Le role de la raison dans le domaine du connaitre

La notion de vérité est essentiellement inséparable de celle de l’existence et de l’activité humaine dans tous les cas. La vérité détermine l’existence et l’agir humain. Et, pour sa part, l’homme se trouve en perpétuelle quête de la vérité. C’est pourquoi, en réfléchissant sur le caractère fondamental de la vérité dans son rapport à l’existence et à l’agir humain, Jean Daujat affirme :

“La pratique constante de la vie, à chaque instant, suppose de la part de notre intelligence des affirmations vraies. Nous ne pourrions faire aucun compte s’il n’était pas vrai que 2 + 2 = 4. Et l’on arriverait en retard à tous ses rendez-vous si l’on ne connaissait pas en vérité le temps qu’il faut pour se rendre d’un endroit à un autre” .

Cela signifie que l’homme, de par son intelligence a strictement besoin de l’affirmation de la vérité pour agir. Dans cette citation, Jean Daujat prouve la valeur de cette nécessité par l’exemple du calcul et du rendez-vous. En fait, l’homme peut appliquer un calcul et donner un rendez-vous, parce que son intelligence admet que les vérités de calcul et du temps horlogé sont vraies et certaines. Ce ne sont que des exemples. Mais, en réalité, c’est toute notre vie qui suppose que nous devrions savoir quand et comment les affirmations de notre intelligence sont vraies avant de nous engager dans n’importe quel acte. Pour connaître, l’être humain possède deux facultés qui sont, d’après nous, différentes mais complémentaires et inséparables : la première concerne ses puissances sensorielles ; la seconde est la raison. Et que l’unité entre les sens et la raison fait la vérité comme un “caractère de ce qui est vrai” , c’est-àdire, là où il y a une conformité entre ce qu’on dit et ce qui est vrai dans la réalité.

Or, au XVIIe siècle, Descartes observe, en créant la base du rationalisme scientifique moderne, que la vérité est le fruit de la raison. Autrement dit, la vérité arrive uniquement par la raison en tant qu’un instrument général de la connaissance. Et que pour connaître, et surtout pour accéder à la vérité, l’être humain doit sacrifier au maximum ses puissances sensorielles et donner ensuite la priorité à la raison, à la faculté rationnelle. Car la raison est la puissance de bien juger le vrai d’avec le faux, tandis que les sens sont trompeurs. Ce qui fait que la vérité est une connaissance évidente sur la réalité : l’indubitable.

En effet, la vérité cartésienne se manifeste par la clarté et la distinction entre chacune des idées que nous avons sur la réalité. Le vrai est vrai, seulement lorsqu’il se manifeste clairement et distinctement dans la raison. De plus, pour parvenir à une vérité, l’homme doit bien conduire sa raison et avoir une capacité de chercher la vérité dans les sciences. D’où la nécessité de la “méthode” dans toute activité cognitive cartésienne. Descartes dit en effet :

“Nos sensations nous informent sur notre rapport avec les choses qui nous environnent sans nous dire ce qu’elles sont. Il n’y a que par la raison que nous pouvons accéder à l’être des choses, et donc à une connaissance certaine” . 

En d’autres termes, l’homme avec ses organes sensoriels, n’affirme que l’apparence extérieure de la réalité, c’est-à-dire, à partir de son rapport avec notre corps comme pure sensibilité, sans pour autant que nous soyons capables de les connaître réellement. Pour connaître, il faut qu’il y ait l’intervention de la raison comme seule faculté humaine de connaître. Chez Descartes, il n’existe qu’une seule vérité : la vérité scientifique. Cette vérité est accessible par le doute méthodiquement prouvé par la raison. C’est la raison qui nous pousse à réfléchir sur la notion de vérité dans son rapport avec la raison pour nos études philosophiques. Et puisque ce travail concerne la philosophie, nous avons jugé nécessaire de nous appuyer sur quatre grands philosophes. Notre choix s’est ainsi porté sur Descartes en tant qu’il est le véritable initiateur du rationalisme moderne ; sur Hegel, comme penseur idéaliste et systématique, sur Marx matérialiste et praticien et sur Ricœur dans la mesure où il est un philosophe qui a remarqué que la vérité est de l’ordre de l’implicatif, c’est-à-dire, que chacun est impliqué dans et par ce qu’il affirme ou connaît comme une vérité.

En tant que recherche de la vérité, on peut définir la philosophie comme une discussion : philosopher c’est discuter. Cela veut dire que la recherche de la vérité, en tant qu’objet de la philosophie, nécessite une discussion s’adressant en grande partie à Descartes, en tant que fondateur du rationalisme scientifique moderne. En effet, si nous admettons que la raison doit prouver l’indubitable, d’une part, et que d’autre part la connaissance réellement fondée ne consiste pas obligatoirement à une fixation de la connaissance, parce que l’homme comme le monde est un ensemble du devenir continuel. Pouvons-nous affirmer que la rationalité scientifique cartésienne est la seule voie d’accès à la vérité ? Ou en d’autres termes, pouvons-nous accéder à une connaissance véritable par seulement le principe d’abstraction ? Ainsi se pose la problématique proposé aux lecteurs de cette humble réflexion sur la notion de la vérité. La logique de notre problématique nous a donc imposé une démarche : réfléchir, en premier lieu, sur la raison comme principe de l’évidence cartésienne tout en montrant comment Descartes a créé la base de la rationalité scientifique moderne, tandis que la deuxième partie de notre travail sera consacrée à une lecture historique de la vérité. Nous réfléchirons ainsi sur le rôle de l’histoire dans le domaine du connaître selon la perspective de Hegel, de Marx et de Ricœur : de l’histoire comme nécessité de la vérité.

DE LA RAISON COMME PRINCIPE DE L’EVIDENCE CARTESIENNE

LE ROLE DE LA RAISON DANS LE DOMAINE DU CONNAITRE 

LA RAISON EST UN INSTRUMENT GENERAL DE LA CONNAISSANCE

“Mais, sitôt que j’eus achevé tout ce cours d’études, au bout duquel on a coutume d’être reçu au rang des doctes, je changeai entièrement d’opinion” . 

Descartes ne pense pas aux grades. C’est pourquoi, ayant juste achevé ses études, il quitte son collège en changeant son vouloir d’être reçu au rang des docteurs. Car ce ne sont pas les grades qui l’intéressent, mais plutôt la vérité à partir du jugement et de la distinction du vrai d’avec le faux. De plus, il remarque que ses contemporains ainsi que tous les illustres personnages qu’on lui a appris dans les livres, se trompent en bon nombre.

Aussi, plusieurs d’entre eux usent de leur savoir, seulement, au profit de l’argent et de tout ce qui est utile à la vie. Or, en lui-même, il voit clairement que le bon sens ou la raison est fait pour connaître, c’est-à-dire, juger et distinguer le vrai d’avec le faux. La raison est commune et égale à tous les hommes. Et que, face aux animaux qui sont essentiellement programmés, l’homme avec sa raison est le seul être non programmé. Ainsi, la raison permet à l’homme de connaître et de faire face à toutes les circonstances.

Et puisque la raison nous permet de connaître, tout en nous élevant audessus des animaux, nous sommes, de notre part, obligés de reconnaître que seule la raison est la maîtresse de notre connaissance. C’est à chacun de l’appliquer plus ou moins heureusement ! C’est ainsi qu’on doit dire que la raison est un instrument général de la connaissance. En effet, la raison peut tout connaître et toute connaissance doit être justifiée, précisée et garantie par la raison. Car, dans l’homme, elle est la seule faculté de connaître qui peut s’appliquer à toutes sortes d’occasion.

Néanmoins, il appartient à tout un chacun de bien cultiver sa raison afin d’être capable d’avancer, tant qu’il le puisse, vers la découverte de la vérité. Aussi, est-il nécessaire d’éviter l’erreur et de se donner des méthodes propres et efficaces pour y parvenir.

RAISONNER C’EST EVITER L’ERREUR

L’erreur se dit d’un acte de l’esprit qui tient pour vrai ce qui est faux ou inversement. Chez Descartes, il y a deux causes de l’erreur : la prévention et la précipitation. La première est la manière par laquelle on se sert de tout un ensemble de préjugements qu’on a enregistrés depuis l’enfance et la fréquentation des écoles sur la réalité. Et la seconde constitue une force intérieure qui pousse au jugement le plus vite possible, sans s’être assuré de la vérité de ce qu’on affirme. De là suit que pour éviter l’erreur, Descartes prend comme première des règles générales de l’évidence : la suspension de la prévention et la privation des précipitations sous toutes leurs formes. Celle-là consiste à tout ramener à neuf avec seulement la volonté rationnelle et personnelle de connaître. Celle-ci a pour but de réfléchir. En effet, la précipitation empêche la réflexion. Et lorsqu’on est privé de cette faculté, deux choses valent : soit la domination de l’expérience sensible, soit une acceptation d’affirmer une proposition sans fondement. En tout cas, toutes les deux empêchent l’intervention de la raison tout en menant l’homme à une connaissance erronée.

“[…] ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c’est-à-dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus à mes jugements, que ce qui se présenterait à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de la mettre en doute” . 

Il faut, dans ce cas, regarder la chose réellement existante en tant qu’elle se présente elle-même sans y appliquer ni préjugement, ni précipitation, pour pouvoir la connaître réellement afin de ne donner aucune possibilité de mettre en doute le jugement et la connaissance appréciés par la raison. Ainsi, délivrée de la possibilité de l’erreur, “la raison, faculté unique de connaître”, est capable de découvrir la vérité.

LA RAISON DECOUVRE LA VERITE

En tant qu’activité de connaître, la recherche de la vérité ne se limite pas au travail d’éviter l’erreur. Il faut ensuite, découvrir la vérité. Il ne suffit pas non plus de douter, mais il faut affirmer quelque chose parce que le monde comme la réalité, en tant que connaissable, n’est pas un pur incertain. Pour parvenir donc à la vérité Descartes propose des règles. Elles sont nombreuses. Malgré tout, nous avons jugé bon de ne citer que deux dans cette réflexion : celle de l’intuition comme base et fondement de la connaissance qui constitue la faculté de la connaissance immédiate à partir des idées les plus simples en tendant, de degré en degré ou d’étape en étape, vers la connaissance de toutes les autres, et de la déduction comme passage d’un terme à un autre tout en considérant leur rapport par l’intuition.

Pour que l’homme soit capable de découvrir la vérité, il faut qu’il soit capable de regarder la réalité dans toute sa simplicité par la lumière de l’intuition et d’appliquer cette dernière à la règle de la déduction (manière d’affirmer une vérité générale à partir d’un cas particulier). Bref, découvrir la vérité consiste à ramener toute possibilité de connaître à l’intuition et recevoir toute la réalité, en tant qu’objet de la connaissance, par le principe de la déduction. Cette manière dépasse les informations sensorielles. Et puisqu’il s’agit d’un travail purement rationnel, on peut dire que pour Descartes, la connaissance consiste à faire entrer la chose à connaître dans la raison. C’est pourquoi, Descartes juge comme nécessaire de se servir de la méthode afin de ne pas perdre inutilement l’énergie de sa raison. Parlons-en !

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : DE LA RAISON COMME PRINCIPE DE L’EVIDENCE CARTESIENNE
CHAPITRE I : LE ROLE DE LA RAISON DANS LE DOMAINE DU CONNAITRE
1.1.- LA RAISON EST UN INSTRUMENT GENERAL DE LA CONNAISSANCE
1.2.- RAISONNER C’EST EVITER L’ERREUR
1.3.- LA RAISON DECOUVRE LA VERITE
CHAPITRE II : DE LA METHODE COMME MOYEN POUR PARVENIR
A LA VERITE
2.1.- CARACTERISTIQUES DE LA VERITE CARTESIENNE
2.2.- LE PRINCIPE DE L’UNITE DES SCIENCES
2.3.- LA METHODE CARTESIENNE
CHAPITRE III : DE LA RAISON COMME COMPREHENSION DE LA VERITE MATHEMATIQUE
3.1.- LA PENSEE RATIONNELLE, COMPREHENSION DE L’EXISTENCE DU PHILOSOPHE LE COGITO
3.2.- L’IDEE DE DIEU COMME FONDEMENT DE LA CONNAISSANCE
3.3.- NOTICE SUR RENE DESCARTES
3.2.1.- SA VIE
3.2.2.- L’UNITE DU SAVOIR
3.2.3.- LA METHODE
3.2.4.- METAPHYSIQUE
3.2.5.- MATHEMATIQUE, PHYSIQUE ET PHYSIOLOGIE
3.2.6.- MORALE ET POLITIQUE
3.2.7.- RECEPTION ET POSTERITE DU CARTESIANISME
CONCLUSION
DEUXIEME PARTIE : REFLEXION SUR LE ROLE DE L’HISTOIRE COMME NECESSITE DE LA CONNAISSANCE
INTRODUCTION
CHAPITRE IV : CHEZ HEGEL, LA VERITE EST UNE DETERMINATION DIALECTIQUE ET CONCEPTUELLE DE LA REALITE DANS TOUTE SA TOTALITE
4.1.- LE ROLE DE L’HISTOIRE DANS LE MONDE COMME UNE CONTRADICTION
4.2.- LA CERTITUDE SENSIBLE EST DECLAREE INSUFFISANTE
4.3.- LA VERITE EST UN RETOUR DE LA CONSCIENCE EN SOIMEME : EN-SOI-POUR-SOI
4.4.- NOTICE SUR GEORG WILHELM FRIEDRICH HEGEL
4.4.1.- VIE DE HEGEL
4.4.2.- COURS ET PUBLICATIONS POSTHUMES
4.4.3.- INFLUENCES REÇUES
4.4.4.- AMBITION PHILOSOPHIQUE
4.4.5.- DIALECTIQUE
4.4.6.- SAVOIR DE SOI OU ABSOLU
4.4.7.- PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE
4.4.8.- ETHIQUE ET POLITIQUE
4.4.9.- INFLUENCE
CHAPITRE V : POUR MARX, LA VERITE SE CONFOND AVEC LA PRATIQUE
5.1.- LA QUESTION DU SAVOIR EST UNE QUESTION PRATIQUE
5.2.- LA RECHERCHE DE LA VERITE DOIT OBEIR A LA SOUPLESSE DU MONDE
5.3.- LE MATERIALISME DIALECTIQUE COMME MOYEN D’ACCES A LA VERITE
5.3.- LE NOTICE SUR KARL MARX
5.3.1.- SA VIE
5.3.2.- LE MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE
5.3.3.- EXIL POLITIQUE
5.3.4.- DERNIERES ANNEES
5.3.5.- INFLUENCE
CHAPITRE VI : CHEZ RICŒUR, LA VERITE EST UNE CONNAISSANCE PROGRESSIVE ET IMPLICATIVE SUR L’HISTOIRE
6.1.- L’HISTOIRE COMME DIALECTIQUE DE L’UN ET DU MULTIPLE
6.2.- DU RECIT COMME PRINCIPE DE LA CONNAISSANCE
6.3.- NOTICE SUR PAUL RICŒUR
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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