Le réveil des sentiments de peur, incapacité et culpabilité

Le réveil des sentiments de peur, incapacité et culpabilité

Approche Clinique d’une vie marquée par l’angoisse

Au cours de ma troisième semaine de stage, Dana déclare ne pas aller bien. Lors du premier entretien auprès de sa référente, Dana explique être angoissée car le prêtre de sa paroisse lui a demandé d’organiser « l’évènement du Pardon ». Cette demande vient déclencher l’angoisse chez Dana et mettre à jour les différents affects qui l’ont tourmentée tout au long de sa vie. La psychologue et moi avons rencontré Dana au cours de cinq entretiens, où la patiente nous a fait part de différentes thématiques de manière chaotique, car elle avait tendance à passer rapidement d’un sujet à un autre. J’ai donc décidé de ne pas présenter les entretiens de manière chronologique, mais d’aborder les différents axes présents dans la vie psychique de Dana.

Le réveil des sentiments de peur, incapacité et culpabilité

Une demande pas comme les autres

Au cours du premier entretien, comme s’il n’y avait pas de temps à perdre, Dana parle vite pour nous faire part de la raison de son angoisse. Elle nous dit : « Il y a une fête de la paroisse dimanche prochain et moi je m’en occupe toutes les années. Mais mon amie qui m’aidait a eu un cancer et elle pourra plus m’aider… ça me tracasse, ça fait beaucoup de choses ». Elle nous dit que depuis, ça ne va plus : « ça ne va pas…j’ai le courage à rien ». Elle est engagée malgré elle dans l’organisation de l’événement, ce qui représente trop de travail : «c’est moi qui amène et débarrasse tout… ça fait beaucoup à gérer ». On comprend au fur et à mesure, que cette angoisse qu’elle nous décrit est liée à la peur de ne pas pouvoir répondre aux exigences des membres de la paroisse. A ce sujet elle nous dit plusieurs fois : « Moi je me sens pas capable…ça m’inquiète vraiment qu’ils comptent tous sur moi ». Pour Dana, la demande du prêtre était une demande excessive qui prenait une ampleur importante dans sa vie : « le prêtre il me dit, ça va aller, t’inquiètes pas… mais moi je me sens pas capable ».

Le pardon de qui, le pardon de quoi ?

Dana poursuit en nous décrivant ses derniers jours sans goût à rien et ses journées au lit, et fait le lien entre cette baisse de morale liée au Pardon et ses dépressions qui ont ponctué sa vie. Elle se plaint du traitement et nous dit que depuis des années, elle prend les mêmes médicaments qui ne lui font plus rien. Elle parle de sa famille et de ses trois grossesses, c’est à ce moment que Dana nous dit « J’ai eu mon troisième enfant et après ça j’ai fait une fausse couche », elle hésite un moment puis elle reprend : « C’était un IVG même ». Dana a perdu 20 kilos pendant cette grossesse et a dû être internée à l’hôpital où son médecin lui conseilla un IVG. Elle dit qu’elle a très mal vécu d’interrompre sa grossesse, qu’elle ne pouvait en parler à personne car elle était chrétienne, « Je me suis confessée mais bon… ». Dana a gardé avec elle ce secret toute sa vie, même son mari pensait qu’elle avait fait une fausse couche : « Je ne pouvais parler à personne, j’aurais été mal jugée ». Dana est envahie par la culpabilité, et nous dit que c’est quelque chose « qu’elle n’arrivera pas à passer ».
Quand Dana nous fait part de ce secret gardé pendant plusieurs années, j’ai eu l’impression d’une boite de pandore qui s’était ouverte. En effet, à partir de ce premier aveu, Dana nous racontera les différents évènements de sa vie, teintés par la peur, la culpabilité et le sentiment d’incapacité.

L’enfance marquée par la défaillance

Une mère autoritaire et maltraitante

Dès le début des entretiens avec la psychologue, Dana revient sur des souvenirs douloureux en relation à sa mère. On ressentait à quel point cette relation avait été douloureuse et la nécessité de Dana de nous faire part de ses souvenirs. Ainsi, elle nous raconte trois souvenirs qu’elle nous délivre l’un après l’autre. Dana, de son plus jeune âge, a entendu sa mère dire qu’elle préférait son frère à elle : « Des fois les gens lui demandaient qui tu préfères, ta fille ou ton gars ?… ma mère disait J.C, devant moi… ça m’énervait ». Puis elle reste en silence quelques secondes, ce qui était rare chez Dana. Elle dit se souvenir quand elle avait trois ans, de son frère assis sur les genoux de sa mère. Elle voulait aller sur ses genoux elle aussi, mais sa mère lui a répondu « Pas toi, tu es grande maintenant ! » Dana nous dit à quel point ce souvenir lui faisait mal. Elle nous raconte ensuite que des années plus tard, elle a accueilli chez elle sa mère pour la soigner, lorsque celle-ci était en fin de vie. Mais ce fut une période difficile, sa mère lui disait souvent « Maintenant je te préfère toi qu’à J.C ». Dana exprime la douleur que lui provoquaient ces mots. Elle n’a pas verbalisé le lien entre ces deux premiers souvenirs et le dernier. Mais elle voulait nous dire que malgré le comportement sévère et froid de sa mère, elle a pour sa part toujours cherché l’amour de cette dernière. Plus tard dans l’entretien, elle nous raconte comment toute son enfance fut marquée par les disputes avec sa mère. Elles passaient parfois des jours sans se parler. Elle nous explique qu’elle devait souvent s’excuser auprès de sa mère, car elle était plus jeune. D’autre part, Dana a raconté au psychiatre qu’elle aidait sa mère dans les tâches du quotidien, mais que celle-ci lui disait souvent « Tu n’es bonne à rien ! ». Dana dit s’être « efforcée constamment pour changer ce jugement ».

Un père absent

Dana se réfère très peu à son père, et quand elle le fait elle prend beaucoup de distance. Elle nous dit que son père était souvent absent de la maison car il avait beaucoup de responsabilités et qu’elle ne le voyait que les dimanches. Ainsi, elle nous énumère ces occupations qui empêchaient son père de la voir régulièrement : « il avait beaucoup d’occupations : pompier, président d’une association de parents d’élèves, bénévole à plusieurs associations et il chantait dans une chorale ». Lors de l’un des entretiens, Dana nous dit que parfois quand son père rentrait les dimanches, c’était lui qui la défendait de sa mère. Une fois, il aurait dit à sa mère, « Tu arrêtes de parler comme ça à Dana ! ». Je remarque que pour Dana, l’absence réelle de son père est plus supportable car cette absence avait un sens pour elle.

Une rivalité avec le frère

L’histoire de Dana et de son frère J.C est marquée par l’ambivalence. Souvent quand Dana évoque un souvenir douloureux d’enfance, J.C est présent dans la scène. Le premier souvenir est celui qu’elle nous délivre par rapport à la préférence de sa mère vis-à-vis de son frère dont elle faisait part à tout le monde ouvertement, et la scène où sa mère refuse qu’elle aille sur ses genoux. Dès le début, Dana nous explique que sa relation avec son frère était conflictuelle, surtout qu’elle ne s’entendait pas non plus avec sa femme. Au début, Dana laisse entrevoir un ressentiment envers son frère. Mais au cours d’un entretien, elle nous raconte que lorsqu’elle avait treize ans, J.C est parti de la maison dans une autre ville. Elle dit qu’il lui manquait beaucoup, et qu’elle a senti de la solitude lors de son départ. Puis elle ajoute, « ce n’était pas facile d’être le seul enfant à la maison ». Pour pallier à cette absence, Dana mangeait avec les ouvriers employés par son père.

La marque de l’échec

Pour Dana, sa vie est marquée par les échecs qui se suivirent les uns après les autres. Durant les entretiens, elle nous fera part de ces évènements qui déclenchaient des dépressions chez elle.

Un passé psychiatrique

Dana a un passé marqué par des dépressions et des séjours en psychiatrie. Lors de notre premier entretien, Dana va nous décrire ses symptômes qui d’après son dossier, sont présents tout au long de sa vie. Elle explique rester souvent au lit, n’avoir de goût pour rien, elle souffre d’insomnie et ses repas sont complétement déréglés. Ainsi, elle nous dit « samedi et dimanche je reste au lit. J’ai peur de me lever, j’ai le courage à rien… je suis découragée de vivre. Je pense que si je n’étais pas chrétienne je serais plus là ».
Sur son dossier, j’ai pu avoir accès aux écrits des psychiatres lors de ses premières hospitalisations. Dana aurait fait sa première hospitalisation à vingt-six ans, après l’accouchement de sa dernière fille, car elle se plaignait d’un état de fatigue et de tristesse. La raison des hospitalisations décrites par les psychiatres sont toujours : un « sentiment de tristesse », « inhibition psychomotrice », « asthénie et aboulie » (diminution de la volonté et état de fatigue physique et psychique) et « découragement de vivre ». Lors d’une de ses hospitalisations, Dana écrit une lettre au psychiatre que j’ai pu lire dans son dossier : « Je sens un sentiment d’impuissance et de culpabilité…Je pense à deux amies et la femme de mon frère, au fond elles me considèrent sans me le dire comme une imbécile ». Une fois à l’hôpital, les psychiatres décrivent une patiente en plainte constante d’une mère autoritaire. De plus, Dana s’adresse souvent à son médecin généraliste. Ce dernier remarque une patiente « peu confiante en elle-même ». C’est lui qui a conseillé à Dana de suivre un psychiatre. Puis les hospitalisations s’enchainèrent les unes après les autres, toujours avec des symptômes dépressifs et un sentiment d’incapacité, d’infériorité et de grande culpabilité. Ainsi, je constate que Dana a un passé psychiatrique lié à ce qu’elle perçoit comme des échecs dans sa vie.

L’échec professionnel

Suite au premier entretien auprès de sa référente (infirmière), le premier entretien clinique auprès de la psychologue démarre. La psychologue demande à Dana, depuis quand sa dépression a commencé. Elle nous répond donc : « Ma première dépression a commencé lors du redoublement de mon BAC, c’est là que j’ai commencé à prendre des anxiolytiques». Dana avait très peur de sa mère, qui lui répétait constamment que si elle n’avait pas son BAC en redoublant, elle triplerait. J’avais « la trouille », nous dit-elle. Dana avait toujours été sous la pression de sa mère qui la faisait travailler beaucoup pour qu’elle réussisse. Elle explique que sa maman étant petite eut une maladie et qu’elle ne pouvait plus marcher, ni parler. A un moment, sa mère voulut reprendre l’école, mais ses camarades se moquaient et la poussaient souvent, elle abandonna donc l’école. Le contexte amena sa maman à une déscolarisation produisant un « grand sentiment d’infériorité ».
Dana voulait ne pas finir l’école et devenir couturière, mais sa mère la poussait à ce qu’elle achève sa scolarité. Pour elle, cela a eu des conséquences qu’elle remarque dans son quotidien, comme par exemple, ne même pas savoir faire des ourlets. Elle essaie de se rassurer et de nous rassurer en disant « Bon, le passé c’est le passé ». Dana ne veut pas avoir un diplôme ni réussir comme un but répondant à ses désirs. En effet dans son histoire, on voit à quel point elle a besoin de plaire à sa mère et de réussir à ses yeux. « Après l’école, j’ai fait une école de psychopédagogie, nécessaire pour enseigner… finalement j’ai pas eu le diplôme pour être enseignante… Ne pas avoir eu ce diplôme c’était un échec face aux exigences de ma mère ».
Dana portait un poids concernant ce passé qui était marqué par le redoublement de son BAC et la non-obtention du diplôme d’institutrice. Ces deux impasses représentaient pour elle l’échec.
Ces évènements ont sans doute une grande importance pour Dana et son liés à sa souffrance actuelle. Après coup, je me suis souvenue que Dana avait abordé le sujet au port, lors de notre première rencontre. C’était un évènement chargé d’émotions, qui venait confirmer ce qu’elle ressentait dès sa petite enfance : la peur, le sentiment d’incapacité et la culpabilité.

La question des rôles

Au cours des entretiens, je remarque la difficulté de Dana face aux différents rôles qu’elle doit assumer vis-à-vis de sa famille : être mère, devenir femme de son mari et grand-mère. Dana est plaintive, elle dit ne pas être à la hauteur pour être une bonne mère ou une bonne grand-mère.
Elle culpabilise et se sent déçue de ne pas pouvoir répondre aux attentes familiales.

Etre mère

Dana est mère de trois enfants, deux filles et un garçon. Au fur et à mesure qu’elle parle de ses premières grossesses, elle nous fait part de sa difficulté quant à devenir mère. Dana ne verbalise pas le regret d’avoir eu ses enfants, mais à travers ce qu’elle nous dit, on est amené à se poser cette question. Je remarque dans le discours de Dana, une difficulté surtout liée à la rapidité de sa maternité, comme si elle n’avait pas eu le temps de se préparer psychiquement. Elle nous dit que sa première fille, elle l’a eue à ses 21 ans et onze mois plus tard elle a eu son fils : « ça a été beaucoup trop vite ». Elle décrit ces moments comme une mauvaise période, avec beaucoup de surcharge pour elle, et ajoute : « J’étais tout le temps fatiguée et facile à énerver ». Cinq ans plus tard, deux grossesses se suivirent, elle accoucha de sa troisième fille, mais à sa quatrième grossesse, Dana ne supporta plus. « Au moment où j’ai eu cette grossesse, je vomissais tout, j’ai perdu 20 kilos en deux mois…je n’acceptais pas d’être enceinte à nouveau ».

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Table des matières
Introduction 
Partie 1: Présentation du dispositif de recherche
1. Présentation du lieu de stage
2. Contexte de la rencontre
a) La première rencontre
b) Le choix de Dana
c) Histoire psychiatrique
d) Eléments d’anamnèse
3. Eléments transférentiels et contre transférentiels
a) La solitude de Dana
b) Le choix du prénom
4. Cadre de la rencontre
a) Temps de recueil
5. Limites de la recherche
Synthèse
Partie 2 : Approche Clinique d’une vie marquée par l’angoisse
1. Le réveil des sentiments de peur, incapacité et culpabilité
a) Une demande pas comme les autres
b) Le pardon de qui, le pardon de quoi ?
2. L’enfance marquée par la défaillance
a) Une mère autoritaire et maltraitante
b) Un père absent
c) Une rivalité avec le frère
3. La marque de l’échec
a) Un passé psychiatrique
b) L’échec professionnel
c) La question des rôles
4. Dana et le refus du lien
a) Une suite de pertes
b) Solitude et dépendance
c) La vie sociale : une mise en scène
Synthèse 
5. Problématique de recherche
Partie 3 : Le Pardon un miroir du psychisme de Dana
1. L’actuel : un reflet du passé
a) La relation à la mère marquée par la frustration
b) L’ambivalence et la rivalité œdipienne avec la mère
c) Le Pardon : un maillon de chaînes associatives de la culpabilité
d) Souvenirs écrans et fantasme de destruction de la mère
2. Le réveil de la position dépressive
a) Séduction, avidité affective et théâtralisme : une maîtrise active contre l’angoisse
b) La chute du jeu de séduction : réactivation de l’angoisse dépressive
c) La répétition : un refus de guérison
3. La transmission de la honte au sein de la famille
a) La vie affective de Dana : dialectique entre honte et culpabilité
b) Une histoire traumatique ancestrale
c) Les enjeux du regard
d) Le « Porte-Honte » : transmission du vécu honteux entre mère et fille
e) Fantasme de transmission un moyen pour reprendre sa place
f) L’idéal du moi familial : un contrat narcissique
Synthèse
Conclusion
Bibliographie

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