Le rôle de l’anglais dans la maîtrise du français chez les étudiants plurilingues estonophones et russophones

No french words, please – English only. C’est en ces termes que nous avons été accueillis, à chaque rentrée scolaire de septembre en France, par nos enseignants d’anglais du collège comme du lycée. Cette incitation à ne pas utiliser notre L1, le français, a duré tout le long de notre parcours scolaire et universitaire, pour tous les cours de langues étrangères que nous avons suivis. C’est donc tout naturellement que lorsque nous avons commencé à enseigner l’anglais et le français, (en France, dans différents contextes éducatifs) nous n’avons autorisé qu’une seule langue en classe : la langue cible des apprenants. Au moyen de techniques assez strictes et punitives, ces règles ont été comprises et suivies par la plupart des élèves et encouragées par les collègues et l’institution.

Néanmoins, lorsque nous sommes parti enseigner le français à l’étranger il y a quelques années, ces règles n’ont pas eu la même portée et le même effet. Malgré des élèves motivés, mais débutants en FLE, nous n’arrivions pas, en n’utilisant que le français, à permettre un apprentissage plus assuré de la langue. Pour l’améliorer, nous avons envisagé l’idée d’utiliser une autre langue, commune à tous. Les résultats se sont avérés très positifs : nous avions en face de nous des élèves plus concernés, plus observateurs, n’hésitant pas à s’appuyer sur cette langue partagée par tous, l’anglais, pour en tirer des bénéfices d’apprentissages.

Il ne fait aucun doute que ces constatations faites dans nos classes de FLE à l’étranger nous ont poussé à approfondir la question de l’apport de l’anglais dans l’apprentissage du français et de ses représentations chez les apprenants FLE. De cette réflexion est ressorti un premier questionnement : une langue commune et maitrisée aussi bien par l’enseignant que par les apprenants, peut-elle servir de langue support à l’apprentissage d’une autre langue ?

Dans le prolongement de ce questionnement, nous avons dû faire le choix du public à observer. Nous l’avons trouvé durant notre stage de Master 2, lorsque nous sommes parti, pour une année scolaire, enseigner le français à l’université de Tartu, en Estonie. Nous avons donc sélectionné deux groupes distincts, issus de cultures différentes mais vivant sur le même territoire : les estonophones et les russophones.

On observe un fort plurilinguisme en Estonie, les conditions linguistiques et culturelles du pays, permettant la maîtrise de plusieurs langues par la majorité de la population. En effet, l’Estonie est partagée entre une communauté majoritaire estonophone et une minorité russophone. Depuis l’indépendance du pays en 1991, l’enseignement de l’estonien, seule langue officielle reconnue, est obligatoire (dans le secondaire), au contraire du russe, auparavant imposé comme langue unique durant l’occupation soviétique, mais abandonné de nos jours par la jeunesse estonophone (Korts, 2009 ; Lepsoo, 2018).

En plus du russe et de l’estonien, l’anglais s’impose comme une autre langue influente sur le territoire (mais sans statut officiel, pour reprendre le terme de Verschik et Kask, 2019 : 4), favorisé notamment par le développement de l’économie numérique (l’Estonie du XXIème siècle est à la pointe des startups technologiques, les plus connues internationalement étant Skype® et Bolt® ), la communication internationale et les échanges globalisés. L’allemand et le français essayent également de se maintenir, alors que d’autres langues indo-européennes et asiatiques tentent difficilement de se faire une place.

Ayant conscience qu’une majorité d’estonophones et de russophones déclarent avoir des bases d’anglais (respectivement 75% et 56% de la population concernée selon l’Institute of Baltic Studies, 2017), l’université de Tartu propose des cours de FLE en base anglaise à tous les étudiants inscrits dans un de ses programmes universitaires. Cela signifie que si, en cours de FLE, l’emploi de l’anglais s’avère nécessaire (pour des demandes de clarifications, d’explications, ou d’informations), les élèves et le professeur sont encouragés à l’utiliser. Les cours pour débutants (A1) sont principalement visés puisque la mention on the basis of English est même inscrite dans la dénomination du cours. Pour autant, il est convenu et accepté que tous les cours de FLE de l’université peuvent nécessiter l’emploi de l’anglais. Cette disposition a également été une raison pour nous d’orienter l’angle de recherche de notre mémoire. En effet, selon Castellotti (2001), la L1 doit être encouragée en classe de langue. Mais si cette L1 n’est pas maitrisée par tous les acteurs présents dans la classe, notamment l’enseignant, est-il possible de mettre en place des stratégies pour tout de même permettre un meilleur apprentissage d’une L3 ?

De par notre configuration de stage, nous considérons possible l’utilisation, comme langue support, d’une L2 commune aux apprenants et à l’enseignant (à savoir, dans notre cas, l’anglais), dans nos classes de FLE. Si, comme Castellotti (2001) l’encourage, l’utilisation de la L1 favorise l’apprentissage d’une L2, nous pourrions admettre que la L2 puisse également jouer un rôle dans l’apprentissage d’une L3.

Partant de ce postulat, l’un des objectifs de notre étude nous mènera à réfléchir sur la (les) langue(s) que les enseignants de FLE doivent utiliser dans leurs cours, pour avoir de meilleures méthodes d’enseignement et mieux s’adapter à un public plurilingue. Les étudiants qui assistent à nos cours de FLE sont bilingues voir plurilingues, de langue première russe ou estonienne. Les étudiants russophones maîtrisent, pour la plupart, l’estonien (la langue étant obligatoire au lycée depuis l’indépendance du pays) alors que les étudiants estonophones ont, pour la plupart, peu de connaissances en russe (Institute of Baltic Studies, 2017). Cependant, comme l’anglais est obligatoire au lycée et que nous sommes dans un cours universitaire de FLE en base anglaise, nous considérerons que les étudiants testés ont tous l’anglais comme L2. De plus, dans le cas où certains étudiants ne seraient pas anglophones, des cours de FLE en base estonienne sont également proposés. Nous envisageons donc l’hypothèse que les apprenants font potentiellement le choix de leur langue d’appui pour les cours de FLE, en fonction de possibles bénéfices/apports linguistiques qu’ils pourraient en tirer pour leur apprentissage.

Dans ce contexte, le rôle de l’enseignant de langue est extrêmement important : il doit réussir à transmettre des connaissances et donner envie d’apprendre à ses élèves plurilingues grâce à l’utilisation de la langue cible et d’une langue support. Le développement de la compétence plurilingue (et pluriculturelle) est au cœur de l’orientation éducationnelle proposée par le CECRL (2001). Il encourage l’enseignant à utiliser plusieurs langues en classe, en fonction des situations d’apprentissage :

Il est possible de procéder à des changements de codes en cours de message, de recourir à des formes de parler bilingue. Un même répertoire, plus riche, autorise donc aussi des choix, des stratégies d’accomplissement de tâches, reposant sur cette variation interlinguistique, ces changements de langue, lorsque les circonstances le permettent. (CECRL, 2001 : 105).

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Table des matières

PARTIE I – INTRODUCTION-CONTEXTE
Chapitre I. Origine de la réflexion
Chapitre II. Le CECRL, base de notre questionnement
PARTIE II – CONCEPTS THÉORIQUES ET PROBLÉMATIQUE
Chapitre I. L’Estonie et l’estonien
1.1. Terminologie Russophone-Estonophone
1.2. Brève histoire linguistique de l’Estonie
1.3. Les langues en contact en Estonie
1.4. L’enseignement des langues en Estonie
1.5. La place du français dans l’enseignement et dans la société estonienne
Chapitre II. Monolingue/Bilingue/Plurilingue : rappels et définitions
Chapitre III. L’anglais langue d’appui pour l’apprentissage du français
3.1. Utilisation d’une autre langue en classe de langues étrangères
3.2. L’anglais, la plus latine des langues germaniques
3.3. Le modèle des Septs-Tamis de Klein et Stegmann
3.4. Les représentations sur l’anglais comme langue passerelle dans l’apprentissage du français
Chapitre IV. Acquisition d’une L3
4.1. Influence translinguistique
4.2. Williams et Hammarberg – l’hypothèse du Statut de la L2
4.3. Les facteurs favorisant l’influence translinguistique
Chapitre V. Questions de recherche et hypothèses
PARTIE III – PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE ET DU RECUEIL DES DONNÉES
Chapitre I. Contexte d’enseignement et méthodologie
1.1. Contexte
1.2. Outils méthodologiques
PARTIE IV – RÉSULTATS
Chapitre I. Questions générales sur les langues
1.1. Biographie langagière des apprenants
1.2. Début de l’apprentissage de l’anglais et du français
1.3. Les raisons évoquées concernant l’apprentissage de l’anglais et le français
1.4. Conclusion
Chapitre II. Niveau d’acquisition et différentes utilisations de la langue d’appui
2.1. Le niveau en langue des apprenants estonophones et russophones
2.2. Les données utilisées
2.3. Leur appui sur l’anglais, en fonction de la classe qu’ils fréquentent à l’université
2.4. Leur appui sur l’anglais en fonction de leur propre jugement concernant leur niveau
Chapitre III. Représentations vis-à-vis de l’anglais
3.1. Présentations des questions utilisées
3.2. Place de l’anglais en Estonie
3.3. Résultats généraux aux questions 2.10 à 2.14
3.4. Représentations et appui sur l’anglais
3.5. Conclusion

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