV).
Chémokines solubles et membranaires
A la suite du motif CXC, CC ou C en N-terminal, toutes les chémokines ont une structure de base commune, formée de 3 feuillets β et d’une hélice α en C-terminal qui constitue le domaine chémokinique. Seule CX3CL1 (fractalkine), ligand de CX3CR1, et la chémokine CXL16, ligand de CXCR6 possèdent un domaine chémokinique, un corps mucinique, un domaine transmembranaire qui fixe la molécule à la membrane plasmatique et un domaine cytoplasmique. Elles sont ainsi les seules chémokines capables de fonctionner comme molécule d’adhésion en se fixant directement à leurs récepteurs. Les autres chémokines dénuées de domaine transmembranaire sont sécrétées et fixées aux glucosaminoglycanes de la surface cellulaire. Elles constituent alors un gradient qui stimule l’expression des intégrines β sur les leucocytes en transit dans le flux sanguin exprimant les récepteurs de ces chémokines. Les cellules se fixent alors sur l’endothélium vasculaire et pénètrent ensuite dans les tissus.
Classification fonctionnelles des chémokines
Il est important de distinguer, deux types principaux de chémokines : d’une part celles à caractère inductible/inflammatoire, regroupant les molécules dont l’expression est régulée par des facteurs (LPS) et des cytokines (IL-1, TNF) pro-inflammatoires et participant au contrôle de l’immunité innée et adaptative ; d’autre part, les chémokines impliquées dans l’homéostasie, dont l’expression est constitutive et qui jouent un rôle déterminant dans l’architecture des organes lymphoïdes et la surveillance immunitaire régulant la circulation des lymphocytes et des cellules dendritiques. Un troisième groupe recoupe partiellement les 2 précédents (Tableau VI).
Le rôle des chémokines et leurs récepteurs dans la GVHa
Durant les différentes phases de la GVHa, les chémokines promeuvent et orchestrent le recrutement des cellules immunes telles que les CPA et les cellules effectrices vers les organes lymphoïdes secondaires. Différents études récentes ont montré que de nombreuses chémokines, CCL2, CCL5, CXCL1, CXCL9-11, CCL17 et CCL27 étaient surexprimées durant l’épisode de GVHa soulignant leur rôle pivôt pendant ce processus61, 63, 184-187. Les interactions entre les chémokines et leurs récepteurs pouvant être des cibles thérapeutiques potentielles, un intérêt croissant s’est donc porté sur ces molécules tant en recherche fondamentale que clinique.
Le rôle des chémokines et de leurs récepteurs dans la GVHa doit être envisagé selon les différents organes cibles ainsi que selon dans la période post-allogreffe en séparant ainsi les changements précoces et ceux tardifs. De plus, certaines chémokines ont aussi des propriétés de biomarqueurs188.
Un des principes fondamentaux du développement de la GVHa est l’interaction entre les CPA du receveur et les lymphocytes T du donneur dans les organes lymphoïdes secondaires. Les alloantigènes présentés aux lymphocytes T entraînent l’activation des lymphocytes T, leur prolifération et la génération de cellules effectrices. Les progéniteurs de cellules effectrices quittent alors les organes lymphoïdes secondaires et infiltrent les organes cibles de la GVHa189.
CCR7, qui est exprimé par les cellules dendritiques, les lymphocytes T naïfs et centraux-mémoire, est responsable de la recirculation de ces cellules dans les organes lymphoïdes en réponse à ses ligands CCL19 et CCL21 et exerce ainsi un rôle déterminant dans l’initiation de la GVHa64. D’autres chémokines, dont l’expression est augmentée dans les organes lymphoïdes après allo-CSH, tels que CCL2-5, CCL8, CCL12, CXCL9-11 sont potentiellement impliquées dans l’activation et le homing187, 190. Cependant, leurs rôles précis ne sont pas complètement définis.
Chémokines et GVHa digestives
Aussi bien pour l’implication physiopathologique que clinique, le système digestif est l’organe cible majeur de la GVHa. Les études se sont portées sur les mécanismes de régulation du trafic des lymphocytes T durant l’homéostasie et lors des conditions inflammatoires. CCR9 et son ligand CCL25 participent au recrutement des effecteurs cellulaires au niveau digestif en condition homéostatique ou inflammatoire191, 192. Hadeiba et al ont montré que les cellules dendritiques plasmacytoïdes CCR9+, migrant au niveau digestif en réponse à CCL25, avaient un rôle protecteur via l’induction de lymphocytes T régulateurs er supprimaient les réponses immunes antigènes spécifiques telles que la GVHa193.
L’association de CCR5 au développement de la GVHa a été décrite dans les études expérimentales mais aussi dans des études cliniques. La perte de fonction par délétion du nucléotide 32 (CCR5Δ32) chez les patients allogreffés était associée à une diminution d’incidence de GVHa. Plus précisément, la présence seule de la délétion chez le donneur n’avait pas d’incidence sur la GVHa, alors que la présence de ce génotype CCR5Δ32 chez le donneur et le receveur avait un effet hautement protecteur sur le développement de la GVHa, avec l’absence totale de GVHa chez ces 11 receveurs194. L’effet protecteur sur le développement de la GVHa dû à l’absence d’un récepteur CCR5 fonctionnel a aussi été démontré par Murai et al sur des modèles murins195. Ils ont décrit le rôle majeur de l’expression de CCR5 sur les lymphocytes T du donneur dans leur homing au niveau des plaques de Peyer. Les plaques de Peyer font partie intégrante des organes lymphoïdes secondaires, en particulier dans le priming et l’activation des lymphocytes T et de ce fait ont un rôle important dans la physiopathologie de la GVHa digestive. Il faut cependant noter dans cette étude que les souris ne recevaient pas de conditionnement et que des données contradictoires ont montré un taux supérieur de GVHa en utilisant ce modèle murin qui avait été irradié et recevait des cellules du donneur CCR5-187 . Dans l’étude de Buazzaoui et al, les niveaux d’expression de CCL4 et CCL5, dont le récepteur est CCR5, n’étaient pas significativement augmentés au niveau du tube digestif chez les patients allogreffés atteints de GVHa digestive196 alors que Mapara et al ont montré une augmentation de l’expression de CCL5 au niveau colique 6 jours après allo-CSH184.
Une autre cible thérapeutique potentielle dans la GVHa digestive est CXCR3. Mapara et al. ont démontré que la réalisation seule d’un conditionnement myéloablatif augmentait de façon significative mais pour une courte durée l’expression des ligands de CXCR3, en particulier CXCL10, au niveau colique184. Lors du développement d’une GVHa, l’augmentation de l’expression des ligands de CXCR3 se poursuivait pendant les 10 premiers jours mettant en évidence l’importance de la réponse de type Th1 dans la phase initiale de la GVHa. Le rôle des lymphocytes CD8 CXCR3+ dans le développement de la GVHa intestinale a été montré par Duffner et al197. Chez les animaux greffés avec des cellules T CD8+CXCR3-/-, l’expansion et l’accumulation des lymphocytes T dans la rate ainsi que leur infiltration du tractus digestif étaient diminuées entraînant une diminution de l’incidence de la GVHa et une réduction de la mortalité. Confirmant les précédents résultats, He et al ont montré que l’utilisation d’un anticorps anti-CXCR3 dans un modèle murin de GVHa humaine permettait de réduire l’incidence de la GVHa198.
Ueha et al. ont démontré le rôle spécifique des cellules du donneur exprimant CXC3L1 dans le recrutement des lymphocytes T CD8+ alloréactifs au niveau du tractus digestif après allo-CSH. Ils ont aussi rapportés que l’administration d’un anticorps anti-CX3CL1 diminuait l’infiltration de lymphocytes CD8+ au niveau intestinal mais pas au niveau hépatique199.
CCR6 a aussi été impliqué dans le recrutement des lymphocytes CD4+ alloréactifs au niveau des organes cibles de la GVHa. CCR6 semble jouer un rôle sur les cellules T effectrices t aussi régulatrices200.
Le rôle exact d’autres chémokines telles que CXCL16 ou des ligands de CCR2, reste à définir en raison de données contradictoires61, 201.
Chémokines et GVHa hépatique
La GVHa hépatique est caractérisée par une atteinte endothéliale, une infiltration lymphocytaire des aires portales et une péricholangite, aboutissant à l’extrême à la destruction des canalicules biliaires189. Comme précédemment décrit dans l’atteinte digestive de la GVHa, CCR1, le second récepteur des ligands de CCR5 CCL3-5, participe aussi aux lésions de GVHa hépatiques190. Cependant, il n’est pas établi si la réduction des lésions hépatiques en l’absence de lymphocytes CCR1+ du donneur est conséquente à une suppression générale de l’activation des lymphocytes T ou est co-médiée par l’atteinte des capacités migratoires en réponse des ligands de CCR1.
D’autres études ont montré que les lymphocytes T CD8+ infiltrant les lésions inflammatoires de la GVHa hépatique utilisaient non seulement CCR5 et CCR1 mais aussi CXCR3 et CXCR6. Les allogreffes, dans un modèle murin, de cellules T du donneur CXCR3-/CXCR3- ou l’utilisation de l’anticorps anti-CXCR3 permettaient de diminuer la survenue de lésions hépatiques197, 198. Satio et al ont décrit une différence nette des capacités migratoires des lymphocytes T CD8+ CXCR6-/CXCR6- au niveau hépatique après allo-CSH 209. D’ailleurs l’injection anti-CXCL16, ligand de CXCR6, permettait la diminution des lésions du tissu hépatique199.
Régulation de la synthèse membranaire de CX3CL1
L’expression de CX3CL1 augmente généralement en présence de cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1, le TNF-α, l’IFN-γ 220. La synthèse de CX3CL1 est régulée dans différentes types cellulaires, tels que les cellules endothéliales, les cellules dendritiques et les cellules épithéliales. L’expression de CX3CL1 par les cellules endothéliales est activée par les agonistes pro-inflammatoires, tels que le lipopolysaccharide, le TNF-α, le IFN-γ, et l’interleukine-1 (IL-1) 221. TNF-α et IL-1 augmentent l’expression de CX3CL1 par la voie de signalisation NF-kB (nuclear factor-kappa B), alors que l’IFN-γ utilise la voie JAKStat222. L’étude de Matsumiya et al montre que sur les cellules HUVEC (human umbilical vein endothelial cells) la combinaison des deux cytokines pro-inflammatoires, l’IFN-γ et TNF-α, joue un rôle dans la régulation post-transcriptionnelle de CX3CL1 et induit la stabilité de l’ARNm de CX3CL1 par l’activation de la voie de signalisation P38MAPK-MAPK activated protein kinase-2 223.
La forme membranaire de CX3CL1 est capable de capturer et de faire adhérer les leucocytes via son récepteur CX3CR1 indépendamment des intégrines. Dans des conditions inflammatoires, CX3CL1 est clivé à la surface par des métalloprotéases, devient soluble, peut se fixer au récepteur CX3CR1 et avoir des propriétés chémotactiques. 5 l’expression de CX3CL1 après une réoxygénation est liée à l’activation du facteur nucléaire NFkB, qui à son tour régule l’expression de nombreux gènes pro-inflammatoires.
Plusieurs études montrent que CX3CL1 est exprimée sur toutes les cellules dendritiques (CD) quel que soit le stade de différenciation. Cependant cette expression augmente chez les cellules dendritiques matures (CD83+ ou CMH-II+)221.
La forme transmembranaire de CX3CL1 est exprimée également par les cellules de l’épithélium cutané, colique (Lucas, Chadwick et al. 2001) et pulmonaire 224.
Régulation de l’expression membranaire de CX3CL1 par l’endocytose
Une étude récente montre que l’expression membranaire de CX3CL1 peut également être régulée par l’endocytose. La partie C-terminale de CX3CL1 et l’intervention des deux protéines clathrine et dynamine (protéines structurelles constituant l’enveloppe de certaines vésicules) sont essentielles pour l’endocytose de CX3CL1, ce qui protège son clivage par les métalloprotéases. Ce mécanisme d’internalisation n’est pas connu chez les autres chémokines et il permet à CX3CL1 d’être stockée et de garder un équilibre entre les compartiments intracellulaire et membranaire. Le stockage intracellulaire de CX3CL1 est important, ce qui permet au moment de l’inflammation une libération rapide de CX3CL1 à la surface membranaire, ce qui joue un rôle important dans l’adhésion des leucocytes 216.
Le récepteur de CX3CL1, CX3CR1
Historique et caractéristiques
En 1994, Harrison et al. caractérisaient chez le rat une molécule transmembranaire couplée aux protéines G (nommée RBS11) et possédant les caractéristiques structurales des récepteurs des chémokines225. Une année plus tard, deux groupes distincts identifiaient chez l’homme une protéine présentant plus de 80% d’homologie avec RBS11 et plus de 40% d’homologie avec les récepteurs aux chémokines de type CCR, ils nommèrent cette molécule V28/CMKBRL1 (chemokine beta receptor like 1) 226, 227. Ce récepteur est resté orphelin durant deux années jusqu’à ce que l’équipe de F. Bazan, cherchant à identifier de nouveaux membres de la famille des C chémokines, découvre l’existence de CX3CL1 210. CX3CR1 est constitué de 355 AA. Deux isoformes fonctionnelles de CX3CR1 ont été découvertes et sont obtenues après l’épissage alternatif du gène. Ces isoformes diffèrent par leur partie N-terminale plus ou moins longue. Le récepteur CX3CR1 et ses deux nouvelles isoformes montrent la même activité en ce qui concerne la liaison à CX3CL1 217.
Les études biochimiques d’interaction de CX3CR1 à son ligand ont montré que CX3CL1 se lie de façon spécifique avec une très forte affinité. CX3CR1 et a longtemps été considérée comme le seul récepteur de CX3CL1. Toutefois une étude récente montre que la chémokine Eotaxin/CCL26 peut être un autre ligand du récepteur CX3CR1. La CCL26 est un ligand pour le récepteur CCR3. Dans les maladies allergiques CCL26 peut jouer un double rôle en attirant les éosinophiles via CCR3 et les lymphocytes, les monocytes et les NK via CX3CR1228.
Site de production du récepteur CX3CR1
L’ARN messager de CX3CR1 est retrouvé dans plusieurs organes tels que le cerveau et les poumons, et il est exprimé à des niveaux très élevés dans les leucocytes et plus spécialement au niveau des neutrophiles, des cellules NK, des monocytes et des lymphocytes T CD4+ et CD8+ 229-231. L’expression de CX3CR1 a aussi été décrite au niveau des cellules dendritiques 232.CX3CR1 est également exprimé par les cellules épithéliales, les cellules endothéliales, les cellules microgliales de la moelle épinière, les cellules satellites des ganglions de la racine dorsale et par les cellules neuronales233. CX3CR1 a été détecté dans différentes types de cancer, y compris le cancers tels ceux de la prostate, du sein et du cancer du pancréas 234.
Signalisation et fonctions induites par CX3CL1
La signalisation induite par CX3CL1 sur CX3CR1 engendre une multiplicité de signaux, variant selon la forme de CX3CL1 et selon leur activité biologique (Fig.15).
Sous sa forme soluble, CX3CL1 exerce une puissante activité chimiotactique qui permet le recrutement des cellules exprimant le récepteur CX3CR1 aux sites d’inflammation par l’activation de différentes voies de signalisations p38 MAPK, JNK, ERK1/2 et AKT 235. De plus, CX3CL1 soluble peut encore elle-même augmenter le pouvoir d’adhésion des leucocytes par l’augmentation de l’expression de l’ICAM-1 (Inter-Cellular Adhesion Molecule 1) via l’activant la voie de signalisation JAK-STAT5 222.
Sous sa forme membranaire CX3CL1 est une molécule d’adhésion qui favorise la rétention des monocytes et des lymphocytes T dans les tissus 230, 236, 237. Cette adhésion s’effectue par une interaction de forte affinité entre la chémokine de CX3CL1 et CX3CR1. La tige mucine n’interagit pas directement avec le récepteur mais paraît essentielle pour la fonction d’adhésion. En outre, l’adhésion médiée par CX3CL1 est indépendante de la signalisation par les protéines G et ne passe pas par l’activation des intégrines leucocytaires. En effet, cette fonction est préservée lorsque le motif DRY de couplage aux protéines G de CX3CR1 est muté et en présence d’anticorps d’intégrines 238. Puisque l’on sait que les sélectines interagissent avec un domaine mucine porté par leurs ligands (MadCAM, GlyCAM), CX3CL1 qui posséde un tel domaine pourrait interagir non seulement avec son récepteur, mais aussi avec les molécules de la famille des sélectines participant activement à l’étape de roulement.
Les deux groupes de Fong et al. et de Haskell et al. ont décrit les caractéristiques de l’adhésion médiée par CX3CL1 membranaire238(Fig. 16) :
– L’étape de roulement, nécessaire à l’adhésion des leucocytes aux intégrines n’est plus requise en présence de CX3CL1.
– La capture des leucocytes est très rapide <60 millisecondes.
– Stable dans le temps >10 minutes.
– Stable au niveau des vaisseaux soumis à une forte pression sanguine comme c’est le cas dans les vaisseaux des glomérules du rein, dans les artères pulmonaires et dans les artères coronaires. Dans le cas d’inflammation au niveau de ces sites, la pression sanguine ne permettant pas le recrutement cellulaire via les interactions de faibles affinités entre les sélectines ou les intégrines avec leurs ligands, seul CX3CL1 serait capable de médier une adhésion des leucocytes tout à la fois rapide et stable 239.
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Table des matières
Partie 1- L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques
1. Définition
2. Historique
3. Les étapes de l’allogreffe
4. Les indications
5. Les sources de greffon
6. Choix du donneur
6.1. Les donneurs vivants
6.2 Le sang de cordons placentaires
7. Le conditionnement
7.1. Le conditionnement myéloablatif :
7.2. Le conditionnement d’intensité réduite :
8. Réaction du greffon contre la leucémie ou contre la tumeur (GVL ou GVT)
9. Complications
9.1. Complications infectieuses
9.2. Complications liées à la toxicité du traitement
9.3. Les conflits immunologiques
Partie 2. La GVH aiguë
1. Atteintes cliniques et descriptions histologiques
2. Physiopathologie
2.1. 1ère étape : activation des CPA
2.2. 2ème étape : activation des lymphocytes T du donneur
2.3. 3ème étape : phase effectrice induisant des lésions tissulaire
2.4. Implication de l’endothélium
3. Prophylaxie et traitement
3.1. Phase de traitement
3.2. Prophylaxie
3.3. Traitement initial de la GVHa
3.4. Traitement de la GVHa réfractaire ou dépendante des corticostéroïdes
3.5. Approches émergentes
Partie 3- Les chémokines et leurs récepteurs
3.1. Généralités
3.2. Structure et classification
3.3. Le rôle des chémokines et leurs récepteurs dans la GVHa
3.4. La chémokine CX3CL1 (fractalkine) et son récepteur CX3CR1
3.4.1. Structure de CXC3CL1
3.4.2. Expression de CX3CL1
3.4.3. Régulation de l’expression de CX3CL1
3.4.4. Le récepteur de CX3CL1, CX3CR1
3.4.5. Signalisation et fonctions induites par CX3CL1
3.4.6. L’effet de l’invalidation des gènes codant pour CX3CL1 et son récepteur
3.4.7. Implications de l’axe CX3CL1/CX3CR1 dans différentes pathologies (Fig. 17)
Etude expérimentale
1. Présentation synthétique de l’étude
1.1. Justification et objectif
1.2. Méthodologie
1.3. Résultats
1.4. Discussion et conclusions
2. Article scientifique
Discussion générale et perspectives
Références
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