Le rôle de la similarité des traits des espèces et des conditions environnementales dans la synchronie locale entre espèces de papillons

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Mesurer la stabilité temporelle des communautés d’espèces

En l’absence de perturbations extérieures, les composantes d’un système écologique, comme l’abondance totale d’une communauté, vont tendre vers un état appelé état d’équilibre et qui dépend des conditions initiales des abondances des espèces de la communauté. Cet état d’équilibre peut être un point (ou un vecteur dans le cas de plusieurs espèces), auquel cas l’abondance des espèces ne change pas en l’absence de perturbations. Il peut également être dynamique en raison des interactions entre espèces (Ives and Carpenter, 2007; Kendall et al., 1999; Krebs et al., 1995).
Lorsque l’on veut mesurer la stabilité d’un système, on peut s’intéresser à plusieurs caractéristiques de ce système, comme sa stabilité temporelle, sa résistance ou encore sa résilience (Figure 1) (Grimm and Wissel, 1997; Ives and Carpenter, 2007; McCann, 2000). La résistance d’un système écologique correspond à sa capacité à rester proche de son état d’équilibre malgré une perturbation. Plus l’écart avec l’état d’équilibre est faible, plus le système est stable. La résilience d’un système écologique représente le temps que met le système à retourner à son état d’équilibre après une perturbation, et à quel point le système parvient à revenir à un état proche de l’état d’équilibre initial. Un temps de retour à l’équilibre court est synonyme de système stable. La stabilité temporelle fait référence à l’amplitude des variations générées par des perturbations répétées au cours du temps autour de l’état d’équilibre du système. Un système stable est un système avec des variations de faible amplitude. Enfin, selon l’intensité de la perturbation, on peut observer des changements d’état d’équilibre. Dans ce cas la stabilité du système reflète la probabilité de passer de l’état d’équilibre initial à un nouvel état d’équilibre. Plus la probabilité de changer d’état est faible, plus le système est stable. Le nouvel état d’équilibre peut lui être plus ou moins stable que l’état d’équilibre précédent.

La relation entre diversité et stabilité des communautés

La relation entre la diversité et la stabilité a été abondamment étudiée depuis les travaux théoriques de MacArthur (1955) et le débat suscité par les prédictions de (May, 1973, 1972) en contradiction avec celles de MacArthur. MacArthur prédit que les communautés plus riches sont plus stables, du fait d’un plus grand nombre d’interactions proies-prédateurs, ce qui diminue la force de chacune d’elles et permet des fluctuations moins importantes des populations (MacArthur 1955). Cette démonstration théorique pose les bases d’une relation positive entre diversité et stabilité. Elle s’inscrit dans la démarche de MacArthur d’expliquer les observations de variations d’abondance des espèces au cours du temps, et met en avant le rôle des interactions entre espèces. Elton (1958) prédit lui que les communautés plus pauvres sont plus sensibles aux perturbations, avec une plus grande probabilité que des populations s’éteignent, augmentant ainsi le risque d’invasion. Cette prédiction provenait de l’observation que les communautés simplifiées par l’agriculture montraient de plus grandes fluctuations et de plus nombreuses invasions, et que les forêts boréales, moins riches, étaient plus sujettes aux explosions démographiques d’insectes que les riches forêts tropicales. Elton fait donc intervenir les perturbations et le lien entre diversité et capacité de résister à ces perturbations.
Puis dans les années 70, Gardner and Ashby (1970), May (1972) et Pimm and Lawton (1978) prédisent qu’une augmentation de la complexité diminue la probabilité d’équilibres stables. Ces nouvelles théories sont à l’origine du débat sur la relation entre la diversité et la stabilité temporelle de la biomasse ou de l’abondance des communautés. Ce débat va produire des résultats contrastés sur la relation diversité – stabilité entre les études, notamment sur des communautés de plantes, de plancton ou d’arthropodes (Frank and McNaughton, 1991; Hurd and Wolf, 1974; Hurd et al., 1971; Margalef, 1968; McNaughton, 1968; Mcnaughton, 1978; McNaughton, 1985; Mellinger and McNaughton, 1975; Singh and Misra, 1969; Smedes and Hurd, 1981; Zaret, 1982).
Aujourd’hui il existe un consensus sur l’existence d’une relation positive entre la richesse et la stabilité des communautés, notamment depuis les travaux expérimentaux sur les communautés de plantes (Tilman and Downing, 1994). Cette relation a été prédite théoriquement (Yachi and Loreau, 1999) (Figure 3), montrée expérimentalement sur la stabilité de la biomasse totale de communautés de plantes (Hector et al., 2010; Kuiters, 2013; Tilman et al., 2006) et expérimentalement et empiriquement sur l’abondance totale de communautés animales (Downing et al., 2014; Schaefer et al., 2012; Thibaut et al., 2012) (Figure 4).
Cependant, l’existence de tels résultats contradictoires depuis le début de l’étude de la relation entre diversité et stabilité temporelle suggère une relation dépendante du contexte dans lequel se place l’étude et du type de communauté étudié (Jiang and Pu, 2009) (Figure 4). La diversité des traits des espèces, de leurs interactions et des conditions environnementales selon les milieux peut expliquer ces variations. Cela montre l’importance de continuer à étudier le lien entre diversité et stabilité temporelle, notamment dans le contexte des changements globaux et de l’impact des perturbations environnementales sur la biodiversité.

La relation entre diversité et stabilité des populations

Comme détaillé précédemment, la stabilité des populations peut affecter la stabilité des communautés via des changements du coefficient de variation moyen des populations et de l’abondance ou biomasse relative des espèces dans la communauté (evenness). Les études sur la relation entre diversité et stabilité des populations ont montré des résultats contrastés (Hooper et al., 2005). D’après une méta-analyse de Jiang and Pu (2009), la relation entre la diversité et la stabilité des populations semble dépendre du contexte dans lequel les études se placent (Figure 5).
Les études basées sur des communautés à plusieurs niveaux trophiques mettent en évidence une relation positive entre diversité et stabilité des populations (Jiang and Pu, 2009). Ce résultat suit ceux de Thébault and Loreau (2005, 2006) qui ont montré que la relation diversité– stabilité des populations au sein d’une communauté dépend des interactions entre niveaux trophiques. Ces résultats mettent en avant l’augmentation d’interactions trophiques faibles avec l’augmentation de la diversité, qui stabilise les populations, et est en accord avec les hypothèses initiales de MacArthur (1955) concernant un rôle stabilisateur de l’augmentation des relations proies-prédateurs via une diminution de la pression de prédation sur chaque espèce.
L’augmentation de la diversité peut entraîner une augmentation de la compétition entre espèces et ainsi déstabiliser les populations (Loreau and de Mazancourt, 2013). Cependant, la complémentarité, comme par exemple l’utilisation de ressources différentes par les plantes, peut diminuer la compétition entre espèces et stabiliser les communautés. Cadotte et al. (2012) ont ainsi montré un lien positif entre diversité phylogénétique et stabilité des populations, expliqué par l’utilisation de ressources différentes par des espèces phylogénétiquement éloignées. La diversité phylogénétique, en reflétant la diversité de traits entre les espèces, pourrait expliquer les relations entre diversité et stabilité des populations dues aux interactions entre espèces autrement que la richesse spécifique, habituellement utilisée comme mesure de diversité. De plus, l’effet de sélection peut modifier les rapports de dominance entre espèces et affecter la stabilité moyenne pondérée des populations en lien avec la diversité (Loreau and Hector, 2001).
Les interactions entre espèces comme les relations proies – prédateurs et la compétition semblent être les principaux mécanismes influençant la relation entre la diversité des communautés et la stabilité des populations. La méta-analyse de Jiang and Pu (2009) montre des différences notables entre études expérimentales et empiriques, ou entre études comportant un ou plusieurs niveaux trophiques. Mougi and Kondoh (2012) prédisent que la diversité d’interactions entre espèces augmente la probabilité d’un équilibre stable localement. Les assemblages d’espèces utilisés en conditions expérimentales peuvent s’avérer être peu représentatifs la complexité des assemblages en milieux naturels (Dıaź et al., 2003). Les études en milieu naturel et prenant en compte différents taxons sont ainsi nécessaires pour intégrer l’ensemble des interactions qui stabilisent les populations dans les communautés naturelles.

La relation entre diversité et synchronie entre espèces

Le rôle stabilisateur de l’asynchronie à l’échelle des communautés et sa relation positive avec la richesse spécifique ont été montrés, expérimentalement comme empiriquement (Downing et al., 2014; Hector et al., 2010; Morin et al., 2014; Sasaki et al., 2019). Les dynamiques compensatoires peuvent être le résultat d’interactions entre espèces ou de réponses différentes aux variations des conditions environnementales (Gonzalez and Loreau, 2009; Loreau and de Mazancourt, 2008, 2013). Cependant, la similarité des réponses des espèces aux variations des conditions environnementales semble être le principal mécanisme qui influence l’asynchronie entre espèces (Ives et al., 1999; Tredennick et al., 2017).
La variation des réponses aux conditions environnementales implique des traits de réponses différents entre les espèces, relatifs au comportement ou aux conditions physiologiques (Hofmann and Todgham, 2010; Oliver et al., 2015). Par exemple, les traits des arbres liés à leur sensibilité à la sécheresse (O’Brien et al., 2014), les traits des abeilles qui ont un effet sur leurs réponses à la perte d’habitat, l’agriculture ou les feux (Williams et al., 2010), ou les traits des plantes qui influencent leur croissance et leur survie selon les conditions de ressources (Reich, 2014). En augmentant la diversité d’une communauté cela augmente les chances que celle-ci contienne des espèces capables de réagir différemment aux conditions environnementales. La diversité phylogénétique, en reflétant une diversité de traits de réponses différents aux conditions environnementales, pourrait expliquer une stabilisation des communautés via l’asynchronie entre fluctuations des populations. Le lien entre synchronie et similarité de traits a déjà été mis en évidence, par exemple avec le type de ressource utilisée par les chenilles de papillons (Raimondo et al., 2004a). Les espèces se nourrissant du même type de plantes montraient une plus grande synchronie entre elles qu’avec les espèces se nourrissant sur d’autres types de plantes.

Perturbations, diversité et stabilité des communautés d’espèces

Pour résumer, les interactions entre espèces et les réponses des espèces aux variations des conditions environnementales vont affecter la stabilité temporelle des communautés. Des changements de diversité, en terme de richesse ou de diversité de traits, peuvent affecter ces interactions, par exemple en diminuant les pressions de prédation, ainsi que diversifier les réponses aux conditions environnementales en augmentant la diversité de traits de réponses au sein des communautés. On peut s’attendre à ce que les interactions et les traits de réponses varient selon les groupes taxonomiques, suggérant l’importance d’étudier la relation diversité – stabilité dans des communautés de taxons différents et dans des conditions naturelles. De plus dans un contexte de changements globaux, les perturbations environnementales pourraient affecter directement la stabilité temporelle des communautés via la stabilité des populations et l’asynchronie, mais aussi via des changements d’abondance et de diversité. Il est donc nécessaire d’intégrer ces perturbations afin de comprendre leur impact sur la stabilité temporelle des communautés, pouvant refléter la stabilité des fonctions des écosystèmes.
Dès le début de l’intérêt pour la relation diversité – stabilité, MacArthur suppose que les fluctuations des populations pourraient être influencées par des variations environnementales de la disponibilité en énergie, ou des variations de la mortalité (MacArthur, 1955). Dans le contexte actuel des changements globaux, les perturbations environnementales induites par les activités humaines peuvent modifier les conditions environnementales et leurs variations, et affecter à de multiples niveaux la stabilité des communautés et donc le fonctionnement des écosystèmes. Si les effets des perturbations anthropiques sur la diversité, l’abondance ou la biomasse des communautés sont déjà connus (Ceballos et al., 2015; Inger et al., 2015), leurs effets directs sur les composantes de la stabilité des communautés le sont moins. De plus, certaines études montrent des effets directs des perturbations sur la stabilité des populations ou la synchronie (Blüthgen et al. 2016; Oliver et al. 2010), lorsque d’autres études montrent un effet via la diversité des communautés (Hautier et al., 2015).
Ces perturbations peuvent être de différentes natures et affecter les écosystèmes de plusieurs façons (Bender et al., 1984). Par exemple, des évènements climatiques extrêmes, ou des pollutions vont perturber le système étudié de façon brève et plus ou moins importante selon son intensité. Le système va être affecté au moment de cet évènement, avec potentiellement un retour vers son état initial selon ses caractéristiques. Ces perturbations sont appelées perturbations ponctuelles (« pulse » en anglais) (Figure 6A). Les perturbations permanentes (« press » en anglais) (Figure 6B), sont elles installées dans le temps et affectent progressivement le système. L’augmentation de la température dans un milieu, ou la dégradation des habitats par l’urbanisation ou l’agriculture sont des perturbations permanentes. Les perturbations permanentes vont ainsi éloigner le système de son état initial, par exemple en diminuant l’abondance des populations d’une communauté. Que ce soit pour les perturbations ponctuelles ou permanentes, la réaction du système va dépendre de ses caractéristiques, comme le nombre d’espèces. Ainsi, après une perturbation ponctuelle, le système aura dévié de son état initial plus ou moins selon sa résistance, et pourra y revenir plus ou moins selon sa résilience. La répétition de perturbations ponctuelles va faire plus ou moins osciller le système autour de son état initial selon sa stabilité temporelle. En présence d’une perturbation permanente, le système va s’écarter progressivement de son état initial (Ives and Carpenter, 2007).
Des changements de diversité peuvent également être vus comme des perturbations. Ainsi, l’invasion d’un écosystème par une espèce exotique va perturber l’état dans lequel se trouvait l’écosystème avant l’invasion (Figure 6D). Les perturbations peuvent entraîner un changement définitif d’état d’équilibre (May, 1977; Scheffer and Carpenter, 2003), comme lors d’extinction d’espèces (Figure 6C). L’extinction d’une espèce suite à une perturbation va engendrer une nouvelle perturbation, du fait de la perte de sa fonction dans le système, mais également des interactions que les autres espèces avaient avec elle.
Figure 6. Exemples de perturbations (extrait de Ives and Carpenter (2007)). Les flèches représentent le moment où la perturbation a lieu. Pour les perturbations ponctuelles (A), chaque courbe correspond à l’évolution de la densité d’une espèce au cours du temps. A.1 représente la réponse des espèces à une perturbation ponctuelle, et A.2 correspond à une répétition de perturbations ponctuelles qui à chaque fois modifient la densité des espèces. Une perturbation ponctuelle peut ainsi conduire à l’extinction d’une ou plusieurs espèces. Pour les perturbation permanentes (B), les deux figures représentent l’évolution des densités à l’équilibre de deux espèces en présence d’une perturbation continue, par rapport à leur point d’équilibre initial. B.1 la perturbation mène à l’extinction d’une des deux espèces. B.2 la perturbation mène à un nouvel équilibre (cyclique dans ce cas) où les deux espèces coexistent. L’extinction d’une espèce (C), représentée par la droite rouge, peut mener à des changements de densités des autres espèces présentes. C.1 toutes les espèces restantes survivent, mais dans un état différent de celui initial, C.2 l’extinction de l’espèce entraîne par la suite l’extinction d’autres espèces. Comme pour l’extinction, l’invasion (D) par une espèce peut modifier la densité à l’équilibre des autres espèces du milieu (D.1), jusqu’à l’extinction de certaines d’entre elles et donc un changement par rapport à l’état initial (D.2).
Les perturbations environnementales sont responsables de déclins d’abondance des espèces. L’impact des changements globaux sur l’abondance des espèces est l’un des plus médiatisés (Foucart 2018). Par exemple, des études ont montré que 41% des espèces d’insectes sont en déclin (Sánchez-Bayo and Wyckhuys, 2019), ainsi que les espèces d’oiseaux communs en Europe (Inger et al., 2015). Le déclin peut à terme mener à l’extinction d’espèces. Le rôle des changements globaux sur les extinctions est assez bien documenté (Ceballos et al., 2015; Pimm et al., 2014), avec par exemple la perte de 50% de l’aire de distribution de mammifères (Ceballos and Ehrlich, 2002), représentant des extinctions locales.
En plus d’affecter la quantité des fonctions réalisées par les espèces (Potts et al., 2010), ces déclins et extinctions peuvent également affecter la stabilité temporelle des communautés via la stabilité des populations et l’asynchronie. Les déclins d’abondance peuvent modifier les rapports de dominance au sein des communautés et affecter la stabilité moyenne pondérée des populations. De plus, les extinctions auxquels les déclins peuvent conduire vont déstabiliser les communautés via la diminution de la diversité (Hautier et al., 2015). L’assemblage des communautés, notamment la diversité des traits fonctionnels, est influencé par les conditions environnementales dans lesquelles se trouvent les communautés (Lebrija-Trejos et al., 2010). La dégradation des habitats et la simplification des paysages du fait de l’agriculture ou de l’urbanisation peuvent orienter le filtre environnemental sur les communautés (Gámez-Virués et al., 2015). En diminuant la diversité de traits, ces perturbations peuvent affecter la diversité de réponses aux variations des conditions environnementales. Enfin, les perturbations environnementales peuvent affecter directement les deux composantes de la stabilité temporelle des communautés, la stabilité des populations et la synchronie entre espèces. Par exemple, l’intensification de l’utilisation des sols (Blüthgen et al. 2016) et l’eutrophisation (Hautier et al. 2014) augmentent la synchronie entre espèces au sein des communautés. Oliver et al. (2010) ont montré eux que la diminution de la diversité des habitats diminue la stabilité des populations de papillons. Cependant, si l’impact des perturbations anthropiques sur le déclin de la biodiversité est relativement bien documenté (Pimm et al., 1995; Sala et al., 2000), celui sur la stabilité des communautés est encore mal connu (Donohue et al., 2016), notamment en ce qui concerne le rôle des traits des espèces. Comprendre comment les perturbations dues aux changements globaux affectent la stabilité temporelle des communautés, proxy de la stabilité temporelle des fonctions des écosystèmes est primordial afin d’orienter les politiques de conservation et de gestion vers des décisions efficaces pour maintenir le fonctionnement des écosystèmes et les services qu’ils fournissent stables.

Un impact des perturbations dépendant du contexte et du taxon

Dans cette seconde partie, je discute et compare les résultats concernant l’impact des perturbations environnementales sur la stabilité temporelle de l’abondance des communautés, et leur rôle dans la relation entre diversité et stabilité.
Le second point central de cette thèse, commun aux trois chapitres, est l’intégration des perturbations environnementales, résultat des activités humaines, dans l’étude de la stabilité des communautés. Dans le cadre de ces études, j’ai notamment pris en compte des perturbations permanentes du paysage, comme l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols, ou l’intensification agricole. Ces perturbations dégradent les habitats et simplifient les paysages. Elles sont responsables d’une diminution de la diversité et de l’abondance des espèces, mais également de filtres qui modifient les assemblages, pouvant ainsi simplifier la diversité de traits ou de fonctions au sein des communautés (Ekroos et al., 2010; Gámez-Virués et al., 2015; McKinney, 2006; Olivier et al., 2016; Potts et al., 2010). Enfin, la diminution de la diversité et de la quantité d’habitats offre moins de possibilités aux espèces pour affronter des évènements et des conditions météorologiques délétères (Oliver et al., 2010).
Dans le premier chapitre, j’ai mis en évidence pour les trois taxons un effet négatif de la dégradation des habitats sur la stabilité des communautés, principalement via la déstabilisation des populations. Comme pour la corrélation positive entre diversité et asynchronie, cet effet va dans le même sens pour les trois taxons. Cependant, le type de dégradation des habitats qui déstabilise les populations n’est pas le même pour tous les taxons. La sensibilité aux perturbations environnementales pourrait ainsi dépendre des traits des espèces, soulignant la nécessité d’étudier le rôle des perturbations sur différents types d’organismes pour avoir une vision globale de l’impact des changements globaux sur la stabilité des communautés et écosystèmes. La complexité et la spécificité des relations entre les espèces et leur habitat demande une prise en compte adaptée des perturbations telles que la dégradation des habitats en fonction du taxon étudié (Jeanmougin, 2017). Un autre point important de cette étude réside dans le fait que la dégradation des habitats affecte la stabilité des populations principalement de façon directe, plus qu’à travers des diminutions de richesse spécifique et de diversité phylogénétique, pour les trois taxons.
Dans le premier chapitre, je ne montre pas de lien direct entre dégradation de l’habitat et synchronie entre populations, en contradiction avec de précédentes études (Blüthgen et al., 2016; Xu et al., 2015). Dans le chapitre 2, je montre des corrélations significatives entre synchronie et perturbations environnementales. Ces différences observées entre mes deux chapitres, et avec d’autres études, pointe le rôle contrasté de perturbations environnementales différentes sur la stabilité des communautés. Les perturbations environnementales qui affectent la synchronie entre espèces dans le chapitre 2 correspondent à des variations interannuelles de conditions météorologiques. Comme nos mesures de stabilité et de synchronie sont également basées sur des variations interannuelles, il est cohérent que ces perturbations basées sur des variations interannuelles influent la synchronie, via un effet sur la survie et la reproduction d’année en année. Les perturbations intégrées dans le chapitre 1 sont des perturbations de type permanentes, reflétant la quantité et la qualité de l’habitat. Ces perturbations ne sont pas susceptibles de présenter de fortes variations interannuelles et sont donc moins à même d’affecter la synchronie entre espèces. Cependant, elles peuvent avoir un effet sur la capacité des espèces à répondre à des variations de conditions environnementales de type météorologiques.
En effet, dans le chapitre 2, le contexte paysager semble jouer le rôle de modulateur des effets synchronisant des conditions météorologiques. En offrant plus d’habitats ou de refuges, le paysage permettrait ainsi aux espèces de moins subir des conditions délétères. Cet effet peut être perçu de la même façon avec la stabilité des populations. Ainsi, on peut imaginer que dans des habitats très dégradés, les populations sont plus exposées aux conditions météorologiques, et donc potentiellement moins stables. L’absence de corrélation entre dégradation des habitats et synchronie dans le chapitre 1 pourrait être due à une répartition homogène des sites dégradés et non dégradés au sein du gradient de variabilité météorologique et climatique. Ces résultats suggèrent d’intégrer dans les analyses sur l’impact des perturbations sur la stabilité temporelle plusieurs types de perturbations, notamment lorsqu’elles sont de types différents (ponctuelles, permanentes).

L’impact des déclins d’abondances et des risques d’extinctions sur la stabilité temporelle des communautés à l’échelle régionale

Dans cette troisième partie, je vais discuter des résultats du chapitre 3, dans lequel j’ai étudié la synchronie à l’échelle régionale. Les résultats présentés dans ce manuscrit nécessitent encore d’être développés afin d’apporter plus d’informations sur l’impact des déclins d’espèces sur la stabilité à l’échelle régionale et de préciser les mécanismes associés, notamment liés aux traits des espèces étudiées.
Ce troisième chapitre n’intègre pas de perturbation environnementale explicite, mais analyse l’impact d’extinctions potentielles dues aux déclins d’abondance sur la stabilité à l’échelle régionale. Comme mentionné au début de cette discussion, le déclin de la biodiversité est considérée comme l’une des conséquences principales des changements globaux , qui se traduit par une diminution de l’abondance des espèces, pouvant mener à leur extinction (Ceballos and Ehrlich, 2002; Manne et al., 1999; Pimm et al., 2014). Ce déclin fait l’objet de suivis temporels pour comprendre quelles espèces déclinent et dans quelle mesure, résultant en l’estimation de tendances temporelles. Si les espèces en déclin sont également synchrones, on pourrait s’attendre à des extinctions de groupes d’espèces synchrones, réduisant par conséquence le potentiel de dynamiques compensatoires, en plus de diminuer la diversité des communautés. Dans cette étude j’ai mis en évidence des groupes d’espèces synchrones à l’échelle régionale, sans toutefois trouver de répartition particulière des tendances temporelles à travers les groupes d’espèces synchrones. Dans mon troisième chapitre, la tendance moyenne au sein des groupes d’espèces synchrones ne suggère pas d’extinctions de certains groupes d’espèces synchrones, qui affecteraient le potentiel de dynamiques compensatoires à l’échelle régionale. Ceci est dû aux espèces montrant des tendances temporelles d’abondance positive (Fox et al., 2015). Chez les papillons, des changements globaux comme le réchauffement climatique peuvent en effet améliorer les conditions environnementales dans certaines régions et permettre l’expansion de certaines espèces (Hill et al., 2002; Roy et al., 2001). Comme observé à l’échelle locale dans les chapitres 1 et 2, les différents types de perturbations tels que le réchauffement climatique ou la dégradation des habitats peuvent affecter différemment les papillons et donc leurs réponses à ces changements (Warren et al., 2001). De plus, comme pour la synchronie à l’échelle locale, la synchronie à l’échelle régionale pourrait être expliquée par des traits. Les résultats préliminaires de ce troisième chapitre suggèrent d’expliciter les perturbations qui peuvent intervenir à l’échelle régionale, mais également d’intégrer les traits des espèces. De plus, conduire ces analyses sur des données provenant de régions situées dans différentes gammes de latitudes pourrait montrer d’autres résultats du fait de tendances temporelles différentes selon les latitudes des sites et donc de modifications différentes des conditions environnementales dues au réchauffement climatique.

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Table des matières

Introduction
Les fonctions et services écosystémiques à l’épreuve du changement global
Mesurer la stabilité temporelle des communautés d’espèces
La relation entre diversité et stabilité des communautés
La relation entre diversité et stabilité des populations
La relation entre diversité et synchronie entre espèces
Perturbations, diversité et stabilité des communautés d’espèces
Contexte de la thèse
La relation diversité – stabilité dans les communautés animales naturelles et l’impact de la dégradation des habitats
Le rôle de la similarité de traits des espèces et des conditions environnementales sur la synchronie locale
Impact des tendances temporelles sur la stabilité des communautés via la synchronie entre espèces à l’échelle régionale
Chapitre 1. Relation diversité-stabilité dans les communautés animales naturelles et l’impact de la dégradation des habitats
Préambule aux chapitres 2 et 3 : Estimation d’abondances annuelles à partir de données de comptages
Chapitre 2. Le rôle de la similarité des traits des espèces et des conditions environnementales dans la synchronie locale entre espèces de papillons
Chapitre 3. L’impact des tendances temporelles d’abondance sur les dynamiques compensatoires entre espèces de papillons à l’échelle régionale
Discussion
Une relation diversité – asynchronie positive commune à travers les taxons versus une relation diversité – stabilité des populations dépendant des taxons
Un impact des perturbations dépendant du contexte et du taxon
L’impact des déclins d’abondances et des risques d’extinctions sur la stabilité temporelle des communautés à l’échelle régionale
Perspectives générales
Conclusion
Références de l’introduction et de la discussion 

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